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Quelle issue pour le Haut-Karabagh ?

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    Le Monde, France
    7 oct 2011


    Quelle issue pour le Haut-Karabagh ?


    Point de vue | LEMONDE.FR | 07.10.11 | 13h13 - Mis à jour le 07.10.11 | 13h13


    Depuis quelques mois, l'espoir renaît au Haut-Karabagh. Après la
    reconnaissance du Soudan du Sud aux Nations Unies et la demande
    officielle d'adhésion de la Palestine à l'ONU, la visite de Nicolas
    Sarkozy dans le Caucase du Sud les 6 et 7 octobre remet sur le devant
    de la scène ce conflit gelé.

    Ancienne région autonome, arbitrairement placée sous l'autorité de
    l'Azerbaïdjan en 1921, le Haut-Karabagh a déclaré son indépendance
    voilà vingt ans sans jamais être reconnu par la communauté
    internationale. Aujourd'hui, le petit pays peuplé d'Arméniens peine à
    se relever des quatre années de guerre qui ont fait dans les deux
    camps près de 30 000 morts, plus d'un million de réfugiés et laissé le
    territoire en ruines. Mais pour exister, se développer et espérer, un
    jour, être reconnu, le pays s'est doté de tous les attributs des Etats
    officiels : du président de la République aux tribunaux, en passant
    par le drapeau, l'hymne national, les ministères, la police, la
    Constitution, l'armée, ou encore les représentations étrangères. Un
    dispositif lourd mais symptomatique des efforts fournis pour adhérer
    aux normes internationales. Parallèlement, les négociations menées
    depuis vingt ans par le groupe de Minsk sous l'égide de l'OSCE sont
    restées vaines et l'arrivée des prochaines élections présidentielles
    d'Arménie et d'Azerbaïdjan en 2012 et 2013 offre une nouvelle occasion
    de radicaliser chaque position sur cette question d'envergure
    nationale.

    Pour autant, le Haut-Karabagh aurait-il tort d'espérer que l'agenda
    international joue en sa faveur ? Rappelons qu'en mars dernier, Alain
    Juppé, le ministre des affaires étrangères français, déclarait : "le
    principe du droit à l'auto-détermination des peuples constitue le
    principe fondamental de tout règlement de ce conflit ". Cette
    position, beaucoup moins neutre que celle adoptée habituellement par
    le quai d'Orsay, sonne comme un désaveu pour Bakou. De plus, le
    Printemps arabe a prouvé que les pays occidentaux étaient prêts à
    soutenir les élans populaires en faveur de la démocratie et de la
    liberté, par-delà les concepts juridiques. En Libye notamment, la
    France, suivie par l'Union Européenne puis par l'assemblée générale
    des Nations Unies, a reconnu le Conseil national de transition avant
    même la chute du colonel Kadhafi. La reconnaissance simultanée du
    Soudan du Sud est un nouvel acte fort de la communauté internationale
    qui s'aligne sur la volonté du peuple, à l'instar du président
    soudanais.

    Conflit gelé, conflit ouvert, il semble que les Etats membres de l'ONU
    ne veuillent plus entretenir ces vieilles poudrières, quitte à prendre
    une décision unilatérale, en désaccord avec les Etats parties au
    conflit. Certains n'ont ainsi pas attendu l'aval de la Serbie pour
    reconnaître le Kosovo voilà cinq ans.

    Pour autant, les Etats occidentaux, soucieux de conserver leur libre
    arbitre, soutiennent que ces positions se lisent au cas par cas et ne
    peuvent constituer une doctrine en soi, comme le rappelle le chercheur
    Bruno Coppieters. Mais au vue du contexte général, cette rhétorique
    s'avère de plus en plus difficilement défendable. Comme
    l'universitaire le souligne, seul le président russe soutient que
    "dans les relations internationales, on ne peut pas avoir une règle
    pour certains cas et une autre pour d'autres". Dmitri Medvedev invoque
    donc l'affrontement de son armée avec celle de la Géorgie en août 2008
    pour justifier sa reconnaissance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud.
    Cet épisode, le président russe Dmitri Medvedev l'a rappelé cet été à
    son homologue azerbaïdjanais, lors d'une récente rencontre bilatérale.
    Une sorte d'avertissement à Ilham Aliev qui a multiplié le budget de
    son armée par vingt en six ans. Un budget qui dépasserait à présent le
    budget total de l'Arménie. Or la stabilité dans la région reste
    fragile. Elle repose sur un simple cessez-le-feu signé en 1994 et
    violé chaque semaine depuis quelques mois. L'an dernier, 25 soldats
    Karabaghtsis ont été tués aux frontières selon les sources
    officielles. Le retour de la guerre en 2012 est bien l'une des
    hypothèses désormais avancées par les analystes. Mais personne n'y a
    intérêt. De même que personne n'a vraiment intérêt à trancher
    directement en faveur de l'un ou de l'autre.

    Les équilibres géostratégiques de l'Occident et de la Russie sont en
    jeu. Pas question de se fcher avec l'importante diaspora arménienne
    qui s'est établie dans ces pays. Pas question non plus de faire main
    basse sur les flux pétrolifères, gaziers ni sur les accords en matière
    de coalition, fixés avec Bakou. Aussi, les négociations tripartites
    que la Russie mène désormais, en parallèle du groupe de Minsk, sont
    bien acceptées par les pays Occidentaux. Par ailleurs, la Russie s'est
    réengagée militairement en Arménie pour encore 49 ans. Et le Congrès
    américain continue de verser indirectement chaque année entre 3 et 6
    millions de dollars d'aide humanitaire au Haut-Karabagh.

    Autant d'éléments qui pourraient, à terme, avantager le pays. Après
    tout, et contrairement à d'autres territoires non reconnus comme la
    Palestine, le statut quo en lui-même n'a pas empêché l'Etat du
    Haut-Karabagh de fonctionner. Aujourd'hui les citoyens circulent grce
    à leur passeport arménien. Ils peuvent travailler, bien que
    l'inactivité soit encore importante. Et les jeunes peuvent aller à
    l'Université. Au fond, l'appui de la communauté internationale en
    faveur de la paix dans la région et la possibilité pour l'Etat
    d'exister de facto depuis vingt ans ont autant de valeur qu'une
    reconnaissance officielle. Dans ces régions épineuses, une équation
    politique même tacite vaut mieux qu'une règle de droit international
    impérieuse et génératrice de frustrations. A défaut de compromis, le
    pays pourrait encore vivre ainsi vingt ou trente ans. Toujours pas en
    paix, ni vraiment en guerre. Mais le peuple à l'abri. A moins qu'une
    nouvelle attaque ne soit venue rompre les équilibres ou que la balance
    des intérêts géopolitiques ait fini par pencher d'un côté, ou de
    l'autre.


    http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/10/07/quelle-issue-pour-le-haut-karabagh_1583845_3232.html




    From: A. Papazian
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