TURQUIE : LES JOURNALISTES ATTENDENT UN SIGNE FORT CONTRE L'IMPUNITE
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=66666
Publie le : 30-08-2012
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
invite a lire cette information publiee sur le site des Reporters
Sans Frontières le 28 août 2012.
Reporters Sans Frontières
Turquie
Enquete sur l'assassinat de Cihan Hayirsevener : les journalistes
attendent un signe fort contre l'impunite
Publie le mardi 28 août 2012. Mis a jour le mercredi 29 août 2012.
Reporters sans frontières salue les progrès dans l'enquete menee sur
l'assassinat, en 2009, du journaliste Cihan Hayirsevener.
L'organisation espère qu'elle sera menee a son terme, malgre les
lenteurs et les negligences qui restent a deplorer. Une determination
similaire est attendue dans le traitement des nombreux autres cas
d'agressions et de violences contre les professionnels des medias,
qui demeurent très largement impunis.
Progrès serieux dans l'affaire Hayirsevener
Le 28 août 2012, s'est tenue la cinquième audience du procès des
assassins presumes de Cihan Hayirsevener, le fondateur et redacteur
en chef du journal local Guney Marmara'da Yasam, abattu en plein jour
a Bandirma (sud-ouest d'Istanbul), le 18 decembre 2009.
" Malgre les lenteurs habituelles de la justice turque, le
traitement de cette affaire est encourageant, a declare Reporters sans
frontières. Les enquetes serieuses sur des cas de violence contre les
journalistes sont trop rares en Turquie pour ne pas etre saluees. Les
juges sont veritablement attendus quant a leur capacite de rendre
justice aux proches et aux collègues de Cihan Hayirsevener. Ils auront
egalement la responsabilite du signal qui sera envoye a des centaines
de professionnels des medias, aux prises avec de puissants interets
locaux ou hesitant a enqueter sur des cas de corruption par crainte
de represailles. "
Le lien entre l'assassinat de Cihan Hayirsevener et ses activites
professionnelles a ete largement demontre par l'instruction. Il a ete
consacre par la fusion, en mai 2011, de l'enquete sur l'assassinat du
journaliste avec un dossier portant sur des malversations financières
impliquant la municipalite de Bandirma et de puissants hommes
d'affaires locaux. Tous les temoignages recueillis par Reporters
sans frontières lors de sa propre enquete, menee a Bandirma une
quinzaine de jours après le drame, allaient egalement dans ce sens :
Cihan Hayirsevener a de toutes evidences paye de sa vie sa couverture
opiniâtre d'une affaire extremement derangeante pour des personnalites
locales.
Après de longues tergiversations, les juges ont finalement retenu la
qualification de " crime premedite et organise ", contrairement aux
declarations du tireur, Serkan Erakkus, qui pretend avoir abattu le
journaliste au terme d'une altercation. Plusieurs temoins ont confirme
a la cour et a Reporters sans frontières avoir apercu le tireur,
rôdant près des locaux de Marmara TV et de Guney Marmara'da Yasam,
plusieurs jours avant l'assassinat.
Lors de la precedente audience, le 22 mai 2012, un temoin oculaire,
dont l'identite a ete maintenue secrète, a formellement designe Serkan
Erakkus comme le tireur et a raconte en details le deroulement des
faits. Son recit confirme que le journaliste avait ete frappe au crâne
par derrière puis vise aux jambes a plusieurs reprises et a courte
distance. Un autre temoin, Secil Kip, proche de la famille Kuruoglu
avant le drame, s'est finalement retractee après avoir initialement
declare avoir vu l'arme du crime avant l'assassinat.
Dix-huit suspects repondent devant la 10e chambre de la cour d'Assises
d'Istanbul des chefs d'inculpation d'assassinat et de malversations
financières. Trois d'entre eux sont maintenus en detention provisoire
en attente du jugement : le tireur presume Serkan Erakkus, le
commanditaire presume Ihsan Kuruoglu, ainsi que le chauffeur de ce
dernier, Kerem Yilmaz, complice presume.
Juste avant sa mort, Cihan Hayirsevener enquetait sur des allegations
de corruption portant sur l'attribution de marches immobiliers a
Bandirma. La justice soupconne la municipalite d'avoir attribue
plusieurs appels d'offres a la famille Kuruoglu en echange de
dessous de table. Depuis l'arrestation de trente-deux personnes
soupconnees d'etre impliquees dans cette affaire, le 28 octobre 2009,
le journaliste avait consacre une dizaine de chroniques a ce sujet
dans son journal. Il avait indique a des proches posseder des elements
susceptibles de compromettre des figures politiques locales.
Cette affaire avait donne lieu a une violente guerre editoriale dans
les medias locaux, la famille Kuruoglu etant egalement proprietaire
de deux journaux. Après que Cihan Hayirsevener ait recu un message
de menaces envoye depuis sa cellule par Ihsan Kuruoglu, et que ses
collègues aient remarque que ses faits et gestes etaient surveilles,
le journaliste et ses confrères avaient ete places sous protection
policière partielle.
Si l'enquete sur l'assassinat du journaliste va dans le bon sens, elle
est loin d'etre exempte des travers recurrents de la justice turque.
Plus de deux ans et demi après les faits, les progrès sont toujours
laborieux. Retardee pendant un par le conflit de competences entre le
tribunal d'Istanbul et celui de Bandirma, la fusion des deux dossiers
est intervenue en depit de multiples man~\uvres d'obstruction.
L'audition du temoin anonyme a ete annoncee puis reportee plusieurs
fois, la police n'ayant pas fait le necessaire pour le transferer
a Istanbul. Les audiences etant espacees d'au moins trois mois,
le retard accumule est considerable.
Les journalistes locaux sous pression, cinq agressions en deux mois
Au-dela de son importance locale, le cas de Cihan Hayirsevener
est symbolique des pressions auxquelles sont soumis de nombreux
journalistes turcs enquetant sur les activites economiques et
politiques de puissantes figures locales. Le calvaire de Haci
Bogatekin en temoigne : le proprietaire du bimensuel Gerget Firat,
dans le sud-est du pays, a une nouvelle fois ete condamne a un an
de prison, le 27 juin 2012, dans l'un des nombreux dossiers ouverts
contre lui. L'execution de la sentence est suspendue en vertu de la
loi de reforme n°6235. Mais le journaliste a confie a Reporters sans
frontières combien de telles pratiques encourageaient l'autocensure
dans la profession.
Exposes a un harcèlement judiciaire constant, les journalistes
locaux peuvent difficilement compter sur les tribunaux lorsqu'ils
sont victimes de violence. Dans la vaste majorite des cas, l'impunite
prevaut, renforcant le sentiment de vulnerabilite repandu au sein de
la profession.
Suha Alparslan, directeur de la publication du quotidien Bolu Gundem
a Bolu (Nord-Ouest), a affirme a Reporters sans frontières qu'il se
sentait toujours menace, près d'un mois après l'agression a l'arme
blanche dont il avait ete victime. En effet, ses agresseurs, qui
tiennent un commerce a 50 mètres des locaux du journal, n'ont pas ete
inquietes, et l'enquete n'a toujours pas ete deferee au parquet. Le
3 août 2012, Suha Alparslan et la redactrice en chef de Bolu Gundem
avaient ete violemment agresses par les proprietaires d'un commerce,
qu'ils venaient interroger sur la pose d'une antenne relais de
telephonie mobile sur leur toit.
Pas moins de cinq journalistes ont ete agresses en deux mois, dont
Semih Bolluk a Balikesir (Ouest), Eyup Deniz a Elazig (Est) et Onur
Turan devant la prison de Metris d'Istanbul.
Reporters sans frontières rappelle enfin que l'enquete sur
l'assassinat du journaliste turc-armenien Hrant Dink reste
en souffrance. L'incapacite de la justice a identifier tous les
commanditaires et complices dans cette affaire d'Etat reste un symbole
extremement fort de l'impunite regnant en Turquie.
Retour a la rubrique
Source/Lien : Reporters Sans Frontières
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=66666
Publie le : 30-08-2012
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invite a lire cette information publiee sur le site des Reporters
Sans Frontières le 28 août 2012.
Reporters Sans Frontières
Turquie
Enquete sur l'assassinat de Cihan Hayirsevener : les journalistes
attendent un signe fort contre l'impunite
Publie le mardi 28 août 2012. Mis a jour le mercredi 29 août 2012.
Reporters sans frontières salue les progrès dans l'enquete menee sur
l'assassinat, en 2009, du journaliste Cihan Hayirsevener.
L'organisation espère qu'elle sera menee a son terme, malgre les
lenteurs et les negligences qui restent a deplorer. Une determination
similaire est attendue dans le traitement des nombreux autres cas
d'agressions et de violences contre les professionnels des medias,
qui demeurent très largement impunis.
Progrès serieux dans l'affaire Hayirsevener
Le 28 août 2012, s'est tenue la cinquième audience du procès des
assassins presumes de Cihan Hayirsevener, le fondateur et redacteur
en chef du journal local Guney Marmara'da Yasam, abattu en plein jour
a Bandirma (sud-ouest d'Istanbul), le 18 decembre 2009.
" Malgre les lenteurs habituelles de la justice turque, le
traitement de cette affaire est encourageant, a declare Reporters sans
frontières. Les enquetes serieuses sur des cas de violence contre les
journalistes sont trop rares en Turquie pour ne pas etre saluees. Les
juges sont veritablement attendus quant a leur capacite de rendre
justice aux proches et aux collègues de Cihan Hayirsevener. Ils auront
egalement la responsabilite du signal qui sera envoye a des centaines
de professionnels des medias, aux prises avec de puissants interets
locaux ou hesitant a enqueter sur des cas de corruption par crainte
de represailles. "
Le lien entre l'assassinat de Cihan Hayirsevener et ses activites
professionnelles a ete largement demontre par l'instruction. Il a ete
consacre par la fusion, en mai 2011, de l'enquete sur l'assassinat du
journaliste avec un dossier portant sur des malversations financières
impliquant la municipalite de Bandirma et de puissants hommes
d'affaires locaux. Tous les temoignages recueillis par Reporters
sans frontières lors de sa propre enquete, menee a Bandirma une
quinzaine de jours après le drame, allaient egalement dans ce sens :
Cihan Hayirsevener a de toutes evidences paye de sa vie sa couverture
opiniâtre d'une affaire extremement derangeante pour des personnalites
locales.
Après de longues tergiversations, les juges ont finalement retenu la
qualification de " crime premedite et organise ", contrairement aux
declarations du tireur, Serkan Erakkus, qui pretend avoir abattu le
journaliste au terme d'une altercation. Plusieurs temoins ont confirme
a la cour et a Reporters sans frontières avoir apercu le tireur,
rôdant près des locaux de Marmara TV et de Guney Marmara'da Yasam,
plusieurs jours avant l'assassinat.
Lors de la precedente audience, le 22 mai 2012, un temoin oculaire,
dont l'identite a ete maintenue secrète, a formellement designe Serkan
Erakkus comme le tireur et a raconte en details le deroulement des
faits. Son recit confirme que le journaliste avait ete frappe au crâne
par derrière puis vise aux jambes a plusieurs reprises et a courte
distance. Un autre temoin, Secil Kip, proche de la famille Kuruoglu
avant le drame, s'est finalement retractee après avoir initialement
declare avoir vu l'arme du crime avant l'assassinat.
Dix-huit suspects repondent devant la 10e chambre de la cour d'Assises
d'Istanbul des chefs d'inculpation d'assassinat et de malversations
financières. Trois d'entre eux sont maintenus en detention provisoire
en attente du jugement : le tireur presume Serkan Erakkus, le
commanditaire presume Ihsan Kuruoglu, ainsi que le chauffeur de ce
dernier, Kerem Yilmaz, complice presume.
Juste avant sa mort, Cihan Hayirsevener enquetait sur des allegations
de corruption portant sur l'attribution de marches immobiliers a
Bandirma. La justice soupconne la municipalite d'avoir attribue
plusieurs appels d'offres a la famille Kuruoglu en echange de
dessous de table. Depuis l'arrestation de trente-deux personnes
soupconnees d'etre impliquees dans cette affaire, le 28 octobre 2009,
le journaliste avait consacre une dizaine de chroniques a ce sujet
dans son journal. Il avait indique a des proches posseder des elements
susceptibles de compromettre des figures politiques locales.
Cette affaire avait donne lieu a une violente guerre editoriale dans
les medias locaux, la famille Kuruoglu etant egalement proprietaire
de deux journaux. Après que Cihan Hayirsevener ait recu un message
de menaces envoye depuis sa cellule par Ihsan Kuruoglu, et que ses
collègues aient remarque que ses faits et gestes etaient surveilles,
le journaliste et ses confrères avaient ete places sous protection
policière partielle.
Si l'enquete sur l'assassinat du journaliste va dans le bon sens, elle
est loin d'etre exempte des travers recurrents de la justice turque.
Plus de deux ans et demi après les faits, les progrès sont toujours
laborieux. Retardee pendant un par le conflit de competences entre le
tribunal d'Istanbul et celui de Bandirma, la fusion des deux dossiers
est intervenue en depit de multiples man~\uvres d'obstruction.
L'audition du temoin anonyme a ete annoncee puis reportee plusieurs
fois, la police n'ayant pas fait le necessaire pour le transferer
a Istanbul. Les audiences etant espacees d'au moins trois mois,
le retard accumule est considerable.
Les journalistes locaux sous pression, cinq agressions en deux mois
Au-dela de son importance locale, le cas de Cihan Hayirsevener
est symbolique des pressions auxquelles sont soumis de nombreux
journalistes turcs enquetant sur les activites economiques et
politiques de puissantes figures locales. Le calvaire de Haci
Bogatekin en temoigne : le proprietaire du bimensuel Gerget Firat,
dans le sud-est du pays, a une nouvelle fois ete condamne a un an
de prison, le 27 juin 2012, dans l'un des nombreux dossiers ouverts
contre lui. L'execution de la sentence est suspendue en vertu de la
loi de reforme n°6235. Mais le journaliste a confie a Reporters sans
frontières combien de telles pratiques encourageaient l'autocensure
dans la profession.
Exposes a un harcèlement judiciaire constant, les journalistes
locaux peuvent difficilement compter sur les tribunaux lorsqu'ils
sont victimes de violence. Dans la vaste majorite des cas, l'impunite
prevaut, renforcant le sentiment de vulnerabilite repandu au sein de
la profession.
Suha Alparslan, directeur de la publication du quotidien Bolu Gundem
a Bolu (Nord-Ouest), a affirme a Reporters sans frontières qu'il se
sentait toujours menace, près d'un mois après l'agression a l'arme
blanche dont il avait ete victime. En effet, ses agresseurs, qui
tiennent un commerce a 50 mètres des locaux du journal, n'ont pas ete
inquietes, et l'enquete n'a toujours pas ete deferee au parquet. Le
3 août 2012, Suha Alparslan et la redactrice en chef de Bolu Gundem
avaient ete violemment agresses par les proprietaires d'un commerce,
qu'ils venaient interroger sur la pose d'une antenne relais de
telephonie mobile sur leur toit.
Pas moins de cinq journalistes ont ete agresses en deux mois, dont
Semih Bolluk a Balikesir (Ouest), Eyup Deniz a Elazig (Est) et Onur
Turan devant la prison de Metris d'Istanbul.
Reporters sans frontières rappelle enfin que l'enquete sur
l'assassinat du journaliste turc-armenien Hrant Dink reste
en souffrance. L'incapacite de la justice a identifier tous les
commanditaires et complices dans cette affaire d'Etat reste un symbole
extremement fort de l'impunite regnant en Turquie.
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