Reuters
Oct 7 2011
Nicolas Sarkozy froisse la Turquie sur le génocide arménien
vendredi 7 octobre 2011 15h44
par Emmanuel Jarry
EREVAN (Reuters) - Nicolas Sarkozy a froissé vendredi la Turquie en
lui donnant quelques mois pour reconnaître le génocide arménien de
1915, faute de quoi la France pourrait légiférer pour sanctionner
pénalement le négationnisme turc.
La Turquie a aussitôt répliqué en conseillant à la France d'affronter
son passé colonial avant de donner des leçons aux autres pays.
En visite d'Etat en Arménie, le président français a estimé que la
reconnaissance par Ankara du massacre de 1,5 million d'Arméniens par
les Turcs serait un "geste de réconciliation".
Dans ce cas, a-t-il dit lors d'une conférence de presse, la France
s'en tiendrait à sa législation actuelle, qui reconnaît officiellement
depuis janvier 2001, l'existence de ce génocide.
Si la Turquie persiste à le nier, en revanche, "la France
considérerait qu'elle devrait aller plus loin dans la modification de
sa législation pour que le négationnisme soit condamné pénalement",
a-t-il ajouté.
Une proposition de loi socialiste en ce sens a déjà été votée par
l'Assemblée mais rejetée par le Sénat, au grand dam de la diaspora
arménienne, qui compte en France 500.000 membres.
La réponse d'Ankara n'a pas traîné, par la voix de son ministre turc
des Affaires étrangères, Ahmed Davutoglu.
"Ceux qui ne sont pas capables d'affronter leur propre histoire parce
qu'ils ont mené une politique colonialiste pendant des siècles, parce
qu'ils traitent leurs étrangers comme des citoyens de seconde zone,
n'ont pas à donner une leçon d'histoire à la Turquie", a déclaré ce
dernier lors d'une conférence de presse.
L'Arménie, soutenue par de nombreux historiens, déclare qu'un million
cinq cent mille Arméniens ont été tués durant leur soulèvement pendant
la Première Guerre mondiale, en plein effondrement de l'empire
ottoman.
IMPACT NÉGATIF
Erevan qualifie ces événements de génocide, un point de vue partagé
par plusieurs parlements étrangers, dont le français.
La Turquie réfute la qualification de génocide, parlant de meurtres à
grande échelle visant non seulement les Arméniens mais aussi les
Turcs.
Ahmed Davutoglu a également déclaré vendredi que la Turquie et
l'Arménie oeuvraient ensemble à une normalisation de leurs relations
et que les propos de Nicolas Sarkozy auraient un impact négatif sur
ces efforts de réconciliation.
Erevan et Ankara sont convenus en 2009, sous l'égide des Etats-Unis,
de l'Union européenne et de la Russie, d'établir des liens
diplomatiques et de rouvrir leur frontière commune dans les deux mois
suivant la validation de leur accord par leurs parlements respectifs.
Mais les deux pays se sont ensuite mutuellement accusés d'avoir
modifié les termes de l'accord, et le processus de réconciliation est
aujourd'hui en suspens.
Les deux pays s'affrontent sur l'avenir de l'enclave peuplée
majoritairement d'Arméniens du Haut-Karabakh, thétre d'un conflit
armé dans les années 1990 après avoir fait sécession de l'Azerbaïdjan,
soutenu par la Turquie.
PAS D'ULTIMATUM, DIT SARKOZY
Nicolas Sarkozy a refusé de préciser le délai qu'il donnait à Ankara,
en faisant valoir qu'il ne revenait pas à la France de poser un
ultimatum "à qui que ce soit".
Il a cependant dit que ce temps n'était "pas infini" et que la France
ferait connaître sa position "dans un délai assez bref", en fonction
de l'attitude des dirigeants turcs.
"Si je ne le précise pas, c'est parce que j'espère toujours dans les
réactions de la société turque et du gouvernement turc", a-t-il
ajouté. "Mais 'assez bref' ça a une signification qui, en tout état de
cause, englobe la durée de mon mandat."
L'élection présidentielle a lieu en avril-mai 2012.
Selon l'ex-ministre d'origine arménienne Patrick Devedjian, qui
accompagne le président français, celui-ci a déclaré à des
interlocuteurs arméniens qu'il donnait aux dirigeants turcs jusqu'à la
fin de 2011 pour reconnaître le génocide arménien.
La question est revenue comme un leitmotiv tout au long d'une visite
de moins de 24 heures à Erevan, où le président français a inauguré un
musée à la gloire de Charles Aznavour en présence du chanteur
franco-arménien.
Nicolas Sarkozy a pris soin de dire jeudi soir, lors d'un dîner offert
par le président arménien Serge Sarkissian, que la France voulait
"être l'amie de la Turquie", où son ministre de l'Intérieur, Claude
Guéant, se trouvait au même moment pour signer un accord de
coopération dans la sécurité intérieure.
Il a néanmoins réaffirmé vendredi qu'il restait opposé à l'adhésion de
la Turquie à l'Union européenne, même si ce pays avait un "rôle
essentiel" à jouer, et qu'il ne voyait pas de raison de changer de
position.
Avec Ibon Villelabeitia à Ankara, édité par Patrick Vignal
http://fr.reuters.com/article/topNews/idFRPAE7960GP20111007?sp=true
Oct 7 2011
Nicolas Sarkozy froisse la Turquie sur le génocide arménien
vendredi 7 octobre 2011 15h44
par Emmanuel Jarry
EREVAN (Reuters) - Nicolas Sarkozy a froissé vendredi la Turquie en
lui donnant quelques mois pour reconnaître le génocide arménien de
1915, faute de quoi la France pourrait légiférer pour sanctionner
pénalement le négationnisme turc.
La Turquie a aussitôt répliqué en conseillant à la France d'affronter
son passé colonial avant de donner des leçons aux autres pays.
En visite d'Etat en Arménie, le président français a estimé que la
reconnaissance par Ankara du massacre de 1,5 million d'Arméniens par
les Turcs serait un "geste de réconciliation".
Dans ce cas, a-t-il dit lors d'une conférence de presse, la France
s'en tiendrait à sa législation actuelle, qui reconnaît officiellement
depuis janvier 2001, l'existence de ce génocide.
Si la Turquie persiste à le nier, en revanche, "la France
considérerait qu'elle devrait aller plus loin dans la modification de
sa législation pour que le négationnisme soit condamné pénalement",
a-t-il ajouté.
Une proposition de loi socialiste en ce sens a déjà été votée par
l'Assemblée mais rejetée par le Sénat, au grand dam de la diaspora
arménienne, qui compte en France 500.000 membres.
La réponse d'Ankara n'a pas traîné, par la voix de son ministre turc
des Affaires étrangères, Ahmed Davutoglu.
"Ceux qui ne sont pas capables d'affronter leur propre histoire parce
qu'ils ont mené une politique colonialiste pendant des siècles, parce
qu'ils traitent leurs étrangers comme des citoyens de seconde zone,
n'ont pas à donner une leçon d'histoire à la Turquie", a déclaré ce
dernier lors d'une conférence de presse.
L'Arménie, soutenue par de nombreux historiens, déclare qu'un million
cinq cent mille Arméniens ont été tués durant leur soulèvement pendant
la Première Guerre mondiale, en plein effondrement de l'empire
ottoman.
IMPACT NÉGATIF
Erevan qualifie ces événements de génocide, un point de vue partagé
par plusieurs parlements étrangers, dont le français.
La Turquie réfute la qualification de génocide, parlant de meurtres à
grande échelle visant non seulement les Arméniens mais aussi les
Turcs.
Ahmed Davutoglu a également déclaré vendredi que la Turquie et
l'Arménie oeuvraient ensemble à une normalisation de leurs relations
et que les propos de Nicolas Sarkozy auraient un impact négatif sur
ces efforts de réconciliation.
Erevan et Ankara sont convenus en 2009, sous l'égide des Etats-Unis,
de l'Union européenne et de la Russie, d'établir des liens
diplomatiques et de rouvrir leur frontière commune dans les deux mois
suivant la validation de leur accord par leurs parlements respectifs.
Mais les deux pays se sont ensuite mutuellement accusés d'avoir
modifié les termes de l'accord, et le processus de réconciliation est
aujourd'hui en suspens.
Les deux pays s'affrontent sur l'avenir de l'enclave peuplée
majoritairement d'Arméniens du Haut-Karabakh, thétre d'un conflit
armé dans les années 1990 après avoir fait sécession de l'Azerbaïdjan,
soutenu par la Turquie.
PAS D'ULTIMATUM, DIT SARKOZY
Nicolas Sarkozy a refusé de préciser le délai qu'il donnait à Ankara,
en faisant valoir qu'il ne revenait pas à la France de poser un
ultimatum "à qui que ce soit".
Il a cependant dit que ce temps n'était "pas infini" et que la France
ferait connaître sa position "dans un délai assez bref", en fonction
de l'attitude des dirigeants turcs.
"Si je ne le précise pas, c'est parce que j'espère toujours dans les
réactions de la société turque et du gouvernement turc", a-t-il
ajouté. "Mais 'assez bref' ça a une signification qui, en tout état de
cause, englobe la durée de mon mandat."
L'élection présidentielle a lieu en avril-mai 2012.
Selon l'ex-ministre d'origine arménienne Patrick Devedjian, qui
accompagne le président français, celui-ci a déclaré à des
interlocuteurs arméniens qu'il donnait aux dirigeants turcs jusqu'à la
fin de 2011 pour reconnaître le génocide arménien.
La question est revenue comme un leitmotiv tout au long d'une visite
de moins de 24 heures à Erevan, où le président français a inauguré un
musée à la gloire de Charles Aznavour en présence du chanteur
franco-arménien.
Nicolas Sarkozy a pris soin de dire jeudi soir, lors d'un dîner offert
par le président arménien Serge Sarkissian, que la France voulait
"être l'amie de la Turquie", où son ministre de l'Intérieur, Claude
Guéant, se trouvait au même moment pour signer un accord de
coopération dans la sécurité intérieure.
Il a néanmoins réaffirmé vendredi qu'il restait opposé à l'adhésion de
la Turquie à l'Union européenne, même si ce pays avait un "rôle
essentiel" à jouer, et qu'il ne voyait pas de raison de changer de
position.
Avec Ibon Villelabeitia à Ankara, édité par Patrick Vignal
http://fr.reuters.com/article/topNews/idFRPAE7960GP20111007?sp=true