EST-CE UN CRIME D'ETRE ARMENIEN ?
Jean Eckian
armenews.com
mardi 28 aout 2012
Le journaliste turc, s'il nous apprend quelque chose sur l'impact
du "crime de haine qualifie" (grave car la portee de l'insulte est
multipliee par le nombre des membres du groupe) aurait pu ajouter
un autre facteur multiplicatif : le profond desarroi de ceux qui
genocides, forces l'epee sur la nuque de se convertir a une religion
qui n'est pas la leur ni celle de leurs ancetres, se voient 100 ans
après insultes de la sorte...
par Sedat Ergin, Hurriyet Daily News
La suggestion d'employer l'expression " liquides " plutôt que "
neutralises " a l'egard des terroristes du Parti des Travailleurs du
Kurdistan (PKK) qui ont ete tues a provoque de nombreuses reactions.
C'est le depute d'Erzerum Muhyettin Aksak du parti au pouvoir Justice
et Developpement (AKP) qui en avait fait la suggestion au cours de
ses v~\ux a la fete de son parti, mardi dernier, dans la province de
l'est d'Erzerum.
Ce n'est pas la première declaration problematique, au cours de
la session, dont s'est rendu responsable Aksak. Il a aussi dit,
après avoir reclame que " les membres du PKK et nos frères Kurdes ne
devraient pas avoir le meme rang " : " Nous devrions considerer a part
nos frères Kurdes. Lorsque nous les regardons [le PKK], ils ne sont
rien d'autres [que des personnes ayant subi un lavage de cerveau],
ou des enfants d'apostats armeniens, ou des lâches qui ont infiltre
notre pays, venus de Syrie ou d'Iran.
Codes de Culture Sociale Un depute effectuant son second mandat au
parlement, representant le parti au pouvoir, a employe l'expression
" enfants d'apostats armeniens " comme une insulte, ouvertement et
avec mepris.
Admettons qu'utiliser le fait que l'un d'entre eux etait d'origine
armenienne dans un propos diffamatoire n'est qu'un de ces reflexes
qui restent a eliminer, dans la liste des codes d'appartenance d'un
très large segment de la culture sociale de la Turquie.
Mais cela peut aussi se produire frequemment dans la presse. L'exemple
le plus marquant, l'origine armenienne etant prise comme une insulte
etait la campagne de diffamation dont l'auteur Ali Bayramoglu, du
quotidien Yeni Safak, a ete victime en juin dernier.
Un article paru sur le site habervaktim.com, version en ligne du
quotidien fondamentaliste Vakit, soutenait que Bayramoglu avait des
origines armeniennes, et donc " agissait motive par sa veritable
identite [cachee] " sur les questions relatives aux Kurdes et aux
Armeniens.
" Si vous etes Juif, vous etes deja coupable " Les personnes visees
par ce comportement ne sont pas seulement des Armeniens. C'est un
comportement habituel, dirige contre toutes les minorites, contre
les Grecs et specialement contre les Juifs.
Tel etait le cas l'an passe, lorsque le professeur Busra Ersanli
avait ete arretee dans le cadre de l'operation contre le KCK : le
journal Vakit pensait pouvoir attribuer son arrestation au fait que
son ex-mari, le professeur Cem Behar etait un Juif.
Les exemples sont frequents dans la vie quotidienne de notre pays,
que nos hommes d'etat considèrent avec orgueil comme une terre de
tolerance. Le problème est que pour un large segment de la population,
un tel comportement n'est pas vraiment considere comme un problème
dans les relations sociales.
Une loi contre le crime de haine est necessaire Dans le monde civilise
d'aujourd'hui, ce genre de comportements est connu sous le nom de "
crimes de haine " , et peut avoir des consequences graves. Les crimes
de haine sont des actes par lesquels une personne ou un groupe est
verbalement ou physiquement attaque du fait de son identite ou de
son appartenance a un groupe, et ils ont des effets distincts de ceux
d'autres categories de crimes.
La raison de ces differences est que dans les crimes de haine,
lorsqu'une personne est insultee du fait de son appartenance sociale
ou de son identite, la personne visee n'est pas la seule victime. L'
"effet multiplicateur " de l'acte haineux donne a tous ceux qui
appartiennent a ce groupe le sentiment d'etre attaques.
Par exemple, lorsqu'un depute insulte le PKK comme " enfants
d'apostats armeniens ", alors tout Armenien vivant en Turquie se sent
insulte. Lorsque la raison invoquee pour l'arrestation du professeur
Ersanli est qu'elle a ete l'epouse d'un Juif, alors tous les Juifs
vivant dans ce pays sont rabaisses.
Ces exemples, que nous rencontrons frequemment, font mesurer de facon
très pessimiste la distance qu'il nous reste a parcourir dans la lutte
contre le racisme en Turquie. Si une loi sur le crime de haine avait
existe en Turquie, alors les auteurs des actes cites plus haut comme
exemples auraient ete confrontes a de serieuses consequences. Si au
moins aucune loi n'est a l'horizon, peut-etre conviendrait-il que le
parti au pouvoir fasse un geste pour rassurer les citoyens armeniens
vivant dans ce pays, montrant qu'il se desolidarise des propos de son
depute d'Erzeroum, en particulier a la suite de la fete du Ramadan,
où la fraternite est souvent evoquee.
Sedat Ergin est journaliste au quotidien Hurriyet, dan lequel cet
article est paru le 24 août. Il a ete traduit en anglais par l'equipe
du Daily News.
25 août 2012
Traduction Gilbert Beguian pour Armenews
mardi 28 août 2012, Jean Eckian ©armenews.com
Jean Eckian
armenews.com
mardi 28 aout 2012
Le journaliste turc, s'il nous apprend quelque chose sur l'impact
du "crime de haine qualifie" (grave car la portee de l'insulte est
multipliee par le nombre des membres du groupe) aurait pu ajouter
un autre facteur multiplicatif : le profond desarroi de ceux qui
genocides, forces l'epee sur la nuque de se convertir a une religion
qui n'est pas la leur ni celle de leurs ancetres, se voient 100 ans
après insultes de la sorte...
par Sedat Ergin, Hurriyet Daily News
La suggestion d'employer l'expression " liquides " plutôt que "
neutralises " a l'egard des terroristes du Parti des Travailleurs du
Kurdistan (PKK) qui ont ete tues a provoque de nombreuses reactions.
C'est le depute d'Erzerum Muhyettin Aksak du parti au pouvoir Justice
et Developpement (AKP) qui en avait fait la suggestion au cours de
ses v~\ux a la fete de son parti, mardi dernier, dans la province de
l'est d'Erzerum.
Ce n'est pas la première declaration problematique, au cours de
la session, dont s'est rendu responsable Aksak. Il a aussi dit,
après avoir reclame que " les membres du PKK et nos frères Kurdes ne
devraient pas avoir le meme rang " : " Nous devrions considerer a part
nos frères Kurdes. Lorsque nous les regardons [le PKK], ils ne sont
rien d'autres [que des personnes ayant subi un lavage de cerveau],
ou des enfants d'apostats armeniens, ou des lâches qui ont infiltre
notre pays, venus de Syrie ou d'Iran.
Codes de Culture Sociale Un depute effectuant son second mandat au
parlement, representant le parti au pouvoir, a employe l'expression
" enfants d'apostats armeniens " comme une insulte, ouvertement et
avec mepris.
Admettons qu'utiliser le fait que l'un d'entre eux etait d'origine
armenienne dans un propos diffamatoire n'est qu'un de ces reflexes
qui restent a eliminer, dans la liste des codes d'appartenance d'un
très large segment de la culture sociale de la Turquie.
Mais cela peut aussi se produire frequemment dans la presse. L'exemple
le plus marquant, l'origine armenienne etant prise comme une insulte
etait la campagne de diffamation dont l'auteur Ali Bayramoglu, du
quotidien Yeni Safak, a ete victime en juin dernier.
Un article paru sur le site habervaktim.com, version en ligne du
quotidien fondamentaliste Vakit, soutenait que Bayramoglu avait des
origines armeniennes, et donc " agissait motive par sa veritable
identite [cachee] " sur les questions relatives aux Kurdes et aux
Armeniens.
" Si vous etes Juif, vous etes deja coupable " Les personnes visees
par ce comportement ne sont pas seulement des Armeniens. C'est un
comportement habituel, dirige contre toutes les minorites, contre
les Grecs et specialement contre les Juifs.
Tel etait le cas l'an passe, lorsque le professeur Busra Ersanli
avait ete arretee dans le cadre de l'operation contre le KCK : le
journal Vakit pensait pouvoir attribuer son arrestation au fait que
son ex-mari, le professeur Cem Behar etait un Juif.
Les exemples sont frequents dans la vie quotidienne de notre pays,
que nos hommes d'etat considèrent avec orgueil comme une terre de
tolerance. Le problème est que pour un large segment de la population,
un tel comportement n'est pas vraiment considere comme un problème
dans les relations sociales.
Une loi contre le crime de haine est necessaire Dans le monde civilise
d'aujourd'hui, ce genre de comportements est connu sous le nom de "
crimes de haine " , et peut avoir des consequences graves. Les crimes
de haine sont des actes par lesquels une personne ou un groupe est
verbalement ou physiquement attaque du fait de son identite ou de
son appartenance a un groupe, et ils ont des effets distincts de ceux
d'autres categories de crimes.
La raison de ces differences est que dans les crimes de haine,
lorsqu'une personne est insultee du fait de son appartenance sociale
ou de son identite, la personne visee n'est pas la seule victime. L'
"effet multiplicateur " de l'acte haineux donne a tous ceux qui
appartiennent a ce groupe le sentiment d'etre attaques.
Par exemple, lorsqu'un depute insulte le PKK comme " enfants
d'apostats armeniens ", alors tout Armenien vivant en Turquie se sent
insulte. Lorsque la raison invoquee pour l'arrestation du professeur
Ersanli est qu'elle a ete l'epouse d'un Juif, alors tous les Juifs
vivant dans ce pays sont rabaisses.
Ces exemples, que nous rencontrons frequemment, font mesurer de facon
très pessimiste la distance qu'il nous reste a parcourir dans la lutte
contre le racisme en Turquie. Si une loi sur le crime de haine avait
existe en Turquie, alors les auteurs des actes cites plus haut comme
exemples auraient ete confrontes a de serieuses consequences. Si au
moins aucune loi n'est a l'horizon, peut-etre conviendrait-il que le
parti au pouvoir fasse un geste pour rassurer les citoyens armeniens
vivant dans ce pays, montrant qu'il se desolidarise des propos de son
depute d'Erzeroum, en particulier a la suite de la fete du Ramadan,
où la fraternite est souvent evoquee.
Sedat Ergin est journaliste au quotidien Hurriyet, dan lequel cet
article est paru le 24 août. Il a ete traduit en anglais par l'equipe
du Daily News.
25 août 2012
Traduction Gilbert Beguian pour Armenews
mardi 28 août 2012, Jean Eckian ©armenews.com