LE CABLE DE L'AMBASSADE DES ETATS-UNIS SUR LE GENOCIDE ARMENIEN ET LES ARCHIVES OTTOMANES
[email protected]
armenews.com
mercredi 14 septembre 2011
USA
Les guillemets qui sont employes au debut du telegramme sont peu
a peu abandonnes au fil du rapport du diplomate. Il est vrai qu'il
rappelle que selon les historiens turcs, quelques centaines de milliers
d'Armeniens tout au plus sont morts tues par des bandits, la maladie,
la faim, et les conditions climatiques...
Dans le paragraphe 4, on retrouve le thème developpe recemment par
Vahakn Dadrian sur la perception que les Turcs ont d'eux-memes,
après leurs defaites du debut du 20ème siècle dans les Balkans :
des victimes.
On apprend que la moitie environ des documents d'archive n'etant pas
encore "catalogues" sont inaccessibles aux chercheurs. Au huitième
paragraphe, un chercheur turc voit dans les travaux de mise en
catalogue une operation destinee a poursuivre la "purge" des archives.
Le diplomate ecrit explicitement que le gouvernement turc organise
la negation. Selon lui, ce sont les groupes nationalistes qui font
pression sur le gouvernement.
Le commentaire de fin est incomprehensible. Le consul americain renvoie
dos a dos les Armeniens et les Turcs. On aurait attendu qu'au moins
dans un document confidentiel, le diplomate eclaire son ministre
en disant de quel côte est le droit, voire la verite. On aurait pu
penser qu'il donne a son ministre des recommandations et des pistes
pour determiner une politique. Au lieu de cela, c'est le consul qui
demande a etre informe ; de quoi ? Des eventuelles protestations des
chercheurs genes dans leur accès aux archives.
Gilbert Beguian
Câble de l'ambassade des Etats-Unis - 04ISTANBUL1074
"GENOCIDE ARMENIEN " ET ARCHIVES OTTOMANES
Identifiant : 04ISTANBUL1074
Origine : Consulat d'Istanbul
Creation : 12 juillet 2004 09:01:00
Classification : CONFIDENTIEL
Etiquette : PREL PGOV AM TU ISTANBUL
Redacteur : ce câble n'a pas ete redige par Wikileaks
Ce document est un extrait partiel du telegramme original, Le texte
en son entier du telegramme originel n'est pas disponible.
C O N F I D E N T I E L SECTION 01 DE 03 ISTANBUL 001074
SIPDIS
E.O. 12958 : DECL : 07/11/2014
TAGS : PREL, PGOV, AM, TU, Istanbul
SUBJECT : ARMENIAN "GENOCIDE" AND THE OTTOMAN ARCHIVES
Classe confidentiel par : le Consul General David Arnett pour les
raisons 1.5 (b&d)
Ceci est un document conjoint du Consulat General d'Istanbul/Ambassade
d'ANKARA
1. (sbu) Resume : le defaut d'entente et de dialogue sur la question du
soi-disant "genocide" reste un obstacle majeur au rapprochement turco-
armenien. Une solution a long terme a cette question problematique
ne peut etre construite qu'a travers un dialogue ouvert et un debat
sain et objectif. Le libre accès a toutes les archives ottomanes,
où se trouvent pour l'essentiel les preuves historiques relatives a
cette periode, est un aspect critique pour que s'installe la confiance
mutuelle necessaire a un tel debat. Bien que la Turquie ait fait
de gros progrès vers l'ouverture des archives et de stigmatiser la
question, des problèmes persistants et des doutes sur les archives
continuent a saper les efforts pour remplir le fosse d'incomprehension
entre les Armeniens et les Turcs sur cette question historique. Fin
du resume.
2. (u) L'obstacle le plus serieux a la reconciliation turco-armenienne
reste une impossibilite d'entente, ne serait-ce que sur un dialogue
sain sur la "question" armenienne ou sur ce qui est pour la plupart
des Turcs le "suppose genocide". Les accusations, negations et
contre-accusations sur cette question ont longtemps obscurci des
debats prepares dans la sincerite. Les intellectuels de la diaspora
ont reuni des quantites de temoignages oculaires et de declarations
detaillant les tragiques evenements de 1915-16 qui des conditions qui
d'après eux sont celles du genocide de 1,5 million d'Armeniens vivant
dans l'empire ottoman. Les historiens turcs contestent, quant a eux
disant que quelques centaines de milliers d'Armeniens, ont ete tues
par des bandits, par la maladie et les très dures conditions de vie,
quand, en reponse a la menace constituee par des insurges armeniens,
(et au "massacre" de beaucoup de musulmans turcs), une grande partie
de la population armenienne a ete deportee en Syrie et au Liban.
Une Question d'Identite
3. (sbu) Outre des milliers d'annees d'histoire ecrite, un riche
heritage culturel et une Eglise vivante, pour les Armeniens du
monde entier, les evenements de 1915-16 constituent une composante
fondamentale de leur identite moderne. Bien que quelques Armeniens
aient quelquefois cherche la vengeance dans la terreur et la violence,
(c'est le cas du terrorisme de l'ASALA des annees 1970), l'objectif
a ete fixe d'une campagne infatigable pour que ces evenements soient
reconnus comme un genocide.
4. (sbu) L'approche turque de la question armenienne est complexe.
Depuis l'instauration de la Republique turque, Ataturk et ses
heritiers de la classe dominante ont pense que pour entretenir l'
"identite turque" - qu'Ataturk et son entourage ont developpe comme
une construction artificielle, et dont ses heritiers politiques disent
qu'elle est sous la menace d'ennemis a l'interieur et a l'exterieur -
essentielle pour la protection et le developpement de la Republique.
Les representants a la fois de l'etat turc et de chaque gouvernement
jusqu'a ce jour, croient que la reconnaissance de tout mauvais
traitement inflige aux Armeniens remettrait en question ses frontières
et les propres revendications issues de la victimisation de la Turquie,
et exposerait la Turquie a des demandes d'indemnisation. Des decennies
de negation officielle et le refus d'envisager tout debat rationnel
en Turquie sur cette question taboue ont prive la Turquie d'un
environnement objectif propice aux affirmations de genocide.
Les archives sont-elles ouvertes ?
5. (sbu) Les deux parties se sont efforcees d'utiliser les Archives
ottomanes pour soutenir leur version des evenements. Les Turcs ont
publie des volumes de documents pour appuyer leur thèse, tandis que
l'attitude du gouvernement turc faisant obstacle au libre accès des
archives est vue par les chercheurs armeniens comme une volonte de
dissimuler les preuves du genocide.
Les chercheurs armeniens se sont plaints depuis longtemps de ne
pas pouvoir obtenir l'autorisation de faire des recherches dans les
archives ou de n'y en avoir eu accès que partiellement. D'autres faits
de retard (et disent-ils, deliberes) pour obtenir une autorisation,
ont souvent consomme la majeure partie de la duree prevue par les
conditions d'attribution d'une subvention ou celle d'un conge sans
solde.
Kevork Bardakchian, chef du programme des Etudes Armeniennes a
l'Universite du Michigan, par exemple, a rapporte aux responsables
politiques que ses autres collègues et lui-meme avaient essuye un
refus, tout simplement et sans explication lorsqu'il avait depose
des demandes dans les annees 1970 et 1980. Un directeur des archives
de l'epoque avait ouvertement parle de la necessite de "proteger"
les documents d'un mauvais traitement par des etrangers hostiles.
6. (sbu) Les specialistes turcs et etrangers sont d'accord pour dire
que l'ancien premier ministre et president Turgut Ozal a fait qu'un
pas reel soit franchi pour l'ouverture des archives a la fin des
annees 1980 et au debut des annees 1990. Les archives ont ete mises
sous l'autorite du premier ministre, les procedures pour obtenir des
autorisations de recherche allegees, et les efforts pour cataloguer
150 millions de documents ont ete acceleres. Tous ceux a qui nous
avons parle concèdent que cela a ete le signal d'un changement profond
qui se prolonge jusqu'a aujourd'hui. Selon l'administration turque
des archives, les autorisations sont normalement accordees en une
semaine, le personnel d'archivage est diligent, et les photocopies de
documents desirees sont disponibles a un prix raisonnable. Lorsque
des responsables politiques ont visite la salle de recherche des
archives un peu plus tôt ce mois-ci, le personnel lui a montre une
liste informatisee de plus de 300 chercheurs americains qui ont
recu l'autorisation de faire ici des recherches au cours des annees
recentes (plus d'une trentaine jusqu'a present, simplement pour cette
annee). Les catalogues sont egalement disponibles sur le site Internet
des Archives.
7 (sbu) Quelques restrictions a l'accès restent en place. Les
responsables turcs ne permettent pas l'accès a plus de 70 millions de
documents non encore catalogues et soutiennent que beaucoup d'autres
sont trop endommages pour etre employes par les chercheurs. En outre
quelques critiques s'elèvent encore selon lesquelles le gouvernement
turc cherche a bloquer les personnes qui cherchent dans le domaine de
la question armenienne. Le Directeur des services d'Archives d'Etat du
premier ministre Yusuf Farinay a indique aux responsables politiques
que les chercheurs doivent se trouver legalement en Turquie a cet
effet, ce qui implique un visa d'approbation du ministère des affaires
etrangères. Quelques chercheurs voient encore leur autorisation
retardee ou refusee purement et simplement (les chercheurs grecs ont
ete eux-aussi victimes de telles discriminations dans le passe). Le
Directeur d'Archive Sarinay a dit que bien que beaucoup de chercheurs
americains soient venus aux archives, il faut noter qu'aucun n'est
venu d'Armenie. Il a specule sur le fait qu'il n'y a pas de relations
diplomatiques entre la Turquie et l'Armenie - et cela a cause d'une
politique de reciprocite vis-a-vis de l'Armenie supposee ne pas ouvrit
ses archives aux chercheurs turcs. L'eminent historien de l'epoque
ottomane Halil Inalcik a critique le manque d'ouverture des archives
dans un editorial de fevrier 2001 dans le journal Radikal sous le titre
"Les Archives ottomanes doivent etre ouvertes au Monde". En depit de
la critique, cependant, le leit motive aujourd'hui est "ouverture"
et toute discussion tendant a la "protection" des archives vis-a-vis
des etrangers est politiquement incorrecte. Bien que l'autorite du
Directeur des Archives lui permette encore d'interdire l'accès,
il aura du mal a expliquer les raisons d'une telle restriction a
l'encontre de tout chercheur serieux.
Les Archives ont-elles ete purgees ?
8.(c) Plus importante peut-etre que les questions d'accession,
cependant, est la question : les archives sont-elles complètes ? Selon
le professeur Halil Berktay, il y a eu deux initiatives serieuses
tendant a "purger" les archives de tout document incriminant la
question armenienne. La première a eu lieu en 1918, on presume avant
l'occupation d'Istanbul par les forces alliees. Berktay avec d'autres
relèvent un temoignage devant les Tribunaux Militaires Turcs, indiquant
que des documents importants ont ete "voles" des archives.
Selon Berktay, une seconde purge a eu lieu en marge de l'initiative
d'ouvrir les archives d'Ozal, par un groupe de diplomates et de
generaux a la retraite menes par l'ex ambassadeur Muharrem Nuri Birgi
(note : Nuri etait precedemment ambassadeur a Londres et a l'Otan et
secretaire general du ministère des affaires etrangères). Berktay
soutien qu'au temps où il passait les archives au peigne fin,
Nuri Birgi rencontrait regulièrement un ami commun et a un moment,
en reference aux Armeniens, il confessa tristement que "Nous les
avons reellement massacres". Tony Greenwood, Directeur de l'Institut
Americain de Recherche en Turquie, a dit a des responsables politiques,
en aparte, que lorsqu'il travaillait aux archives a la meme epoque,
il etait bien connu qu'un groupe d'officiers a la retraite avaient un
accès privilegie et ont passe plusieurs mois a etudier les documents
archives. Un autre chercheur turc qui avait travaille sur la question
armenienne soutient que les travaux en cours pour repertorier les
documents servent en realite a purger les archives.
Faire face a l'Histoire
9. (sbu) Les attitudes de la Turquie vis-a-vis du genocide ont evolue
dans le temps. Meme si peu nombreux sont ceux qui ont le courage
d'en parler publiquement, quelques intellectuels, universitaires,
et d'autres remettent en question la version officielle des evenements.
Les citoyens ordinaires de l'Anatolie Centrale et Orientale
reconnaissent devant nous ce que leurs grands parents ont fait
subir aux Armeniens. Plusieurs visiteurs intellectuels americains
ont releve que le sujet n'est desormais plus tabou. Publiquement,
les classes dirigeantes turques (le groupe de reflexion nationaliste
ASAM, l'Association Historique d'Etat Turque, et jusqu'aux Archives
y compris), persistent a recuser les affirmations de la diaspora
et ripostent en accusant les Armeniens de s'etre engages dans des
revoltes massives et generalisees au cours de la guerre et en ayant
perpetre des massacres a grande echelle de musulmans turcs. Au cours
des recentes annees, le ministère de l'education a demande a des
lyceens de participer a un concours de redaction niant le Genocide
(note : Berktay soutient que cette idee a son origine dans l'ASAM
et impose au ministère par les contacts militaires de l'ASAM). Le
gouvernement actuel, quant a lui, a ete notablement plus reserve
que certains de ses predecesseurs, repetant consciencieusement la
necessite de 'laisser la question a la discussion des historiens'.
Commentaire
10. (c) Bien que presque un siècle soit passe depuis les evenements de
1915-1916, le fosse d'incomprehension entre les Armeniens et les Turcs
sur cette question reste considerable. Tout en n'etant plus un sujet
complètement ferme comme il l'a ete, la discussion en Turquie en reste
encore limitee et dominee par la ligne nationaliste-classe dominante.
Meme si le gouvernement actuel espère laisser cette question en
arrière, il est peu probable qu'il sera capable de faire beaucoup
plus que simplement encourager la creation de conditions propices a
une saine discussion. Il est douteux qu'en l'etat actuel des choses,
les archives ottomanes puissent apporter une interpretation definitive
de la question armenienne, mais elles seront au centre et une clef
pour des Turcs et Armeniens desireux d'entreprendre d'authentiques
recherches et debats sur ce sujet.
A cette fin, nous devons soutenir et encourager les chercheurs a
maintenir le pression pour acceder au materiel d'archives et a se
preparer a s'adresser au gouvernement turc pour exprimer des griefs
sur les obstacles officiels. Nous demandons au Departement (d'Etat)
de nous informer de telles demarches.
[email protected]
armenews.com
mercredi 14 septembre 2011
USA
Les guillemets qui sont employes au debut du telegramme sont peu
a peu abandonnes au fil du rapport du diplomate. Il est vrai qu'il
rappelle que selon les historiens turcs, quelques centaines de milliers
d'Armeniens tout au plus sont morts tues par des bandits, la maladie,
la faim, et les conditions climatiques...
Dans le paragraphe 4, on retrouve le thème developpe recemment par
Vahakn Dadrian sur la perception que les Turcs ont d'eux-memes,
après leurs defaites du debut du 20ème siècle dans les Balkans :
des victimes.
On apprend que la moitie environ des documents d'archive n'etant pas
encore "catalogues" sont inaccessibles aux chercheurs. Au huitième
paragraphe, un chercheur turc voit dans les travaux de mise en
catalogue une operation destinee a poursuivre la "purge" des archives.
Le diplomate ecrit explicitement que le gouvernement turc organise
la negation. Selon lui, ce sont les groupes nationalistes qui font
pression sur le gouvernement.
Le commentaire de fin est incomprehensible. Le consul americain renvoie
dos a dos les Armeniens et les Turcs. On aurait attendu qu'au moins
dans un document confidentiel, le diplomate eclaire son ministre
en disant de quel côte est le droit, voire la verite. On aurait pu
penser qu'il donne a son ministre des recommandations et des pistes
pour determiner une politique. Au lieu de cela, c'est le consul qui
demande a etre informe ; de quoi ? Des eventuelles protestations des
chercheurs genes dans leur accès aux archives.
Gilbert Beguian
Câble de l'ambassade des Etats-Unis - 04ISTANBUL1074
"GENOCIDE ARMENIEN " ET ARCHIVES OTTOMANES
Identifiant : 04ISTANBUL1074
Origine : Consulat d'Istanbul
Creation : 12 juillet 2004 09:01:00
Classification : CONFIDENTIEL
Etiquette : PREL PGOV AM TU ISTANBUL
Redacteur : ce câble n'a pas ete redige par Wikileaks
Ce document est un extrait partiel du telegramme original, Le texte
en son entier du telegramme originel n'est pas disponible.
C O N F I D E N T I E L SECTION 01 DE 03 ISTANBUL 001074
SIPDIS
E.O. 12958 : DECL : 07/11/2014
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SUBJECT : ARMENIAN "GENOCIDE" AND THE OTTOMAN ARCHIVES
Classe confidentiel par : le Consul General David Arnett pour les
raisons 1.5 (b&d)
Ceci est un document conjoint du Consulat General d'Istanbul/Ambassade
d'ANKARA
1. (sbu) Resume : le defaut d'entente et de dialogue sur la question du
soi-disant "genocide" reste un obstacle majeur au rapprochement turco-
armenien. Une solution a long terme a cette question problematique
ne peut etre construite qu'a travers un dialogue ouvert et un debat
sain et objectif. Le libre accès a toutes les archives ottomanes,
où se trouvent pour l'essentiel les preuves historiques relatives a
cette periode, est un aspect critique pour que s'installe la confiance
mutuelle necessaire a un tel debat. Bien que la Turquie ait fait
de gros progrès vers l'ouverture des archives et de stigmatiser la
question, des problèmes persistants et des doutes sur les archives
continuent a saper les efforts pour remplir le fosse d'incomprehension
entre les Armeniens et les Turcs sur cette question historique. Fin
du resume.
2. (u) L'obstacle le plus serieux a la reconciliation turco-armenienne
reste une impossibilite d'entente, ne serait-ce que sur un dialogue
sain sur la "question" armenienne ou sur ce qui est pour la plupart
des Turcs le "suppose genocide". Les accusations, negations et
contre-accusations sur cette question ont longtemps obscurci des
debats prepares dans la sincerite. Les intellectuels de la diaspora
ont reuni des quantites de temoignages oculaires et de declarations
detaillant les tragiques evenements de 1915-16 qui des conditions qui
d'après eux sont celles du genocide de 1,5 million d'Armeniens vivant
dans l'empire ottoman. Les historiens turcs contestent, quant a eux
disant que quelques centaines de milliers d'Armeniens, ont ete tues
par des bandits, par la maladie et les très dures conditions de vie,
quand, en reponse a la menace constituee par des insurges armeniens,
(et au "massacre" de beaucoup de musulmans turcs), une grande partie
de la population armenienne a ete deportee en Syrie et au Liban.
Une Question d'Identite
3. (sbu) Outre des milliers d'annees d'histoire ecrite, un riche
heritage culturel et une Eglise vivante, pour les Armeniens du
monde entier, les evenements de 1915-16 constituent une composante
fondamentale de leur identite moderne. Bien que quelques Armeniens
aient quelquefois cherche la vengeance dans la terreur et la violence,
(c'est le cas du terrorisme de l'ASALA des annees 1970), l'objectif
a ete fixe d'une campagne infatigable pour que ces evenements soient
reconnus comme un genocide.
4. (sbu) L'approche turque de la question armenienne est complexe.
Depuis l'instauration de la Republique turque, Ataturk et ses
heritiers de la classe dominante ont pense que pour entretenir l'
"identite turque" - qu'Ataturk et son entourage ont developpe comme
une construction artificielle, et dont ses heritiers politiques disent
qu'elle est sous la menace d'ennemis a l'interieur et a l'exterieur -
essentielle pour la protection et le developpement de la Republique.
Les representants a la fois de l'etat turc et de chaque gouvernement
jusqu'a ce jour, croient que la reconnaissance de tout mauvais
traitement inflige aux Armeniens remettrait en question ses frontières
et les propres revendications issues de la victimisation de la Turquie,
et exposerait la Turquie a des demandes d'indemnisation. Des decennies
de negation officielle et le refus d'envisager tout debat rationnel
en Turquie sur cette question taboue ont prive la Turquie d'un
environnement objectif propice aux affirmations de genocide.
Les archives sont-elles ouvertes ?
5. (sbu) Les deux parties se sont efforcees d'utiliser les Archives
ottomanes pour soutenir leur version des evenements. Les Turcs ont
publie des volumes de documents pour appuyer leur thèse, tandis que
l'attitude du gouvernement turc faisant obstacle au libre accès des
archives est vue par les chercheurs armeniens comme une volonte de
dissimuler les preuves du genocide.
Les chercheurs armeniens se sont plaints depuis longtemps de ne
pas pouvoir obtenir l'autorisation de faire des recherches dans les
archives ou de n'y en avoir eu accès que partiellement. D'autres faits
de retard (et disent-ils, deliberes) pour obtenir une autorisation,
ont souvent consomme la majeure partie de la duree prevue par les
conditions d'attribution d'une subvention ou celle d'un conge sans
solde.
Kevork Bardakchian, chef du programme des Etudes Armeniennes a
l'Universite du Michigan, par exemple, a rapporte aux responsables
politiques que ses autres collègues et lui-meme avaient essuye un
refus, tout simplement et sans explication lorsqu'il avait depose
des demandes dans les annees 1970 et 1980. Un directeur des archives
de l'epoque avait ouvertement parle de la necessite de "proteger"
les documents d'un mauvais traitement par des etrangers hostiles.
6. (sbu) Les specialistes turcs et etrangers sont d'accord pour dire
que l'ancien premier ministre et president Turgut Ozal a fait qu'un
pas reel soit franchi pour l'ouverture des archives a la fin des
annees 1980 et au debut des annees 1990. Les archives ont ete mises
sous l'autorite du premier ministre, les procedures pour obtenir des
autorisations de recherche allegees, et les efforts pour cataloguer
150 millions de documents ont ete acceleres. Tous ceux a qui nous
avons parle concèdent que cela a ete le signal d'un changement profond
qui se prolonge jusqu'a aujourd'hui. Selon l'administration turque
des archives, les autorisations sont normalement accordees en une
semaine, le personnel d'archivage est diligent, et les photocopies de
documents desirees sont disponibles a un prix raisonnable. Lorsque
des responsables politiques ont visite la salle de recherche des
archives un peu plus tôt ce mois-ci, le personnel lui a montre une
liste informatisee de plus de 300 chercheurs americains qui ont
recu l'autorisation de faire ici des recherches au cours des annees
recentes (plus d'une trentaine jusqu'a present, simplement pour cette
annee). Les catalogues sont egalement disponibles sur le site Internet
des Archives.
7 (sbu) Quelques restrictions a l'accès restent en place. Les
responsables turcs ne permettent pas l'accès a plus de 70 millions de
documents non encore catalogues et soutiennent que beaucoup d'autres
sont trop endommages pour etre employes par les chercheurs. En outre
quelques critiques s'elèvent encore selon lesquelles le gouvernement
turc cherche a bloquer les personnes qui cherchent dans le domaine de
la question armenienne. Le Directeur des services d'Archives d'Etat du
premier ministre Yusuf Farinay a indique aux responsables politiques
que les chercheurs doivent se trouver legalement en Turquie a cet
effet, ce qui implique un visa d'approbation du ministère des affaires
etrangères. Quelques chercheurs voient encore leur autorisation
retardee ou refusee purement et simplement (les chercheurs grecs ont
ete eux-aussi victimes de telles discriminations dans le passe). Le
Directeur d'Archive Sarinay a dit que bien que beaucoup de chercheurs
americains soient venus aux archives, il faut noter qu'aucun n'est
venu d'Armenie. Il a specule sur le fait qu'il n'y a pas de relations
diplomatiques entre la Turquie et l'Armenie - et cela a cause d'une
politique de reciprocite vis-a-vis de l'Armenie supposee ne pas ouvrit
ses archives aux chercheurs turcs. L'eminent historien de l'epoque
ottomane Halil Inalcik a critique le manque d'ouverture des archives
dans un editorial de fevrier 2001 dans le journal Radikal sous le titre
"Les Archives ottomanes doivent etre ouvertes au Monde". En depit de
la critique, cependant, le leit motive aujourd'hui est "ouverture"
et toute discussion tendant a la "protection" des archives vis-a-vis
des etrangers est politiquement incorrecte. Bien que l'autorite du
Directeur des Archives lui permette encore d'interdire l'accès,
il aura du mal a expliquer les raisons d'une telle restriction a
l'encontre de tout chercheur serieux.
Les Archives ont-elles ete purgees ?
8.(c) Plus importante peut-etre que les questions d'accession,
cependant, est la question : les archives sont-elles complètes ? Selon
le professeur Halil Berktay, il y a eu deux initiatives serieuses
tendant a "purger" les archives de tout document incriminant la
question armenienne. La première a eu lieu en 1918, on presume avant
l'occupation d'Istanbul par les forces alliees. Berktay avec d'autres
relèvent un temoignage devant les Tribunaux Militaires Turcs, indiquant
que des documents importants ont ete "voles" des archives.
Selon Berktay, une seconde purge a eu lieu en marge de l'initiative
d'ouvrir les archives d'Ozal, par un groupe de diplomates et de
generaux a la retraite menes par l'ex ambassadeur Muharrem Nuri Birgi
(note : Nuri etait precedemment ambassadeur a Londres et a l'Otan et
secretaire general du ministère des affaires etrangères). Berktay
soutien qu'au temps où il passait les archives au peigne fin,
Nuri Birgi rencontrait regulièrement un ami commun et a un moment,
en reference aux Armeniens, il confessa tristement que "Nous les
avons reellement massacres". Tony Greenwood, Directeur de l'Institut
Americain de Recherche en Turquie, a dit a des responsables politiques,
en aparte, que lorsqu'il travaillait aux archives a la meme epoque,
il etait bien connu qu'un groupe d'officiers a la retraite avaient un
accès privilegie et ont passe plusieurs mois a etudier les documents
archives. Un autre chercheur turc qui avait travaille sur la question
armenienne soutient que les travaux en cours pour repertorier les
documents servent en realite a purger les archives.
Faire face a l'Histoire
9. (sbu) Les attitudes de la Turquie vis-a-vis du genocide ont evolue
dans le temps. Meme si peu nombreux sont ceux qui ont le courage
d'en parler publiquement, quelques intellectuels, universitaires,
et d'autres remettent en question la version officielle des evenements.
Les citoyens ordinaires de l'Anatolie Centrale et Orientale
reconnaissent devant nous ce que leurs grands parents ont fait
subir aux Armeniens. Plusieurs visiteurs intellectuels americains
ont releve que le sujet n'est desormais plus tabou. Publiquement,
les classes dirigeantes turques (le groupe de reflexion nationaliste
ASAM, l'Association Historique d'Etat Turque, et jusqu'aux Archives
y compris), persistent a recuser les affirmations de la diaspora
et ripostent en accusant les Armeniens de s'etre engages dans des
revoltes massives et generalisees au cours de la guerre et en ayant
perpetre des massacres a grande echelle de musulmans turcs. Au cours
des recentes annees, le ministère de l'education a demande a des
lyceens de participer a un concours de redaction niant le Genocide
(note : Berktay soutient que cette idee a son origine dans l'ASAM
et impose au ministère par les contacts militaires de l'ASAM). Le
gouvernement actuel, quant a lui, a ete notablement plus reserve
que certains de ses predecesseurs, repetant consciencieusement la
necessite de 'laisser la question a la discussion des historiens'.
Commentaire
10. (c) Bien que presque un siècle soit passe depuis les evenements de
1915-1916, le fosse d'incomprehension entre les Armeniens et les Turcs
sur cette question reste considerable. Tout en n'etant plus un sujet
complètement ferme comme il l'a ete, la discussion en Turquie en reste
encore limitee et dominee par la ligne nationaliste-classe dominante.
Meme si le gouvernement actuel espère laisser cette question en
arrière, il est peu probable qu'il sera capable de faire beaucoup
plus que simplement encourager la creation de conditions propices a
une saine discussion. Il est douteux qu'en l'etat actuel des choses,
les archives ottomanes puissent apporter une interpretation definitive
de la question armenienne, mais elles seront au centre et une clef
pour des Turcs et Armeniens desireux d'entreprendre d'authentiques
recherches et debats sur ce sujet.
A cette fin, nous devons soutenir et encourager les chercheurs a
maintenir le pression pour acceder au materiel d'archives et a se
preparer a s'adresser au gouvernement turc pour exprimer des griefs
sur les obstacles officiels. Nous demandons au Departement (d'Etat)
de nous informer de telles demarches.