Palestine Solidarité
22 sept 2011
Syrie : Une guerre civile ne profiterait qu'à Israël
Mère Agnès-Mariam de la Croix
Jeudi 22 septembre 2011
Une excellente analyse de Mère Agnès-Mariam de la Croix (*), Higoumène
du monastère Saint Jacques l'Intercis en Syrie. Il convient de prendre
très sérieusement en compte ce qu'elle affirme.
Chrétiens du Moyen-Orient : Le Patriarche, les catacombes et la révolution
Les chrétiens du Moyen-Orient ont suivi avec le plus grand intérêt la
visite protocolaire du Patriarche maronite Mar Boutros Béchara Raï en
France [1].
On n'en revenait pas d'entendre de la bouche du Pasteur ce que chacun
d'entre nous aurait souhaité dire au monde. Pour quelques jours les
chrétiens se sont sentis dignes et libres, loin de toute récupération
du langage et de toute sophistication des idées qui les obligeait à se
contenter de vivre dans les catacombes de l'actualité.
Il faut avoir vécu la guerre du Liban, celle de l'Irak ou, le génocide
arménien, pour savoir ce que c'est que d'être court-circuité par les
moyens de (dés) information et de ne plus faire partie du consensus
mondial, et de subir ainsi l'injustice tout en étant vilipendé. En ces
temps-là-les chefs religieux devaient, par égard pour leurs ouailles,
relativiser les sévices commis contre elles. Ultime humiliation : il
fallait ne jamais transgresser le politiquement correct même pour
stigmatiser une injustice, une répression ou un génocide.
Que les régions chrétiennes soient bombardées jour et nuit par une
armée arabe venue pour instaurer la paix, au Nom de Dieu on réclamait
le silence et la patience ; que les chrétiens soient chassés de leur
région, massacre aidant, dans le cadre d'une redistribution
démographique programmée, on insistait sur la nécessité de pardonner ;
qu'ils soient persécutés au point de prendre le chemin de l'exil
laissant à d'autres leurs biens meubles et immeubles, on leur disait
qu'il était inutile de réclamer. En ces temps-là, leurs pasteurs ne se
permettaient pas l'imprudence de contrarier les bourreaux et moins
encore les commanditaires internationaux de ces derniers.
Qu'ils soient dissidents ou sympathisants du régime, les chrétiens ont
toujours tort. Au Liban ou jadis en Arménie ils avaient tort de
réclamer leur indépendance. En Irak ou en Syrie ils ont tort de ne pas
trahir leur pays. Ils ont tort de ne pas se plier aux diktats des
grandes puissances qui un jour répriment la dissidence et un autre
l'imposent.
C'est ainsi que les chrétiens des pays arabes payent la dette d'être
en trop sur l'échiquier de la région. C'est sans doute pour leur
épargner de plus grandes souffrances que leurs pasteurs ont préféré
vivre dans les catacombes du silence, les entraînant à y résider avec
eux. Il faudrait avoir été obligé, manu militari et in nomine Dei (par
la force des armes et au Nom de Dieu) à rentrer dans ces catacombes-là
pour comprendre la libération que sentent aujourd'hui beaucoup de
chrétiens grce aux prises de position courageuses de ce Patriarche à
qui « la Gloire du Liban a été donnée ». Oui, ils constatent que les
temps ont changé puisque leur Pasteur ose dire simplement ce qu'ils
pensent dans le secret : leurs peurs, leurs désirs, leur vérité. En
vérité il les guide vers la plus grande libération : celle de la
vérité qui s'ose dire puisque c'est la vérité qui rend libre. C'est
bien ici que la révolution, la vraie, commence, avec son chemin de
croix pour quiconque « rend témoignage à la vérité » [2].
Les chrétiens sont tellement reconnaissants que « leur » Patriarche ne
craigne pas d'affronter le tollé d'une opinion publique massivement
ralliée à des thèses préfabriquées. Oh comme ils apprécient que cet
homme de Dieu n'ait pas peur des voix dissidentes qui se sont élevées
à l'intérieur même de son troupeau. Ils reconnaissent en ce Patriarche
le Bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis.
C'est un miracle qu'un Patriarche parle à l'encontre de la majorité
bien pensante du Nouvel Ordre Mondial. C'est une révolution que les
chrétiens des catacombes du mutisme et de la répression retrouvent un
chef qui dise leur vérité nue sans additifs ni édulcorants. Le monde
en a été suffoqué, les médias abasourdis, les chancelleries, la
française en premier, n'en reviennent pas que l'Eglise d'Orient puisse
avoir un chef si ancré dans la véracité qu'il n'a pas peur de dire
simplement ce qu'il pense.
La gêne qui l'accueille montre à quel point, sans le savoir, nous
avons tous glissé dans un totalitarisme d'un genre nouveau, aussi
dangereux que larvé.
Depuis des mois nous pouvons constater, en zappant entre les diverses
chaînes satellitaires d'information, que partout c'est le même son de
cloche, la même version. On se croirait revenus au régime du parti
unique à cette nuance près que chaque chaîne déploie différemment les
artifices du tridimensionnel multicolore pour enjoliver la ration pour
dupes qu'elle propose à ses téléspectateurs. Cette information «
uniformisée » et monopartite, administrée sous couvert d'intérêt
militant pour la démocratie et la liberté des peuples opprimés, est
ingurgitée pieusement et massivement par les téléspectateurs qui ont
peur de se départir des scénarios qui leur sont inlassablement
présentés parce qu'ils croient qu'ils prennent parti pour la bonne
cause.
Aussi, c'est avec soulagement et gratitude que les chrétiens non
gagnés aux thèses fallacieuses des maîtres du monde, accueillent les
courageuses et franches assertions du Patriarche concernant la
situation dramatique liée au « printemps arabe ». Face à ce printemps
qui a déjà fait plus de 60'000 morts en Libye, Béchara Raï reste
dubitatif quant à sa portée réelle sur le présent et l'avenir de la
démocratie au Moyen-Orient [3] en général et au sort des chrétiens en
particulier. Il le dit en toutes lettres : « Il est nécessaire pour
tous les régimes de la région de respecter leurs peuples mais la
théorie du soulèvement romantique des opprimés contre les régimes
dictatoriaux est caricaturale. L'action de la communauté
internationale, que ce soit au niveau des Etats ou du Conseil de
sécurité, devrait tenir compte de ce paramètre. » Pour la Syrie il le
dit haut et fort : « Nous redoutons une guerre civile ou l'avènement
d'un régime plus radical, ainsi que le démembrement du monde arabe en
mini-Etats confessionnels qui ne conviendraient qu'à Israël. [4] »
Et de préciser : « Que se passera-t-il en Syrie ? Y aura-t-il une
guerre sunnito-alaouite dans ce pays ? Ce serait non pas une
démocratie mais un génocide. Lorsque des sociétés sont victimes de
guerres, de crises économiques et de privation des droits élémentaires
de l'homme, nous ne pouvons que nous inquiéter pour les chrétiens,
parce que nous ne voulons pas qu'ils soient traités en tant
qu'étrangers. Lorsque les régimes dans certains Etats sont religieux
(...), nous vivons en danger permanent » [5].
Aussi, fidèle aux orientations générales de l'Église Catholique, le
Patriarche favorise l'option d'un État civil avec la séparation de la
politique et du religieux, seule garantie contre les « déviations » du
confessionnalisme.
Auprès des officiels français, le Patriarche n'a pas craint d'évoquer
le sort des chrétiens dans les pays dont les régimes ont été
renversés, ou dans les pays en proie à des soulèvements populaires. «
Il est nécessaire d'aider les chrétiens du monde arabe aux plans
matériel, humain et spirituel, pour leur permettre de tenir bon dans
leurs pays respectifs » [6].
Je cite en son entier le rapport de presse de Louis Denghien du site
Infosyrie paru le 9 septembre 2011 :
« Au cours d'une conférence de presse tenue à Paris le 8 septembre, le
nouveau patriarche maronite Mgr Béchara Raï a mis l'Occident et la
France en garde contre la percée de mouvements islamistes radicaux
dans le monde arabe, à la faveur des révoltes et révolutions en cours.
Et le 77e patriarche de l'Eglise chrétienne maronite a clairement dit
que la Syrie n'était pas totalement à l'abri d'une sanglante
subversion de type islamiste. Il a du reste invité les occidentaux à
donner « plus de chance à Bachar al-Assad » pour mettre en application
les réformes politiques et sociales annoncées en juillet. « En Syrie,
le président n'est pas comme quelqu'un qui, à lui seul, peut décider
des choses. Il a un grand parti Baas qui gouverne. (Assad) lui, en
tant que personne, est ouvert » a notamment déclaré le patriarche
d'Antioche qui a encore précisé : « Nous ne sommes pas avec le régime
mais nous craignons la transition ».
Mgr Raï, qui est libanais, s'est également étonné que les pays
occidentaux s'opposent à renforcer l'armement de l'armée libanaise, ou
refusent de faire appliquer les résolutions du Conseil de sécurité des
Nations-Unies relatives au retour des Palestiniens dans leur pays.
A dire vrai, Mgr Raï n'est pas si naïf : il a mis les pieds dans le
plat géopolitique en remarquant, au cours de sa conférence de presse,
que les pays occidentaux n'étaient soucieux que des intérêts d'Israël.
« Tout ce qui se passe dans les pays arabes, émiettant leur unité, va
dans l'intérêt d'Israël » a précisé le patriarche qui s'est encore «
interrogé » sur le type de démocratie que les Américains avaient
installée en Irak.
Mgr Béchara Raï n'est certes pas le premier dignitaire chrétien à
s'inquiéter ouvertement de la montée en puissance, notamment
militaire, des groupes islamistes radicaux en Syrie (voir nos articles
« Une religieuse syrienne : mensonges médiatiques & réalités de
terrain » et « Ca commence à se dire : les chrétiens syriens redoutent
la « dérive islamiste » de la rébellion », mis en ligne les 19 et 16
août). Recevant les lettres de créances du nouvel ambassadeur syrien
auprès du Saint-Siège, le 9 juin dernier, le Pape, tout en appelant en
substance le gouvernement de Damas à privilégier le dialogue par
rapport à la répression avait eu ces mots : « Pour faire progresser la
paix dans la région, une solution globale doit être trouvée. Celle-ci
ne doit léser les intérêts d'aucune des parties en cause et être le
fruit d'un compromis et non de choix unilatéraux imposés par la force.
Celle-ci ne résout rien, pas plus que les solutions partielles ou
unilatérales qui sont insuffisantes ». Une ou deux pierres symboliques
dans le jardin des puissances occidentales, très pressées de faire de
la Syrie un nouvel Irak, au risque de contraindre à leur tour les
chrétiens syriens à choisir entre la valise et le cercueil ! Fin de
citation.
Dans ses prises de position, le Patriarche Raï était en harmonie avec
celles du Patriarche grec orthodoxe Ignace IV Hazim et du Patriarche
grec-catholique Grégoire III Laham. Il s'est interrogé sur le genre de
démocratie que les puissances occidentales privilégient en Orient. «
De quelle démocratie s'agit-il en Iraq, à la lumière de l'exode massif
des chrétiens de ce pays ? ». Le chef de l'Église maronite a manifesté
sa crainte que le processus entamé pour renverser le régime syrien
-dont il n'a pas caché les vices - ne mène à un exode massif des
chrétiens et à une guerre civile aux conséquences désastreuses pour
toute la région.
Sans craindre de prendre une position différente de celle de la
France, le Patriarche Raï a parlé avec réalisme du Président Bachar El
Assad -de qui le Président Sarkozy affirme qu'« il est fini » [7] - et
a demandé qu'une chance soit donnée à son plan de réforme. Il
soulignait indirectement son désaveu de toute ingérence extérieure et
de toute escalade para militaire dans le processus de démocratisation
de la Syrie. En cela il rejoint les préoccupations d'une partie non
négligeable de l'opposition syrienne intra muros. Il a cependant prit
soin de préciser que l'Église n'appuie aucun régime en particulier.
Son action n'étant pas politique mais pastorale.
Le Patriarche n'a pas eu peur de contrecarrer les médias de la
désinformation. Il a exprimé sa sollicitude et son inquiétude pour
l'avenir des minorités chrétiennes du Moyen-Orient, plus précisément
en Syrie où, affirmait-il, l'instauration d'un régime religieux
d'obédience sunnite allait exaspérer les tensions entre Sunnites et
Chiites dans la région.
Revenir aux catacombes pour concilier l'avenir ?
Les positions pastorales du Patriarche maronite ont été reçues
disgracieusement par les chrétiens de la nouvelle opposition libanaise
qui ont essayé de jeter de la poudre aux yeux de l'opinion publique en
dénonçant « des propos confessionnels discriminatoires » de la part de
leur chef religieux.
Les positions de ces politiciens veulent, par précaution, ménager la
sensibilité de l'opposition syrienne qui, jouissant de l'appui
international, est convaincue qu'elle va renverser le régime. Les
chrétiens ne devraient donc pas prendre trop clairement position
contre l'opposition syrienne. Ils prônent en définitive encore et
toujours les catacombes pour les chrétiens du Moyen-Orient. Mais, pour
toute personne non engagée politiquement, comment justifier
l'injustifiable devant les crimes confessionnels de Qusayr, de Homs ou
de Kafarbohom, perpétrés par des sunnites contre des chrétiens ou des
alaouites ? Ces actes barbares cherchent à fomenter la guerre civile
en comptant sur les actes de vengeance de la part des familles des
victimes.
Il faut venir en Syrie et, notamment, à Homs ces jours-ci pour voir de
ses propres yeux l'incroyable réalité des groupuscules terroristes
qui, protégés par le silence international, dévastent la ville et,
plus précisément, les vieux quartiers chrétiens du centre. Une amie
syro-arménienne, était avec son mari et son fils, médecins de
profession, dans leur clinique privée dans le quartier Bab Sbah
lorsque les révolutionnaires entourèrent le quartier et empêchèrent
les habitants de sortir de chez eux, les prenant comme boucliers
humains contre l'offensive de l'armée.
Arminée me raconte : « Nous avons essayé de sortir de l'immeuble par
la porte de derrière pour regagner notre appartement. Mais les
rebelles nous ont surpris avec des jets de flamme pour nous dissuader
de partir. Mon mari a essayé de les convaincre : en effet je suis
cancéreuse, et rester la nuit à même le sol dans la clinique, était
impensable pour moi. Mon mari a risqué sa vie pour demander à parler
aux rebelles. A sa grande surprise il a noté qu'ils étaient sous
stupéfiants, et n'avaient aucun sens de la réalité. Ils ne sont pas
syriens, leur accent les trahit. Malgré nos supplications ils ont
refusé de nous entendre et ont repoussé mon mari à l'intérieur. De
loin, leur chef, tirait en l'air et leur faisait signe de fermer la
porte de l'immeuble. Nous avons passé à même le sol une nuit d'enfer.
Ce n'est que le lendemain, lorsque l'armée est entrée, que nous avons
pu rejoindre notre appartement, faire nos valises et...partir vers le
littoral en attendant la pacification de la ville ».
Cette présence d'une cellule terroriste multinationale avait été
corroborée par divers témoins. Homs est une ville importante qui
commande la route internationale entre Damas et Alep et Damas et le
littoral. Par là transitent les marchandises en provenance des ports
de Lattaquieh ou de Tartous. Par là passent les caravanes en
provenance d'Alep ou d'Idleb. Si Hama avait une signification
culturelle essentiellement sunnite, Homs est une ville stratégique et
est appelée à être la Benghazi de Syrie.
Nous ne pouvons que regretter la position timorée ou hostile de clercs
ou de laïcs chrétiens « bien pensants » qui continuent à être
influencés sans plus par la campagne de désinformation médiatique et
qui s'indignent des descriptions en temps réel de ceux qui vivent les
évènements en Syrie avec le souci d'informer, sans parti pris
politique.
Il n'y a qu'à suivre l'évolution des évènements et lire entre les
lignes des médias pour se rendre compte que cette version « vécue »
est la bonne. Depuis le début nous témoignons d'une situation qui
n'est pas uniquement celle d'une opposition pacifique et populaire
contre un régime sanglant. Un agenda international récupère ce schème
pour déstabiliser impunément la région et redessiner ses contours au
profit de nouveaux gouvernements marionnettes d'obédience religieuse
sunnite pour qui la démocratie est le droit d'imposer la Sharia
islamique à tous les citoyens d'une manière autrement obligatoire que
les régimes laïcs en voie de disparition forcée.
La nouvelle phase de la révolution syrienne
Revenons à Homs : depuis le début des manifestations décrites
unanimement par les médias de la désinformation comme étant «
pacifiques » les rangs étaient infiltrés par des activistes qui
avaient pour mission de semer le désordre et inciter les forces de
l'ordre à la riposte. Très vite, comme durant le fameux dimanche des
Rameaux, des terroristes hirsutes, ont envahi certaines rues de Homs
pour tout casser et provoquer un état de siège.
La majorité des habitants de la ville attendait depuis des mois
l'intervention décisive de l'armée. Ils ont vécu des exactions, des
exécutions sommaires, un état de siège et une loi martiale de la part
des insurgés. La pression internationale a ralenti le pouvoir
décisionnaire de l'État.
Aujourd'hui c'est fait. L'armée encercle Homs et somme les insurgés de
se rendre. Ces derniers ont enfin fait surface avec leur armement
léger et lourd et leurs formations jihadistes implacables. Nous sommes
entrés dans une nouvelle phase de l'insurrection syrienne : celle de
la guerre des rues liée à la présence de cellules sunnites
combattantes, auparavant dormantes et aujourd'hui bien alertes.
Ce saut d'une insurrection armée larvée, occultée par les médias, à
une insurrection armée publique, justifiée par les médias, a été
préparé par une reformulation de la stratégie de la révolution
syrienne.
Pour Rami Khouri, analyste basé à Beyrouth, la chute de Kadhafi «
montre qu'il y a différents moyens de faire tomber les régimes arabes.
» « Une fois que le mouvement est lancé et que la bonne combinaison
est là - volonté populaire de changement et soutien régional et
international -, aucun régime ne peut résister.
En Syrie cette combinaison entre un soulèvement populaire et un
soutien régional et international existe. Ces régimes autoritaires,
aussi forts soient-ils, finissent par chuter, » prédit-il. Pour lui,
la révolte de la majorité chiite à Bahreïn, petit royaume dirigé par
une dynastie sunnite, n'a pas abouti car elle n'était pas soutenue de
l'étranger... « Louaï Hussein, une figure de l'opposition syrienne,
craint que la victoire des rebelles libyens ne renforce ceux qui, en
Syrie, appellent le mouvement jusqu'ici largement pacifique à prendre
les armes. "J'ai peur que certains opposants pressés de faire tomber
le régime, que nous avons toujours mis en garde contre une réplique du
modèle libyen, aient maintenant recours aux armes", dit l'écrivain. »
[8]
C'est chose faite. Dans un article-phare intitulé « La révolution
pacifique en danger en Syrie », Ignace Leverrier introduit avec une
emphase pathétique ce qui « justifie » le recours aux armes de
l'opposition :
« Ce qu'il est malheureusement en voie de gagner (le régime syrien),
c'est le défi cynique d'entraîner certains de ses concitoyens,
uniquement avides de liberté et de dignité mais trop longtemps exposés
dans l'indifférence internationale aux balles des militaires, aux
tortures des moukhabarat et aux exactions des shabbiha, à céder à la
tentation de recourir aux armes. Faut-il rappeler que "cynique", qui
en grec renvoie au chien, signifie la perte de tout sens moral ? »
[9].
Ce développement stratégique ne se heurte à aucune prévention car
l'opinion publique internationale a été préparée à une diabolisation
du régime face à une canonisation de l'opposition. Cela est dû en
majeure partie aux rapports fallacieux de Rami Abdel Rahman, directeur
de l'Observatoire syrien des droits de l'homme sis à Londres, dont la
mission est de faire un décompte quotidien des « morts » et « blessés
» parmi les opposants, jamais du côté adverse. Ce décompte aussi
morbide que mensonger falsifie la réalité au gré des besoins
médiatiques et est reçu sans plus de vérification par la presse
internationale.
Présentées comme étant des quêtes démocratiques populaires, les
manifestations sont le trompe-l'`il tout trouvé pour faire exploser la
situation en Syrie et justifier, au cas où le besoin se présente, une
intervention militaire à la manière libyenne.
Avec les prises de position des chefs religieux chrétiens, en
particulier, les assertions sans équivoques du Patriarche maronite, et
la déclaration du Secrétaire de la Ligue Arabe Nabil Arabi, en
conclusion à sa visite à Damas, la recolonisation de la Syrie semble
être encore relativement éloignée de la portée « humanitaire » des
stratèges de l'Otan.
Rendons grces à Dieu et espérons que les réformes que nous souhaitons
tous deviennent une réalité patente pour éviter le pire où tous nous
retournerions aux catacombes.
[1] C'est de tradition que la première visite d'un nouveau patriarche
maronite soit en France où il est reçu par le chef de l'État en signe
de la permanence des relations cordiales historiques entre la France
et les maronites qui remontent à Saint Louis.
[2] Jn 18,37
[3] http://www.la-croix.com/Religion/S-informer/Actualite/Le-nouveau-patriarche-maronite-reste-dubitatif-sur-le-Printemps-arabe-_EP_-2011-09-08-708859
[4] http://rplfrance.org/index.php
?content=eclairages/110909julienabiramia2-aa.htm
[5] http://rplfrance.org/index.php
?content=eclairages/110909julienabiramia2-aa.htm
[6] http://rplfrance.org/index.php
?content=eclairages/110909julienabiramia2-aa.htm
[7] Samir Tuéini, Journal Annahar du 10 septembre 2011, Beyrouth
[8] Cf http://www.journaltahalil.com/detail.php ?id=5396
[9] http://syrie.blog.lemonde.fr/
Agnès-Mariam de la Croix
Higoumène du monastère Saint Jacques l'Intercis
22 septembre 2011
(*) Mère Agnès-Mariam de la Croix est de nationalité libanaise et
française. Son père est réfugié palestinien de 1948. Elle a vécu la
guerre civile du Liban et travaille en Syrie depuis dix sept ans.
Source : Agnès-Mariam de la Croix
http://www.palestine-solidarite.org/analyses.Mere-Agnes_Mariam_de-la-croix.220911.htm
From: Baghdasarian
22 sept 2011
Syrie : Une guerre civile ne profiterait qu'à Israël
Mère Agnès-Mariam de la Croix
Jeudi 22 septembre 2011
Une excellente analyse de Mère Agnès-Mariam de la Croix (*), Higoumène
du monastère Saint Jacques l'Intercis en Syrie. Il convient de prendre
très sérieusement en compte ce qu'elle affirme.
Chrétiens du Moyen-Orient : Le Patriarche, les catacombes et la révolution
Les chrétiens du Moyen-Orient ont suivi avec le plus grand intérêt la
visite protocolaire du Patriarche maronite Mar Boutros Béchara Raï en
France [1].
On n'en revenait pas d'entendre de la bouche du Pasteur ce que chacun
d'entre nous aurait souhaité dire au monde. Pour quelques jours les
chrétiens se sont sentis dignes et libres, loin de toute récupération
du langage et de toute sophistication des idées qui les obligeait à se
contenter de vivre dans les catacombes de l'actualité.
Il faut avoir vécu la guerre du Liban, celle de l'Irak ou, le génocide
arménien, pour savoir ce que c'est que d'être court-circuité par les
moyens de (dés) information et de ne plus faire partie du consensus
mondial, et de subir ainsi l'injustice tout en étant vilipendé. En ces
temps-là-les chefs religieux devaient, par égard pour leurs ouailles,
relativiser les sévices commis contre elles. Ultime humiliation : il
fallait ne jamais transgresser le politiquement correct même pour
stigmatiser une injustice, une répression ou un génocide.
Que les régions chrétiennes soient bombardées jour et nuit par une
armée arabe venue pour instaurer la paix, au Nom de Dieu on réclamait
le silence et la patience ; que les chrétiens soient chassés de leur
région, massacre aidant, dans le cadre d'une redistribution
démographique programmée, on insistait sur la nécessité de pardonner ;
qu'ils soient persécutés au point de prendre le chemin de l'exil
laissant à d'autres leurs biens meubles et immeubles, on leur disait
qu'il était inutile de réclamer. En ces temps-là, leurs pasteurs ne se
permettaient pas l'imprudence de contrarier les bourreaux et moins
encore les commanditaires internationaux de ces derniers.
Qu'ils soient dissidents ou sympathisants du régime, les chrétiens ont
toujours tort. Au Liban ou jadis en Arménie ils avaient tort de
réclamer leur indépendance. En Irak ou en Syrie ils ont tort de ne pas
trahir leur pays. Ils ont tort de ne pas se plier aux diktats des
grandes puissances qui un jour répriment la dissidence et un autre
l'imposent.
C'est ainsi que les chrétiens des pays arabes payent la dette d'être
en trop sur l'échiquier de la région. C'est sans doute pour leur
épargner de plus grandes souffrances que leurs pasteurs ont préféré
vivre dans les catacombes du silence, les entraînant à y résider avec
eux. Il faudrait avoir été obligé, manu militari et in nomine Dei (par
la force des armes et au Nom de Dieu) à rentrer dans ces catacombes-là
pour comprendre la libération que sentent aujourd'hui beaucoup de
chrétiens grce aux prises de position courageuses de ce Patriarche à
qui « la Gloire du Liban a été donnée ». Oui, ils constatent que les
temps ont changé puisque leur Pasteur ose dire simplement ce qu'ils
pensent dans le secret : leurs peurs, leurs désirs, leur vérité. En
vérité il les guide vers la plus grande libération : celle de la
vérité qui s'ose dire puisque c'est la vérité qui rend libre. C'est
bien ici que la révolution, la vraie, commence, avec son chemin de
croix pour quiconque « rend témoignage à la vérité » [2].
Les chrétiens sont tellement reconnaissants que « leur » Patriarche ne
craigne pas d'affronter le tollé d'une opinion publique massivement
ralliée à des thèses préfabriquées. Oh comme ils apprécient que cet
homme de Dieu n'ait pas peur des voix dissidentes qui se sont élevées
à l'intérieur même de son troupeau. Ils reconnaissent en ce Patriarche
le Bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis.
C'est un miracle qu'un Patriarche parle à l'encontre de la majorité
bien pensante du Nouvel Ordre Mondial. C'est une révolution que les
chrétiens des catacombes du mutisme et de la répression retrouvent un
chef qui dise leur vérité nue sans additifs ni édulcorants. Le monde
en a été suffoqué, les médias abasourdis, les chancelleries, la
française en premier, n'en reviennent pas que l'Eglise d'Orient puisse
avoir un chef si ancré dans la véracité qu'il n'a pas peur de dire
simplement ce qu'il pense.
La gêne qui l'accueille montre à quel point, sans le savoir, nous
avons tous glissé dans un totalitarisme d'un genre nouveau, aussi
dangereux que larvé.
Depuis des mois nous pouvons constater, en zappant entre les diverses
chaînes satellitaires d'information, que partout c'est le même son de
cloche, la même version. On se croirait revenus au régime du parti
unique à cette nuance près que chaque chaîne déploie différemment les
artifices du tridimensionnel multicolore pour enjoliver la ration pour
dupes qu'elle propose à ses téléspectateurs. Cette information «
uniformisée » et monopartite, administrée sous couvert d'intérêt
militant pour la démocratie et la liberté des peuples opprimés, est
ingurgitée pieusement et massivement par les téléspectateurs qui ont
peur de se départir des scénarios qui leur sont inlassablement
présentés parce qu'ils croient qu'ils prennent parti pour la bonne
cause.
Aussi, c'est avec soulagement et gratitude que les chrétiens non
gagnés aux thèses fallacieuses des maîtres du monde, accueillent les
courageuses et franches assertions du Patriarche concernant la
situation dramatique liée au « printemps arabe ». Face à ce printemps
qui a déjà fait plus de 60'000 morts en Libye, Béchara Raï reste
dubitatif quant à sa portée réelle sur le présent et l'avenir de la
démocratie au Moyen-Orient [3] en général et au sort des chrétiens en
particulier. Il le dit en toutes lettres : « Il est nécessaire pour
tous les régimes de la région de respecter leurs peuples mais la
théorie du soulèvement romantique des opprimés contre les régimes
dictatoriaux est caricaturale. L'action de la communauté
internationale, que ce soit au niveau des Etats ou du Conseil de
sécurité, devrait tenir compte de ce paramètre. » Pour la Syrie il le
dit haut et fort : « Nous redoutons une guerre civile ou l'avènement
d'un régime plus radical, ainsi que le démembrement du monde arabe en
mini-Etats confessionnels qui ne conviendraient qu'à Israël. [4] »
Et de préciser : « Que se passera-t-il en Syrie ? Y aura-t-il une
guerre sunnito-alaouite dans ce pays ? Ce serait non pas une
démocratie mais un génocide. Lorsque des sociétés sont victimes de
guerres, de crises économiques et de privation des droits élémentaires
de l'homme, nous ne pouvons que nous inquiéter pour les chrétiens,
parce que nous ne voulons pas qu'ils soient traités en tant
qu'étrangers. Lorsque les régimes dans certains Etats sont religieux
(...), nous vivons en danger permanent » [5].
Aussi, fidèle aux orientations générales de l'Église Catholique, le
Patriarche favorise l'option d'un État civil avec la séparation de la
politique et du religieux, seule garantie contre les « déviations » du
confessionnalisme.
Auprès des officiels français, le Patriarche n'a pas craint d'évoquer
le sort des chrétiens dans les pays dont les régimes ont été
renversés, ou dans les pays en proie à des soulèvements populaires. «
Il est nécessaire d'aider les chrétiens du monde arabe aux plans
matériel, humain et spirituel, pour leur permettre de tenir bon dans
leurs pays respectifs » [6].
Je cite en son entier le rapport de presse de Louis Denghien du site
Infosyrie paru le 9 septembre 2011 :
« Au cours d'une conférence de presse tenue à Paris le 8 septembre, le
nouveau patriarche maronite Mgr Béchara Raï a mis l'Occident et la
France en garde contre la percée de mouvements islamistes radicaux
dans le monde arabe, à la faveur des révoltes et révolutions en cours.
Et le 77e patriarche de l'Eglise chrétienne maronite a clairement dit
que la Syrie n'était pas totalement à l'abri d'une sanglante
subversion de type islamiste. Il a du reste invité les occidentaux à
donner « plus de chance à Bachar al-Assad » pour mettre en application
les réformes politiques et sociales annoncées en juillet. « En Syrie,
le président n'est pas comme quelqu'un qui, à lui seul, peut décider
des choses. Il a un grand parti Baas qui gouverne. (Assad) lui, en
tant que personne, est ouvert » a notamment déclaré le patriarche
d'Antioche qui a encore précisé : « Nous ne sommes pas avec le régime
mais nous craignons la transition ».
Mgr Raï, qui est libanais, s'est également étonné que les pays
occidentaux s'opposent à renforcer l'armement de l'armée libanaise, ou
refusent de faire appliquer les résolutions du Conseil de sécurité des
Nations-Unies relatives au retour des Palestiniens dans leur pays.
A dire vrai, Mgr Raï n'est pas si naïf : il a mis les pieds dans le
plat géopolitique en remarquant, au cours de sa conférence de presse,
que les pays occidentaux n'étaient soucieux que des intérêts d'Israël.
« Tout ce qui se passe dans les pays arabes, émiettant leur unité, va
dans l'intérêt d'Israël » a précisé le patriarche qui s'est encore «
interrogé » sur le type de démocratie que les Américains avaient
installée en Irak.
Mgr Béchara Raï n'est certes pas le premier dignitaire chrétien à
s'inquiéter ouvertement de la montée en puissance, notamment
militaire, des groupes islamistes radicaux en Syrie (voir nos articles
« Une religieuse syrienne : mensonges médiatiques & réalités de
terrain » et « Ca commence à se dire : les chrétiens syriens redoutent
la « dérive islamiste » de la rébellion », mis en ligne les 19 et 16
août). Recevant les lettres de créances du nouvel ambassadeur syrien
auprès du Saint-Siège, le 9 juin dernier, le Pape, tout en appelant en
substance le gouvernement de Damas à privilégier le dialogue par
rapport à la répression avait eu ces mots : « Pour faire progresser la
paix dans la région, une solution globale doit être trouvée. Celle-ci
ne doit léser les intérêts d'aucune des parties en cause et être le
fruit d'un compromis et non de choix unilatéraux imposés par la force.
Celle-ci ne résout rien, pas plus que les solutions partielles ou
unilatérales qui sont insuffisantes ». Une ou deux pierres symboliques
dans le jardin des puissances occidentales, très pressées de faire de
la Syrie un nouvel Irak, au risque de contraindre à leur tour les
chrétiens syriens à choisir entre la valise et le cercueil ! Fin de
citation.
Dans ses prises de position, le Patriarche Raï était en harmonie avec
celles du Patriarche grec orthodoxe Ignace IV Hazim et du Patriarche
grec-catholique Grégoire III Laham. Il s'est interrogé sur le genre de
démocratie que les puissances occidentales privilégient en Orient. «
De quelle démocratie s'agit-il en Iraq, à la lumière de l'exode massif
des chrétiens de ce pays ? ». Le chef de l'Église maronite a manifesté
sa crainte que le processus entamé pour renverser le régime syrien
-dont il n'a pas caché les vices - ne mène à un exode massif des
chrétiens et à une guerre civile aux conséquences désastreuses pour
toute la région.
Sans craindre de prendre une position différente de celle de la
France, le Patriarche Raï a parlé avec réalisme du Président Bachar El
Assad -de qui le Président Sarkozy affirme qu'« il est fini » [7] - et
a demandé qu'une chance soit donnée à son plan de réforme. Il
soulignait indirectement son désaveu de toute ingérence extérieure et
de toute escalade para militaire dans le processus de démocratisation
de la Syrie. En cela il rejoint les préoccupations d'une partie non
négligeable de l'opposition syrienne intra muros. Il a cependant prit
soin de préciser que l'Église n'appuie aucun régime en particulier.
Son action n'étant pas politique mais pastorale.
Le Patriarche n'a pas eu peur de contrecarrer les médias de la
désinformation. Il a exprimé sa sollicitude et son inquiétude pour
l'avenir des minorités chrétiennes du Moyen-Orient, plus précisément
en Syrie où, affirmait-il, l'instauration d'un régime religieux
d'obédience sunnite allait exaspérer les tensions entre Sunnites et
Chiites dans la région.
Revenir aux catacombes pour concilier l'avenir ?
Les positions pastorales du Patriarche maronite ont été reçues
disgracieusement par les chrétiens de la nouvelle opposition libanaise
qui ont essayé de jeter de la poudre aux yeux de l'opinion publique en
dénonçant « des propos confessionnels discriminatoires » de la part de
leur chef religieux.
Les positions de ces politiciens veulent, par précaution, ménager la
sensibilité de l'opposition syrienne qui, jouissant de l'appui
international, est convaincue qu'elle va renverser le régime. Les
chrétiens ne devraient donc pas prendre trop clairement position
contre l'opposition syrienne. Ils prônent en définitive encore et
toujours les catacombes pour les chrétiens du Moyen-Orient. Mais, pour
toute personne non engagée politiquement, comment justifier
l'injustifiable devant les crimes confessionnels de Qusayr, de Homs ou
de Kafarbohom, perpétrés par des sunnites contre des chrétiens ou des
alaouites ? Ces actes barbares cherchent à fomenter la guerre civile
en comptant sur les actes de vengeance de la part des familles des
victimes.
Il faut venir en Syrie et, notamment, à Homs ces jours-ci pour voir de
ses propres yeux l'incroyable réalité des groupuscules terroristes
qui, protégés par le silence international, dévastent la ville et,
plus précisément, les vieux quartiers chrétiens du centre. Une amie
syro-arménienne, était avec son mari et son fils, médecins de
profession, dans leur clinique privée dans le quartier Bab Sbah
lorsque les révolutionnaires entourèrent le quartier et empêchèrent
les habitants de sortir de chez eux, les prenant comme boucliers
humains contre l'offensive de l'armée.
Arminée me raconte : « Nous avons essayé de sortir de l'immeuble par
la porte de derrière pour regagner notre appartement. Mais les
rebelles nous ont surpris avec des jets de flamme pour nous dissuader
de partir. Mon mari a essayé de les convaincre : en effet je suis
cancéreuse, et rester la nuit à même le sol dans la clinique, était
impensable pour moi. Mon mari a risqué sa vie pour demander à parler
aux rebelles. A sa grande surprise il a noté qu'ils étaient sous
stupéfiants, et n'avaient aucun sens de la réalité. Ils ne sont pas
syriens, leur accent les trahit. Malgré nos supplications ils ont
refusé de nous entendre et ont repoussé mon mari à l'intérieur. De
loin, leur chef, tirait en l'air et leur faisait signe de fermer la
porte de l'immeuble. Nous avons passé à même le sol une nuit d'enfer.
Ce n'est que le lendemain, lorsque l'armée est entrée, que nous avons
pu rejoindre notre appartement, faire nos valises et...partir vers le
littoral en attendant la pacification de la ville ».
Cette présence d'une cellule terroriste multinationale avait été
corroborée par divers témoins. Homs est une ville importante qui
commande la route internationale entre Damas et Alep et Damas et le
littoral. Par là transitent les marchandises en provenance des ports
de Lattaquieh ou de Tartous. Par là passent les caravanes en
provenance d'Alep ou d'Idleb. Si Hama avait une signification
culturelle essentiellement sunnite, Homs est une ville stratégique et
est appelée à être la Benghazi de Syrie.
Nous ne pouvons que regretter la position timorée ou hostile de clercs
ou de laïcs chrétiens « bien pensants » qui continuent à être
influencés sans plus par la campagne de désinformation médiatique et
qui s'indignent des descriptions en temps réel de ceux qui vivent les
évènements en Syrie avec le souci d'informer, sans parti pris
politique.
Il n'y a qu'à suivre l'évolution des évènements et lire entre les
lignes des médias pour se rendre compte que cette version « vécue »
est la bonne. Depuis le début nous témoignons d'une situation qui
n'est pas uniquement celle d'une opposition pacifique et populaire
contre un régime sanglant. Un agenda international récupère ce schème
pour déstabiliser impunément la région et redessiner ses contours au
profit de nouveaux gouvernements marionnettes d'obédience religieuse
sunnite pour qui la démocratie est le droit d'imposer la Sharia
islamique à tous les citoyens d'une manière autrement obligatoire que
les régimes laïcs en voie de disparition forcée.
La nouvelle phase de la révolution syrienne
Revenons à Homs : depuis le début des manifestations décrites
unanimement par les médias de la désinformation comme étant «
pacifiques » les rangs étaient infiltrés par des activistes qui
avaient pour mission de semer le désordre et inciter les forces de
l'ordre à la riposte. Très vite, comme durant le fameux dimanche des
Rameaux, des terroristes hirsutes, ont envahi certaines rues de Homs
pour tout casser et provoquer un état de siège.
La majorité des habitants de la ville attendait depuis des mois
l'intervention décisive de l'armée. Ils ont vécu des exactions, des
exécutions sommaires, un état de siège et une loi martiale de la part
des insurgés. La pression internationale a ralenti le pouvoir
décisionnaire de l'État.
Aujourd'hui c'est fait. L'armée encercle Homs et somme les insurgés de
se rendre. Ces derniers ont enfin fait surface avec leur armement
léger et lourd et leurs formations jihadistes implacables. Nous sommes
entrés dans une nouvelle phase de l'insurrection syrienne : celle de
la guerre des rues liée à la présence de cellules sunnites
combattantes, auparavant dormantes et aujourd'hui bien alertes.
Ce saut d'une insurrection armée larvée, occultée par les médias, à
une insurrection armée publique, justifiée par les médias, a été
préparé par une reformulation de la stratégie de la révolution
syrienne.
Pour Rami Khouri, analyste basé à Beyrouth, la chute de Kadhafi «
montre qu'il y a différents moyens de faire tomber les régimes arabes.
» « Une fois que le mouvement est lancé et que la bonne combinaison
est là - volonté populaire de changement et soutien régional et
international -, aucun régime ne peut résister.
En Syrie cette combinaison entre un soulèvement populaire et un
soutien régional et international existe. Ces régimes autoritaires,
aussi forts soient-ils, finissent par chuter, » prédit-il. Pour lui,
la révolte de la majorité chiite à Bahreïn, petit royaume dirigé par
une dynastie sunnite, n'a pas abouti car elle n'était pas soutenue de
l'étranger... « Louaï Hussein, une figure de l'opposition syrienne,
craint que la victoire des rebelles libyens ne renforce ceux qui, en
Syrie, appellent le mouvement jusqu'ici largement pacifique à prendre
les armes. "J'ai peur que certains opposants pressés de faire tomber
le régime, que nous avons toujours mis en garde contre une réplique du
modèle libyen, aient maintenant recours aux armes", dit l'écrivain. »
[8]
C'est chose faite. Dans un article-phare intitulé « La révolution
pacifique en danger en Syrie », Ignace Leverrier introduit avec une
emphase pathétique ce qui « justifie » le recours aux armes de
l'opposition :
« Ce qu'il est malheureusement en voie de gagner (le régime syrien),
c'est le défi cynique d'entraîner certains de ses concitoyens,
uniquement avides de liberté et de dignité mais trop longtemps exposés
dans l'indifférence internationale aux balles des militaires, aux
tortures des moukhabarat et aux exactions des shabbiha, à céder à la
tentation de recourir aux armes. Faut-il rappeler que "cynique", qui
en grec renvoie au chien, signifie la perte de tout sens moral ? »
[9].
Ce développement stratégique ne se heurte à aucune prévention car
l'opinion publique internationale a été préparée à une diabolisation
du régime face à une canonisation de l'opposition. Cela est dû en
majeure partie aux rapports fallacieux de Rami Abdel Rahman, directeur
de l'Observatoire syrien des droits de l'homme sis à Londres, dont la
mission est de faire un décompte quotidien des « morts » et « blessés
» parmi les opposants, jamais du côté adverse. Ce décompte aussi
morbide que mensonger falsifie la réalité au gré des besoins
médiatiques et est reçu sans plus de vérification par la presse
internationale.
Présentées comme étant des quêtes démocratiques populaires, les
manifestations sont le trompe-l'`il tout trouvé pour faire exploser la
situation en Syrie et justifier, au cas où le besoin se présente, une
intervention militaire à la manière libyenne.
Avec les prises de position des chefs religieux chrétiens, en
particulier, les assertions sans équivoques du Patriarche maronite, et
la déclaration du Secrétaire de la Ligue Arabe Nabil Arabi, en
conclusion à sa visite à Damas, la recolonisation de la Syrie semble
être encore relativement éloignée de la portée « humanitaire » des
stratèges de l'Otan.
Rendons grces à Dieu et espérons que les réformes que nous souhaitons
tous deviennent une réalité patente pour éviter le pire où tous nous
retournerions aux catacombes.
[1] C'est de tradition que la première visite d'un nouveau patriarche
maronite soit en France où il est reçu par le chef de l'État en signe
de la permanence des relations cordiales historiques entre la France
et les maronites qui remontent à Saint Louis.
[2] Jn 18,37
[3] http://www.la-croix.com/Religion/S-informer/Actualite/Le-nouveau-patriarche-maronite-reste-dubitatif-sur-le-Printemps-arabe-_EP_-2011-09-08-708859
[4] http://rplfrance.org/index.php
?content=eclairages/110909julienabiramia2-aa.htm
[5] http://rplfrance.org/index.php
?content=eclairages/110909julienabiramia2-aa.htm
[6] http://rplfrance.org/index.php
?content=eclairages/110909julienabiramia2-aa.htm
[7] Samir Tuéini, Journal Annahar du 10 septembre 2011, Beyrouth
[8] Cf http://www.journaltahalil.com/detail.php ?id=5396
[9] http://syrie.blog.lemonde.fr/
Agnès-Mariam de la Croix
Higoumène du monastère Saint Jacques l'Intercis
22 septembre 2011
(*) Mère Agnès-Mariam de la Croix est de nationalité libanaise et
française. Son père est réfugié palestinien de 1948. Elle a vécu la
guerre civile du Liban et travaille en Syrie depuis dix sept ans.
Source : Agnès-Mariam de la Croix
http://www.palestine-solidarite.org/analyses.Mere-Agnes_Mariam_de-la-croix.220911.htm
From: Baghdasarian