REVUE DE PRESSE
Les yeux brûlants
Photo - L'appareil photo d'Agoudjian traque un terrible souvenir,
celui du génocide arménien.
La configuration de la galerie Matignon est en soi une métaphore de
l'incroyable périple du photographe Antoine Agoudjian. Etage, sous-sol
et couloirs sont parsemés de ses images grand format prises au Liban,
en Jordanie, en Iran, en Irak. On monte ou on descend, on le suit
photo après photo dans tout le Proche-Orient, sur les traces d'une
histoire qui l'obsède : le génocide des Arméniens (1915 à 1916). Ce
petit-fils de rescapés, né en 1961 dans la banlieue de Paris, où il
réside, a grandi dans l'épouvante des récits de ses grands-parents :
colonnes de déportés conduits à la mort dans le désert, viols,
cadavres dévorés sur les routes par les chiens errants, orphelins
abandonnés...
C'est au lendemain du tremblement de terre ayant dévasté l'Arménie en
1988 qu'Agoudjian démarre un travail contre l'oubli. Une quête
obsessionnelle dans les communautés arméniennes ayant réussi à fuir
les massacres, disséminées, depuis, des bords de la Méditerranée à
l'Asie centrale. Sur cette photo de 2001 prise en Syrie, symbolique de
son oeuvre, deux silhouettes sombres surplombent deux gamins aux
visages lumineux. On regarde ces ombres comme deux fantômes, deux mes
errantes, qui hantent ces petits descendants de déportés.
Dans ses images de transhumance saisies dans la région du Karabagh,
ses photos de baptê - me prises à Bagdad, ou cette scène pastorale d'un
homme dansant les bras écartés à Aparan (Arménie), Antoine Agoud - jian
parvient toujours à montrer le poids insupportable de ce génocide sur
les enfants des survivants. Son travail sur le déni de mémoire dépasse
de très loin le drame des Arméniens. Une victime sans procès juste ne
peut pas trouver le repos. Agoudjian a le talent de le prouver dans
des tableaux lyriques où il fait dialoguer - en chaman - le passé et
le présent, les vivants et les morts.
| Jusqu'au 22 octobre, galerie Matignon, Paris 8e | Tél. :
01-42-66-60-32 | A lire, Les Yeux brûlants, éd. Actes Sud, coll. Photo
poche, 144 p., 12,80 EUR.
Luc Desbenoit
Telerama n° 3221 - 08 octobre 2011
dimanche 16 octobre 2011,
Stéphane ©armenews.com
Les yeux brûlants
Photo - L'appareil photo d'Agoudjian traque un terrible souvenir,
celui du génocide arménien.
La configuration de la galerie Matignon est en soi une métaphore de
l'incroyable périple du photographe Antoine Agoudjian. Etage, sous-sol
et couloirs sont parsemés de ses images grand format prises au Liban,
en Jordanie, en Iran, en Irak. On monte ou on descend, on le suit
photo après photo dans tout le Proche-Orient, sur les traces d'une
histoire qui l'obsède : le génocide des Arméniens (1915 à 1916). Ce
petit-fils de rescapés, né en 1961 dans la banlieue de Paris, où il
réside, a grandi dans l'épouvante des récits de ses grands-parents :
colonnes de déportés conduits à la mort dans le désert, viols,
cadavres dévorés sur les routes par les chiens errants, orphelins
abandonnés...
C'est au lendemain du tremblement de terre ayant dévasté l'Arménie en
1988 qu'Agoudjian démarre un travail contre l'oubli. Une quête
obsessionnelle dans les communautés arméniennes ayant réussi à fuir
les massacres, disséminées, depuis, des bords de la Méditerranée à
l'Asie centrale. Sur cette photo de 2001 prise en Syrie, symbolique de
son oeuvre, deux silhouettes sombres surplombent deux gamins aux
visages lumineux. On regarde ces ombres comme deux fantômes, deux mes
errantes, qui hantent ces petits descendants de déportés.
Dans ses images de transhumance saisies dans la région du Karabagh,
ses photos de baptê - me prises à Bagdad, ou cette scène pastorale d'un
homme dansant les bras écartés à Aparan (Arménie), Antoine Agoud - jian
parvient toujours à montrer le poids insupportable de ce génocide sur
les enfants des survivants. Son travail sur le déni de mémoire dépasse
de très loin le drame des Arméniens. Une victime sans procès juste ne
peut pas trouver le repos. Agoudjian a le talent de le prouver dans
des tableaux lyriques où il fait dialoguer - en chaman - le passé et
le présent, les vivants et les morts.
| Jusqu'au 22 octobre, galerie Matignon, Paris 8e | Tél. :
01-42-66-60-32 | A lire, Les Yeux brûlants, éd. Actes Sud, coll. Photo
poche, 144 p., 12,80 EUR.
Luc Desbenoit
Telerama n° 3221 - 08 octobre 2011
dimanche 16 octobre 2011,
Stéphane ©armenews.com