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Les Arméniens fuient la Syrie

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    Les Arméniens fuient la Syrie

    http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=69810
    Publié le : 14-12-2012


    Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - « Aujourd'hui, l'exode des
    Arméniens syriens - l'une des nombreuses répercussions moins
    remarquées, qui pourraient remodeler certains pays bien au-delà des
    voisins de la Syrie - soulève des questions concernant le futur de la
    diversité en Syrie. Et cela oblige l'Arménie, qui dépend de ses
    puissantes communautés de la diaspora, à augmenter son poids
    géopolitique, normalement limité, et à faire des calculs délicats pour
    savoir s'il faut encourager ou ralentir cet exode. Pour le moment,
    l'Arménie protège ses compatriotes. Elle envoie de l'aide aux
    Arméniens de Syrie, les aide à rester et à survivre. Mais elle les
    aide aussi à venir en Arménie, temporairement ou de manière
    permanente, en accélérant le processus des visas, des permis de
    résidence et la citoyenneté. » Le Collectif VAN vous propose la
    traduction d'un article en anglais paru sur le site The New York Times
    le 11 décembre 2012.

    Légende photo : jeunes Arméniens-syriens déplacés, à la récente
    réouverture de l'École Cilicie à Erevan, Armenie.

    The New York Times

    Les Arméniens fuient de nouveau alors que la Syrie s'embrase

    Par ALIA MALEK

    Publié: 11 décembre 2012

    EREVAN, Armenie - Dans l'École Cilicie, récemment ouverte, de cette
    ancienne république soviétique, les manuels sont en arabe, photocopiés
    d'un seul exemplaire provenant d'une Syrie déchirée par la guerre. Le
    programme d'études est syrien, le drapeau sur le bureau du directeur
    est syrien et les professeurs et les élèves sont tous Syriens.

    Ce sont aussi des Arméniens ethniques, poussés par la guerre civile en
    Syrie vers une patrie notionnelle qu'ils connaissent à peine.

    « Ceux qui viennent ici veulent clairement repartir », a déclaré le
    directeur de l'école, Noura Pilibosyan, qui est venu d'Alep, en Syrie,
    cet été. « L'arménien est notre langue, mais notre culture est
    syrienne. C'est dur de venir ici. »

    Il y a presque un siècle, leurs ancêtres ont fui le génocide ottoman,
    dans ce qui est aujourd'hui la Turquie, et ils ont prospéré en Syrie,
    faisant revivre l'un des nombreux groupes minoritaires qui y ont
    coexisté pendant longtemps.

    Aujourd'hui, l'exode des Arméniens syriens - l'une des nombreuses
    répercussions moins remarquées, qui pourraient remodeler certains pays
    bien au-delà des voisins de la Syrie - soulève des questions
    concernant le futur de la diversité en Syrie. Et cela oblige
    l'Arménie, qui dépend de ses puissantes communautés de la diaspora, à
    augmenter son poids géopolitique, normalement limité, et à faire des
    calculs délicats pour savoir s'il faut encourager ou ralentir cet
    exode.

    Pour le moment, l'Arménie protège ses compatriotes. Elle envoie de
    l'aide aux Arméniens de Syrie, les aide à rester et à survivre. Mais
    elle les aide aussi à venir en Arménie, temporairement ou de manière
    permanente, en accélérant le processus des visas, des permis de
    résidence et la citoyenneté.

    « Notre politique est de les aider de la manière dont ils nous disent
    de les aider », a déclaré Vigen Sargsyan, le chef du cabinet du
    président de l'Arménie, Serzh Sargsyan.

    Environ 6000 Syriens ont trouvé refuge en Arménie, lorsque les combats
    ont submergé Alep, la plus grande ville de Syrie, où vivent 80 000
    Arméniens sur les 120 000 de Syrie. Il en arrive toujours plus chaque
    semaine, même si quelques-uns sont repartis, incapables de se
    permettre de vivre à Erevan ou de rester loin de leurs maisons et de
    leurs activités qu'ils ont laissées sans surveillance en Syrie.

    Les Arméniens ethniques sont une fraction d'un flot, qui va en
    s'accélérant, de Syriens qui fuient le pays, et qui, selon les
    estimations, atteindra le chiffre de 700 000 à la fin de l'année,
    principalement vers la Turquie, la Jordanie et le Liban. Mais, puisque
    les Arméniens, contrairement à d'autres Syriens, peuvent facilement
    acquérir une nationalité alternative, la Syrie pourrait voir une de
    ses communautés dynamiques, se réduire de manière permanente.

    Les Arméniens-syriens sont connus pour leur maîtrise du travail de
    l'or et de l'argent et leur cuisine exquise. Ils sont aussi un
    composant important en ce qui concerne les liens de la Syrie avec la
    Russie et l'Occident, jouant un rôle intermédiaire grce à leurs
    relations avec la diaspora arménienne mondiale.

    Alep représente les derniers vestiges de l'Arménie Occidentale, qui a
    été historiquement coupée de ce qui est aujourd'hui l'Arménie moderne
    par le Mont Ararat, une séparation qui a généré des langues et des
    cultures différentes pendant des siècles.

    Si les Arméniens-syriens sont restés officiellement neutres dans la
    guerre civile en Syrie, en tant que chrétiens beaucoup se méfient des
    tendances islamistes des rebelles et en tant qu'Arméniens ils sont
    suspicieux quant à l'aide turque apportée aux rebelles.

    L'École Cilicie, avec 250 étudiants, reflète l'ambivalence des
    Arméniens syriens ici : ils sont nombreux à vouloir retourner à leur
    existence en diaspora, même s'ils sont les bienvenus dans leur patrie
    historique.

    « L'Arménie a toujours dit 'Venez chez vous.' Ils nous ont toujours
    demandé de revenir », a dit un homme qui s'est identifié sous le seul
    nom d'Harout et qui visitait un nouveau club arménien syrien ici à
    Erevan, la capitale. « Honnêtement, j'aime l'Arménie, mais je ne
    quitterais pas la Syrie. J'espère y revenir. »

    Pour l'Arménie, l'arrivée des Syriens relance le débat sur comment
    gérer sa relation avec les Arméniens dans la diaspora : les encourager
    à immigrer ou les laisser où ils sont, des États-Unis au Moyen-Orient,
    versant de généreux paiements et engagés dans le lobbying à l'étranger
    pour les intérêts de l'Arménie.

    Les partisans de la relocalisation affirment que la perte de la Syrie
    pourrait en fin de compte être bénéfique à l'Arménie. Ils veulent
    protéger leurs frères Arméniens, mais ils veulent aussi les Arméniens
    syriens - souvent qualifiés, riches, instruits et entrepreneurial -
    pour aider l'économie postsoviétique en berne, faire cesser
    l'émigration importante et apporter de nouvelles idées.

    « Une telle diversité enrichit une nation », a déclaré Vahe Yacoubian,
    un avocat basé en Californie, qui investit en Arménie et a conseillé
    le gouvernement.

    Le gouvernement facilite donc la délocalisation. En Arménie, les
    Syriens peuvent utiliser les permis de conduire syriens, obtenir des
    soins médicaux gratuits et payer les frais de scolarité locaux dans
    les universités. Des groupes gouvernementaux et privés aident les
    Arméniens syriens à trouver un emploi et à transférer leurs activités
    en Arménie.

    Une minorité virulente a utilisé les peurs de la violence en Syrie -
    et les souvenirs du génocide ottoman - pour mettre en avant un
    objectif nationaliste plus vaste, le retour de tous les Arméniens au
    pays.

    « C'est notre terre - pas L.A., pas New York, pas la Syrie », a dit
    Vartan Marashlyan, ancien ministre adjoint de la diaspora et directeur
    exécutif de Repat Armenia, une organisation fondée en août « pour
    promouvoir activement » ce qu'il appelle « le rapatriement » des
    Arméniens du monde entier.

    Les Arméniens syriens qui ont la nostalgie de la Syrie « veulent être
    dans le Alep d'il y a un an », dans un cadre de coexistence pacifique
    qui risque de ne jamais revenir, a-t-il dit. Se référant aux
    estimations du nombre de victimes du génocide, il a ajouté, « Nous
    avons perdu 1,5 million de personnes avec cette mentalité, qui est de
    se dire que tout va s'arranger. »

    Mais les Arméniens syriens qui ont le mal du pays trouvent difficile
    d'envisager de déménager. Ils soulignent que les nationalistes comme
    M. Marashlyan sont venus en Arménie par choix, et non en fuyant la
    violence.

    « Ils veulent me coller l'étiquette 'repat' » a déclaré Harout
    Ekmanian, un journaliste arménien syrien d'Alep. « Je suis un Syrien
    en exil.'

    Peu d'Arméniens syriens ont tenu compte des appels passés à immigrer,
    même après l'indépendance de l'Arménie en 1991. Ils se considèrent
    comme des Syriens, parlant l'arabe et l'arménien occidental, non pas
    l'arménien oriental parlé en Arménie.

    Toutefois, nombreux sont ceux qui ont versé de l'argent et soutenu
    l'État naissant, particulièrement pendant la guerre territoriale avec
    l'Azerbaïdjan qui a pris fin en 1994 mais qui couve toujours.

    L'Arménie, aussi, a besoin de son influente diaspora du Moyen-Orient
    pour se frayer un chemin à travers les rapports régionaux tendus, a
    dit Salpi Ghazarian, directrice de la Fondation Civilitas à Erevan et
    ancienne fonctionnaire du Ministère des Affaires étrangères. Elle a
    dit que les Arméniens ethniques dans les pays arabes et en Iran avait
    aidé à empêcher que le conflit entre l'Arménie, un pays en grande
    partie chrétien et l'Azerbaïdjan, principalement musulman, devienne un
    problème pan-musulman, exhortant leurs gouvernements à ne pas prendre
    parti.

    La communauté arménienne de Téhéran promeut aussi le commerce crucial
    avec l'Iran voisin, a-t-elle dit. L'Arménie n'a pas de littoral et ses
    frontières avec l'Azerbaïdjan et son allié la Turquie, sont fermées,
    faisant de l'Iran une source économique vitale. « Si ces communautés
    disparaissent, ces relations humaines disparaissent », a déclaré Mme
    Ghazarian. « Alors, nous n'auront plus d'amis fiables. »

    L'Arménie est restée neutre en ce qui concerne le soulèvement en Syrie
    et a travaillé dur pour aider les gens à l'intérieur de la Syrie. Ces
    derniers mois, trois avions-cargos transportant de la nourriture et
    des dons d'Arméniens ont décollé de Erevan vers Alep, après des
    négociations intenses tant avec la Syrie, qui a sévèrement limité
    l'aide extérieure, qu'avec Turquie, qui interdit normalement son
    espace aérien aux transports arméniens.

    L'aide a été distribuée dans des quartiers arméniens, indépendamment
    de l'appartenance ethnique ou religieuse.

    « Nous considérons la Syrie comme notre voisin », a dit Vahan
    Hovhannisyan, un membre du Parlement qui a supervisé l'initiative. Les
    Arméniens sont « reconnaissants à la Syrie », a-t-il dit, parce
    qu'après le génocide, « la Syrie leur a redonné la vie. »

    Le gouvernement reconnaît que la Syrie est la seule patrie de
    plusieurs générations de Syriens Arméniens. Il a approuvé le programme
    syrien de l'École Cilicie et l'enseignement de l'arménien occidental.
    Un parti politique arménien couvre les coûts ; les cours sont
    gratuits.

    « Ils pensent que la Syrie c'est chez eux », a dit Amalia Qocharyan,
    une fonctionnaire de l'éducation arménienne. « Mais la réalité est
    qu'ils ont deux patries, la Syrie et l'Arménie. »

    À l'école, on a demandé aux élèves d'une classe de sixième à qui la
    Syrie manquait. Ils ont répondu à l'unisson, en arabe :

    « Ana », ont-ils dit. « Moi. »

    Quand on leur a posé des questions sur Erevan, ils ont été plus
    calmes. Ils ont dit que leurs maisons et leurs amis leur manquaient ;
    l'un d'eux a dit qu'il ne pouvait pas être heureux en voyant les
    images des combats à Alep.

    « À Alep, j'avais l'habitude de voir le drapeau arménien et je voulais
    y aller », a dit Vana, 11 ans. « Ici, quand je vois le drapeau syrien,
    je veux juste rentrer à la maison. »

    Cet article a été en partie financé par une subvention du Pulitzer
    Center on Crisis Reporting.

    ©Traduction de l'anglais C.Gardon pour le Collectif VAN - 14 décembre
    2012 - 09:00 - www.collectifvan.org





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    Source/Lien : The New York Times

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