LA RECONNAISSANCE DU GĂ©NOCIDE ARMĂ©NIEN NE PEUT ĂȘTRE PUNIE PAR LA LOI TURQUE
LexTimes.fr, France
Oct 28 2011
La Turquie ne peut pas poursuivre pénalement une personne parce
qu'elle reconnaßt le génocide arménien, a jugé la Cour
européenne des droits de l'homme (CEDH), affirmant que cela
constitue une violation de l'article 10 de la Convention sur la
liberté d'expression.
En Turquie, parler de génocide de la population arménienne est
une infraction pĂ©nale. L'Ă~Itat refuse toujours de reconnaĂźtre
les massacres commis en 1915 par l'empire Ottoman et le moins qu'on
puisse dire, c'est qu'il vaut mieux ne pas s'exprimer sur le sujet
lorsqu'on se trouve dans ce pays. Mais les choses pourraient changer,
suite a un arrĂȘt de la CEDH(1) rendu mardi.
Le requérant est un professeur d'histoire ayant la double nationalité
turque et allemande, spécialiste du génocide arménien.
Le 6 octobre 2006, il publia un article dans un journal turco-arménien
dans lequel il critiquait les poursuites dirigées contre son
rédacteur en chef(2) accusé de dénigrer l'identité turque
("turcité"), au sens de l'article 301 du code pénal. Il faut
préciser que le 30 avril 2008, des modifications furent apportées
a cet article 301. Les expressions "nation turque" et "Ă~Itat de la
République de Turquie" remplacÚrent les termes "turcité", jugé
trop flou, et "RĂ©publique" . D'autre part, une clause selon laquelle
toute enquĂȘte doit ĂȘtre autorisĂ©e par le ministre de la Justice fut
insérée, et la peine maximale de trois ans fut réduite a deux ans.
Harcelé et menacé de mort en raison de son opinion
Suite a l'article du professeur, trois plaintes furent déposées par
des extrémistes qui l'accusaient d'avoir dénigré la "turcité",
en violation de l'article 301. Elles furent classées sans suite,
mais pourtant, il devint rapidement la victime d'une campagne de
harcÚlement, les médias le présentant comme un "traßtre" et un
"espion allemand". Il recut Ă©galement des mails haineux contenant
insultes et menaces de mort.
L'historien déposa plainte pour diffamation contre un magazine
qui l'accusait d'espionnage et de trahison. Mais le tribunal
d'Istambul considĂ©ra que "mĂȘme si les allĂ©gations faites par la
défense étaient offensives, elle restaient dans la limite de la
critique permise". La Cour de cassation confirma cette décision
en mars 2007. Le requérant intenta un autre recours devant le
tribunal d'Ankara pour que soit publié un droit de réponse dans le
magazine. Mais cette fois encore, il fut débouté de sa demande en
raison du droit a la liberté d'expression dont bénéficie la presse.
L'historien se tourna alors vers la Cour européenne des droits de
l'homme, invoquant l'article 10 de la Convention. "Toute personne
a droit a la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté
d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations
ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités
publiques et sans considération de frontiÚre [...]", dispose
l'alinéa 1.
Le requérant soutenait que le Gouvernement ne pouvait pas lui garantir
qu'il ne fera plus l'objet d'une enquĂȘte et de poursuites pour ses
opinions sur la question arménienne. Il affirmait également que
malgré la modification apportée a l'article 301 du code pénal,
la justice ne cessait de poursuivre les personnes reconnaissant le
Â" gĂ©nocide Â" armĂ©nien et que se sentant menacĂ©, il a cessĂ© du
cesser d'Ă©crire sur le sujet.
La loi turque n'offre pas de garanties suffisantes pour prévenir de
poursuites arbitraires
La Cour a reconnu que le requérant faisait partie d' un groupe de
personne "qui peut facilement ĂȘtre stigmatisĂ© pour leur opinion
sur ce sujet et faire l'objet de poursuites ou d'enquĂȘtes suivant
l'article 301 du code pénal". Elle admet également que le professeur
a été la cible d'une campagne publique d'"intimidation". Par
ailleurs, les juges européens ont relevé que les mesures prises par
le gouvernement turc pour prévenir des poursuites arbitraires en vertu
de l'article 301, ne comportent pas de garanties suffisantes. Elle
reconnaĂźt que l'enquĂȘte pĂ©nale dirigĂ©e contre le requĂ©rant et
la position adoptée par les juridictions turques sur la question
armĂ©nienne, dans les affaires oĂč elles font application de l'article
301 du code pénal, "confirment que les personnes exprimant leur
opinion sur cette question s'exposent a un risque considérable de
poursuites et donnent a penser que la menace pesant sur le requérant
est réelle".
La CEDH ajoute que "les mesures adoptées pour introduire des garanties
contre des poursuites arbitraires ou injustifiées sur le fondement
de l'article 301 ne sont pas suffisantes" et que "le libellé de
l'article 301 du code pénal, tel qu'interprété par la justice,
est excessivement large et vague et ne permet pas aux individus de
régler leur conduite ou de prévoir les conséquences de leurs actes".
En effet, la Cour a relevĂ© qu'au vu du nombre d'enquĂȘtes et
de poursuites fondées sur cet article, "toute opinion ou idée
considérée comme offensante, choquante ou dérangeante peut aisément
faire l'objet d'une enquĂȘte pĂ©nale de la part du ministĂšre public".
Les juges de Strasbourg considĂšrent dĂšs lors que l'article 301 viole
la liberté d'expression au mépris de l'article 10 de la Convention.
_____ (1) CEDH, 25 oct. 2011, n° 27520/07, Altug Taner Akcam c/
Turquie.
(2) Hrant Dink, le directeur et rédacteur en chef de l'hebdomadaire
turco-arménien Agos, a été assassiné le 19 janvier 2007 par un
membre d'un groupe ultranationaliste turc.
http://www.lextimes.fr/4.aspx?sr=9046
From: Baghdasarian
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Oct 28 2011
La Turquie ne peut pas poursuivre pénalement une personne parce
qu'elle reconnaßt le génocide arménien, a jugé la Cour
européenne des droits de l'homme (CEDH), affirmant que cela
constitue une violation de l'article 10 de la Convention sur la
liberté d'expression.
En Turquie, parler de génocide de la population arménienne est
une infraction pĂ©nale. L'Ă~Itat refuse toujours de reconnaĂźtre
les massacres commis en 1915 par l'empire Ottoman et le moins qu'on
puisse dire, c'est qu'il vaut mieux ne pas s'exprimer sur le sujet
lorsqu'on se trouve dans ce pays. Mais les choses pourraient changer,
suite a un arrĂȘt de la CEDH(1) rendu mardi.
Le requérant est un professeur d'histoire ayant la double nationalité
turque et allemande, spécialiste du génocide arménien.
Le 6 octobre 2006, il publia un article dans un journal turco-arménien
dans lequel il critiquait les poursuites dirigées contre son
rédacteur en chef(2) accusé de dénigrer l'identité turque
("turcité"), au sens de l'article 301 du code pénal. Il faut
préciser que le 30 avril 2008, des modifications furent apportées
a cet article 301. Les expressions "nation turque" et "Ă~Itat de la
République de Turquie" remplacÚrent les termes "turcité", jugé
trop flou, et "RĂ©publique" . D'autre part, une clause selon laquelle
toute enquĂȘte doit ĂȘtre autorisĂ©e par le ministre de la Justice fut
insérée, et la peine maximale de trois ans fut réduite a deux ans.
Harcelé et menacé de mort en raison de son opinion
Suite a l'article du professeur, trois plaintes furent déposées par
des extrémistes qui l'accusaient d'avoir dénigré la "turcité",
en violation de l'article 301. Elles furent classées sans suite,
mais pourtant, il devint rapidement la victime d'une campagne de
harcÚlement, les médias le présentant comme un "traßtre" et un
"espion allemand". Il recut Ă©galement des mails haineux contenant
insultes et menaces de mort.
L'historien déposa plainte pour diffamation contre un magazine
qui l'accusait d'espionnage et de trahison. Mais le tribunal
d'Istambul considĂ©ra que "mĂȘme si les allĂ©gations faites par la
défense étaient offensives, elle restaient dans la limite de la
critique permise". La Cour de cassation confirma cette décision
en mars 2007. Le requérant intenta un autre recours devant le
tribunal d'Ankara pour que soit publié un droit de réponse dans le
magazine. Mais cette fois encore, il fut débouté de sa demande en
raison du droit a la liberté d'expression dont bénéficie la presse.
L'historien se tourna alors vers la Cour européenne des droits de
l'homme, invoquant l'article 10 de la Convention. "Toute personne
a droit a la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté
d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations
ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités
publiques et sans considération de frontiÚre [...]", dispose
l'alinéa 1.
Le requérant soutenait que le Gouvernement ne pouvait pas lui garantir
qu'il ne fera plus l'objet d'une enquĂȘte et de poursuites pour ses
opinions sur la question arménienne. Il affirmait également que
malgré la modification apportée a l'article 301 du code pénal,
la justice ne cessait de poursuivre les personnes reconnaissant le
Â" gĂ©nocide Â" armĂ©nien et que se sentant menacĂ©, il a cessĂ© du
cesser d'Ă©crire sur le sujet.
La loi turque n'offre pas de garanties suffisantes pour prévenir de
poursuites arbitraires
La Cour a reconnu que le requérant faisait partie d' un groupe de
personne "qui peut facilement ĂȘtre stigmatisĂ© pour leur opinion
sur ce sujet et faire l'objet de poursuites ou d'enquĂȘtes suivant
l'article 301 du code pénal". Elle admet également que le professeur
a été la cible d'une campagne publique d'"intimidation". Par
ailleurs, les juges européens ont relevé que les mesures prises par
le gouvernement turc pour prévenir des poursuites arbitraires en vertu
de l'article 301, ne comportent pas de garanties suffisantes. Elle
reconnaĂźt que l'enquĂȘte pĂ©nale dirigĂ©e contre le requĂ©rant et
la position adoptée par les juridictions turques sur la question
armĂ©nienne, dans les affaires oĂč elles font application de l'article
301 du code pénal, "confirment que les personnes exprimant leur
opinion sur cette question s'exposent a un risque considérable de
poursuites et donnent a penser que la menace pesant sur le requérant
est réelle".
La CEDH ajoute que "les mesures adoptées pour introduire des garanties
contre des poursuites arbitraires ou injustifiées sur le fondement
de l'article 301 ne sont pas suffisantes" et que "le libellé de
l'article 301 du code pénal, tel qu'interprété par la justice,
est excessivement large et vague et ne permet pas aux individus de
régler leur conduite ou de prévoir les conséquences de leurs actes".
En effet, la Cour a relevĂ© qu'au vu du nombre d'enquĂȘtes et
de poursuites fondées sur cet article, "toute opinion ou idée
considérée comme offensante, choquante ou dérangeante peut aisément
faire l'objet d'une enquĂȘte pĂ©nale de la part du ministĂšre public".
Les juges de Strasbourg considĂšrent dĂšs lors que l'article 301 viole
la liberté d'expression au mépris de l'article 10 de la Convention.
_____ (1) CEDH, 25 oct. 2011, n° 27520/07, Altug Taner Akcam c/
Turquie.
(2) Hrant Dink, le directeur et rédacteur en chef de l'hebdomadaire
turco-arménien Agos, a été assassiné le 19 janvier 2007 par un
membre d'un groupe ultranationaliste turc.
http://www.lextimes.fr/4.aspx?sr=9046
From: Baghdasarian