Les Nazis de la Turquie - « Türkiye'nin Nazileri »
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=63516
Publié le : 22-08-2012
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Durant la période
estivale, le Collectif VAN vous propose de lire ou relire l'un de ses
traductions de la presse turcophone.
Serdar Kaya a publié dans le journal turc Taraf du 15 avril 2012, la
suite de son courageux article du 10 avril. Il complète ses
explications précédentes concernant les débats qui agitaient le
Parlement turc dès 1918, et au cours desquels le génocide des
chrétiens de l'Empire ottoman, et en particulier celui des Arméniens,
était abondement traité. Comme Serdar Kaya l'indique, ces événements
étaient non seulement connus des députés, mais officiellement
mentionnés dans les procès-verbaux de ladite Assemblée. Le journaliste
n'hésite pas à parler de « Nazis de la Turquie », titre provocateur
qu'il a choisi en connaissance de cause : des intellectuels de Turquie
fustigent régulièrement la diaspora arménienne pour l'emploi de cette
terminologie qu'ils estiment injurieuse et non fondée. Certains
réfutent la qualification de génocide au motif que « Les Turcs
n'étaient pas des nazis ». Et qu'en Turquie, « génocide veut dire
crimes commis par les nazis ». Le Collectif VAN vous propose la
traduction de la 2e partie de l'article de Serdar Kaya.
Notons pour la « petite » histoire, qu'Ã l'heure où nous publions ce
texte, les archives turques disponibles sur deux sites jusqu'au
précédent opus de Serdar Kaya, ont « mystérieusement » disparu du web¦
Serait-ce là une manifestation supplémentaire du double jeu permanent
de l'Etat turc qui affirme avoir ouvert ses archives, tout en effaçant
consciencieusement toute trace de ses méfaits passés et présents?
Signalons qu'Ankara accuse aussi avec arrogance l'Arménie de ne pas
avoir donné accès à ses archives, en « oubliant » un « détail » de
l'Histoire : l'Arménie n'existait pas en tant qu'Etat à l'époque du
génocide. L'Empire ottoman a éliminé ses propres citoyens - toutes ses
minorités chrétiennes de Turquie - et non les habitants d'un pays
tiers contre lequel il aurait été en guerre.
Au risque de contrarier les bienveillantes autorités turques, nous
mettons en téléchargement en fin d'article la suite du pdf de
l'archive que nous avions mise à disposition pour le premier article.
TARAF Ã`NÄ°VERSÄ°TESÄ°
15.04.2012
Serdar Kaya
Il s'agit d'une motion adressée par trois députés non musulmans Ã
l'Assemblée Constitutive `Meclis-i Mebusan' le 2 novembre 1918 [NdT :
lire la première partie de l'article].
[En 1918, trois députés non musulmans adressent une motion Ã
l'Assemblée Constitutive `Meclis-i Mebusan'. A travers cette motion,
ils demandent au nouveau gouvernement s'il prendra des mesures Ã
l'encontre des responsables des massacres commis contre la population
arménienne et grecque durant les quatre dernières années.]
Après la lecture de la motion devant l'Assemblée, le député d'Aydın,
Emanuelidi Efendi, prend la parole et souligne que l'assassinat de
tant de gens ne peut pas être l'Å`uvre de trois ou quatre individus, en
ajoutant que la punition de cinq ou dix individus ne peut pas apporter
une quelconque solution au problème. Et il précise qu'il souhaite
savoir si le nouveau gouvernement a l'intention de mettre en Å`uvre une
politique concernant cette question.
La réponse est apportée au nom du nouveau gouvernement par le ministre
de l'Intérieur Fethi (Okyar) Bey. D'après Fethi Bey, durant les quatre
dernières années, le pays était sens dessus dessous et les Turcs ont
souffert autant que les Grecs, les Arméniens et les Arabes durant
cette époque.
Suite à la phrase suivante prononcée par Fethi Bey, des
applaudissements s'élèvent dans l'Assemblée ¦ `J'aurais souhaité que
Monsieur Emanuelidi ait également inclus parmi ces éléments, l'élément
turc qui a souffert beaucoup plus que les autres et qui a peut-être
subi plus de pertes que les autres.'
Une question et sa réponse
On se demande si ces paroles prononcées par Fethi Bey apportent des
réponses aux interrogations contenues dans la motion où il est dit `Un
million de personnes qui n'avaient commis d'autre faute que d'être
arméniennes, ont été assassinées sans égard pour l'ge ou le sexe.` De
plus, on y parle de `cinq cent mille Grecs ` massacrés et décimés dans
les régions de Karadeniz [Nota CVAN : côte de la mer Noire] et de la
mer de Marmara et dont les biens ont été saisis et spoliés.
Supposons que dans l'Allemagne de 1945 une motion semblable ait été
déposée par des députés juifs (sachant que différents groupes
ethniques, majoritairement juifs, ont été victimes du génocide) au
sujet de la Shoah. Si les nationalistes allemands avaient répondu :
`Nous vous avons peut être tué mais les autres nous ont tués aussi.
Nos soldats se battaient sur des fronts divers, Ã l'est comme Ã
l'ouest. Et surtout, parmi ces victimes que vous citez, ce sont les
Allemands qui sont probablement les éléments qui ont le plus souffert
et qui ont été le plus pénalisés et persécutés ' et si des députés
Allemands avaient applaudi ces paroles, la question qui nous intéresse
est de savoir ce qu'il faudrait penser de ces personnes.
Le pouvoir de l'élément turc
Lorsque Emanuelidi Efendi prend à nouveau la parole, il dit `Je serais
aussi consterné par la souffrance endurée par l'élément turc que par
la souffrance de l'élément grec.' Il explique qu'il n'avait pas vu la
nécessité d'inclure les souffrances des Turcs dans sa motion car les
Turcs n'étaient pas en minorité et ils étaient au pouvoir. Les paroles
d'Emanuelidi Efendi `Aujourd'hui, le pouvoir est exercé au nom de
l'élément turc' trouvent des échos dans des prières du type `Ä°nÅ?allah,
Pour toujours' !
Puis le député de Trabzon, Mehmet Emin Bey (Yurdakul), demande la
parole. Sachant que le règlement de la session de l'époque ne
permettait pas d'apporter des explications mais prévoyait seulement
des interrogations, Mehmet Emin Bey réagit et dit : `Cette question
est singulière'. Cette réaction arbitraire [Nota CVAN : très fréquente
dans la vie politique turque jusqu'Ã nos jours ] reçoit de la part du
président de l'Assemblée la réponse suivante : `Alors dans ce cas-lÃ,
nous laissons tomber le règlement?'. Le député de Kastamonu, RüÅ?tü
Bey, réagit à cette intervention : `Ma nation se trouve devant une
provocation, elle est accusée à tort, et votre préoccupation est
toujours l'application du règlement de l'Assemblée.' Devant ces
réactions, le président de l'Assemblée tente d'expliquer qu'en cas de
non-respect du règlement de la commission de l'Assemblée, elle perd sa
qualité d'être une assemblée de débat, mais ses efforts restent vains
et il ne réussit pas à faire régner l'ordre pendant la session.
Les impitoyables Turcs
Ce tableau qui date de 1918 n'est pas quelque chose dont on puisse
être fier. Ce qui est encore plus pénible est que ces attitudes
grossières et impolies, restent inchangées 94 années plus tard.
Une des questions les plus légitimes qu'on peut poser dans une
assemblée, Ã un nouveau gouvernement, est la suivante : `Alors que
va-t-il se passer à partir de maintenant ?' C'est exactement ce que
faisait la motion en question. Mais, parmi les députés turcs de cette
Assemblée, il n'y avait pas un seul individu capable de se sentir gêné
après tant de crimes commis. Au lieu d'avoir honte et de présenter des
excuses, ils n'ont même pas été capables d'apporter de façon digne une
réponse à cette question simple. Ces représentants, dont certains
allaient être emmenés plus tard par les Anglais sur l'île de Malte en
tant qu'inculpés du génocide arménien, ont eu tendance à minimiser la
question ou bien ont réagi violemment contre Emanuelidi Efendi, tandis
que la seule préoccupation de Mehmet Emin Bey était d'éviter
d'enregistrer la motion dans le procès-verbal!
La motion a bien été enregistrée dans le procès-verbal. Mais une
réponse a ainsi été évitée. La question suivante concernait également
les massacres des Arméniens et leurs biens spoliés. Mehmet Emin Bey
défendait encore une fois la thèse turque. Il a trouvé une occasion de
contester un point important de la motion présentée par Emanuelidi
Efendi et il a déclaré qu'il refusait les affirmations du style `On
leur a tranché la gorge uniquement parce qu'ils étaient Arméniens '.
Sur quoi, le député d'Alep, Artin BoÅ?gezenyan Efendi, a lui, adressé
une question toute simple: `Alors, pour quelle raison ont-ils été
égorgés?'
Comme les questions de la motion précédente, celle-ci est également
restée sans réponse.
Source : Procès-verbaux de l'Assemblée de députés, archives de TBMM.
http://j.mp/meclis1918
©Traduction du turc : S.C. Relecture A.A. pour le Collectif VAN ` 27
avril 2012 ` 13:20 - www.collectifvan.org
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
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Publié le : 22-08-2012
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estivale, le Collectif VAN vous propose de lire ou relire l'un de ses
traductions de la presse turcophone.
Serdar Kaya a publié dans le journal turc Taraf du 15 avril 2012, la
suite de son courageux article du 10 avril. Il complète ses
explications précédentes concernant les débats qui agitaient le
Parlement turc dès 1918, et au cours desquels le génocide des
chrétiens de l'Empire ottoman, et en particulier celui des Arméniens,
était abondement traité. Comme Serdar Kaya l'indique, ces événements
étaient non seulement connus des députés, mais officiellement
mentionnés dans les procès-verbaux de ladite Assemblée. Le journaliste
n'hésite pas à parler de « Nazis de la Turquie », titre provocateur
qu'il a choisi en connaissance de cause : des intellectuels de Turquie
fustigent régulièrement la diaspora arménienne pour l'emploi de cette
terminologie qu'ils estiment injurieuse et non fondée. Certains
réfutent la qualification de génocide au motif que « Les Turcs
n'étaient pas des nazis ». Et qu'en Turquie, « génocide veut dire
crimes commis par les nazis ». Le Collectif VAN vous propose la
traduction de la 2e partie de l'article de Serdar Kaya.
Notons pour la « petite » histoire, qu'Ã l'heure où nous publions ce
texte, les archives turques disponibles sur deux sites jusqu'au
précédent opus de Serdar Kaya, ont « mystérieusement » disparu du web¦
Serait-ce là une manifestation supplémentaire du double jeu permanent
de l'Etat turc qui affirme avoir ouvert ses archives, tout en effaçant
consciencieusement toute trace de ses méfaits passés et présents?
Signalons qu'Ankara accuse aussi avec arrogance l'Arménie de ne pas
avoir donné accès à ses archives, en « oubliant » un « détail » de
l'Histoire : l'Arménie n'existait pas en tant qu'Etat à l'époque du
génocide. L'Empire ottoman a éliminé ses propres citoyens - toutes ses
minorités chrétiennes de Turquie - et non les habitants d'un pays
tiers contre lequel il aurait été en guerre.
Au risque de contrarier les bienveillantes autorités turques, nous
mettons en téléchargement en fin d'article la suite du pdf de
l'archive que nous avions mise à disposition pour le premier article.
TARAF Ã`NÄ°VERSÄ°TESÄ°
15.04.2012
Serdar Kaya
Il s'agit d'une motion adressée par trois députés non musulmans Ã
l'Assemblée Constitutive `Meclis-i Mebusan' le 2 novembre 1918 [NdT :
lire la première partie de l'article].
[En 1918, trois députés non musulmans adressent une motion Ã
l'Assemblée Constitutive `Meclis-i Mebusan'. A travers cette motion,
ils demandent au nouveau gouvernement s'il prendra des mesures Ã
l'encontre des responsables des massacres commis contre la population
arménienne et grecque durant les quatre dernières années.]
Après la lecture de la motion devant l'Assemblée, le député d'Aydın,
Emanuelidi Efendi, prend la parole et souligne que l'assassinat de
tant de gens ne peut pas être l'Å`uvre de trois ou quatre individus, en
ajoutant que la punition de cinq ou dix individus ne peut pas apporter
une quelconque solution au problème. Et il précise qu'il souhaite
savoir si le nouveau gouvernement a l'intention de mettre en Å`uvre une
politique concernant cette question.
La réponse est apportée au nom du nouveau gouvernement par le ministre
de l'Intérieur Fethi (Okyar) Bey. D'après Fethi Bey, durant les quatre
dernières années, le pays était sens dessus dessous et les Turcs ont
souffert autant que les Grecs, les Arméniens et les Arabes durant
cette époque.
Suite à la phrase suivante prononcée par Fethi Bey, des
applaudissements s'élèvent dans l'Assemblée ¦ `J'aurais souhaité que
Monsieur Emanuelidi ait également inclus parmi ces éléments, l'élément
turc qui a souffert beaucoup plus que les autres et qui a peut-être
subi plus de pertes que les autres.'
Une question et sa réponse
On se demande si ces paroles prononcées par Fethi Bey apportent des
réponses aux interrogations contenues dans la motion où il est dit `Un
million de personnes qui n'avaient commis d'autre faute que d'être
arméniennes, ont été assassinées sans égard pour l'ge ou le sexe.` De
plus, on y parle de `cinq cent mille Grecs ` massacrés et décimés dans
les régions de Karadeniz [Nota CVAN : côte de la mer Noire] et de la
mer de Marmara et dont les biens ont été saisis et spoliés.
Supposons que dans l'Allemagne de 1945 une motion semblable ait été
déposée par des députés juifs (sachant que différents groupes
ethniques, majoritairement juifs, ont été victimes du génocide) au
sujet de la Shoah. Si les nationalistes allemands avaient répondu :
`Nous vous avons peut être tué mais les autres nous ont tués aussi.
Nos soldats se battaient sur des fronts divers, Ã l'est comme Ã
l'ouest. Et surtout, parmi ces victimes que vous citez, ce sont les
Allemands qui sont probablement les éléments qui ont le plus souffert
et qui ont été le plus pénalisés et persécutés ' et si des députés
Allemands avaient applaudi ces paroles, la question qui nous intéresse
est de savoir ce qu'il faudrait penser de ces personnes.
Le pouvoir de l'élément turc
Lorsque Emanuelidi Efendi prend à nouveau la parole, il dit `Je serais
aussi consterné par la souffrance endurée par l'élément turc que par
la souffrance de l'élément grec.' Il explique qu'il n'avait pas vu la
nécessité d'inclure les souffrances des Turcs dans sa motion car les
Turcs n'étaient pas en minorité et ils étaient au pouvoir. Les paroles
d'Emanuelidi Efendi `Aujourd'hui, le pouvoir est exercé au nom de
l'élément turc' trouvent des échos dans des prières du type `Ä°nÅ?allah,
Pour toujours' !
Puis le député de Trabzon, Mehmet Emin Bey (Yurdakul), demande la
parole. Sachant que le règlement de la session de l'époque ne
permettait pas d'apporter des explications mais prévoyait seulement
des interrogations, Mehmet Emin Bey réagit et dit : `Cette question
est singulière'. Cette réaction arbitraire [Nota CVAN : très fréquente
dans la vie politique turque jusqu'Ã nos jours ] reçoit de la part du
président de l'Assemblée la réponse suivante : `Alors dans ce cas-lÃ,
nous laissons tomber le règlement?'. Le député de Kastamonu, RüÅ?tü
Bey, réagit à cette intervention : `Ma nation se trouve devant une
provocation, elle est accusée à tort, et votre préoccupation est
toujours l'application du règlement de l'Assemblée.' Devant ces
réactions, le président de l'Assemblée tente d'expliquer qu'en cas de
non-respect du règlement de la commission de l'Assemblée, elle perd sa
qualité d'être une assemblée de débat, mais ses efforts restent vains
et il ne réussit pas à faire régner l'ordre pendant la session.
Les impitoyables Turcs
Ce tableau qui date de 1918 n'est pas quelque chose dont on puisse
être fier. Ce qui est encore plus pénible est que ces attitudes
grossières et impolies, restent inchangées 94 années plus tard.
Une des questions les plus légitimes qu'on peut poser dans une
assemblée, Ã un nouveau gouvernement, est la suivante : `Alors que
va-t-il se passer à partir de maintenant ?' C'est exactement ce que
faisait la motion en question. Mais, parmi les députés turcs de cette
Assemblée, il n'y avait pas un seul individu capable de se sentir gêné
après tant de crimes commis. Au lieu d'avoir honte et de présenter des
excuses, ils n'ont même pas été capables d'apporter de façon digne une
réponse à cette question simple. Ces représentants, dont certains
allaient être emmenés plus tard par les Anglais sur l'île de Malte en
tant qu'inculpés du génocide arménien, ont eu tendance à minimiser la
question ou bien ont réagi violemment contre Emanuelidi Efendi, tandis
que la seule préoccupation de Mehmet Emin Bey était d'éviter
d'enregistrer la motion dans le procès-verbal!
La motion a bien été enregistrée dans le procès-verbal. Mais une
réponse a ainsi été évitée. La question suivante concernait également
les massacres des Arméniens et leurs biens spoliés. Mehmet Emin Bey
défendait encore une fois la thèse turque. Il a trouvé une occasion de
contester un point important de la motion présentée par Emanuelidi
Efendi et il a déclaré qu'il refusait les affirmations du style `On
leur a tranché la gorge uniquement parce qu'ils étaient Arméniens '.
Sur quoi, le député d'Alep, Artin BoÅ?gezenyan Efendi, a lui, adressé
une question toute simple: `Alors, pour quelle raison ont-ils été
égorgés?'
Comme les questions de la motion précédente, celle-ci est également
restée sans réponse.
Source : Procès-verbaux de l'Assemblée de députés, archives de TBMM.
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©Traduction du turc : S.C. Relecture A.A. pour le Collectif VAN ` 27
avril 2012 ` 13:20 - www.collectifvan.org
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