Le Monde, France
2 décembre 2012 dimanche
Le doudouk, coqueluche d'Hollywood
par: Emilienne Malfatto
Il a accompagné les souffrances de Russell Crowe dans Gladiator, les
aventures d'Audrey Tautou dans Da Vinci Code et celles du capitaine
Jack Sparrow dans Pirates des Caraïbes III... Le doudouk, à l'honneur
à la Cité de la musique de Paris qui proposait, jusqu'au samedi 1er
décembre, un hommage au répertoire traditionnel arménien, est passé,
en deux décennies, du statut d'obscur instrument folklorique à celui
de coqueluche d'Hollywood. Une vraie " doudoukmania ". Au point que
certains puristes crient au dévoiement.
Sorte de hautbois, formé d'un corps en bois d'abricotier - qui durcit
avec le temps - et d'une anche double taillée dans un seul morceau de
roseau, cet instrument de musique arménien produit un son grave et
chaud, lancinant et mélancolique, qui rappelle le registre bas de la
clarinette, le son du cor anglais, voire de la flûte de pan.
" Le son du doudouk est très particulier, explique le musicien Araik
Bakhtikyan, c'est la continuité de la voix humaine. " Et, " pour
l'oreille, il n'y a rien de plus fascinant ", rappelle Jon Ehrlich,
compositeur de musiques de films, qui utilise du doudouk dans ses
créations. A cela s'ajoute l'exotisme de cet instrument, répandu dans
l'ensemble du Caucase. " Jusqu'aux années 1950, dans les mariages, on
faisait pleurer la mariée au son du doudouk, pour lui rappeler qu'elle
quittait le foyer de ses parents ", se souvient Gérard Madilian,
joueur de cet instrument.
Le doudouk se révèle au reste du monde à la fin des années 1990, grce
notamment à la perestroïka, qui permet au riche patrimoine musical
arménien de se faire connaître au-delà des frontières, et au
tremblement de terre de 1988 qui ravage le pays, faisant près de 30
000 morts. " De nombreux pays vont alors aider l'Arménie. Parmi les
gens qui s'y rendent, beaucoup découvrent le doudouk, c'est comme cela
que cet instrument va devenir célèbre ", raconte Gérard Madilian.
Incompréhension culturelle
Le cinéaste Martin Scorsese l'inclut dès 1988 dans la bande originale
de La Dernière Tentation du Christ. Mais ce n'est que dix ans plus
tard que le doudouk commence à envahir les bandes-son hollywoodiennes.
Fuyant la transition postcommuniste, de nombreux musiciens arméniens
ont migré vers les Etats-Unis, où ils ont popularisé leur instrument.
Aujourd'hui, le doudouk est un classique des musiques de films, de
séries télévisées et même de jeux vidéo. Il ne surprend plus. Pour
autant, les oreilles occidentales ne le connaissent pas vraiment.
Hollywood l'a caricaturé en instrument de musique " triste ", pour ne
pas dire neurasthénique. Un comble pour les musiciens arméniens.
" Ce cliché du doudouk "dépressif" provient d'une incompréhension
culturelle, estime Gérard Madilian. L'oreille occidentale est habituée
au mode majeur. Quand un Occidental entend une musique jouée en mode
mineur, il trouve cela "triste". Alors que ça n'est pas le cas, pas du
tout ! "
Malgré le cliché, la popularisation du doudouk a éveillé une curiosité
pour cet instrument. De plus en plus de formations musicales -
polyphoniques, jazz, rock - le recherchent et l'incluent dans leurs
orchestres. Et les professeurs sont de plus en plus sollicités. Le
petit hautbois arménien est bel est bien en train de devenir grand.
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
2 décembre 2012 dimanche
Le doudouk, coqueluche d'Hollywood
par: Emilienne Malfatto
Il a accompagné les souffrances de Russell Crowe dans Gladiator, les
aventures d'Audrey Tautou dans Da Vinci Code et celles du capitaine
Jack Sparrow dans Pirates des Caraïbes III... Le doudouk, à l'honneur
à la Cité de la musique de Paris qui proposait, jusqu'au samedi 1er
décembre, un hommage au répertoire traditionnel arménien, est passé,
en deux décennies, du statut d'obscur instrument folklorique à celui
de coqueluche d'Hollywood. Une vraie " doudoukmania ". Au point que
certains puristes crient au dévoiement.
Sorte de hautbois, formé d'un corps en bois d'abricotier - qui durcit
avec le temps - et d'une anche double taillée dans un seul morceau de
roseau, cet instrument de musique arménien produit un son grave et
chaud, lancinant et mélancolique, qui rappelle le registre bas de la
clarinette, le son du cor anglais, voire de la flûte de pan.
" Le son du doudouk est très particulier, explique le musicien Araik
Bakhtikyan, c'est la continuité de la voix humaine. " Et, " pour
l'oreille, il n'y a rien de plus fascinant ", rappelle Jon Ehrlich,
compositeur de musiques de films, qui utilise du doudouk dans ses
créations. A cela s'ajoute l'exotisme de cet instrument, répandu dans
l'ensemble du Caucase. " Jusqu'aux années 1950, dans les mariages, on
faisait pleurer la mariée au son du doudouk, pour lui rappeler qu'elle
quittait le foyer de ses parents ", se souvient Gérard Madilian,
joueur de cet instrument.
Le doudouk se révèle au reste du monde à la fin des années 1990, grce
notamment à la perestroïka, qui permet au riche patrimoine musical
arménien de se faire connaître au-delà des frontières, et au
tremblement de terre de 1988 qui ravage le pays, faisant près de 30
000 morts. " De nombreux pays vont alors aider l'Arménie. Parmi les
gens qui s'y rendent, beaucoup découvrent le doudouk, c'est comme cela
que cet instrument va devenir célèbre ", raconte Gérard Madilian.
Incompréhension culturelle
Le cinéaste Martin Scorsese l'inclut dès 1988 dans la bande originale
de La Dernière Tentation du Christ. Mais ce n'est que dix ans plus
tard que le doudouk commence à envahir les bandes-son hollywoodiennes.
Fuyant la transition postcommuniste, de nombreux musiciens arméniens
ont migré vers les Etats-Unis, où ils ont popularisé leur instrument.
Aujourd'hui, le doudouk est un classique des musiques de films, de
séries télévisées et même de jeux vidéo. Il ne surprend plus. Pour
autant, les oreilles occidentales ne le connaissent pas vraiment.
Hollywood l'a caricaturé en instrument de musique " triste ", pour ne
pas dire neurasthénique. Un comble pour les musiciens arméniens.
" Ce cliché du doudouk "dépressif" provient d'une incompréhension
culturelle, estime Gérard Madilian. L'oreille occidentale est habituée
au mode majeur. Quand un Occidental entend une musique jouée en mode
mineur, il trouve cela "triste". Alors que ça n'est pas le cas, pas du
tout ! "
Malgré le cliché, la popularisation du doudouk a éveillé une curiosité
pour cet instrument. De plus en plus de formations musicales -
polyphoniques, jazz, rock - le recherchent et l'incluent dans leurs
orchestres. Et les professeurs sont de plus en plus sollicités. Le
petit hautbois arménien est bel est bien en train de devenir grand.
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress