Les architectes du génocide arménien
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Publié le : 21-08-2012
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I. LE MAîTRE D'OEUVRE : LE DOCTEUR NAZIM
« Nazim apparaît comme le cerveau insaisissable et invisible des
crimes invoqués dans les cinquante-deux documents1. » On le rencontre
à toutes les étapes de l'évolution de l'Ittihad. Il l'a précédée et
lui a survécu en ne laissant d'autre trace que les idées qu'il avait
inspirées et les tendances qu'il avait dirigées. Etudiant en médecine
à Constantinople, Nazim fut exilé à Paris où il acheva son cycle
universitaire. Il fut l'un des premiers membres du Comité Union et
Progrès. Il assura la liaison entre le groupe des libéraux ottomans
d'Ahmed Riza à Paris et la Société de liberté ottomane qu'avaient
formée en 1906 Ismaïl Djambolat et Midhat Choukrou à Salonique. Le
Comité Union et Progrès naquit en septembre 1907 de la fusion de ces
deux organes, ce comité dont Liman von Sanders avouait naïvement: «
[il] a toujours eu quelque chose de mystérieux. Je n'ai jamais pu
savoir combien il comptait de membres ni qui ils étaient, sauf les
principaux qui étaient connus de tout le monde2. » Dès 1910, le
docteur Nazim devenait l'un des membres du Comité central de
l'Ittihad. Avec son ami Omer Naji, il y représentait la tendance
:nationaliste la plus dure. « Le docteur Nazim avait une intelligence
assez bornée. C'était l'homme de l'idée fixe. "Notre empire est
dépeuplé, disait-il. Nos territoires jadis si riches sont en friche
[...]. Pour refaire une Turquie grande et prospère, il existe un moyen
bien simple: expulser les étrangers et les remplacer par des Turcs de
pure race. Nous appellerons chaque année en Turquie un demi-million
d'émigrants que nous installerons à côté de nos populations [...] et,
en vingt ans, nous aurons créé un Empire essentiellement ottoman"3. »
Homme de l'ombre, aimant s'entourer de mystère et soignant son image
d'éminence grise, cet idéologue n'apparaissait que pour rappeler le
dogme et désigner la direction à suivre. En 1909, au lendemain des
massacres de Cilicie, Nazim déclarait: « L'Empire ottoman doit être
exclusivement turc. La présence d'éléments étrangers est un prétexte
pour une intervention européenne. Ils doivent être turquisés par la
force des armes4. »
Le Haut-Commissaire britannique, Horace Rumbold, le désignait à
Balfour comme, peut-être, le plus important de tous les Unionistes qui
oeuvrent dans l'ombres5. Un écrivain turc qui entretint avec Nazim des
relations amicales, Süreyya Aydemir, faisant allusion à ses activités
secrètes au cours de la Première Guerre mondiale le dénonce comme l'un
des hommes « responsables de l'arme de terreur dans le Parti » et,
dans un autre ouvrage, le même écrivain accuse : « [Il] porta la plus
sanglante responsabilité et incarna les épisodes les plus sanglants de
la période la plus sombre de notre Empire6. » La presse anglaise le
condamna à plusieurs reprises: « A Smyrne, pendant la guerre, Nazim se
vanta d'avoir commis un million de meurtres7. » « Dès que la guerre
éclata, Nazim et ses amis bombardèrent Talaat pacha de propagande
anti-arménienne8. » « Médecin par profession, mais sans conscience
médicale », doctrinaire politique, cet excellent agitateur s'est
révélé un redoutable manipulateur d'hommes. Nazim fut en effet l'homme
noir de l'Ittihad. On le voit apparaître au moment critique pour
exalter les passions et réveiller les haines. Après la déclaration du
djihad, le 14 novembre 1914, Nazim parut au balcon de l'ambassade
d'Allemagne et, lui qui peu avant était opposé à l'entrée en guerre de
la Turquie, présenta l'Allemagne comme l'me de trois cent millions de
musulmans dévoués au Kaiser Guillaume II. On le retrouve, selon un
témoin, Falih Rifki (Atay), secrétaire particulier de Talaat puis de
Djemal, recrutant à l'Académie de guerre de Constantinople des
officiers pour des missions secrètes9. En mai 1915, il parla à un
meeting dans les environs d'Erzeroum où il appela « au massacre
collectif des Arméniens en dehors des villes, des bourgs et des
villages, afin d'éviter les épidémies que pourrait entraîner la
décomposition des cadavres10 ».
Il n'est donc pas étonnant que le nom du docteur Nazim.ait été cité
huit fois dans l'acte d'accusation comme celui du principal
organisateur des bandes de tueurs de l'Organisation spéciale. Ce rôle
fut confirmé par l'interrogatoire des accusés au procès des Unionistes
: Atif, Djevad, Ziya Gökalp, Kutchuk Talaat et Midhat Choukrou. Ce
dernier, qui était secrétaire général de l'Ittihad et qui fut le seul
membre permanent du Comité central, reconnut que Nazim avait le
pouvoir de démettre les vali et les mutessarif. La preuve la plus
accablante fut fournie par la déposition de l'ancien vali d'Alep,
Djelal. Il s'était déplacé à Constantinople pour tenter de dissuader
Talaat et Nazim de poursuivre leur programme d'extermination. Nazim
lui avait auparavant expliqué par lettre que le « programme avait été
adopté par le Comité central après des délibérations longues et
complètes ». Lors de leur entretien à Constantinople, Nazim demeura
intransigeant: « Ces "mesures nécessaires et utiles" devaient être
exécutées et cette "entreprise" résoudrait la Question d'Orient11 ».
Nazim fut condamné à mort par contumace par le tribunal militaire turc
le 5 juillet 1919. Il s'était enfui à Berlin avec Talaat et les
principaux dirigeants de l'Ittihad. Après l'assassinat de Chakir, il
réclama la protection de la police allemande. Dix jours après, le 27
avril 1922, il reçut du ministre de l'Intérieur du gouvernement turc,
Fethi, la garantie de ne pas être inquiété s'il ne s'opposait pas au
régime. Mais ce comploteur impénitent continua à conspirer. Il fut
condamné à mort par le tribunal d'Ankara et pendu le 26 août 1926 en
même temps que d'anciens dirigeants jeunes-turcs, Djavid, Kara Kemal
et Ismaïl Djambolat12.
. L'EXÉCUTEUR : LE DOCTEUR BEHAEDDINE CHAKIR
Les deux lettres de février et mars 1915 adressées à Djemal bey,
délégué de l'Ittihad à Adana, par le Comité central, ne portaient pas
dans le livre d'Andonian de signature. Il n'y avait en bas de ces
lettres « qu'un paraphe illisible qui, à première vue, paraît plutôt
un signe conventionnel13 ». Plusieurs mois après la publication de son
livre, en 1921, à Berlin où il se trouvait pour la défense de
Tehlirian, Aram Andonian découvrit dans un lot de journaux arméniens
parus a Constantinople en 1920 la traduction d'une lettre de
Behaeddine Chakir signée de son nom. « C'était une coupure non datée
un vieux numéro du journal Joghovourti Tsaïn, probablement publié en
1920. Comme dans mon livre la lettre en question n'était signée
d'aucun nom, j'ai eu a curiosité toute naturelle de savoir, pourquoi
on avait mis le nom de Behaeddine Chakir au bas de la traduction. J'ai
donc écrit une lettre au dit journal et on m'a répondu que cette
traduction avait été faite non de mon livre qu'ils n'avaient pas vu
mais un Journal turc (probablement le Sabah de l'Arménien Mihran bey,
ayant comme rédacteur en chef Ali Kemal bey, connu par ses tendances
anti-unionistes) qui l'avait publiée avec la signature de Behaeddine
Chakir bey. Plus tard j'ai appris que le paraphe se trouvant au bas
des deux lettres reproduites dans mon livre, constituaient le mot,
"BEHA", nom familier donné à Behaeddine Chakir par ses intimes14. »
Cette révélation revêt une importance particulière car ces deux
lettres sont, une fois corrigée l'erreur de datation de Chakir15, les
premiers documents recueillis par Naïm bey. Elles exposent en outre,
sans ambiguïté, les motifs de la décision du Comité central et le
processus administratif à suivre, et envisagent les conséquences que
l'exécution de cette « sublime intention » pouvaient engendrer. Ces
deux lettres suffisent à établir la preuve du génocide.
Les accusatIons réunies contre Behaeddine Chakir permettent, à partir
de sources primaires et secondaires, d'affirmer l'authenticité de ces
deux lettres, plus que ne le ferait une querelle d'experts
graphologues à propos d'une écriture et d'une signature difficiles à
retrouver soixante cinq ans après la mort de leur auteur présumé.
Lorsque le chef de la police de Constantinople perquisitionna en
personne au domicile du gendre du docteur Behaeddine Chakir, le 12
décembre 1918, il découvrit des documents provenant du siège du Comité
central de l'Ittihad et, en particulier des comptes-rendus de réunions
secrètes tenues au centre de Nouri Osmanié. Cette documentation,
complétés par les pièces recueillies par la Commission Mazhar et les
dépositions de témoins au cours des procès, ainsi que que par les
rapports des diplomates allemands et britanniques et les mémoires
d'écrivains turcs - ces derniers amenés dans leurs autobiographies à
des fuites inspirées par des rancoeurs personnelles, fuites souvent
indiscrètes à l'égard de l'histoire officielle - permet non seulement
de cerner la personnalité de Chakir mais d'en suivre l'itinéraire au
cours des mois précédant l'extermination des Arméniens et de le situer
dans l'appareil criminel comme un des rouages essentiels, le
complément de Nazim.
Le docteur Nazim était un idéologue et un organisateur. Chakir se
place en relais de Nazim, à la fois organisateur et exécutant.
Behaeddine Chakir, né en 1877, fut dès ses débuts un homme de terrain.
Exilé à Erzindjan pour ses activités révolutionnaires, il s'enfuit en
Egypte et rejoignit à Paris Ahmed Riza. Deux historiens turcs publient
des lettres rédigées de 1906 à 1908 par Chakir. Ces lettres montrent
l'évolution des relations entretenues par les Jeunes-Turcs avec les
groupes politiques arméniens. La première est datée du 22 septembre
1906, c'est-à-dire plus d'un an avant le congrès des partis
d'opposition de l'Empire ottoman qui se réunit à Paris et consacra
l'alliance arméno-turque16. Nazim et Chakir - dont la complicité ne
s'est jamais démentie - s'adressent « à nos frères Azerbaïdjanais au
Caucase ». Ils leur conseillent de s'unir aux Arméniens pour combattre
leur principal ennemi, la Russie; et ils ajoutent, en contrepoint: «
Les Arméniens pourront ultérieurement être remis dans le droit chemin
lorsque les musulmans seront majoritaires17 ». Le 11 juin 1907, Chakir
accuse les révolutionnaires arméniens de vouloir établir un Etat en le
découpant dans le territoire de l'Empire ottoman18. Le 8 décembre
1907, il informe la branche de Salonique de l'Ittihad que « les
accords passés avec les Arméniens sont destinés à nous profiter. Une
fois que nous serons au pouvoir, il sera facile de donner une leçon à
ceux qui cherchent une autonomie administrative19. » Enfin,
s'adressant à ses « cohortes » en Turquie, Chakir leur explique, le 3
janvier 1908, qu'une des raisons de la coopération de l'Ittihad avec
les Arméniens était de permettre au Parti de profiter de leurs
ressources20.
Lorsqu'il est nommé au Comité central en 1912, Behaeddine Chakir est
donc déjà un pionnier du Parti et l'un des fidèles de Nazim. On
retrouve Chakir en 1914. Désormais ses activités sont intimement liées
à celles de l'organisation qu'il représente en province, le
Techkilat-i Mahsoussé. Lorsque, par un malheureux contretemps, le
parti Dachnaksoutioun tint, en juillet 1914, son huitième congrès à
Erzeroum, les délégués, apprenant le déclenchement de la guerre en
Europe, interrompirent l'ordre du jour et examinèrent l'attitude que
devait adopter leur parti si la Turquie entrait Abdul en guerre. Les
dirigeants dachnak recommandèrent à tous les membres et organismes du
parti de rester des sujets loyaux de leurs pays respectifs et de
remplir leurs devoirs civiques. Le congrès était terminé
lorsqu'arrivèrent deux délégués de l'lttihad, Behaeddine Chakir et
Omer Naji, accompagnés d'agents caucasiens venus d'Azerbaïdjan et de
Géorgie. Ces agents avaient pour mission d'organiser la propagande
anti-russe au Caucase, dans le Nord iranien et dans les provinces
orientales de l'Empire ottoman. Chakir et Naji venaient solliciter la
collaboration du parti Dachnaktsoutioun. En échange, ils promettaient
la création, de chaque côté de la frontière, d'un Etat autonome
arménien. Ce projet s'inscrivait dans le vaste plan pangermaniste
visant à expulser la Russie de Transcaucasie et à la ramener en deça
du Caucase. Les délégués turcs furent catégoriques : les Arméniens
n'avaient pas d'autre choix que de s'unir à eux. Les dirigeants
dachnak exposèrent les conclusions de leur congrès. Leur refus de
collaborer referma sur le peuple arménien le piège diabolique tendu
par Chakir21. Quelques semaines plus tard, le 3 septembre 1914, Chakir
ordonne à ses hommes de tendre une embuscade aux délégués arméniens
qui quittent Erzeroum22.
On le retrouve au cours de l'hiver 1914 à Ardahan et Artvin. La percée
de la IIIe armée turque vers Sarikamich Nazi permet aux unités de
l'Organisation spéciale conduites par Chakir de massacrer les
Arméniens de ces deux villes. C'est sans doute à cette période que
Chakir est appelé à d'autres tches par le télégramme (non daté) de
Talaat figurant dans l'acte d'accusation du procès des Unionistes sous
le numéro 69 : « Puisqu'il ne vous reste rien à faire, partez
immédiatement pour Trébizonde pour vous charger d'une tche plus
importante que la question d'Artvin. Yacoub Djemil bey qui partira
d'ici vous donnera les explications et instructions nécessaires23. »
En février 1915, Chakir tient à Erzeroum une réunion avec ses
principaux collaborateurs. Un rapport rédigé par un officier
britannique, Andrew Ryan - « un homme qui a dirigé la politique
anglaise en Turquie pendant plusieurs années et qui parlait bien
turc24 » - décrit le conseil tenu à Erzeroum par les « pires criminels
confirmés25 ». A cette réunion assistaient en effet les principaux
vali impliqués dans l'extermination des Arméniens : Abdulhalik, vali
de Bitlis ; Mouammer, vali de Sivas; Djevdet, vali de Van et Tahsin,
vali d'Erzeroum. Il y fut décidé de faire de l'Organisation spéciale
orientale un corps autonome afin de contrôler les groupes de tchétés à
utiliser dans cette région26. Puis Behaeddine Chakir revient à
Constantinople où est mis au point le programme d'extermination des
Arméniens. On ne connaît ni la date exacte ni le contenu de cette
réunion secrète du Comité central de l'lttihad, Il est possible que,
parmi les documents saisis au domicile du beau-frère de Chakir, se
soient trouvés les minutes de cette réunion. Elles ont été publiées à
Alep en 1929 dans un volumineux ouvrage, La face cachée de la
Révolution turque, rédigé par Mevlan Zadeh Rifat, membre de la Ligue
nationale kurde Hoyboun, et agent de liaison entre cette ligue et la
Fédération révolutionnaire arménienne (Dachnaktsoutioun)27. Mais le
texte de Rifat est bourré d'invraisemblances. Il a confondu les
réunions tenues de juillet 1914 à juillet 1915. Un autre auteur,
Sebouh Agnouni, a utilisé les mêmes sources dans son livre paru à
Constantinople en 192128. Les dix pages publiées par Rifat se réfèrent
à une réunion tenue en février 1915 mais elles font allusion à une
série d'événements postérieurs comme les résistances de Van et de
Chabine-Karahissar29. Il en est de même d'une autre conférence qui
aurait réuni Chakir, Nazim et le ministre de l'Education Ahmed
Choukrou, au cours de laquelle aurait été exposé le mode de
recrutement des bandes de l'Organisation spéciale30.
L'acte d'accusation du procès des Unionistes cite Behaeddine Chakir
huit fois et le définit dans sa double activité de chef politique de
l'Organisation spéciale et de commandant des unités de tueurs opérant
dans les provinces orientales. Sa responsabilité fut également établie
par la production de télégrammes chiffrés et de dépositions de
fonctionnaires civils et militaires au cours de deux autres procès,
ceux de Kharpout et de Trébizonde. Un faisceau de preuves accable
Chakir autour duquel gravitent plusieurs des personnages cités dans
les documents Andonian, La pièce la plus compromettante était un
télégramme chiffré adressé par Chakir au vali de Kharpout, Sabit bey.
Sa formulation est précise : « Est-ce que tous les Arméniens expédiés
ont été liquidés ? Est-ce que les "individus nuisibles" ont été
exterminés ou simplement déportés31 ? » Ce télégramme fut présenté à
la fois au procès des Unionistes et au procès de Kharpout, où Djemal -
le secrétaire du Parti à Alep et le destinataire des deux lettres des
documents Andonian - était inculpé (il avait été arrêté le 8 avril
1919). Ce télégramme avait été conservé par Sabit alors qu'il aurait
dû le détruire et il l'avait remis à la Commission Mazhar. Sabir était
en effet accusé par le chef de la police de Dersim, Mehmed Mamik,
d'avoir collaboré avec Nazim de Resné, secrétaire responsable du
vilayet de Kharpout, et appliqué sans pitié les ordres de déportation
et d'anéantissement de la population arménienne de sa province. Mamik
explique qu'il avait, sur l'ordre de Sabit, arrêté vingt-neuf Dachnak
et trouvé chez eux « quelques rares bombes ». Comme il proposait de
punir seulement les hommes, Sabit refusa de l'écouter et répliqua
qu'il avait des ordres du Comité central signés par Chakir, de
déporter et d'anéantir toute la population arménienne32. Au procès de
Kharpout, le procureur général Chevket cita deux télégrammes et les
présenta comme une « preuve incontestable » de la nature des
déportations, « prétexte pour les massacres qui devaient suivre » ; et
il ajouta: « le fait établi est aussi clair que l'équation 2+2=4.
[...] Les déportations répondaient aux objectifs et à la décision
criminelle prise par l'Ittihad33. »
Les anciens vali d'Erzeroum confirmèrent le rôle de Chakir : il
organisait et commandait les bandes de brigands chargées de tendre des
embuscades aux convois pour les exterminer. Munir, vali d'Erzeroum
après la guerre, affirma que « les brigands organisés par Chakir
assassinaient les déportés de la façon la plus sauvage34 ». Hassan
Tahsin, vali à Erzeroum pendant la guerre, déposa aux procès de
Trébizonde et de Kharpout. A la deuxième séance de ce dernier procès,
il identifia Chakir comme le chef opérationnel de l'Organisation
spéciale et précisa qu'il utilisait des « codes spéciaux » pour
communiquer avec les ministres de la Guerre et de l'Intérieur, ce que
confirme une note de l'acte d'accusation du procès des Unionistes où,
parlant d'une décision télégraphiée à Artvin, le télégramme portait la
mention: « sera déchiffré par Behaeddine Chakir35 ».
La principale charge retenue dans le verdict du procès de Kharpout fut
apportée par la déposition de Mehmed Vehib pacha. Après la chute
d'Erzeroum en février 1916, ce général turc fut chargé de réorganiser
la Ille armée ottomane. Celle-ci, dont l'Etat-major se trouvait à
Erzeroum, avait été commandée par Hakki bey, puis, après la mort de ce
dernier par le typhus en février 1915, par Mahmud Kiamil pacha, qui
avait étroitement collaboré avec Chakir pour anéantir la population
arménienne des provinces orientales (la zone d'opération de la IIIme
armée correspondait au territoire où opérait Chakir)36. Vehib pacha
remit le 5 décembre 1918 à la Commission Mazhar une déposition longue
et précise, rédigée sur douze feuillets, déposition qui n'épargnait
pas les Arméniens puisque les quatre derniers feuillets étaient
consacrés aux actes de vengeance des volontaires arméniens servant
dans l'armée du Caucase. Il expliquait dans ce rapport que, lorsqu'il
prit son commandement, ayant appris que 2000 soldats arméniens d'un
bataillon de travail37 avaient été assassinés, il ordonna une enquête
et nomma une Cour martiale qui fit procéder à quelques exécutions.
Vehib recueillit donc des renseignements de première main sur
l'extermination des Arméniens dans les sept provinces orientales. Il
concentra ses attaques sur Chakir qu'il décrivit comme le maître
d'oeuvre de ce drame : « Toutes les tragédies humaines, toutes les
incitations au meurtre et actes de dépravation, [...] furent
manigancées par Chakir qui recruta et dirigea les bandes de
meurtriers. Elles étaient formées de gibiers de potence et
comprenaient des gendarmes aux mains sanglantes et aux yeux injectés
de sang. » Après avoir relaté la destruction d'un village arménien,
Tchourig, à cinq kilomètres au nord de Mouch, dans le vilayet de
Bitlis, où femmes et enfants avaient été brûlés vifs, Vehib pacha
conclut: « On ne peut pas trouver de tels exemples d'atrocités et de
sauvagerie dans les annales de l'Islam38. » La déposition de Vehib
était tellement accablante que la femme de Chakir lui rendit visite
dans sa prison et commença à le fouetter. Vehib appela à l'aide en
demandant de la chasser car il ne voulait pas frapper une femme39 !
Chakir disposait d'un pouvoir absolu dans les sept provinces
orientales. Plusieurs officiers généraux de la IIIe armée confirmèrent
que son autorité s'étendait au Haut commandement, qu'Enver lui-même
subissait son influence et n'hésitait pas, sur sa demande, à relever
un commandant de corps d'armée pour le remplacer par un homme de
Chakir. Les rapports allemands confirment le rôle joué par Chakir et
le considèrent comme le membre le plus influent du Comité central.
Cette opinion fut partagée en 1920 par le Haut-Commissaire
britannique, l'amiral John de Robeck et par un membre de
l'Intelligence Service, dans deux rapports qu'ils adressèrent
séparément au Foreign Office40. Il est même des historiens turcs pour
accuser Chakir : « Les déportations furent proposées et soutenues au
Comité central de l'Ittihad par Behaeddine Chakir. Leur exécution fut
attribuée aux Ittihadistes de confiance et à l'Organisation spéciale »
écrit Avcioglu en 197441. Le secrétaire personnel de Djemal pacha,
Falih Rifki (Atay), rapporte dans ses mémoires parues en 1981
l'épisode suivant: l'écrivain féministe Halide Edib, avait été invitée
par Djemal à Damas pour mettre en place un nouveau système scolaire
destiné à chasser l'influence française en Syrie et au Liban. Elle se
trouva dans le train avec Atay lorsqu'à Adana, Behaeddine Chakir monta
dans leur compartiment. Il fut présenté à Halide Edib qui ignorait la
nature de ses activités. Au cours du voyage, Chakir ne cessa de se
vanter du travail d'extermination qu'il avait accompli dans les
provinces orientales. « Je suis désolée, confia ultérieurement Halide
Edib à Atay, que vous m'ayez fait serrer la main d'un assassin42. »
Atay confirme que Chakir était obsédé par la volonté d'anéantir les
Arméniens pour prévenir la formation d'une Arménie indépendante. Le
télégramme codé en forme de poème qu'il adressait à ses collaborateurs
permet de le définir comme un paranoïaque43. Behaeddine Chakir avait
été condamné à mort par contumace par la Cour martiale de Kharpout le
13 janvier 1920. Il fut assassiné à Berlin, le 17 avril 1922, par deux
justiciers arméniens, Archavir Chiraguian et Aram Yerkanian44.
Nazim avait pensé le génocide des Arméniens et Chakir avait contrôlé
toutes les phases de l'exécution avec un zèle et une frénésie nourris
par un fanatisme obsessionnel: il devait le faire et il aimait le
faire. Chakir fut réellement un ignoble individu: rusé, intrigant,
impitoyable, cruel et vantard. C'est cet homme qui dirigea sur place
l'organisation la plus secrète du régime jeune-turc, le Techkilat-i
Mahsoussé.
Notes
1) DAD[1], p. 388.
2) O. LIMAN VON SANDERS, Cinq ans de Turquie, Paris, Payot, 1923, p. 16 .
3) H SEIGNOBOSC, Turcs et Turquie, Paris, Payot, 1920, p. 61.
4) R. PINON, Revue des deux Mondes (Paris), septembre 1919.
5) FO 371/7869, E7840, folio 262, p. 2, 1er août 1922 (cité par
DAD.[1], note 43)
6) DAD.[1], p. 329.
7) Morning Post (Londres), des 5 et 7 décembre 1918 (cité par DAD.[1], p. 328)
8) Times (Londres), 28 août 1926
9) DAD[2], p. 172.
10) Ibid., note 15. p. 185.
11) Takvim-i Vekayi (Constantinople), 3540, p. 8 (cité par DAD[1], p. 328)
12) Ils avaient dissimulé des bombes dans des gerbes de fleurs qui
devaient être offertes à Atatürk lors d'une de ses tournée en province
(J. DEROGY, Opération Némésis, Paris, Fayard, 1986, p. 309)
13) Lettre à Marie Terzian, Justicier..., op cit. p. 233 (cf doc n° 1 et n° 2)
14) Ibid.
15) Cf. supra.
16) Y. TERNON op. cit., p. 152
17) DAD.[1] note 107, p. 357
18) A. BEDEVI KURAN, Histoire du parti Union et progrès [en turc],
Istanbul, 1948, pp. 209-229 (cité par DAD.[ 1] , note 107, p. 357)
19) Y. H. BAYUR, Histoire de la Révolution turque [en turc], Ankara,
1952, VO II, 4e partie, pp.87, 126, 129-130 (cité par DAD[1], Ibid).
20) Y.H. BAYUR, ibid., concède à ce propos que 1'Ittihad, excédé par
ses démêlés avec les Arméniens, envisageait de résoudre le problème
par la force des armes.
21) Y. TERNON, op. cit., pp. 196-198
22 C'est ce qu'indiqua un ancien responsable de l'Organisation
spéciale, Djemal Ferid qui publia sous le pseudonyme de A. BIL une
série d'articles dans Vakit (Istanbul) du 2 novembre 1933 au 7 fèvrier
1934 Ces textes furent traduits en français dans Haratch (Paris) du 19
novembre 1933 au 7 avril 1934
23) Justicier..., op. cit., p. 269.
24) H. EDIB, The Turkish Ordeal, Londres, 1928, p. 17.
25) FO 371/6501, p.4, folio 540/40 (cité par DAD.[1], note 90, p. 354)
26) Cf. les articles de A. BIL déjà cités.
27) Y. TERNON, La cause arménienne, Paris, Seuil, 1983, p.274, note 20
28) Dans son livre Milion me hayerou tcharti ampoghtchagan
patmoutioune [Toute l'histoire du massacre d'un million d'Arméniens]
(Constantinople, 1921), S. AGNOUNI donne un compte-rendu d'à peine
trois pages, pp. 26-29.
29) H. K. KAZARIAN, Minutes of Secret Meeting Organizing the Turkish
Genocide of the Armenians, Boston, 1965, cite les pages 83 à 93 du
livre de RIFAT.
30) KRI.[2], pp. 258-260.
31) Takvim-i Vekayi, 3540, p. 6; Takvim-i Vekayi, 3771, p. 1 (cf.
supra, doc B).
32) FO 371/6500, 30/A/4, appendice B, folio 370/103 (cité par DAD[l],
note 46, p.350)
33) DAD[1], p.329.
34) Takvim-i Vekayi, 3540, p. 7 (cité par DAD.[2], p. 172).
35) La Renaissance (Constantinople), 5 août 1919 Takvim-i Vekayi,
3540, p. 6 (cité par DAD.[2], p.172)
36) Erzeroum. Bitlis, Van, Diarbékir, Kharpout, Trébizonde et Sivas.
37) Dès la fin de janvier 1915, les soldats et gendarmes arméniens
furent désarmés et regroupés par bataillons de travail ou lnchaat
tabouri Ces groupes employés aux travaux de voirie furent
progressivement éliminés.
38) Ce témoignage fut lu intégralement à la deuxième séance du procès
de Trébizonde le 29 mars 1919. Une grande partie fut publiée en
français dans Le Courrier de Turquie (Constantinople) du 1er et 2
avril 1919 (cf. KRI.[1], pp.260-261).
39) Djadagamard (Constantinople) et Jamanag (Constantinople) du 9
septembre 1919 (cités par DAD[1], note 47, p. 350).
40) DAD.[1], p. 331
41) Ibid., note 54, p.351
42) Ibid., note 16, p. 352
43) Cf. supra, doc O
44) A. CHIRAGUIAN, La dette de sang, Paris, Ramsay, 1982; J DEROGY, op. cit.
Ternon, Yves. Enquête sur la négation d'un génocide, Marseille,
Parenthèses, 1989
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Publié le : 21-08-2012
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I. LE MAîTRE D'OEUVRE : LE DOCTEUR NAZIM
« Nazim apparaît comme le cerveau insaisissable et invisible des
crimes invoqués dans les cinquante-deux documents1. » On le rencontre
à toutes les étapes de l'évolution de l'Ittihad. Il l'a précédée et
lui a survécu en ne laissant d'autre trace que les idées qu'il avait
inspirées et les tendances qu'il avait dirigées. Etudiant en médecine
à Constantinople, Nazim fut exilé à Paris où il acheva son cycle
universitaire. Il fut l'un des premiers membres du Comité Union et
Progrès. Il assura la liaison entre le groupe des libéraux ottomans
d'Ahmed Riza à Paris et la Société de liberté ottomane qu'avaient
formée en 1906 Ismaïl Djambolat et Midhat Choukrou à Salonique. Le
Comité Union et Progrès naquit en septembre 1907 de la fusion de ces
deux organes, ce comité dont Liman von Sanders avouait naïvement: «
[il] a toujours eu quelque chose de mystérieux. Je n'ai jamais pu
savoir combien il comptait de membres ni qui ils étaient, sauf les
principaux qui étaient connus de tout le monde2. » Dès 1910, le
docteur Nazim devenait l'un des membres du Comité central de
l'Ittihad. Avec son ami Omer Naji, il y représentait la tendance
:nationaliste la plus dure. « Le docteur Nazim avait une intelligence
assez bornée. C'était l'homme de l'idée fixe. "Notre empire est
dépeuplé, disait-il. Nos territoires jadis si riches sont en friche
[...]. Pour refaire une Turquie grande et prospère, il existe un moyen
bien simple: expulser les étrangers et les remplacer par des Turcs de
pure race. Nous appellerons chaque année en Turquie un demi-million
d'émigrants que nous installerons à côté de nos populations [...] et,
en vingt ans, nous aurons créé un Empire essentiellement ottoman"3. »
Homme de l'ombre, aimant s'entourer de mystère et soignant son image
d'éminence grise, cet idéologue n'apparaissait que pour rappeler le
dogme et désigner la direction à suivre. En 1909, au lendemain des
massacres de Cilicie, Nazim déclarait: « L'Empire ottoman doit être
exclusivement turc. La présence d'éléments étrangers est un prétexte
pour une intervention européenne. Ils doivent être turquisés par la
force des armes4. »
Le Haut-Commissaire britannique, Horace Rumbold, le désignait à
Balfour comme, peut-être, le plus important de tous les Unionistes qui
oeuvrent dans l'ombres5. Un écrivain turc qui entretint avec Nazim des
relations amicales, Süreyya Aydemir, faisant allusion à ses activités
secrètes au cours de la Première Guerre mondiale le dénonce comme l'un
des hommes « responsables de l'arme de terreur dans le Parti » et,
dans un autre ouvrage, le même écrivain accuse : « [Il] porta la plus
sanglante responsabilité et incarna les épisodes les plus sanglants de
la période la plus sombre de notre Empire6. » La presse anglaise le
condamna à plusieurs reprises: « A Smyrne, pendant la guerre, Nazim se
vanta d'avoir commis un million de meurtres7. » « Dès que la guerre
éclata, Nazim et ses amis bombardèrent Talaat pacha de propagande
anti-arménienne8. » « Médecin par profession, mais sans conscience
médicale », doctrinaire politique, cet excellent agitateur s'est
révélé un redoutable manipulateur d'hommes. Nazim fut en effet l'homme
noir de l'Ittihad. On le voit apparaître au moment critique pour
exalter les passions et réveiller les haines. Après la déclaration du
djihad, le 14 novembre 1914, Nazim parut au balcon de l'ambassade
d'Allemagne et, lui qui peu avant était opposé à l'entrée en guerre de
la Turquie, présenta l'Allemagne comme l'me de trois cent millions de
musulmans dévoués au Kaiser Guillaume II. On le retrouve, selon un
témoin, Falih Rifki (Atay), secrétaire particulier de Talaat puis de
Djemal, recrutant à l'Académie de guerre de Constantinople des
officiers pour des missions secrètes9. En mai 1915, il parla à un
meeting dans les environs d'Erzeroum où il appela « au massacre
collectif des Arméniens en dehors des villes, des bourgs et des
villages, afin d'éviter les épidémies que pourrait entraîner la
décomposition des cadavres10 ».
Il n'est donc pas étonnant que le nom du docteur Nazim.ait été cité
huit fois dans l'acte d'accusation comme celui du principal
organisateur des bandes de tueurs de l'Organisation spéciale. Ce rôle
fut confirmé par l'interrogatoire des accusés au procès des Unionistes
: Atif, Djevad, Ziya Gökalp, Kutchuk Talaat et Midhat Choukrou. Ce
dernier, qui était secrétaire général de l'Ittihad et qui fut le seul
membre permanent du Comité central, reconnut que Nazim avait le
pouvoir de démettre les vali et les mutessarif. La preuve la plus
accablante fut fournie par la déposition de l'ancien vali d'Alep,
Djelal. Il s'était déplacé à Constantinople pour tenter de dissuader
Talaat et Nazim de poursuivre leur programme d'extermination. Nazim
lui avait auparavant expliqué par lettre que le « programme avait été
adopté par le Comité central après des délibérations longues et
complètes ». Lors de leur entretien à Constantinople, Nazim demeura
intransigeant: « Ces "mesures nécessaires et utiles" devaient être
exécutées et cette "entreprise" résoudrait la Question d'Orient11 ».
Nazim fut condamné à mort par contumace par le tribunal militaire turc
le 5 juillet 1919. Il s'était enfui à Berlin avec Talaat et les
principaux dirigeants de l'Ittihad. Après l'assassinat de Chakir, il
réclama la protection de la police allemande. Dix jours après, le 27
avril 1922, il reçut du ministre de l'Intérieur du gouvernement turc,
Fethi, la garantie de ne pas être inquiété s'il ne s'opposait pas au
régime. Mais ce comploteur impénitent continua à conspirer. Il fut
condamné à mort par le tribunal d'Ankara et pendu le 26 août 1926 en
même temps que d'anciens dirigeants jeunes-turcs, Djavid, Kara Kemal
et Ismaïl Djambolat12.
. L'EXÉCUTEUR : LE DOCTEUR BEHAEDDINE CHAKIR
Les deux lettres de février et mars 1915 adressées à Djemal bey,
délégué de l'Ittihad à Adana, par le Comité central, ne portaient pas
dans le livre d'Andonian de signature. Il n'y avait en bas de ces
lettres « qu'un paraphe illisible qui, à première vue, paraît plutôt
un signe conventionnel13 ». Plusieurs mois après la publication de son
livre, en 1921, à Berlin où il se trouvait pour la défense de
Tehlirian, Aram Andonian découvrit dans un lot de journaux arméniens
parus a Constantinople en 1920 la traduction d'une lettre de
Behaeddine Chakir signée de son nom. « C'était une coupure non datée
un vieux numéro du journal Joghovourti Tsaïn, probablement publié en
1920. Comme dans mon livre la lettre en question n'était signée
d'aucun nom, j'ai eu a curiosité toute naturelle de savoir, pourquoi
on avait mis le nom de Behaeddine Chakir au bas de la traduction. J'ai
donc écrit une lettre au dit journal et on m'a répondu que cette
traduction avait été faite non de mon livre qu'ils n'avaient pas vu
mais un Journal turc (probablement le Sabah de l'Arménien Mihran bey,
ayant comme rédacteur en chef Ali Kemal bey, connu par ses tendances
anti-unionistes) qui l'avait publiée avec la signature de Behaeddine
Chakir bey. Plus tard j'ai appris que le paraphe se trouvant au bas
des deux lettres reproduites dans mon livre, constituaient le mot,
"BEHA", nom familier donné à Behaeddine Chakir par ses intimes14. »
Cette révélation revêt une importance particulière car ces deux
lettres sont, une fois corrigée l'erreur de datation de Chakir15, les
premiers documents recueillis par Naïm bey. Elles exposent en outre,
sans ambiguïté, les motifs de la décision du Comité central et le
processus administratif à suivre, et envisagent les conséquences que
l'exécution de cette « sublime intention » pouvaient engendrer. Ces
deux lettres suffisent à établir la preuve du génocide.
Les accusatIons réunies contre Behaeddine Chakir permettent, à partir
de sources primaires et secondaires, d'affirmer l'authenticité de ces
deux lettres, plus que ne le ferait une querelle d'experts
graphologues à propos d'une écriture et d'une signature difficiles à
retrouver soixante cinq ans après la mort de leur auteur présumé.
Lorsque le chef de la police de Constantinople perquisitionna en
personne au domicile du gendre du docteur Behaeddine Chakir, le 12
décembre 1918, il découvrit des documents provenant du siège du Comité
central de l'Ittihad et, en particulier des comptes-rendus de réunions
secrètes tenues au centre de Nouri Osmanié. Cette documentation,
complétés par les pièces recueillies par la Commission Mazhar et les
dépositions de témoins au cours des procès, ainsi que que par les
rapports des diplomates allemands et britanniques et les mémoires
d'écrivains turcs - ces derniers amenés dans leurs autobiographies à
des fuites inspirées par des rancoeurs personnelles, fuites souvent
indiscrètes à l'égard de l'histoire officielle - permet non seulement
de cerner la personnalité de Chakir mais d'en suivre l'itinéraire au
cours des mois précédant l'extermination des Arméniens et de le situer
dans l'appareil criminel comme un des rouages essentiels, le
complément de Nazim.
Le docteur Nazim était un idéologue et un organisateur. Chakir se
place en relais de Nazim, à la fois organisateur et exécutant.
Behaeddine Chakir, né en 1877, fut dès ses débuts un homme de terrain.
Exilé à Erzindjan pour ses activités révolutionnaires, il s'enfuit en
Egypte et rejoignit à Paris Ahmed Riza. Deux historiens turcs publient
des lettres rédigées de 1906 à 1908 par Chakir. Ces lettres montrent
l'évolution des relations entretenues par les Jeunes-Turcs avec les
groupes politiques arméniens. La première est datée du 22 septembre
1906, c'est-à-dire plus d'un an avant le congrès des partis
d'opposition de l'Empire ottoman qui se réunit à Paris et consacra
l'alliance arméno-turque16. Nazim et Chakir - dont la complicité ne
s'est jamais démentie - s'adressent « à nos frères Azerbaïdjanais au
Caucase ». Ils leur conseillent de s'unir aux Arméniens pour combattre
leur principal ennemi, la Russie; et ils ajoutent, en contrepoint: «
Les Arméniens pourront ultérieurement être remis dans le droit chemin
lorsque les musulmans seront majoritaires17 ». Le 11 juin 1907, Chakir
accuse les révolutionnaires arméniens de vouloir établir un Etat en le
découpant dans le territoire de l'Empire ottoman18. Le 8 décembre
1907, il informe la branche de Salonique de l'Ittihad que « les
accords passés avec les Arméniens sont destinés à nous profiter. Une
fois que nous serons au pouvoir, il sera facile de donner une leçon à
ceux qui cherchent une autonomie administrative19. » Enfin,
s'adressant à ses « cohortes » en Turquie, Chakir leur explique, le 3
janvier 1908, qu'une des raisons de la coopération de l'Ittihad avec
les Arméniens était de permettre au Parti de profiter de leurs
ressources20.
Lorsqu'il est nommé au Comité central en 1912, Behaeddine Chakir est
donc déjà un pionnier du Parti et l'un des fidèles de Nazim. On
retrouve Chakir en 1914. Désormais ses activités sont intimement liées
à celles de l'organisation qu'il représente en province, le
Techkilat-i Mahsoussé. Lorsque, par un malheureux contretemps, le
parti Dachnaksoutioun tint, en juillet 1914, son huitième congrès à
Erzeroum, les délégués, apprenant le déclenchement de la guerre en
Europe, interrompirent l'ordre du jour et examinèrent l'attitude que
devait adopter leur parti si la Turquie entrait Abdul en guerre. Les
dirigeants dachnak recommandèrent à tous les membres et organismes du
parti de rester des sujets loyaux de leurs pays respectifs et de
remplir leurs devoirs civiques. Le congrès était terminé
lorsqu'arrivèrent deux délégués de l'lttihad, Behaeddine Chakir et
Omer Naji, accompagnés d'agents caucasiens venus d'Azerbaïdjan et de
Géorgie. Ces agents avaient pour mission d'organiser la propagande
anti-russe au Caucase, dans le Nord iranien et dans les provinces
orientales de l'Empire ottoman. Chakir et Naji venaient solliciter la
collaboration du parti Dachnaktsoutioun. En échange, ils promettaient
la création, de chaque côté de la frontière, d'un Etat autonome
arménien. Ce projet s'inscrivait dans le vaste plan pangermaniste
visant à expulser la Russie de Transcaucasie et à la ramener en deça
du Caucase. Les délégués turcs furent catégoriques : les Arméniens
n'avaient pas d'autre choix que de s'unir à eux. Les dirigeants
dachnak exposèrent les conclusions de leur congrès. Leur refus de
collaborer referma sur le peuple arménien le piège diabolique tendu
par Chakir21. Quelques semaines plus tard, le 3 septembre 1914, Chakir
ordonne à ses hommes de tendre une embuscade aux délégués arméniens
qui quittent Erzeroum22.
On le retrouve au cours de l'hiver 1914 à Ardahan et Artvin. La percée
de la IIIe armée turque vers Sarikamich Nazi permet aux unités de
l'Organisation spéciale conduites par Chakir de massacrer les
Arméniens de ces deux villes. C'est sans doute à cette période que
Chakir est appelé à d'autres tches par le télégramme (non daté) de
Talaat figurant dans l'acte d'accusation du procès des Unionistes sous
le numéro 69 : « Puisqu'il ne vous reste rien à faire, partez
immédiatement pour Trébizonde pour vous charger d'une tche plus
importante que la question d'Artvin. Yacoub Djemil bey qui partira
d'ici vous donnera les explications et instructions nécessaires23. »
En février 1915, Chakir tient à Erzeroum une réunion avec ses
principaux collaborateurs. Un rapport rédigé par un officier
britannique, Andrew Ryan - « un homme qui a dirigé la politique
anglaise en Turquie pendant plusieurs années et qui parlait bien
turc24 » - décrit le conseil tenu à Erzeroum par les « pires criminels
confirmés25 ». A cette réunion assistaient en effet les principaux
vali impliqués dans l'extermination des Arméniens : Abdulhalik, vali
de Bitlis ; Mouammer, vali de Sivas; Djevdet, vali de Van et Tahsin,
vali d'Erzeroum. Il y fut décidé de faire de l'Organisation spéciale
orientale un corps autonome afin de contrôler les groupes de tchétés à
utiliser dans cette région26. Puis Behaeddine Chakir revient à
Constantinople où est mis au point le programme d'extermination des
Arméniens. On ne connaît ni la date exacte ni le contenu de cette
réunion secrète du Comité central de l'lttihad, Il est possible que,
parmi les documents saisis au domicile du beau-frère de Chakir, se
soient trouvés les minutes de cette réunion. Elles ont été publiées à
Alep en 1929 dans un volumineux ouvrage, La face cachée de la
Révolution turque, rédigé par Mevlan Zadeh Rifat, membre de la Ligue
nationale kurde Hoyboun, et agent de liaison entre cette ligue et la
Fédération révolutionnaire arménienne (Dachnaktsoutioun)27. Mais le
texte de Rifat est bourré d'invraisemblances. Il a confondu les
réunions tenues de juillet 1914 à juillet 1915. Un autre auteur,
Sebouh Agnouni, a utilisé les mêmes sources dans son livre paru à
Constantinople en 192128. Les dix pages publiées par Rifat se réfèrent
à une réunion tenue en février 1915 mais elles font allusion à une
série d'événements postérieurs comme les résistances de Van et de
Chabine-Karahissar29. Il en est de même d'une autre conférence qui
aurait réuni Chakir, Nazim et le ministre de l'Education Ahmed
Choukrou, au cours de laquelle aurait été exposé le mode de
recrutement des bandes de l'Organisation spéciale30.
L'acte d'accusation du procès des Unionistes cite Behaeddine Chakir
huit fois et le définit dans sa double activité de chef politique de
l'Organisation spéciale et de commandant des unités de tueurs opérant
dans les provinces orientales. Sa responsabilité fut également établie
par la production de télégrammes chiffrés et de dépositions de
fonctionnaires civils et militaires au cours de deux autres procès,
ceux de Kharpout et de Trébizonde. Un faisceau de preuves accable
Chakir autour duquel gravitent plusieurs des personnages cités dans
les documents Andonian, La pièce la plus compromettante était un
télégramme chiffré adressé par Chakir au vali de Kharpout, Sabit bey.
Sa formulation est précise : « Est-ce que tous les Arméniens expédiés
ont été liquidés ? Est-ce que les "individus nuisibles" ont été
exterminés ou simplement déportés31 ? » Ce télégramme fut présenté à
la fois au procès des Unionistes et au procès de Kharpout, où Djemal -
le secrétaire du Parti à Alep et le destinataire des deux lettres des
documents Andonian - était inculpé (il avait été arrêté le 8 avril
1919). Ce télégramme avait été conservé par Sabit alors qu'il aurait
dû le détruire et il l'avait remis à la Commission Mazhar. Sabir était
en effet accusé par le chef de la police de Dersim, Mehmed Mamik,
d'avoir collaboré avec Nazim de Resné, secrétaire responsable du
vilayet de Kharpout, et appliqué sans pitié les ordres de déportation
et d'anéantissement de la population arménienne de sa province. Mamik
explique qu'il avait, sur l'ordre de Sabit, arrêté vingt-neuf Dachnak
et trouvé chez eux « quelques rares bombes ». Comme il proposait de
punir seulement les hommes, Sabit refusa de l'écouter et répliqua
qu'il avait des ordres du Comité central signés par Chakir, de
déporter et d'anéantir toute la population arménienne32. Au procès de
Kharpout, le procureur général Chevket cita deux télégrammes et les
présenta comme une « preuve incontestable » de la nature des
déportations, « prétexte pour les massacres qui devaient suivre » ; et
il ajouta: « le fait établi est aussi clair que l'équation 2+2=4.
[...] Les déportations répondaient aux objectifs et à la décision
criminelle prise par l'Ittihad33. »
Les anciens vali d'Erzeroum confirmèrent le rôle de Chakir : il
organisait et commandait les bandes de brigands chargées de tendre des
embuscades aux convois pour les exterminer. Munir, vali d'Erzeroum
après la guerre, affirma que « les brigands organisés par Chakir
assassinaient les déportés de la façon la plus sauvage34 ». Hassan
Tahsin, vali à Erzeroum pendant la guerre, déposa aux procès de
Trébizonde et de Kharpout. A la deuxième séance de ce dernier procès,
il identifia Chakir comme le chef opérationnel de l'Organisation
spéciale et précisa qu'il utilisait des « codes spéciaux » pour
communiquer avec les ministres de la Guerre et de l'Intérieur, ce que
confirme une note de l'acte d'accusation du procès des Unionistes où,
parlant d'une décision télégraphiée à Artvin, le télégramme portait la
mention: « sera déchiffré par Behaeddine Chakir35 ».
La principale charge retenue dans le verdict du procès de Kharpout fut
apportée par la déposition de Mehmed Vehib pacha. Après la chute
d'Erzeroum en février 1916, ce général turc fut chargé de réorganiser
la Ille armée ottomane. Celle-ci, dont l'Etat-major se trouvait à
Erzeroum, avait été commandée par Hakki bey, puis, après la mort de ce
dernier par le typhus en février 1915, par Mahmud Kiamil pacha, qui
avait étroitement collaboré avec Chakir pour anéantir la population
arménienne des provinces orientales (la zone d'opération de la IIIme
armée correspondait au territoire où opérait Chakir)36. Vehib pacha
remit le 5 décembre 1918 à la Commission Mazhar une déposition longue
et précise, rédigée sur douze feuillets, déposition qui n'épargnait
pas les Arméniens puisque les quatre derniers feuillets étaient
consacrés aux actes de vengeance des volontaires arméniens servant
dans l'armée du Caucase. Il expliquait dans ce rapport que, lorsqu'il
prit son commandement, ayant appris que 2000 soldats arméniens d'un
bataillon de travail37 avaient été assassinés, il ordonna une enquête
et nomma une Cour martiale qui fit procéder à quelques exécutions.
Vehib recueillit donc des renseignements de première main sur
l'extermination des Arméniens dans les sept provinces orientales. Il
concentra ses attaques sur Chakir qu'il décrivit comme le maître
d'oeuvre de ce drame : « Toutes les tragédies humaines, toutes les
incitations au meurtre et actes de dépravation, [...] furent
manigancées par Chakir qui recruta et dirigea les bandes de
meurtriers. Elles étaient formées de gibiers de potence et
comprenaient des gendarmes aux mains sanglantes et aux yeux injectés
de sang. » Après avoir relaté la destruction d'un village arménien,
Tchourig, à cinq kilomètres au nord de Mouch, dans le vilayet de
Bitlis, où femmes et enfants avaient été brûlés vifs, Vehib pacha
conclut: « On ne peut pas trouver de tels exemples d'atrocités et de
sauvagerie dans les annales de l'Islam38. » La déposition de Vehib
était tellement accablante que la femme de Chakir lui rendit visite
dans sa prison et commença à le fouetter. Vehib appela à l'aide en
demandant de la chasser car il ne voulait pas frapper une femme39 !
Chakir disposait d'un pouvoir absolu dans les sept provinces
orientales. Plusieurs officiers généraux de la IIIe armée confirmèrent
que son autorité s'étendait au Haut commandement, qu'Enver lui-même
subissait son influence et n'hésitait pas, sur sa demande, à relever
un commandant de corps d'armée pour le remplacer par un homme de
Chakir. Les rapports allemands confirment le rôle joué par Chakir et
le considèrent comme le membre le plus influent du Comité central.
Cette opinion fut partagée en 1920 par le Haut-Commissaire
britannique, l'amiral John de Robeck et par un membre de
l'Intelligence Service, dans deux rapports qu'ils adressèrent
séparément au Foreign Office40. Il est même des historiens turcs pour
accuser Chakir : « Les déportations furent proposées et soutenues au
Comité central de l'Ittihad par Behaeddine Chakir. Leur exécution fut
attribuée aux Ittihadistes de confiance et à l'Organisation spéciale »
écrit Avcioglu en 197441. Le secrétaire personnel de Djemal pacha,
Falih Rifki (Atay), rapporte dans ses mémoires parues en 1981
l'épisode suivant: l'écrivain féministe Halide Edib, avait été invitée
par Djemal à Damas pour mettre en place un nouveau système scolaire
destiné à chasser l'influence française en Syrie et au Liban. Elle se
trouva dans le train avec Atay lorsqu'à Adana, Behaeddine Chakir monta
dans leur compartiment. Il fut présenté à Halide Edib qui ignorait la
nature de ses activités. Au cours du voyage, Chakir ne cessa de se
vanter du travail d'extermination qu'il avait accompli dans les
provinces orientales. « Je suis désolée, confia ultérieurement Halide
Edib à Atay, que vous m'ayez fait serrer la main d'un assassin42. »
Atay confirme que Chakir était obsédé par la volonté d'anéantir les
Arméniens pour prévenir la formation d'une Arménie indépendante. Le
télégramme codé en forme de poème qu'il adressait à ses collaborateurs
permet de le définir comme un paranoïaque43. Behaeddine Chakir avait
été condamné à mort par contumace par la Cour martiale de Kharpout le
13 janvier 1920. Il fut assassiné à Berlin, le 17 avril 1922, par deux
justiciers arméniens, Archavir Chiraguian et Aram Yerkanian44.
Nazim avait pensé le génocide des Arméniens et Chakir avait contrôlé
toutes les phases de l'exécution avec un zèle et une frénésie nourris
par un fanatisme obsessionnel: il devait le faire et il aimait le
faire. Chakir fut réellement un ignoble individu: rusé, intrigant,
impitoyable, cruel et vantard. C'est cet homme qui dirigea sur place
l'organisation la plus secrète du régime jeune-turc, le Techkilat-i
Mahsoussé.
Notes
1) DAD[1], p. 388.
2) O. LIMAN VON SANDERS, Cinq ans de Turquie, Paris, Payot, 1923, p. 16 .
3) H SEIGNOBOSC, Turcs et Turquie, Paris, Payot, 1920, p. 61.
4) R. PINON, Revue des deux Mondes (Paris), septembre 1919.
5) FO 371/7869, E7840, folio 262, p. 2, 1er août 1922 (cité par
DAD.[1], note 43)
6) DAD.[1], p. 329.
7) Morning Post (Londres), des 5 et 7 décembre 1918 (cité par DAD.[1], p. 328)
8) Times (Londres), 28 août 1926
9) DAD[2], p. 172.
10) Ibid., note 15. p. 185.
11) Takvim-i Vekayi (Constantinople), 3540, p. 8 (cité par DAD[1], p. 328)
12) Ils avaient dissimulé des bombes dans des gerbes de fleurs qui
devaient être offertes à Atatürk lors d'une de ses tournée en province
(J. DEROGY, Opération Némésis, Paris, Fayard, 1986, p. 309)
13) Lettre à Marie Terzian, Justicier..., op cit. p. 233 (cf doc n° 1 et n° 2)
14) Ibid.
15) Cf. supra.
16) Y. TERNON op. cit., p. 152
17) DAD.[1] note 107, p. 357
18) A. BEDEVI KURAN, Histoire du parti Union et progrès [en turc],
Istanbul, 1948, pp. 209-229 (cité par DAD.[ 1] , note 107, p. 357)
19) Y. H. BAYUR, Histoire de la Révolution turque [en turc], Ankara,
1952, VO II, 4e partie, pp.87, 126, 129-130 (cité par DAD[1], Ibid).
20) Y.H. BAYUR, ibid., concède à ce propos que 1'Ittihad, excédé par
ses démêlés avec les Arméniens, envisageait de résoudre le problème
par la force des armes.
21) Y. TERNON, op. cit., pp. 196-198
22 C'est ce qu'indiqua un ancien responsable de l'Organisation
spéciale, Djemal Ferid qui publia sous le pseudonyme de A. BIL une
série d'articles dans Vakit (Istanbul) du 2 novembre 1933 au 7 fèvrier
1934 Ces textes furent traduits en français dans Haratch (Paris) du 19
novembre 1933 au 7 avril 1934
23) Justicier..., op. cit., p. 269.
24) H. EDIB, The Turkish Ordeal, Londres, 1928, p. 17.
25) FO 371/6501, p.4, folio 540/40 (cité par DAD.[1], note 90, p. 354)
26) Cf. les articles de A. BIL déjà cités.
27) Y. TERNON, La cause arménienne, Paris, Seuil, 1983, p.274, note 20
28) Dans son livre Milion me hayerou tcharti ampoghtchagan
patmoutioune [Toute l'histoire du massacre d'un million d'Arméniens]
(Constantinople, 1921), S. AGNOUNI donne un compte-rendu d'à peine
trois pages, pp. 26-29.
29) H. K. KAZARIAN, Minutes of Secret Meeting Organizing the Turkish
Genocide of the Armenians, Boston, 1965, cite les pages 83 à 93 du
livre de RIFAT.
30) KRI.[2], pp. 258-260.
31) Takvim-i Vekayi, 3540, p. 6; Takvim-i Vekayi, 3771, p. 1 (cf.
supra, doc B).
32) FO 371/6500, 30/A/4, appendice B, folio 370/103 (cité par DAD[l],
note 46, p.350)
33) DAD[1], p.329.
34) Takvim-i Vekayi, 3540, p. 7 (cité par DAD.[2], p. 172).
35) La Renaissance (Constantinople), 5 août 1919 Takvim-i Vekayi,
3540, p. 6 (cité par DAD.[2], p.172)
36) Erzeroum. Bitlis, Van, Diarbékir, Kharpout, Trébizonde et Sivas.
37) Dès la fin de janvier 1915, les soldats et gendarmes arméniens
furent désarmés et regroupés par bataillons de travail ou lnchaat
tabouri Ces groupes employés aux travaux de voirie furent
progressivement éliminés.
38) Ce témoignage fut lu intégralement à la deuxième séance du procès
de Trébizonde le 29 mars 1919. Une grande partie fut publiée en
français dans Le Courrier de Turquie (Constantinople) du 1er et 2
avril 1919 (cf. KRI.[1], pp.260-261).
39) Djadagamard (Constantinople) et Jamanag (Constantinople) du 9
septembre 1919 (cités par DAD[1], note 47, p. 350).
40) DAD.[1], p. 331
41) Ibid., note 54, p.351
42) Ibid., note 16, p. 352
43) Cf. supra, doc O
44) A. CHIRAGUIAN, La dette de sang, Paris, Ramsay, 1982; J DEROGY, op. cit.
Ternon, Yves. Enquête sur la négation d'un génocide, Marseille,
Parenthèses, 1989
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Source/Lien : Imprescriptibles