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La Turquie, entre libération et répression

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  • La Turquie, entre libération et répression

    La Turquie, entre libération et répression

    http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=70137
    Publié le : 28-12-2012


    Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - La Turquie projette au 5
    janvier 2013 de lever l'interdiction frappant des centaines de
    publications. Cette mesure, qui ne ferait qu'entériner la liberté de
    publier d'ouvrages qui en réalité circulent déjà en Turquie, ressemble
    fort à un hochet à destination des alliés européens et américains
    d'Ankara : la Turquie vient en effet d'être classée à plusieurs
    reprises comme plus grande prison du monde pour les journalistes,
    devant la Chine et l'Iran. L'éditeur Ragip Zarakolu (en libération
    conditionnelle après avoir été incarcéré d'octobre 2011 à avril 2012)
    fait régulièrement des séjours en prison, du fait des ouvrages qu'il
    publie depuis le début des années 1990 sur le génocide arménien. Outre
    la figure symbolique de cet humaniste turc, des dizaines de
    journalistes, des centaines d'étudiants, des parlementaires, sont
    actuellement détenus pour « terrorisme » en Turquie. Ainsi, Deniz
    Zarakolu, éditeur comme son père aux Editions Belge, est depuis le 4
    octobre 2011 derrière les barreaux... Son crime ? Avoir donné une
    conférence sur la politique d'Aristote dans le cadre de l'Académie du
    BDP (parti légal kurde). A propos, les `uvres du philosophe grec
    faisaient-elles partie des 2000 ouvrages illégaux en Turquie ? Ce
    n'est hélas pas le cas du manifeste d'Adolf Hitler, « Mein Kampf »,
    qui se vend en Turquie ouvertement et y a même été classé best-seller
    en 2005. Le Collectif VAN vous présente une traduction de Gilbert
    Béguian d'un article en anglais du journal The New York Times mise en
    ligne sur le site de NAM (Nouvelles d'Arménie Magazine) le 25 décembre
    2012.

    NAM

    TURQUIE

    La Turquie projette de lever l'interdiction frappant des centaines de
    publications

    The New York Times

    12 décembre 2012

    ISTANBUL - Dans un ensemble d'essais publiés en 1959, l'écrivain Aziz
    Nesin faisait une déclaration apparemment anodine : ` Le socialisme
    est éthique `, écrivait-il.

    Malheureusement pour M. Nesin, une erreur typographique changea le mot
    turc ` ahlak ` en ` allah `, entraînant la déclaration « Le
    socialisme, c'est Dieu ».

    Un demi-siècle plus tard, le livre était encore officiellement
    interdit, comme ses distributeurs le découvrirent il y un an ou deux,
    lorsqu'une douzaine de copies fut confisquée à l'aéroport.

    ` Elles avaient été saisies dans les bagages d'un collègue qui, à
    l'occasion d'un voyage à l'étranger, les avait prises avec lui pour
    faire des cadeaux à ses amis `, disait Suleyman Cihangiroglu,
    directeur de la Fondation Nasim, au cours d'une interview cette
    semaine.

    Le livre, apprit-on à l'occasion de l'explication animée qui eut lieu
    avec les agents de l'aéroport, figure encore dans une liste de près de
    2 000 publications qui sont officiellement interdites en Turquie selon
    des décisions à moitié oubliées de divers tribunaux, ministères,
    responsables de l'Etat d'urgence et autres institutions.

    La liste des publications interdites s'est allongée pendant plus de
    soixante ans, mais cette histoire est sur le point de prendre fin.

    Au 5 janvier, toutes les interdictions seront levées, libérant de leur
    interdiction 453 livres et des centaines de périodiques, magazines, et
    journaux, a confirmé cette semaine par téléphone le cabinet du
    Procureur Général chargé des crimes dans les media à Ankara.

    ` L'abrogation de l'interdiction permettra à la société de tourner une
    page `, a dit le procureur Kursat Kayral dans une déclaration cette
    semaine, annonçant sa décision de renoncer à toute objection à
    l'abrogation de l'interdiction par le Parlement.

    L'interdiction des livres n'était ni en phase avec le siècle de
    l'information ni vraiment adapté dans un pays qui a signé de nombreux
    accords internationaux sur la liberté d'expression et d'autres
    libertés fondamentales, a dit M. Kayral. En outre, la plupart des
    interdictions en réfèrent à des éditions dépassées ou à des lois
    obsolètes, tandis que certaines décisions de justice sont mêmes
    impossibles à retrouver à présent, a-t-il dit.

    Dans un amendement à la loi sur la presse voté en juillet dans le
    cadre d'un ensemble de réforme judiciaire, le Parlement a déclaré
    nulles et non avenues les interdictions passées à moins qu'elle ne
    soient renouvelées par ordre d'un tribunal dans les six mois qui
    suivent la mise en application de la loi, un délai qui expire le cinq
    janvier. La décision du procureur de n'engager aucune action en
    renouvellement, signifie que toutes les publications seront autorisées
    à partir de cette date.

    Parmi les `uvres qui retourneront dans la légalité figurent plusieurs
    livres du plus grand poète de Turquie du vingtième siècle Nazim
    Hikmet, dont une édition de ses ` ?uvres Complètes `, interdites par
    un tribunal d'Ankara en 1968, et le livre d'un théologien des plus
    influents du pays, Said Nursi.

    La liste comporte également le Manifeste Communiste de Karl Marx ; une
    édition 1987 d'un Atlas Géographique National du Monde interdit par le
    gouvernement lui-même parce qu'il désignait le Kurdistan et l'Arménie
    ; une collection de chansons folkloriques de la province rebelle du
    Dersim ; un rapport sur les droits de l'homme de l'Association des
    Droits de l'Homme Turque ; et la bande dessinée italienne Capitaine
    Miki, mis hors la loi en 1961 pour ` détourner les enfants du droit
    chemin `.

    En quelque sorte, la réforme aura pour effet d'aligner la loi sur la
    réalité sociale du terrain, où la plupart de ces livres ont été
    librement disponibles pendant des années en dépit des interdictions.

    Quarante ans après que l'éditeur Suleyman Ege ait été condamné à sept
    ans et demi de prison pour avoir publié le Manifeste Communiste en
    turc, les lecteurs aujourd'hui peuvent choisir entre plusieurs
    éditions turques du livre et même une en kurde.

    ` Nous n'avons jamais fait l'objet d'une enquête ou poursuivis `, nous
    dit Hayri Erdogan, un éditeur du Manifeste, dans une entrevue à
    Istanbul cette semaine. Sa maison d'édition, Yordam Books, a vendu
    plus de 6 000 copies de son édition en turc depuis 2008 et prépare une
    cinquième édition pour janvier ; il offre également la traduction
    kurde.

    ` Mais le livre figure comme interdit dans des listes de diverses
    institutions comme la police et les prisons, en sorte que les
    prisonniers, par exemple, ne peuvent pas les lire `, nous dit M.
    Erdogan, ajoutant qu'il espérait que la mise à jour des interdictions
    rendrait sa lecture plus facile dans les écoles et dans les prisons.

    De même, les `uvres de Aziz Nesin ont été vendues à ce jour à plus de
    huit millions d'exemplaires en Turquie, en des douzaines de rééditions
    de sa collection satirique Azizname, qui est restée officiellement
    interdite depuis 1987. Mais l'interdiction est toujours active dans
    l'armée, où les recrues sont suivies et les livres interdits
    confisqués, nous dit M. Cihangiroglu, le Directeur de la Fondation
    Nesin.

    Il faudra voir si la levée légale des interdictions aura des effets
    dans l'armée et dans les prisons et si elles autoriseront les `uvres,
    a dit M. Cihangiroglu. Faisant référence à la confiscation des livres
    dans les aéroports turcs, il a ajouté : ` Nous espérons bien sûr que
    de tels incidents ne se reproduiront plus dorénavant `.

    La question de l'impact que pourra avoir la levée des interdictions
    sur le droit d'expression en Turquie a provoqué un débat.

    ` Clairement, une nouvelle page a été tournée `, a déclaré cette
    semaine dans un email Ibrahim Kalin, un conseiller du premier ministre
    Erdogan.

    M. Kalin a ajouté que le gouvernement avait introduit ` des mesures de
    grande portée pour la liberté de la presse ` avec le train de réformes
    judiciaires.

    Yavuz Baydar, un journaliste, médiateur pour les journaux et militant
    de la liberté d'expression, a dit au téléphone cette semaine que `
    c'est sans aucun doute un pas positif `.

    « Mais il est difficile de voir cela comme faisant partie d'une
    volonté d'ensemble, parce qu'il y trop de signaux contradictoires
    arrivant d'Ankara », a-t-il ajouté.

    M. Baydar faisait référence à un projet d'amendement de la loi sur la
    loi de l'audiovisuel présenté par un député du parti au gouvernement
    ce mois-ci.

    Cherchant à contrer la description frivole d'un sultan ottoman et son
    harem dans un mauvais feuilleton TV, la mesure rendrait illégal le
    dénigrement ` d'événements et de personnages historiques faisant
    partie des valeurs nationales `.

    Ce mois-ci encore, l'autorité de surveillance des émissions TV a
    infligé une amende à une station de télévision pour avoir offensé les
    valeurs religieuses, ayant diffusé un épisode des ` Simpsons `, une
    série animée des États-Unis, dans lequel Dieu servait un café au
    diable. Et plusieurs autres dispositions de la loi anti-terroriste, la
    loi sur l'Internet, et le code pénal continuent d'entraver la liberté
    d'expression et la liberté de la presse, sans que le gouvernement, ni
    l'opposition n'agissent pour les changer, a dit M. Baydar.

    NY Times

    Traduction Gilbert Béguian

    Relecture et corrections Collectif VAN pour la version en ligne sur le
    site du Collectif VAN.

    mardi 25 décembre 2012,
    Stéphane ©armenews.com




    From: A. Papazian
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