LES BOMBES PLEUVENT SUR LES KURDES DANS L'INDIFFERENCE GENERALE
Collectif VAN
www.collectifvan.org
07-09-2011
Le Collectif vous soumet ici l'article de Gerard Alle et d'Andre
Metayer sur la situation des kurdes publie sur Rue89 le 4 septembre
2011.
Rue89
Par Gerard Alle et Andre Metayer | Amities kurdes de Bretagne |
04/09/2011 | 23H46
Pauvres Kurdes ! Quarante millions de personnes ecartelees entre la
Turquie, l'Irak, l'Iran et la Syrie. Et l'on apprend que l'Iran et
la Turquie semblent soudain decides a oublier leurs divergences pour
se debarrasser d'un ennemi commun : la resistance armee kurde.
L'offensive se poursuit, dans l'indifference generale.
Depuis quelques mois, la Republique islamique d'Iran s'est lancee dans
une repression feroce des militants kurdes du PJAK (Parti pour une vie
libre au Kurdistan), qui a conduit a la pendaison de nombre d'entre
eux, tandis que d'autres, a l'heure actuelle, attendent leur execution.
Mais que cherche vraiment l'Iran ? Le principal enjeu strategique,
dans le secteur, est la region autonome du Kurdistan irakien, dont
les ressources petrolières attisent les convoitises.
Offensive conjointe
Or, l'armee terrestre iranienne tente, depuis le 16 juillet, de
deloger les forces du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan),
allies du PJAK, des monts Qandil, region montagneuse du nord de l'Irak,
reputee impenetrable. Une partie des forces du PKK, soit plusieurs
milliers de combattants restes fidèles au chef de la resistance kurde
Abdullah Ocalan, a trouve refuge dans ces montagnes, a la suite d'une
impitoyable guerre asymetrique entre rebelles kurdes et armee turque.
Celle-ci fit 45 000 morts et fut marquee par la destruction imputable
aux forces turques de 3 000 villages, entraînant l'exode de plus d'un
million de personnes.
Les commandos des forces speciales turques appuient l'operation
militaire iranienne lancee cet ete, et l'aviation turque bombarde
sans relâche la region depuis le 17 août, avec l'accord et l'aide
technique de l'Otan et des Etats-Unis, et ce, sans le moindre egard
pour les populations civiles.
L'actuel chef d'etat-major de l'armee turque, le general Necdet Ozel,
inspire les pires craintes, lui qui est surnomme " Necdet le chimique "
depuis qu'il est soupconne d'avoir employe des armes chimiques contre
les combattants du PKK en 1999, dans la region de Sirnak.
Le gouvernement irakien a proteste avec un certain retard contre ce
qu'il considère comme une violation de sa souverainete par la Turquie,
qu'il accuse de " bombarder les zones frontalières irakiennes en
ciblant des civils innocents ".
Dans le meme temps, les medias turcs proches du gouvernement Erdogan
evoquent un scenario a la sri-lankaise, en reference a l'operation
militaire qui eradiqua la rebellion tamoule dans un grand bain de sang.
La reaction des Kurdes de Turquie
La reaction des Kurdes de Turquie ne s'est pas fait attendre. Les
populations, avec a leur tete les maires, conseillers regionaux et
deputes, se sont massees a la frontière turco-irakienne avec la ferme
intention de se rendre dans les regions bombardees pour y former un
bouclier humain.
Des heurts très violents avec la troupe se sont soldes par de
nombreux blesses. Un elu, Yildirim Ayhan, conseil regional de Van,
a ete tue d'une balle en pleine poitrine a Cukurca. Ses funerailles
ont donne lieu a de nouveaux heurts avec la police, qui a charge dans
le cimetière et disperse la foule a l'aide de grenades lacrymogènes.
Les manifestations se succèdent dans les regions kurdes et non kurdes
de Turquie. Une manifestation aux flambeaux s'est deroulee dans
plusieurs quartiers d'Istanbul, aux cris de " vive Apo " (surnom usuel
d'Ocalan). Ce dernier, toujours prisonnier sur une île de la mer Noire
et condamne a la prison a vie, est souvent considere un dangereux
ideologue marxiste-leniniste, mais il est facile de constater qu'il
reste un heros pour l'immense majorite des Kurdes de Turquie, qui le
comparent meme parfois a De Gaulle.
Dans les prisons turques, des detenus politiques ont commence une
grève de la faim " illimitee ". Les reseaux sociaux se mobilisent,
comme a Londres et a Rome, où les " Twitterkurds " ont appele a
manifester contre les raids aeriens au-dessus du Kurdistan irakien.
Le BDP (Parti pour la Paix et la Democratie), parti social-democrate
kurde qui est sorti renforce des elections legislatives de juin
dernier, va tenir son Congrès debut septembre. Au cours de celui-ci,
il devrait affirmer le concept " d'autonomie democratique dans une
republique democratique ", defini le 14 juillet dernier, par le DTK
(plateforme d'associations et mouvements kurdes dont le BDP est
membre).
L'intergroupe parlementaire belge pour la question kurde va se reunir
a Bruxelles le 6 septembre et le groupe d'amities kurdes au Parlement
europeen se retrouvera le 15 septembre a Strasbourg. Mais le temps
presse !
Leyla Zana appelle a l'aide
Leyla Zana, deputee de Diyarbakir - qui se vit jadis decerner le
Prix Sakharov par le Parlement europeen - fut condamnee, en 1995, a
15 ans de prison pour avoir ose prononcer au parlement turc des mots
kurdes appelant a la paix et a reconciliation. Elle vient d'ecrire une
lettre a tous les grands de ce monde pour denoncer l'option militaire
et s'etonner du silence des democraties occidentales a ce sujet.
Rappelons d'autre part que 151 elus kurdes sont juges a Diyarbakir pour
leurs liens presumes avec une organisation terroriste, en l'occurrence
le PKK. Ce dernier a en effet ete couche par les Etats-Unis sur la
liste des organisations terroristes, liste que l'Union europeenne
s'est empressee d'adopter.
Qu'on eprouve ou non de la sympathie pour sa lutte et pour son chef,
le PKK procède a des attaques ciblees contre des militaires ou des
policiers turcs, et ne s'est - jusqu'a preuve du contraire - jamais
attaque a la population civile. A plusieurs reprises, des agents des
forces speciales turques ont ete surpris en train de preparer des
attentats en vue de les voir attribuer aux rebelles kurdes.
La situation est rendue d'autant plus complexe que nombre de
familles kurdes ont des parents dans la guerilla. Et de toute facon,
la population est solidaire de ces combattants, ne serait-ce qu'au nom
de la repression subie durant tant d'annees, des viols, de la torture,
des humiliations et de tout ce qui a fait des Kurdes des citoyens de
seconde zone, en Turquie.
C'est donc toujours la solution militaire qui prevaut a Ankara
pour resoudre la question kurde, malgre les promesses d'Erdogan
de rechercher une solution politique. Faute de loi d'amnistie pour
les combattants, par exemple, ceux-ci ne peuvent rentrer chez eux,
risquant la prison a vie, voire la torture et l'assassinat, qui sont
monnaie courante dans les geôles turques.
Le silence de l'Occident
Le silence de l'Occident et des medias a propos de ce qui se passe en
Turquie peut etonner. Deja, dans les annees 1990, lorsqu'une centaine
de prisonniers d'extreme-gauche poursuivirent jusqu'a la mort leurs
grèves de la faim, cela n'emut guère, en tout cas beaucoup moins que
lorsque Bobby Sands et ses camarades perdirent la vie pour les memes
raisons, en Irlande du Nord.
Pourquoi les recentes arrestations massives de militants culturels
kurdes, en Europe, pourquoi ces vieillards jetes violemment au sol par
les policiers de nos pays ? Pourquoi ces etranges reunions regulières
entre policiers turcs, americains, francais, allemands ? Pourquoi ce
silence de nos medias a propos de la brutalite de ce regime ?
Parce que certains considèrent le parti majoritaire en Turquie,
l'AKP (Parti pour la justice et le developpement), comme une sorte
de democratie chretienne version islamique, et veulent miser sur lui ?
Mais ce choix strategique implique-t-il le sacrifice du peuple kurde ?
Retour a la rubrique
Source/Lien : Rue89
Collectif VAN
www.collectifvan.org
07-09-2011
Le Collectif vous soumet ici l'article de Gerard Alle et d'Andre
Metayer sur la situation des kurdes publie sur Rue89 le 4 septembre
2011.
Rue89
Par Gerard Alle et Andre Metayer | Amities kurdes de Bretagne |
04/09/2011 | 23H46
Pauvres Kurdes ! Quarante millions de personnes ecartelees entre la
Turquie, l'Irak, l'Iran et la Syrie. Et l'on apprend que l'Iran et
la Turquie semblent soudain decides a oublier leurs divergences pour
se debarrasser d'un ennemi commun : la resistance armee kurde.
L'offensive se poursuit, dans l'indifference generale.
Depuis quelques mois, la Republique islamique d'Iran s'est lancee dans
une repression feroce des militants kurdes du PJAK (Parti pour une vie
libre au Kurdistan), qui a conduit a la pendaison de nombre d'entre
eux, tandis que d'autres, a l'heure actuelle, attendent leur execution.
Mais que cherche vraiment l'Iran ? Le principal enjeu strategique,
dans le secteur, est la region autonome du Kurdistan irakien, dont
les ressources petrolières attisent les convoitises.
Offensive conjointe
Or, l'armee terrestre iranienne tente, depuis le 16 juillet, de
deloger les forces du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan),
allies du PJAK, des monts Qandil, region montagneuse du nord de l'Irak,
reputee impenetrable. Une partie des forces du PKK, soit plusieurs
milliers de combattants restes fidèles au chef de la resistance kurde
Abdullah Ocalan, a trouve refuge dans ces montagnes, a la suite d'une
impitoyable guerre asymetrique entre rebelles kurdes et armee turque.
Celle-ci fit 45 000 morts et fut marquee par la destruction imputable
aux forces turques de 3 000 villages, entraînant l'exode de plus d'un
million de personnes.
Les commandos des forces speciales turques appuient l'operation
militaire iranienne lancee cet ete, et l'aviation turque bombarde
sans relâche la region depuis le 17 août, avec l'accord et l'aide
technique de l'Otan et des Etats-Unis, et ce, sans le moindre egard
pour les populations civiles.
L'actuel chef d'etat-major de l'armee turque, le general Necdet Ozel,
inspire les pires craintes, lui qui est surnomme " Necdet le chimique "
depuis qu'il est soupconne d'avoir employe des armes chimiques contre
les combattants du PKK en 1999, dans la region de Sirnak.
Le gouvernement irakien a proteste avec un certain retard contre ce
qu'il considère comme une violation de sa souverainete par la Turquie,
qu'il accuse de " bombarder les zones frontalières irakiennes en
ciblant des civils innocents ".
Dans le meme temps, les medias turcs proches du gouvernement Erdogan
evoquent un scenario a la sri-lankaise, en reference a l'operation
militaire qui eradiqua la rebellion tamoule dans un grand bain de sang.
La reaction des Kurdes de Turquie
La reaction des Kurdes de Turquie ne s'est pas fait attendre. Les
populations, avec a leur tete les maires, conseillers regionaux et
deputes, se sont massees a la frontière turco-irakienne avec la ferme
intention de se rendre dans les regions bombardees pour y former un
bouclier humain.
Des heurts très violents avec la troupe se sont soldes par de
nombreux blesses. Un elu, Yildirim Ayhan, conseil regional de Van,
a ete tue d'une balle en pleine poitrine a Cukurca. Ses funerailles
ont donne lieu a de nouveaux heurts avec la police, qui a charge dans
le cimetière et disperse la foule a l'aide de grenades lacrymogènes.
Les manifestations se succèdent dans les regions kurdes et non kurdes
de Turquie. Une manifestation aux flambeaux s'est deroulee dans
plusieurs quartiers d'Istanbul, aux cris de " vive Apo " (surnom usuel
d'Ocalan). Ce dernier, toujours prisonnier sur une île de la mer Noire
et condamne a la prison a vie, est souvent considere un dangereux
ideologue marxiste-leniniste, mais il est facile de constater qu'il
reste un heros pour l'immense majorite des Kurdes de Turquie, qui le
comparent meme parfois a De Gaulle.
Dans les prisons turques, des detenus politiques ont commence une
grève de la faim " illimitee ". Les reseaux sociaux se mobilisent,
comme a Londres et a Rome, où les " Twitterkurds " ont appele a
manifester contre les raids aeriens au-dessus du Kurdistan irakien.
Le BDP (Parti pour la Paix et la Democratie), parti social-democrate
kurde qui est sorti renforce des elections legislatives de juin
dernier, va tenir son Congrès debut septembre. Au cours de celui-ci,
il devrait affirmer le concept " d'autonomie democratique dans une
republique democratique ", defini le 14 juillet dernier, par le DTK
(plateforme d'associations et mouvements kurdes dont le BDP est
membre).
L'intergroupe parlementaire belge pour la question kurde va se reunir
a Bruxelles le 6 septembre et le groupe d'amities kurdes au Parlement
europeen se retrouvera le 15 septembre a Strasbourg. Mais le temps
presse !
Leyla Zana appelle a l'aide
Leyla Zana, deputee de Diyarbakir - qui se vit jadis decerner le
Prix Sakharov par le Parlement europeen - fut condamnee, en 1995, a
15 ans de prison pour avoir ose prononcer au parlement turc des mots
kurdes appelant a la paix et a reconciliation. Elle vient d'ecrire une
lettre a tous les grands de ce monde pour denoncer l'option militaire
et s'etonner du silence des democraties occidentales a ce sujet.
Rappelons d'autre part que 151 elus kurdes sont juges a Diyarbakir pour
leurs liens presumes avec une organisation terroriste, en l'occurrence
le PKK. Ce dernier a en effet ete couche par les Etats-Unis sur la
liste des organisations terroristes, liste que l'Union europeenne
s'est empressee d'adopter.
Qu'on eprouve ou non de la sympathie pour sa lutte et pour son chef,
le PKK procède a des attaques ciblees contre des militaires ou des
policiers turcs, et ne s'est - jusqu'a preuve du contraire - jamais
attaque a la population civile. A plusieurs reprises, des agents des
forces speciales turques ont ete surpris en train de preparer des
attentats en vue de les voir attribuer aux rebelles kurdes.
La situation est rendue d'autant plus complexe que nombre de
familles kurdes ont des parents dans la guerilla. Et de toute facon,
la population est solidaire de ces combattants, ne serait-ce qu'au nom
de la repression subie durant tant d'annees, des viols, de la torture,
des humiliations et de tout ce qui a fait des Kurdes des citoyens de
seconde zone, en Turquie.
C'est donc toujours la solution militaire qui prevaut a Ankara
pour resoudre la question kurde, malgre les promesses d'Erdogan
de rechercher une solution politique. Faute de loi d'amnistie pour
les combattants, par exemple, ceux-ci ne peuvent rentrer chez eux,
risquant la prison a vie, voire la torture et l'assassinat, qui sont
monnaie courante dans les geôles turques.
Le silence de l'Occident
Le silence de l'Occident et des medias a propos de ce qui se passe en
Turquie peut etonner. Deja, dans les annees 1990, lorsqu'une centaine
de prisonniers d'extreme-gauche poursuivirent jusqu'a la mort leurs
grèves de la faim, cela n'emut guère, en tout cas beaucoup moins que
lorsque Bobby Sands et ses camarades perdirent la vie pour les memes
raisons, en Irlande du Nord.
Pourquoi les recentes arrestations massives de militants culturels
kurdes, en Europe, pourquoi ces vieillards jetes violemment au sol par
les policiers de nos pays ? Pourquoi ces etranges reunions regulières
entre policiers turcs, americains, francais, allemands ? Pourquoi ce
silence de nos medias a propos de la brutalite de ce regime ?
Parce que certains considèrent le parti majoritaire en Turquie,
l'AKP (Parti pour la justice et le developpement), comme une sorte
de democratie chretienne version islamique, et veulent miser sur lui ?
Mais ce choix strategique implique-t-il le sacrifice du peuple kurde ?
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