Le grand ordonnateur : Talaat Pacha
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Publié le : 20-08-2012
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - "Talaat Pacha, le "Hitler"
turc, est le principal responsable du génocide arménien de 1915. Il
avait consciencieusement noté dans ses carnets secrets la liste de
centaines de milliers de victimes arméniennes." Le Collectif VAN vous
invite à lire cette information publiée sur le site Imprescriptibles.
Légende photo : Talaat Pacha
Imprescriptibles
L'acte d'accusation présenté à la Cour martiale de Constantinople le
12 avril 1919 considère que le comportement criminel de Talaat est
prouvé par sa connaissance massacres et ses ordres les concernant, et
le déclare principal co-responsable de ces massacres. Il cite pour
nontrer cette affirmation un télégramme chiffré daté du juillet [1]331
[1915] adressé par Talaat aux vali et mutessarif de Diarbékir,
Kharpout, Ourfa et Deir-ez-Zor, et « concernant l'ordre de faire
enterrer les morts restés sur routes au lieu de jeter les cadavres
dans les ravins, lacs fleuves, et de brûler les effets abandonnés par
eux sur chemins1 ». En fait le ministre de l'Intérieur du gouvernement
Saïd Halim apparaît à toutes les phases de l'opération comme l'homme
clé sans lequel aucune mesure n'aurait pu être adoptée ni aucun ordre
exécuté. Il affirma publiquement son intention d'anéantir les
Arméniens de l'Empire ottoman. Il organisa et prémédita ce crime. Il
en surveilla les phases d'exécution et prit à l'égard des
fonctionnaires récalcitrants des mesures de rétorsion. Tout au long du
processus, Talaat apparut à ses interlocuteurs et ses correspondants,
un homme double, celui qui affirme ici ce qu'il nie là, qui publie un
décret officiel pour cacher une opération secrète, qui promet pour
mieux se rétracter. Bref, un menteur consommé. On ne saurait toutefois
demeurer sur cette conception sommaire de l'homme qui fut, avec Enver,
le véritable chef du Comité Union et Progrès. Enver pacha s'efforça
d'occuper le devant de la scène politique. Il porte la responsabilité
d'avoir fait entrer la Turquie dans la Guerre mondiale. Il fut un
partisan fanatique du touranisme, mais sa position s'affaiblit au
cours de la guerre avec les défaites des armées ottomanes. Talaat, au
contraire, demeura un conciliateur, celui vers lequel se tournaient
les différentes factions du Comité central du Parti pour établir un
consensus. Talaat joua donc le rôle de l'élément fixe, du noyau du
Parti. Le troisième membre du triumvirat, Djemal, eut une
responsabilité moindre. De même, le premier Ministre, Saïd Halim, fut
un pantin entre les mains du Comité central. En effet, les forces qui
animaient le Comité Union et Progrès s'exprimaient au sein du Comité
central où Talaat intervint comme modérateur. Le cercle du pouvoir se
rétrécit en fait régulièrement de la fin de 1915 au début de 1917.
Saïd Halim démissionna le 21 janvier 1917 et sa démission fut acceptée
par le secrétaire du Comité Union et Progrès, Midhat Choukrou. Talaat
refusa de continuer à occuper le poste de ministre de l'Intérieur,
prétextant les difficultés qu'il avait eues avec l'armée. Il devint
Grand vizir et Ismaïl Djambolat, un ancien militaire, occupa le poste
de ministre de l'Intérieur2. Ainsi Talaat, lorsqu'il décidait,
décidait en son nom propre, avec l'aval tacite du Comité central. Il
n'avait pas à persuader ses collègues de le laisser agir: il exprimait
leur désir. De 1908 à 1915, Talaat fut progressivement gagné à
l'idéologie panturquiste. Il n'y fut pas toutefois poussé par un
fanatisme aveugle mais par une vision froide de la situation politique
qui exigeait la disparition de la communauté arménienne en tant que
force politique et économique de l'Empire.
Talaat avait au cours des congrès du Comité Union et Progrès tenus à
Salonique en 1910 et 1911 précisé ses positions nationalistes. Lors de
la réunion secrète tenue en août 1910 il aurait déclaré : « Vous
n'ignorez pas que la Constitution affirmait l'égalité des musulmans et
des giavours, mais vous savez et estimez tous que c'est un idéal
irréalisable3. » Le congrès aurait adopté un programme centraliste
inspiré du panturquisme, visant à supprimer - au besoin par la force -
les éléments non-turcs de l'Empire. Lors du congrès d'octobre 1911 du
Comité Union et Progrès à Salonique, les mêmes principes de
centralisation et de panturquisme furent réaffirmés4. Talaat conduisit
en mai 1914 la mission turque qui se rendit à Livadia en Crimée, après
la signature de l'accord russo-turc du 8 février 1914 par lequel la
Turquie s'engageait envers la Russie à réaliser des réformes dans les
provinces orientales. Il signa le 23 mai 1914 les contrats des
Inspecteurs généraux nommés par cet accord : le Norvégien Hoff et le
Hollandais Westenenk5.
Les rapports des diplomates allemands confirment la volonté de Talaat
d'anéantir les Arméniens : « Le ministre de l'Intérieur Talaat bey, a
récemment déclaré (au docteur Mordtmann, en poste à l'ambassade
allemande de Constantinople que la Porte voulait profiter de la Guerre
mondiale pour en finir radicalement avec ses ennemis intérieurs sans
être gênée par l'intervention diplomatique de l'étranger », écrit le
17 juin 1915 le baron von Wangenheim6. Six semaines plus tard, Talaat
affirme à l'ambassadeur par intérim, Hohenlohe : « La Question
arménienne n'existe plus7 ». Dans un entretien au journal allemand
Berliner Tageblatt, il aurait déclaré à propos des massacres arméniens
: « Nos actes nous ont été dictés par une nécessité historique et
nationale. Le principe de garantir l'existence de la Turquie doit
passer avant toute autre considérations8. » Dans un long rapport
adressé en octobre 1915 au ministre des Affaires étrangères allemand,
Ernst Jäckh, partisan de l'amitié germano-turque, parle du « sentiment
inébranlable de confiance politique qu'exprimait Talaat au sujet de la
destruction du peuple arménien9 ».
Pourtant Talaat niait obstinément devant les ambassadeurs allemand et
autrichien avoir organisé la destruction des Arméniens. L'ambassadeur
allemand considérait les déportations comme un prétexte à
l'extermination. Une semaine avant sa mort, le baron von Wangenheim
avisait en effet Berlin que les démentis de Talaat à propos des
massacres étaient un bluff. Son successeur, le comte Wolff-Metternich,
considérait Talaat comme un personnage « sans scrupules », un « homme
double » (Doppelgänger) : « Les protestations sont sans effet et les
démentis turcs sans valeur », avait-il écrit. L'ambassadeur
autrichien, Pallavicini, se plaignait à Vienne que Talaat « jetait de
la poudre aux yeux ». Il le décrivait également menant un double-jeu
(Doppelspiel) 10. Les consuls allemands étaient plus véhéments à
l'égard des démentis de la Sublime Porte. Le consul d'Adana, Büge, les
qualifiait de « tromperie éhontée », et celui de Mossoul, Holstein, de
« mensonges flagrants 11 ». Le consul d'Alep, Rössler, s'indignait: «
En vérité, je ne peux pas en croire mes yeux lorsque je lis cette
déclaration de démenti et je ne trouve pas d'expression pour qualifier
cet insondable mensonge12 ». Dans ses confidences faites en privé à
l'ambassadeur américain Morgenthau, Talaat s'exprimait plus
franchement : « Je vous ai demandé de venir aujourd'hui, désirant vous
expliquer notre attitude à l'égard des Arméniens ; elle est basée sur
trois points distincts : en premier lieu, les Arméniens se sont
enrichis aux dépens des Turcs ; secondement, ils ont résolu de se
soustraire à notre domination et de créer un Etat indépendant ; enfin
ils ont ouvertement aidé nos ennemis, secouru les Russes dans le
Caucase et par là causé nos revers. Nous avons donc pris la décision
irrévocable de les rendre impuissants avant la fin de la guerre. [...]
Nous avons déjà liquidé la situation des trois-quarts des Arméniens ;
il n'y en a plus à Bitlis, ni à Van, ni à Erzeroum. La haine entre les
deux races est si intense qu'il nous faut en finir avec eux, sinon
nous devrons craindre leur vengeance13. » Cet aveu cynique était
intéressé. Talaat voulait se procurer la liste des Arméniens assurés
sur la vie auprès de compagnies américaines afin de faire bénéficier
le gouvernement turc de ces assurances, leurs titulaires ayant disparu
sans héritiers14. Le 19 septembre 1915, le Patriarche arménien de
Constantinople, Monseigneur Zaven, s'entretint avec Talaat. Celui-ci
lui expliqua que les Arméniens étaient responsables de la situation.
Il protesta de ses sentiments pro-arméniens : « Moi, j'aimais les
Arméniens, car je les savais utiles en tant qu'éléments du pays, mais
c'est le contraire qui fut. Il est normal que j'aime encore plus ma
patrie que les Arméniens15. » Quelques mois auparavant, Talaat avait
été plus franc avec le député arménien Vartkes qui pouvait se vanter
d'être son ami: « Aux jours de notre faiblesse, après la reprise
d'Andrinople, vous nous avez sauté à la gorge et avez ouvert la
question des réformes arméniennes. Voilà pourquoi nous profiterons de
la situation favorable dans laquelle nous nous trouvons, pour
disperser tellement votre peuple que vous vous ôterez de la tête pour
cinquante ans toute idée de réforme16. » L'ambassadeur allemand Johann
Bernstorff qui, en poste à Washington de 1908 à 1917 avait d'abord nié
catégoriquement les massacres arméniens, les qualifiant de «
prétendues atrocités », reconnut que Talaat lui avait dit plus tard,
pour lever ses scrupules - à lui, Bernstorff -: « Que diable
voulez-vous ? La Question arménienne est résolue. Il n'y a plus
d'Arméniens17. » Bernstorff avait été le dernier ambassadeur allemand
dans l'Empire ottoman (du 7 septembre 1917 au 27 octobre 1918). Talaat
avait, on l'a vu, fait la même déclaration à son prédécesseur, le
prince Hohenlohe18.
Ces déclarations d'intention, contradictoires, démontrent le
double-jeu mais ne permettent pas d'impliquer directement Talaat. En
revanche, des télégrammes chiffrés de Talaat ont été produits au cours
des procès devant les Cours Martiales turques et des déclarations de
fonctionnaires turcs ont corroboré les faits évoqués dans ces
télégrammes. Le Ministre de l'Intérieur tenait en effet deux langages.
L'un officiel où il présentait les édits impériaux, les lois et les
mesures gouvernementales comme autant de preuves des bonnes intentions
du pouvoir à l'égard des Arméniens. L'autre, secret, à son domicile
personnel qui contrastait avec le somptueux palais d'Enver. Là, dans
son bureau modestement meublé, était installé un appareil
télégraphique qu'il pianotait19. Le personnage officiel présentait aux
requêtes des diplomates la loi sur la déportation promulguée le 19 mai
1915 (dont seuls quatre articles sur huit furent publiés20), ou des
télégrammes qu'il adressait aux autorités provinciales et qui
prouvaient que le gouvernement central était soucieux de prévenir les
excès dont les Arméniens étaient victimes et de veiller au
ravitaillement des déportés ) pendant leur voyage21, tandis que le
militant de l'Ittihad organisait dans l'ombre l'extermination d'un
peuple. Le 2 avril 1919, le ministre de l'Intérieur du gouvernement )
Damad Ferid pacha, Djemal, faisait remettre au procureur général du
Tribunal militaire quarante-deux télégrammes envoyés aux différentes
préfectures entre le 1er mai 1915 et avril 1917 par le ministère de
l'Intérieur. Ces documents, adressés sur requête de la Commission
Mazhar par la préfecture d'Angora, étaient des copies portant la
mention "Conforme à l'original" et, sur certaines, figuraient deux
signatures, l'une de Talaat, l'autre d'un de ses secrétaires de
cabinet22. Ils traitaient, comme les documents Andonian, des mesures à
prendre contre les Arméniens. Plus tard, Talaat adressa des
circulaires aux fonctionnaires des provinces, exigeant que lui soient
renvoyés tous les originaux et les copies des documents officiels
concernant les ordres de déportation et d'extermination des Arméniens,
ainsi que les informations transmises aux fonctionnaires subalternes
et le recensement des Arméniens massacrés. Certains vali n'exécutèrent
pas cet ordre et se contentèrent de renvoyer les copies en conservant
les originaux par devers eux - ou même des copies qu'ils avaient fait
établir - afin de pouvoir se disculper ultérieurement en prétextant
qu'ils n'avaient fait que se conformer aux ordres reçus. D'autres
télégrammes ayant échappé à la destruction furent découverts lors de
la perquisition au siège central de Nouri Osmanié23. En 1915, le
sous-secrétaire au ministère de l'Intérieur, Ali Munif, forma une
commission à laquelle participèrent plusieurs dirigeants unionistes,
dont Ismaïl Djambolat, chef de la Sécurité intérieure. Cette
commission confia au docteur Tewfik Rouchdou, beau-frère du docteur
Nazim et membre du Conseil suprême de la Santé, la mission de se
rendre dans les provinces orientales afin de détruire les cadavres
entassés. Le docteur Rouchdou examina les lieux et se procura
plusieurs tonnes de chaux. Les puits furent remplis de cadavres ;
au-dessus on plaça des couches de chaux recouvertes de terre. Le
docteur Rouchdou mit six mois pour accomplir cette tche macabre24.
Talaat régnait en maître sur le corps administratif qu'il contrôlait.
Il en déplaçait ou en sanctionnait les membres à sa guise. Il avait,
comme le confirment les télégrammes remis à Andonian, garanti aux
fonctionnaires l'impunité dans les massacres d'Arméniens, et il tint
parole. L'ancien député de Trébizonde, Hafiz Mehmed bey, déclara dans
sa déposition devant la Commission Mazhar que, bien qu'il ait tenu
Talaat au courant de la noyade dans la mer Noire des Arméniens de
cette ville, aucune mesure ne fut entreprise contre le vali, Djemal
Azmi25. Les minutes du procès de Yozgad permettent de comprendre les
décisions administratives que prenait le ministère de l'Intérieur à
l'égard des fonctionnaires récalcitrants et comment les fonctionnaires
qui appliquaient les ordres d'extermination se sentaient couverts par
leurs supérieurs. Nous avons vu que le vali d'Angora, Mazhar bey,
avait été démis de son poste et remplacé par Atif bey, délégué spécial
de l'Ittihad à Angora. Un notable turc d'Angora, Radi bey, intervint
auprès d'Atif en faveur d'un notable arménien de cette ville. Il reçut
cette réponse d'Atif: « J'ai l'ordre de mon supérieur. [...] Les
Arméniens ne doivent pas vivre. » Radi bey déclara également que
Nedjati bey qui avait remplacé Atif comme secrétaire responsable de
l'Ittihad à Angora présida une commission chargée de juger le chef de
la police, Behaeddine bey, accusé d'avoir volé des bijoux appartenant
à des Arméniens26. A la onzième session du procès de Yozgad, le 5 mars
1919, le mutessarif de cette ville, Djemal, affirma sous serment que
Nedjati bey lui montra en 1915 un ordre secret écrit de la main d'Atif
sur lequel il lui était prescrit selon la volonté de l'Ittihad
d'organiser le massacre des Arméniens du vilayet . Djemal refusa de
prendre ses ordres de l'Ittihad. Il fut démis de ses fonctions dans
les deux semaines. Le principal accusé du procès de Yozgad, Kemal, qui
succéda plus tard à Djemal, et qui était alors kaïmakam de Boghazlian
- donc sous les ordres de Djemal - affirma que les ordres
d'extermination des Arméniens venaient du gouvernement central. A
l'occasion de la célébration de la constitution, le 23juin 1915, un
grand banquet fut organisé à Yozgad. Y assistaient Nedjati bey et tous
les fonctionnaires mililitaires et civils de la ville, ainsi que des
personnalités unionistes et des Turcs influents. Au cours du banquet,
Nedjati bey, rappela au capitaine albanais Selim bey, commandant de la
garnison, qu'il devait obéir aux ordres et instructions provenant du
ministère de l'Intérieur et du gouvernement d'Angora d'exterminer les
Arméniens de la région de Yozgad. Selim bey refusa. Devenu
vice-mutessarif de Yozgad, le 6 août 1915, Kemal menaça Selim bey de
pendaison car il s'obstinait à refuser de signer l'ordre de massacrer
les Arméniens. Peu après, Selim bey fut révoqué par décision du
ministère de l'Intérieur, sur plainte du Comité Union et Progrès27.
Les fonctionnaires qui n'exécutaient pas les ordres furent en effet
rapidement destitués. Outre Mazhar, Djemal et Selim (dans le vilayet
d'Angora), Rechid, vali de Kastamouni, Djelal, vali d'Alep, Ali Souad,
mutessarif de Deir-ez-Zor. Le caïmakam de Midiat fut assassiné par les
soins du vali de Diarbékir, le docteur Rechid. Faïz el-Ghocein, qui
avait exercé les fonction de kaïmakam dans le vilayet de Kharpout,
puis dans celui de Damas, avait été emprisonné à Diarbékir comme
nationaliste arabe. Il obtint des révélations sur les crimes commis
par le docteur Rechid. Il apprit que deux fonctionnaires arabes
avaient été destitués par le vali puis assassinés lors de leur
transfert. Ces fonctionnaires s'étaient opposés à ses ordres28. Le
même Rechid, ce « fauve déchaîné » dont le consul allemand Holstein
demandait la révocation immédiate29, fut en effet arrêté et jugé en
1916 non pour ses activités criminelles mais pour avoir détourné à son
profit le butin pris à ses victimes30.
Talaat, rappelait le 30 septembre 1915 le correspondant de presse
allemand V. Tyszka, était animé « d'une volonté de fer » : « Il ne
recule pas devant les mesures les plus extrêmes pourvu que lui-même
les trouve justes. [II ne] se laisse influencer par personne [et]
considère que la fin justifie les moyens31 ». Ainsi Talaat n'hésitait
pas à ordonner des fraudes: photographies falsifiées et caches d'armes
fabriquées. EI-Ghocein rapporte le récit d'un militaire turc, Chahin
bey, qui avait participé au massacre d'un convoi de déportés à
Diarbékir. Dès que les gendarmes eurent tué plusieurs hommes
arméniens, ils leur mirent des turbans et amenèrent des femmes kurdes
pour pleurer et se lamenter sur les cadavres. Chahin bey fit alors
venir un photographe pour prendre un cliché de la scène afin de
convaincre l'Europe que les Arméniens avaient attaqué les Kurdes et
les avaient tués, et que si les tribus kurdes se vengeaient, ce
n'était pas le problème du gouvernement32. L'ancien vice-consul
britannique de Diarbékir, en poste dans cette ville pendant dix-neuf
ans avant la guerre, affirme que cette photographie était falsifiée.
Il précise le lieu où le crime fut commis et détaille les méthodes de
propagande gouvernementale33. Andonian cite un autre cas de
falsification de photographies. Il parle d'un volume publié par le
gouvernement et qui contient des documents apocryphes sur la
culpabilité arménienne. Il cite un exemple : « Dans ce volume se
trouvent trois photographies, lesquelles, soi-disant, reproduisent les
cadavres de Kurdes qui auraient été tués près de Diarbékir par des
bandits arméniens. Mais ce sont en réalité des cadavres d'Arméniens
massacrés revêtus de costumes kurdes après leur égorgement et
photographiés. On y a ajouté, avec une délicatesse raffinée, quelques
femmes kurdes pleurant sur les cadavres34. »
Naïm bey rappelle, à propos d'un ordre secret, qu'on demandait aux
fonctionnaires d'extorquer de faux aveux de préparatifs de révolte
dans la région de Deurt-Yol, Hadjin et de Mersine35. De même, les
ordres du ministère de l'Intérieur concernant les photographies prises
par les étrangers sont confirmés par une lettre, en français, du
commissaire militaire à l'ingénieur en chef du chemin de fer de Bagdad
exigeant que soient remis sous quarante-huit heures les clichés des
photographies et les doubles36. Rafaël de Nogalès, officier
vénézuélien attaché à l'armée turque durant la guerre, rapporte dans
son livre, Cuatro años bajo la media luna [Quatre ans sous le
Croissant], des scènes de massacres dans les régions de Van et de
Bitlis37. Il révèle qu'à Diarbékir furent prises deux photographies
montrant « un empilement d'armes supposées trouvées dans des maisons
arméniennes et même dans des églises arméniennes. Un examen attentif
de ces photographies révélait à l'évidence que l'ensemble tait composé
de fusils de chasse recouverts par une couche d'armes de guerre38. » «
Pour ce qui est des armes que les Turcs ont trouvées chez les
Arméniens, c'était, dans la plupart des cas, celles-là même qu'ils
avaient reçues des Turcs en 1908 pour aider le Comité à lutter contre
la réaction39. »
Lorsqu'en 1922, le Haut-commissaire britannique, Sir Nevil Henderson,
transmit à Londres des télégrammes officiels de Talaat où ce dernier
apparaissait soucieux de reloger les déportés, il ajouta ce
commentaire: « Ils méritent l'être lus et conservés comme une
illustration éclatante des méthodes et de la mentalité turques, Se
demander s'ils étaient contremandés par des ordres secrets ou
simplement rédigés par ce qu'il était certain que la sauvagerie et la
dureté naturelle [sous-entendu de ceux qui les recevaient] les
rendraient sans valeur, serait une spéculation académique40. » Talaat
décommandait régulièrement ses ordres fictifs. Dans les documents du
Foreign Office se trouvent les récits de quatre officiers arabes ayant
servi dans l'armée turque. L'un d'eux, le lieutenant Saïd Ahmed
Moukhtar Ba'aj, qui avait fait partie de la Cour martiale à Trébizonde
en juillet 1915 déclare : « Un ordre fut reçu de déporter vers
l'intérieur tous les Arméniens se trouvant dans la province de
Trébizonde, Etant un membre de la Cour martiale, je savais que
déportation signifiait massacres. » Et il ajoute : « Outre l'ordre de
déportation [...] il fut émis un iradé impérial exigeant que tous les
déserteurs repris soient fusillés sans procès, L'ordre secret dit
"Arméniens" à la place de de "déserteurs". » Ce document confirme que
le gouvernement émettait des ordres à deux niveaux : des commandements
publics, à titre de propagande ; des commandements privés, qui
révélaient ses intentions véritables, qu'il avait toujours eu
l'habitude de cacher aux yeux des étrangers, et même de ses amis41. On
s'explique ainsi que les responsables du Comité Union et Progrès aient
pris soin de faire disparaître ces documents au cours de la guerre.
Plus tard, l'ambassade britannique à Constantinople révéla que la
disparition de documents impliquant les Turcs réfugiés en Allemagne ou
en Suisse, ou les détenus de Malte, avait été arrangée par des leaders
nationalistes locaux. Raouf bey avait demandé de façon urgente la
destruction des documents compromettants. Il est évident que Raouf bey
avait déjà organisé la destruction des documents l'impliquant lui-même
ainsi qu'Enver pacha42.
« D'après mon expérience et celle de tous ceux qui connaissent un tant
soit peu la Turquie, aucun massacre ne se produit en Turquie, sauf
lorsque le gouvernement fait savoir qu'il désire un massacre »
écrivait à Lloyd Georges en septembre 1915 Philip Graves,
correspondant du Times à Constantinople43. Il est certain que tous les
ordres exigeant la déportation et le massacre des Arméniens vinrent
d'en haut, c'est-à-dire qu'ils furent émis par le ministre de
l'Intérieur, Talaat pacha. De même, aucun fonctionnaire turc ne fut
pendant ces années de guerre réprimandé ou puni pour avoir outrepassé
ces ordres, mais certains pour ne pas les avoir exécutés.
Le ministre des Affaires étrangères russe, Sazonov, se souvenait avoir
rencontré Talaat à Livadia en mai 1914 : « Cela me permit d'observer
cet homme qui peut être considéré sans exagération comme un des plus
grands scélérats de l'histoire du monde. Monsieur de Giers, notre
ambassadeur à Constantinople, [...], [m'avait averti] que je ne devais
pas croire un seul mot de tout ce que pourrait me dire ce
personnage44. »
Notes
1) Justicier..., op. cit., p. 266
2) On voit mal comment Talaat aurait continué à adresser en fèvrier et
mars 1917 des télégrammes comme ministre de l'Intérieur ainsi que le
supposeraient les corrections de dates proposées par Dadrian.
3) B. LEWIS cite cette déclaration mais précise que les éditeurs
anglais qui publient le rapport de ce congrès doutent de son
authenticité {op. cit., p. 192).
4) J. LEPSIUS, op. cit., p. 247.
5) Y. TERNON, Les Arméniens, histoire d'un génocide, Paris, Seuil,
1979, pp. 188-190.
6) Archives du génocide des Arméniens, op. cit., p. 57 (sera cité plus
loin sous la réference Archives...).
7) DAD[1], note 36, pp.348-349.
8) Z. MESSERLIAN, The Premeditated Nature of the Genocide Perpetrated
on the Armenians, Beyrouth, 1980, p. 158. Cette citation se réfère au
rapport d'A. TOYNBEE dans le Livre bleu anglais : The Treatment of
Armenians in the Ottoman Empire, 1915-1916, Londres, 1916 (rééd. :
Beyrouth, 1972) ; traduction française Laval, 1916 (rééd. Paris,
Payot, 1987).
9) DAD.[1], note 36, p.349.
10) Ibid., note 37
11) Archives..., op. cit., p. 145, pour la première citation, et
DAD[1], note 38, p. 349, pour la seconde.
12) DAD[1], ibid.
13) H. MORGENTHAU, Mémoires, Paris, 1919, pp. 290-291 (rééd .Paris,
Flammarion,1984).
14) Ibid., p. 292.
15) Entretiens du patriarche Zaven avec Talaat, Saïd Halim et Ibrahim
bey (ministre de la Justice) parus dans 1915-1965 Houshamadian Medz
Yeghernee [Mémorial du grand crime], op. cit., pp.259-265.
16) J. LEPSIUS, op. cit., p.220.
17) DAD[1], p.343.
18) Cf. supra, note 7 de ce chapitre. Le prince Hohenlohe avait
précisé que c'est en invoquant les soucis du gouvernement de protéger
les déportés que Talaat avait fait cette déclaration.
19) H. MORGENTHAU, op. cit., pp. 130-131 et p. 134.
20) Le crime de silence, op. cit., pp. 81-82
21) Archives..., op. cit., p. 144 (rapport du prince Hohenlohe du 4
septembre 1915) C'est ce type de pièces, dûment archivées, que
ressortent les membres de la Société turque d'Histoire pour affirmer
qu'ils détiennent des preuves « authentiques » de l'innocence du
gouvernement jeune-turc.
22) KRI.[1], doc. J.
23) KRI [2], doc. K, L et P..
24) V DADRIAN, « The Role of Turkish Physicians in the World War I
Genocide of Ottoman Armenians », Holocaust and Genocide Studies (New
York), vol.I, n° 2, 1986, pp. 169-192 (cet article sera cité plus loin
sous la référence DAD[2])
25) Acte d'accusation du procès des Unionistes, Justicier..., op. cit., p. 267
26) KRI.[2], p. 387.
27) La Renaissance (Constantinople), 20 février 1919.
28) F. EL GHOCEIN, Les massacres en Arménie turque, Beyrouth, 1917, p.47.
29) Archives..., op. cit., pp. 107-108.
30) DAD[2], p. 175 Rechid fut ensuite nommé vali d'Angora. Puis il fut
arrêté après la guerre et il se suicida en prison en février 1919.
31) Archives..., op. cit., p. 152
32) F. EL GHOCEIN, op. cit., pp. 37-38.
33) DAD.[1], p. 318
34) A. ANDONIAN, op. cit., p. 152
35) Ibid., p. 153.
36) Lettre du 10 septembre 1915 (Archive..., op. cit., p. 146)
37) Cité par H. VIERBüCHER, Arménie 1915 [Hambourg, 1930-1934],
traduction française :L. Gessarentz, Montélimar, 1987, pp. 78-79
38) R. DE NOGALES, Cuatro años bajo la media luna, Buenos Aires, 1924
; traduction anglaise Four Years Beneath the Crescent, New York, 1926,
pp. 139-140 de cette traduction.
39) Archives..., op. cit., p. 153
40) Document du Foreign Office FO 371/ 9158, folio 106-7, 22 mai 1923.
41) FO 371/2781, cité dans Le crime de silence, op. cit., pp.93-95.
42) FO 371/51663206, cité dans Le crime de silence, op. cit., p. 96.
43) Ibid., p. 92
44) S. SAZONOV, Les années fatales, Paris, Payot, 1927, pp. 141-142.
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Source/Lien : Imprescriptibles
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
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Publié le : 20-08-2012
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - "Talaat Pacha, le "Hitler"
turc, est le principal responsable du génocide arménien de 1915. Il
avait consciencieusement noté dans ses carnets secrets la liste de
centaines de milliers de victimes arméniennes." Le Collectif VAN vous
invite à lire cette information publiée sur le site Imprescriptibles.
Légende photo : Talaat Pacha
Imprescriptibles
L'acte d'accusation présenté à la Cour martiale de Constantinople le
12 avril 1919 considère que le comportement criminel de Talaat est
prouvé par sa connaissance massacres et ses ordres les concernant, et
le déclare principal co-responsable de ces massacres. Il cite pour
nontrer cette affirmation un télégramme chiffré daté du juillet [1]331
[1915] adressé par Talaat aux vali et mutessarif de Diarbékir,
Kharpout, Ourfa et Deir-ez-Zor, et « concernant l'ordre de faire
enterrer les morts restés sur routes au lieu de jeter les cadavres
dans les ravins, lacs fleuves, et de brûler les effets abandonnés par
eux sur chemins1 ». En fait le ministre de l'Intérieur du gouvernement
Saïd Halim apparaît à toutes les phases de l'opération comme l'homme
clé sans lequel aucune mesure n'aurait pu être adoptée ni aucun ordre
exécuté. Il affirma publiquement son intention d'anéantir les
Arméniens de l'Empire ottoman. Il organisa et prémédita ce crime. Il
en surveilla les phases d'exécution et prit à l'égard des
fonctionnaires récalcitrants des mesures de rétorsion. Tout au long du
processus, Talaat apparut à ses interlocuteurs et ses correspondants,
un homme double, celui qui affirme ici ce qu'il nie là, qui publie un
décret officiel pour cacher une opération secrète, qui promet pour
mieux se rétracter. Bref, un menteur consommé. On ne saurait toutefois
demeurer sur cette conception sommaire de l'homme qui fut, avec Enver,
le véritable chef du Comité Union et Progrès. Enver pacha s'efforça
d'occuper le devant de la scène politique. Il porte la responsabilité
d'avoir fait entrer la Turquie dans la Guerre mondiale. Il fut un
partisan fanatique du touranisme, mais sa position s'affaiblit au
cours de la guerre avec les défaites des armées ottomanes. Talaat, au
contraire, demeura un conciliateur, celui vers lequel se tournaient
les différentes factions du Comité central du Parti pour établir un
consensus. Talaat joua donc le rôle de l'élément fixe, du noyau du
Parti. Le troisième membre du triumvirat, Djemal, eut une
responsabilité moindre. De même, le premier Ministre, Saïd Halim, fut
un pantin entre les mains du Comité central. En effet, les forces qui
animaient le Comité Union et Progrès s'exprimaient au sein du Comité
central où Talaat intervint comme modérateur. Le cercle du pouvoir se
rétrécit en fait régulièrement de la fin de 1915 au début de 1917.
Saïd Halim démissionna le 21 janvier 1917 et sa démission fut acceptée
par le secrétaire du Comité Union et Progrès, Midhat Choukrou. Talaat
refusa de continuer à occuper le poste de ministre de l'Intérieur,
prétextant les difficultés qu'il avait eues avec l'armée. Il devint
Grand vizir et Ismaïl Djambolat, un ancien militaire, occupa le poste
de ministre de l'Intérieur2. Ainsi Talaat, lorsqu'il décidait,
décidait en son nom propre, avec l'aval tacite du Comité central. Il
n'avait pas à persuader ses collègues de le laisser agir: il exprimait
leur désir. De 1908 à 1915, Talaat fut progressivement gagné à
l'idéologie panturquiste. Il n'y fut pas toutefois poussé par un
fanatisme aveugle mais par une vision froide de la situation politique
qui exigeait la disparition de la communauté arménienne en tant que
force politique et économique de l'Empire.
Talaat avait au cours des congrès du Comité Union et Progrès tenus à
Salonique en 1910 et 1911 précisé ses positions nationalistes. Lors de
la réunion secrète tenue en août 1910 il aurait déclaré : « Vous
n'ignorez pas que la Constitution affirmait l'égalité des musulmans et
des giavours, mais vous savez et estimez tous que c'est un idéal
irréalisable3. » Le congrès aurait adopté un programme centraliste
inspiré du panturquisme, visant à supprimer - au besoin par la force -
les éléments non-turcs de l'Empire. Lors du congrès d'octobre 1911 du
Comité Union et Progrès à Salonique, les mêmes principes de
centralisation et de panturquisme furent réaffirmés4. Talaat conduisit
en mai 1914 la mission turque qui se rendit à Livadia en Crimée, après
la signature de l'accord russo-turc du 8 février 1914 par lequel la
Turquie s'engageait envers la Russie à réaliser des réformes dans les
provinces orientales. Il signa le 23 mai 1914 les contrats des
Inspecteurs généraux nommés par cet accord : le Norvégien Hoff et le
Hollandais Westenenk5.
Les rapports des diplomates allemands confirment la volonté de Talaat
d'anéantir les Arméniens : « Le ministre de l'Intérieur Talaat bey, a
récemment déclaré (au docteur Mordtmann, en poste à l'ambassade
allemande de Constantinople que la Porte voulait profiter de la Guerre
mondiale pour en finir radicalement avec ses ennemis intérieurs sans
être gênée par l'intervention diplomatique de l'étranger », écrit le
17 juin 1915 le baron von Wangenheim6. Six semaines plus tard, Talaat
affirme à l'ambassadeur par intérim, Hohenlohe : « La Question
arménienne n'existe plus7 ». Dans un entretien au journal allemand
Berliner Tageblatt, il aurait déclaré à propos des massacres arméniens
: « Nos actes nous ont été dictés par une nécessité historique et
nationale. Le principe de garantir l'existence de la Turquie doit
passer avant toute autre considérations8. » Dans un long rapport
adressé en octobre 1915 au ministre des Affaires étrangères allemand,
Ernst Jäckh, partisan de l'amitié germano-turque, parle du « sentiment
inébranlable de confiance politique qu'exprimait Talaat au sujet de la
destruction du peuple arménien9 ».
Pourtant Talaat niait obstinément devant les ambassadeurs allemand et
autrichien avoir organisé la destruction des Arméniens. L'ambassadeur
allemand considérait les déportations comme un prétexte à
l'extermination. Une semaine avant sa mort, le baron von Wangenheim
avisait en effet Berlin que les démentis de Talaat à propos des
massacres étaient un bluff. Son successeur, le comte Wolff-Metternich,
considérait Talaat comme un personnage « sans scrupules », un « homme
double » (Doppelgänger) : « Les protestations sont sans effet et les
démentis turcs sans valeur », avait-il écrit. L'ambassadeur
autrichien, Pallavicini, se plaignait à Vienne que Talaat « jetait de
la poudre aux yeux ». Il le décrivait également menant un double-jeu
(Doppelspiel) 10. Les consuls allemands étaient plus véhéments à
l'égard des démentis de la Sublime Porte. Le consul d'Adana, Büge, les
qualifiait de « tromperie éhontée », et celui de Mossoul, Holstein, de
« mensonges flagrants 11 ». Le consul d'Alep, Rössler, s'indignait: «
En vérité, je ne peux pas en croire mes yeux lorsque je lis cette
déclaration de démenti et je ne trouve pas d'expression pour qualifier
cet insondable mensonge12 ». Dans ses confidences faites en privé à
l'ambassadeur américain Morgenthau, Talaat s'exprimait plus
franchement : « Je vous ai demandé de venir aujourd'hui, désirant vous
expliquer notre attitude à l'égard des Arméniens ; elle est basée sur
trois points distincts : en premier lieu, les Arméniens se sont
enrichis aux dépens des Turcs ; secondement, ils ont résolu de se
soustraire à notre domination et de créer un Etat indépendant ; enfin
ils ont ouvertement aidé nos ennemis, secouru les Russes dans le
Caucase et par là causé nos revers. Nous avons donc pris la décision
irrévocable de les rendre impuissants avant la fin de la guerre. [...]
Nous avons déjà liquidé la situation des trois-quarts des Arméniens ;
il n'y en a plus à Bitlis, ni à Van, ni à Erzeroum. La haine entre les
deux races est si intense qu'il nous faut en finir avec eux, sinon
nous devrons craindre leur vengeance13. » Cet aveu cynique était
intéressé. Talaat voulait se procurer la liste des Arméniens assurés
sur la vie auprès de compagnies américaines afin de faire bénéficier
le gouvernement turc de ces assurances, leurs titulaires ayant disparu
sans héritiers14. Le 19 septembre 1915, le Patriarche arménien de
Constantinople, Monseigneur Zaven, s'entretint avec Talaat. Celui-ci
lui expliqua que les Arméniens étaient responsables de la situation.
Il protesta de ses sentiments pro-arméniens : « Moi, j'aimais les
Arméniens, car je les savais utiles en tant qu'éléments du pays, mais
c'est le contraire qui fut. Il est normal que j'aime encore plus ma
patrie que les Arméniens15. » Quelques mois auparavant, Talaat avait
été plus franc avec le député arménien Vartkes qui pouvait se vanter
d'être son ami: « Aux jours de notre faiblesse, après la reprise
d'Andrinople, vous nous avez sauté à la gorge et avez ouvert la
question des réformes arméniennes. Voilà pourquoi nous profiterons de
la situation favorable dans laquelle nous nous trouvons, pour
disperser tellement votre peuple que vous vous ôterez de la tête pour
cinquante ans toute idée de réforme16. » L'ambassadeur allemand Johann
Bernstorff qui, en poste à Washington de 1908 à 1917 avait d'abord nié
catégoriquement les massacres arméniens, les qualifiant de «
prétendues atrocités », reconnut que Talaat lui avait dit plus tard,
pour lever ses scrupules - à lui, Bernstorff -: « Que diable
voulez-vous ? La Question arménienne est résolue. Il n'y a plus
d'Arméniens17. » Bernstorff avait été le dernier ambassadeur allemand
dans l'Empire ottoman (du 7 septembre 1917 au 27 octobre 1918). Talaat
avait, on l'a vu, fait la même déclaration à son prédécesseur, le
prince Hohenlohe18.
Ces déclarations d'intention, contradictoires, démontrent le
double-jeu mais ne permettent pas d'impliquer directement Talaat. En
revanche, des télégrammes chiffrés de Talaat ont été produits au cours
des procès devant les Cours Martiales turques et des déclarations de
fonctionnaires turcs ont corroboré les faits évoqués dans ces
télégrammes. Le Ministre de l'Intérieur tenait en effet deux langages.
L'un officiel où il présentait les édits impériaux, les lois et les
mesures gouvernementales comme autant de preuves des bonnes intentions
du pouvoir à l'égard des Arméniens. L'autre, secret, à son domicile
personnel qui contrastait avec le somptueux palais d'Enver. Là, dans
son bureau modestement meublé, était installé un appareil
télégraphique qu'il pianotait19. Le personnage officiel présentait aux
requêtes des diplomates la loi sur la déportation promulguée le 19 mai
1915 (dont seuls quatre articles sur huit furent publiés20), ou des
télégrammes qu'il adressait aux autorités provinciales et qui
prouvaient que le gouvernement central était soucieux de prévenir les
excès dont les Arméniens étaient victimes et de veiller au
ravitaillement des déportés ) pendant leur voyage21, tandis que le
militant de l'Ittihad organisait dans l'ombre l'extermination d'un
peuple. Le 2 avril 1919, le ministre de l'Intérieur du gouvernement )
Damad Ferid pacha, Djemal, faisait remettre au procureur général du
Tribunal militaire quarante-deux télégrammes envoyés aux différentes
préfectures entre le 1er mai 1915 et avril 1917 par le ministère de
l'Intérieur. Ces documents, adressés sur requête de la Commission
Mazhar par la préfecture d'Angora, étaient des copies portant la
mention "Conforme à l'original" et, sur certaines, figuraient deux
signatures, l'une de Talaat, l'autre d'un de ses secrétaires de
cabinet22. Ils traitaient, comme les documents Andonian, des mesures à
prendre contre les Arméniens. Plus tard, Talaat adressa des
circulaires aux fonctionnaires des provinces, exigeant que lui soient
renvoyés tous les originaux et les copies des documents officiels
concernant les ordres de déportation et d'extermination des Arméniens,
ainsi que les informations transmises aux fonctionnaires subalternes
et le recensement des Arméniens massacrés. Certains vali n'exécutèrent
pas cet ordre et se contentèrent de renvoyer les copies en conservant
les originaux par devers eux - ou même des copies qu'ils avaient fait
établir - afin de pouvoir se disculper ultérieurement en prétextant
qu'ils n'avaient fait que se conformer aux ordres reçus. D'autres
télégrammes ayant échappé à la destruction furent découverts lors de
la perquisition au siège central de Nouri Osmanié23. En 1915, le
sous-secrétaire au ministère de l'Intérieur, Ali Munif, forma une
commission à laquelle participèrent plusieurs dirigeants unionistes,
dont Ismaïl Djambolat, chef de la Sécurité intérieure. Cette
commission confia au docteur Tewfik Rouchdou, beau-frère du docteur
Nazim et membre du Conseil suprême de la Santé, la mission de se
rendre dans les provinces orientales afin de détruire les cadavres
entassés. Le docteur Rouchdou examina les lieux et se procura
plusieurs tonnes de chaux. Les puits furent remplis de cadavres ;
au-dessus on plaça des couches de chaux recouvertes de terre. Le
docteur Rouchdou mit six mois pour accomplir cette tche macabre24.
Talaat régnait en maître sur le corps administratif qu'il contrôlait.
Il en déplaçait ou en sanctionnait les membres à sa guise. Il avait,
comme le confirment les télégrammes remis à Andonian, garanti aux
fonctionnaires l'impunité dans les massacres d'Arméniens, et il tint
parole. L'ancien député de Trébizonde, Hafiz Mehmed bey, déclara dans
sa déposition devant la Commission Mazhar que, bien qu'il ait tenu
Talaat au courant de la noyade dans la mer Noire des Arméniens de
cette ville, aucune mesure ne fut entreprise contre le vali, Djemal
Azmi25. Les minutes du procès de Yozgad permettent de comprendre les
décisions administratives que prenait le ministère de l'Intérieur à
l'égard des fonctionnaires récalcitrants et comment les fonctionnaires
qui appliquaient les ordres d'extermination se sentaient couverts par
leurs supérieurs. Nous avons vu que le vali d'Angora, Mazhar bey,
avait été démis de son poste et remplacé par Atif bey, délégué spécial
de l'Ittihad à Angora. Un notable turc d'Angora, Radi bey, intervint
auprès d'Atif en faveur d'un notable arménien de cette ville. Il reçut
cette réponse d'Atif: « J'ai l'ordre de mon supérieur. [...] Les
Arméniens ne doivent pas vivre. » Radi bey déclara également que
Nedjati bey qui avait remplacé Atif comme secrétaire responsable de
l'Ittihad à Angora présida une commission chargée de juger le chef de
la police, Behaeddine bey, accusé d'avoir volé des bijoux appartenant
à des Arméniens26. A la onzième session du procès de Yozgad, le 5 mars
1919, le mutessarif de cette ville, Djemal, affirma sous serment que
Nedjati bey lui montra en 1915 un ordre secret écrit de la main d'Atif
sur lequel il lui était prescrit selon la volonté de l'Ittihad
d'organiser le massacre des Arméniens du vilayet . Djemal refusa de
prendre ses ordres de l'Ittihad. Il fut démis de ses fonctions dans
les deux semaines. Le principal accusé du procès de Yozgad, Kemal, qui
succéda plus tard à Djemal, et qui était alors kaïmakam de Boghazlian
- donc sous les ordres de Djemal - affirma que les ordres
d'extermination des Arméniens venaient du gouvernement central. A
l'occasion de la célébration de la constitution, le 23juin 1915, un
grand banquet fut organisé à Yozgad. Y assistaient Nedjati bey et tous
les fonctionnaires mililitaires et civils de la ville, ainsi que des
personnalités unionistes et des Turcs influents. Au cours du banquet,
Nedjati bey, rappela au capitaine albanais Selim bey, commandant de la
garnison, qu'il devait obéir aux ordres et instructions provenant du
ministère de l'Intérieur et du gouvernement d'Angora d'exterminer les
Arméniens de la région de Yozgad. Selim bey refusa. Devenu
vice-mutessarif de Yozgad, le 6 août 1915, Kemal menaça Selim bey de
pendaison car il s'obstinait à refuser de signer l'ordre de massacrer
les Arméniens. Peu après, Selim bey fut révoqué par décision du
ministère de l'Intérieur, sur plainte du Comité Union et Progrès27.
Les fonctionnaires qui n'exécutaient pas les ordres furent en effet
rapidement destitués. Outre Mazhar, Djemal et Selim (dans le vilayet
d'Angora), Rechid, vali de Kastamouni, Djelal, vali d'Alep, Ali Souad,
mutessarif de Deir-ez-Zor. Le caïmakam de Midiat fut assassiné par les
soins du vali de Diarbékir, le docteur Rechid. Faïz el-Ghocein, qui
avait exercé les fonction de kaïmakam dans le vilayet de Kharpout,
puis dans celui de Damas, avait été emprisonné à Diarbékir comme
nationaliste arabe. Il obtint des révélations sur les crimes commis
par le docteur Rechid. Il apprit que deux fonctionnaires arabes
avaient été destitués par le vali puis assassinés lors de leur
transfert. Ces fonctionnaires s'étaient opposés à ses ordres28. Le
même Rechid, ce « fauve déchaîné » dont le consul allemand Holstein
demandait la révocation immédiate29, fut en effet arrêté et jugé en
1916 non pour ses activités criminelles mais pour avoir détourné à son
profit le butin pris à ses victimes30.
Talaat, rappelait le 30 septembre 1915 le correspondant de presse
allemand V. Tyszka, était animé « d'une volonté de fer » : « Il ne
recule pas devant les mesures les plus extrêmes pourvu que lui-même
les trouve justes. [II ne] se laisse influencer par personne [et]
considère que la fin justifie les moyens31 ». Ainsi Talaat n'hésitait
pas à ordonner des fraudes: photographies falsifiées et caches d'armes
fabriquées. EI-Ghocein rapporte le récit d'un militaire turc, Chahin
bey, qui avait participé au massacre d'un convoi de déportés à
Diarbékir. Dès que les gendarmes eurent tué plusieurs hommes
arméniens, ils leur mirent des turbans et amenèrent des femmes kurdes
pour pleurer et se lamenter sur les cadavres. Chahin bey fit alors
venir un photographe pour prendre un cliché de la scène afin de
convaincre l'Europe que les Arméniens avaient attaqué les Kurdes et
les avaient tués, et que si les tribus kurdes se vengeaient, ce
n'était pas le problème du gouvernement32. L'ancien vice-consul
britannique de Diarbékir, en poste dans cette ville pendant dix-neuf
ans avant la guerre, affirme que cette photographie était falsifiée.
Il précise le lieu où le crime fut commis et détaille les méthodes de
propagande gouvernementale33. Andonian cite un autre cas de
falsification de photographies. Il parle d'un volume publié par le
gouvernement et qui contient des documents apocryphes sur la
culpabilité arménienne. Il cite un exemple : « Dans ce volume se
trouvent trois photographies, lesquelles, soi-disant, reproduisent les
cadavres de Kurdes qui auraient été tués près de Diarbékir par des
bandits arméniens. Mais ce sont en réalité des cadavres d'Arméniens
massacrés revêtus de costumes kurdes après leur égorgement et
photographiés. On y a ajouté, avec une délicatesse raffinée, quelques
femmes kurdes pleurant sur les cadavres34. »
Naïm bey rappelle, à propos d'un ordre secret, qu'on demandait aux
fonctionnaires d'extorquer de faux aveux de préparatifs de révolte
dans la région de Deurt-Yol, Hadjin et de Mersine35. De même, les
ordres du ministère de l'Intérieur concernant les photographies prises
par les étrangers sont confirmés par une lettre, en français, du
commissaire militaire à l'ingénieur en chef du chemin de fer de Bagdad
exigeant que soient remis sous quarante-huit heures les clichés des
photographies et les doubles36. Rafaël de Nogalès, officier
vénézuélien attaché à l'armée turque durant la guerre, rapporte dans
son livre, Cuatro años bajo la media luna [Quatre ans sous le
Croissant], des scènes de massacres dans les régions de Van et de
Bitlis37. Il révèle qu'à Diarbékir furent prises deux photographies
montrant « un empilement d'armes supposées trouvées dans des maisons
arméniennes et même dans des églises arméniennes. Un examen attentif
de ces photographies révélait à l'évidence que l'ensemble tait composé
de fusils de chasse recouverts par une couche d'armes de guerre38. » «
Pour ce qui est des armes que les Turcs ont trouvées chez les
Arméniens, c'était, dans la plupart des cas, celles-là même qu'ils
avaient reçues des Turcs en 1908 pour aider le Comité à lutter contre
la réaction39. »
Lorsqu'en 1922, le Haut-commissaire britannique, Sir Nevil Henderson,
transmit à Londres des télégrammes officiels de Talaat où ce dernier
apparaissait soucieux de reloger les déportés, il ajouta ce
commentaire: « Ils méritent l'être lus et conservés comme une
illustration éclatante des méthodes et de la mentalité turques, Se
demander s'ils étaient contremandés par des ordres secrets ou
simplement rédigés par ce qu'il était certain que la sauvagerie et la
dureté naturelle [sous-entendu de ceux qui les recevaient] les
rendraient sans valeur, serait une spéculation académique40. » Talaat
décommandait régulièrement ses ordres fictifs. Dans les documents du
Foreign Office se trouvent les récits de quatre officiers arabes ayant
servi dans l'armée turque. L'un d'eux, le lieutenant Saïd Ahmed
Moukhtar Ba'aj, qui avait fait partie de la Cour martiale à Trébizonde
en juillet 1915 déclare : « Un ordre fut reçu de déporter vers
l'intérieur tous les Arméniens se trouvant dans la province de
Trébizonde, Etant un membre de la Cour martiale, je savais que
déportation signifiait massacres. » Et il ajoute : « Outre l'ordre de
déportation [...] il fut émis un iradé impérial exigeant que tous les
déserteurs repris soient fusillés sans procès, L'ordre secret dit
"Arméniens" à la place de de "déserteurs". » Ce document confirme que
le gouvernement émettait des ordres à deux niveaux : des commandements
publics, à titre de propagande ; des commandements privés, qui
révélaient ses intentions véritables, qu'il avait toujours eu
l'habitude de cacher aux yeux des étrangers, et même de ses amis41. On
s'explique ainsi que les responsables du Comité Union et Progrès aient
pris soin de faire disparaître ces documents au cours de la guerre.
Plus tard, l'ambassade britannique à Constantinople révéla que la
disparition de documents impliquant les Turcs réfugiés en Allemagne ou
en Suisse, ou les détenus de Malte, avait été arrangée par des leaders
nationalistes locaux. Raouf bey avait demandé de façon urgente la
destruction des documents compromettants. Il est évident que Raouf bey
avait déjà organisé la destruction des documents l'impliquant lui-même
ainsi qu'Enver pacha42.
« D'après mon expérience et celle de tous ceux qui connaissent un tant
soit peu la Turquie, aucun massacre ne se produit en Turquie, sauf
lorsque le gouvernement fait savoir qu'il désire un massacre »
écrivait à Lloyd Georges en septembre 1915 Philip Graves,
correspondant du Times à Constantinople43. Il est certain que tous les
ordres exigeant la déportation et le massacre des Arméniens vinrent
d'en haut, c'est-à-dire qu'ils furent émis par le ministre de
l'Intérieur, Talaat pacha. De même, aucun fonctionnaire turc ne fut
pendant ces années de guerre réprimandé ou puni pour avoir outrepassé
ces ordres, mais certains pour ne pas les avoir exécutés.
Le ministre des Affaires étrangères russe, Sazonov, se souvenait avoir
rencontré Talaat à Livadia en mai 1914 : « Cela me permit d'observer
cet homme qui peut être considéré sans exagération comme un des plus
grands scélérats de l'histoire du monde. Monsieur de Giers, notre
ambassadeur à Constantinople, [...], [m'avait averti] que je ne devais
pas croire un seul mot de tout ce que pourrait me dire ce
personnage44. »
Notes
1) Justicier..., op. cit., p. 266
2) On voit mal comment Talaat aurait continué à adresser en fèvrier et
mars 1917 des télégrammes comme ministre de l'Intérieur ainsi que le
supposeraient les corrections de dates proposées par Dadrian.
3) B. LEWIS cite cette déclaration mais précise que les éditeurs
anglais qui publient le rapport de ce congrès doutent de son
authenticité {op. cit., p. 192).
4) J. LEPSIUS, op. cit., p. 247.
5) Y. TERNON, Les Arméniens, histoire d'un génocide, Paris, Seuil,
1979, pp. 188-190.
6) Archives du génocide des Arméniens, op. cit., p. 57 (sera cité plus
loin sous la réference Archives...).
7) DAD[1], note 36, pp.348-349.
8) Z. MESSERLIAN, The Premeditated Nature of the Genocide Perpetrated
on the Armenians, Beyrouth, 1980, p. 158. Cette citation se réfère au
rapport d'A. TOYNBEE dans le Livre bleu anglais : The Treatment of
Armenians in the Ottoman Empire, 1915-1916, Londres, 1916 (rééd. :
Beyrouth, 1972) ; traduction française Laval, 1916 (rééd. Paris,
Payot, 1987).
9) DAD.[1], note 36, p.349.
10) Ibid., note 37
11) Archives..., op. cit., p. 145, pour la première citation, et
DAD[1], note 38, p. 349, pour la seconde.
12) DAD[1], ibid.
13) H. MORGENTHAU, Mémoires, Paris, 1919, pp. 290-291 (rééd .Paris,
Flammarion,1984).
14) Ibid., p. 292.
15) Entretiens du patriarche Zaven avec Talaat, Saïd Halim et Ibrahim
bey (ministre de la Justice) parus dans 1915-1965 Houshamadian Medz
Yeghernee [Mémorial du grand crime], op. cit., pp.259-265.
16) J. LEPSIUS, op. cit., p.220.
17) DAD[1], p.343.
18) Cf. supra, note 7 de ce chapitre. Le prince Hohenlohe avait
précisé que c'est en invoquant les soucis du gouvernement de protéger
les déportés que Talaat avait fait cette déclaration.
19) H. MORGENTHAU, op. cit., pp. 130-131 et p. 134.
20) Le crime de silence, op. cit., pp. 81-82
21) Archives..., op. cit., p. 144 (rapport du prince Hohenlohe du 4
septembre 1915) C'est ce type de pièces, dûment archivées, que
ressortent les membres de la Société turque d'Histoire pour affirmer
qu'ils détiennent des preuves « authentiques » de l'innocence du
gouvernement jeune-turc.
22) KRI.[1], doc. J.
23) KRI [2], doc. K, L et P..
24) V DADRIAN, « The Role of Turkish Physicians in the World War I
Genocide of Ottoman Armenians », Holocaust and Genocide Studies (New
York), vol.I, n° 2, 1986, pp. 169-192 (cet article sera cité plus loin
sous la référence DAD[2])
25) Acte d'accusation du procès des Unionistes, Justicier..., op. cit., p. 267
26) KRI.[2], p. 387.
27) La Renaissance (Constantinople), 20 février 1919.
28) F. EL GHOCEIN, Les massacres en Arménie turque, Beyrouth, 1917, p.47.
29) Archives..., op. cit., pp. 107-108.
30) DAD[2], p. 175 Rechid fut ensuite nommé vali d'Angora. Puis il fut
arrêté après la guerre et il se suicida en prison en février 1919.
31) Archives..., op. cit., p. 152
32) F. EL GHOCEIN, op. cit., pp. 37-38.
33) DAD.[1], p. 318
34) A. ANDONIAN, op. cit., p. 152
35) Ibid., p. 153.
36) Lettre du 10 septembre 1915 (Archive..., op. cit., p. 146)
37) Cité par H. VIERBüCHER, Arménie 1915 [Hambourg, 1930-1934],
traduction française :L. Gessarentz, Montélimar, 1987, pp. 78-79
38) R. DE NOGALES, Cuatro años bajo la media luna, Buenos Aires, 1924
; traduction anglaise Four Years Beneath the Crescent, New York, 1926,
pp. 139-140 de cette traduction.
39) Archives..., op. cit., p. 153
40) Document du Foreign Office FO 371/ 9158, folio 106-7, 22 mai 1923.
41) FO 371/2781, cité dans Le crime de silence, op. cit., pp.93-95.
42) FO 371/51663206, cité dans Le crime de silence, op. cit., p. 96.
43) Ibid., p. 92
44) S. SAZONOV, Les années fatales, Paris, Payot, 1927, pp. 141-142.
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