NEGATIONNISME : LE DOUBLE LANGAGE DE CECILE DUFLOT
Ara Toranian
la Règle du Jeu
http://laregledujeu.org/2012/01/30/8727/negationnisme-le-double-langage-de-cecile-duflot/
31 janvier 2012
France
Alors que huit senateurs du parti Europe Ecologie Les Verts (EELV)
s'appreteraient a signer un recours au Conseil constitutionnel contre
la loi visant a penaliser le negationnisme, Ara Toranian (directeur
du mensuel Nouvelles d'Armenie) a confie a la Règle du Jeu une lettre
ouverte a Cecile Duflot, dans laquelle il fait part de son etonnement
et de son desarroi. Les Verts n'avaient-ils pas, en septembre 2008,
signe un accord avec le Conseil de coordination des organisations
armeniennes de France s'engageant a soutenir une loi de penalisation
du negationnisme ? Que signifie cette volte-face ? Mise au point.
(ndlr).
Lettre ouverte a Cecile Duflot Madame Duflot,
J'apprends avec consternation que 8 senateurs sur 10 de votre mouvement
s'appreteraient a signer un recours au Conseil constitutionnel contre
la loi visant a penaliser le negationnisme.
Ma surprise face a cette hostilite militante est d'autant plus grande
que je me souviens de votre tribune dans les colonnes de Nouvelles
d'Armenie en novembre 2008 où vous souteniez la loi de penalisation
votee le 12 octobre 2006 a l'Assemblee nationale (1), ainsi que la
convention qu'avaient signee les Verts avec le CCAF* et dans laquelle
ils s'engageaient a soutenir une loi de penalisation du negationnisme.
Nous gardons egalement en memoire les declarations de M. Patrick
Farbiaz, le delegue des Verts a l'internationale, lors d'une
manifestation a la meme epoque devant le Senat où il defendait avec
fougue cette loi.
Que votre parti trahisse ses engagements au moment decisif où se
mène cette bataille pour la memoire d'un million et demi de morts est
deplorable. Qu'il fasse du zèle et se mette a l'avant garde du combat
contre ce vote de justice en demandant au Conseil constitutionnel,
a la faveur d'une surenchère procedurière, de decreter la mort de
cette loi qu'il soutenait encore il y a peu, ne peut etre interprete
que comme une provocation.
Pour une fois que le Parlement ne prend pas ses decisions a l'aune
de la raison d'Etat et des interets marchands, ce serait les Verts
qui dans une lamentable palinodie frapperaient deux fois dans le dos
les victimes du genocide, et ce sous les encouragements d'Ankara ?
J'en appelle solennellement a votre sens de la dignite pour denoncer
une telle honte.
Je vous prie d'agreer, madame, mes salutations militantes.
Ara Toranian
Directeur de Nouvelles d'Armenie Magazine
Copresident du Conseil de coordination des organisations armeniennes
de France.
Les Verts, le negationnisme et la Turquie dans
l'Europe Tribune de Cecile Duflot parue dans le
numero 147 des Nouvelles d'Armenie Magazine :
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=49627&var_recherche=duflot
Depuis plus de deux ans, la proposition de loi condamnant le genocide
armenien attend dans l'antichambre du Senat. La reconnaissance du
genocide armenien ne se base pas sur des interpretations. Comme la
Shoah, elle s'appuie sur des faits precis et incontestables. Les
Verts considèrent qu'il ne peut y avoir de traitement differencie
entre genocides. C'est pour ces raisons que nous soutenons ce texte
et que nous souhaitons qu'il soit elargit a l'ensemble des genocides
reconnus. Reste que cette longue attente a de quoi surprendre. Elle
est malheureusement coutumière quand il s'agit du genocide armenien.
Les Verts ont fait partie des premiers a demander la reconnaissance
officielle du genocide armenien. Après une première loi, d'origine
parlementaire presentee par Andre Aschieri et Dominique Voynet,
nous avons dû fermement batailler aux côtes d'autres elus, pour que
le gouvernement Jospin accepte enfin de porter la loi a l'ordre du
jour du Senat. Les pressions etaient d'autant plus fortes, qu'a la
meme epoque le gouvernement negociait des contrats d'armements avec
la Turquie concernant des helicoptères de combat. Helicoptères qui
servirent ensuite a mater la rebellion kurde... Les Verts francais
denoncaient ce cynisme qui consistait a enterrer ses valeurs et
principes afin de mieux vendre des armes. Armes qui serviront
essentiellement contre un peuple opprime.
La position des Verts francais par rapport au genocide armenien et
la lutte pour sa reconnaissance a toujours ete dictee par le meme
principe : le respect des valeurs democratiques est la meilleure arme
pour le droit et le respect des peuples opprimes. La dignite humaine
doit rester superieure aux contrats d'armements. C'est pour cette
raison qu'il faut soutenir la democratisation des Etats. Le processus
d'adhesion de la Turquie a l'Union europeenne est donc la meilleure
chance pour les Kurdes et les Armeniens de faire reconnaître leurs
droits et leurs souffrances.
Mais ce processus de reconnaissance, prealable indispensable a une
veritable reconciliation ne sera ni simple, ni evident.
Près d'un siècle après les faits, la Turquie refuse toujours de
reconnaître le genocide. Pire elle met en ~\uvre un insupportable
negationnisme d'Etat qui doit cesser au plus vite. Mais nous savons
bien que les processus de reconciliation sont complexes et douloureux,
meme dans des democraties dites avancees. L'Etat francais a mis
cinquante ans pour reconnaître sa responsabilite dans la deportation
des juifs. Elle n'accepte toujours pas de regarder en face les crimes
de masses commis en Algerie. De meme, et au contraire de la Belgique
ou des Etats-unis, notre pays refuse toujours d'admettre qu'il a
soutenu au Rwanda un gouvernement genocidaire.
C'est pour ca que nous refusons de le poser comme prealable a
l'adhesion de la Turquie dans l'Union. L'adhesion est pour nous un
levier pour le respect des Droits de l'Homme. Les critères imposent
d'ailleurs a la Turquie d'assurer leur application (respect des
minorites, egalite hommes-femmes, liberte d'expression), mais egalement
de mettre un terme a des conflits avec ses voisins (notamment avec
Chypre ou l'Armenie). Cetteperspective de l'adhesion a deja permis un
certain nombre de progrès. Il ne s'agit pas d'oublier et de sacrifier
la reconnaissance du genocide armenien au nom d'une realpolitik. Il
s'agit de mettre en place en Turquie les conditions pour cette
reconnaissance. L'Europe est pour nous la meilleure arme contre le
nationalisme turc, afin que la societe civile s'approprie enfin ce
debat fondamental. Debat qu'empeche le nationalisme negationniste de
l'Etat turc.
Nous comprenons l'importance aiguë de cette question pour les
descendants d'un peuple massacre. Nous comprenons egalement
l'incomprehension de ces memes descendants, quand ils doivent encore
lutter contre un negationnisme, près d'un siècle après le genocide.
Mais l'adhesion de la Turquie a l'Union europeenne est pour nous
porteuse d'espoir. Un raidissement et un repli sur elle-meme de la
Turquie serait la pire des choses. Le chemin pour la reconnaissance,
prealable a une veritable reconciliation sera encore long. Les Verts
francais, attaches a une Europe de paix, consciente de son Histoire,
seront toujours a vos côtes.
Cecile Duflot
Accord avec le CCAF (Conseil de coordination des organisations
armeniennes de France) conclu le 30 septembre 2008 : Les Verts et le
Conseil de coordination des Organisations armeniennes de France se
sont rencontres a Paris le mardi 30 septembre.
Cette rencontre a ete l'occasion pour le CCAF de constater le profond
attachement des Verts a la reconnaissance du genocide armenien.
Initiateurs de la loi du 29 janvier 2001 reconnaissant le genocide
armenien, les Verts ont reaffirme leur souhait de voir la proposition
de loi condamnant le negationnisme du genocide enfin votee au Senat.
Cette proposition de loi, votee le 12 octobre 2006 a l'Assemblee
nationale, n'a toujours pas ete etudiee par la haute assemblee.
Les Verts et leurs militants ont toujours ete très clairs dans leur
condamnation sans faille du genocide perpetre par l'Etat turc, qui
a fait plus d'un million deux cent mille morts. Quatre-vingt-dix ans
après les faits, ce genocide doit enfin etre reconnu par l'Etat turc.
Ce processus de reconnaissance et de reconciliation sera douloureux.
Il est pourtant indispensable. La realite du genocide, admise par
l'ensemble des historiens reconnus, fait malheureusement encore debat
en Turquie. La mobilisation de la societe civile turque sera ici
fondamentale. Pour les Verts, il est donc important que ce processus
ne soit pas parasite et instrumentalise par des extremistes pour des
raisons parfaitement etrangères a la reconnaissance du genocide. Les
deux organisations ont reaffirme leur refus de toute guerre des
memoires et tout affrontement intercommunautaire.
Ara Toranian
la Règle du Jeu
http://laregledujeu.org/2012/01/30/8727/negationnisme-le-double-langage-de-cecile-duflot/
31 janvier 2012
France
Alors que huit senateurs du parti Europe Ecologie Les Verts (EELV)
s'appreteraient a signer un recours au Conseil constitutionnel contre
la loi visant a penaliser le negationnisme, Ara Toranian (directeur
du mensuel Nouvelles d'Armenie) a confie a la Règle du Jeu une lettre
ouverte a Cecile Duflot, dans laquelle il fait part de son etonnement
et de son desarroi. Les Verts n'avaient-ils pas, en septembre 2008,
signe un accord avec le Conseil de coordination des organisations
armeniennes de France s'engageant a soutenir une loi de penalisation
du negationnisme ? Que signifie cette volte-face ? Mise au point.
(ndlr).
Lettre ouverte a Cecile Duflot Madame Duflot,
J'apprends avec consternation que 8 senateurs sur 10 de votre mouvement
s'appreteraient a signer un recours au Conseil constitutionnel contre
la loi visant a penaliser le negationnisme.
Ma surprise face a cette hostilite militante est d'autant plus grande
que je me souviens de votre tribune dans les colonnes de Nouvelles
d'Armenie en novembre 2008 où vous souteniez la loi de penalisation
votee le 12 octobre 2006 a l'Assemblee nationale (1), ainsi que la
convention qu'avaient signee les Verts avec le CCAF* et dans laquelle
ils s'engageaient a soutenir une loi de penalisation du negationnisme.
Nous gardons egalement en memoire les declarations de M. Patrick
Farbiaz, le delegue des Verts a l'internationale, lors d'une
manifestation a la meme epoque devant le Senat où il defendait avec
fougue cette loi.
Que votre parti trahisse ses engagements au moment decisif où se
mène cette bataille pour la memoire d'un million et demi de morts est
deplorable. Qu'il fasse du zèle et se mette a l'avant garde du combat
contre ce vote de justice en demandant au Conseil constitutionnel,
a la faveur d'une surenchère procedurière, de decreter la mort de
cette loi qu'il soutenait encore il y a peu, ne peut etre interprete
que comme une provocation.
Pour une fois que le Parlement ne prend pas ses decisions a l'aune
de la raison d'Etat et des interets marchands, ce serait les Verts
qui dans une lamentable palinodie frapperaient deux fois dans le dos
les victimes du genocide, et ce sous les encouragements d'Ankara ?
J'en appelle solennellement a votre sens de la dignite pour denoncer
une telle honte.
Je vous prie d'agreer, madame, mes salutations militantes.
Ara Toranian
Directeur de Nouvelles d'Armenie Magazine
Copresident du Conseil de coordination des organisations armeniennes
de France.
Les Verts, le negationnisme et la Turquie dans
l'Europe Tribune de Cecile Duflot parue dans le
numero 147 des Nouvelles d'Armenie Magazine :
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=49627&var_recherche=duflot
Depuis plus de deux ans, la proposition de loi condamnant le genocide
armenien attend dans l'antichambre du Senat. La reconnaissance du
genocide armenien ne se base pas sur des interpretations. Comme la
Shoah, elle s'appuie sur des faits precis et incontestables. Les
Verts considèrent qu'il ne peut y avoir de traitement differencie
entre genocides. C'est pour ces raisons que nous soutenons ce texte
et que nous souhaitons qu'il soit elargit a l'ensemble des genocides
reconnus. Reste que cette longue attente a de quoi surprendre. Elle
est malheureusement coutumière quand il s'agit du genocide armenien.
Les Verts ont fait partie des premiers a demander la reconnaissance
officielle du genocide armenien. Après une première loi, d'origine
parlementaire presentee par Andre Aschieri et Dominique Voynet,
nous avons dû fermement batailler aux côtes d'autres elus, pour que
le gouvernement Jospin accepte enfin de porter la loi a l'ordre du
jour du Senat. Les pressions etaient d'autant plus fortes, qu'a la
meme epoque le gouvernement negociait des contrats d'armements avec
la Turquie concernant des helicoptères de combat. Helicoptères qui
servirent ensuite a mater la rebellion kurde... Les Verts francais
denoncaient ce cynisme qui consistait a enterrer ses valeurs et
principes afin de mieux vendre des armes. Armes qui serviront
essentiellement contre un peuple opprime.
La position des Verts francais par rapport au genocide armenien et
la lutte pour sa reconnaissance a toujours ete dictee par le meme
principe : le respect des valeurs democratiques est la meilleure arme
pour le droit et le respect des peuples opprimes. La dignite humaine
doit rester superieure aux contrats d'armements. C'est pour cette
raison qu'il faut soutenir la democratisation des Etats. Le processus
d'adhesion de la Turquie a l'Union europeenne est donc la meilleure
chance pour les Kurdes et les Armeniens de faire reconnaître leurs
droits et leurs souffrances.
Mais ce processus de reconnaissance, prealable indispensable a une
veritable reconciliation ne sera ni simple, ni evident.
Près d'un siècle après les faits, la Turquie refuse toujours de
reconnaître le genocide. Pire elle met en ~\uvre un insupportable
negationnisme d'Etat qui doit cesser au plus vite. Mais nous savons
bien que les processus de reconciliation sont complexes et douloureux,
meme dans des democraties dites avancees. L'Etat francais a mis
cinquante ans pour reconnaître sa responsabilite dans la deportation
des juifs. Elle n'accepte toujours pas de regarder en face les crimes
de masses commis en Algerie. De meme, et au contraire de la Belgique
ou des Etats-unis, notre pays refuse toujours d'admettre qu'il a
soutenu au Rwanda un gouvernement genocidaire.
C'est pour ca que nous refusons de le poser comme prealable a
l'adhesion de la Turquie dans l'Union. L'adhesion est pour nous un
levier pour le respect des Droits de l'Homme. Les critères imposent
d'ailleurs a la Turquie d'assurer leur application (respect des
minorites, egalite hommes-femmes, liberte d'expression), mais egalement
de mettre un terme a des conflits avec ses voisins (notamment avec
Chypre ou l'Armenie). Cetteperspective de l'adhesion a deja permis un
certain nombre de progrès. Il ne s'agit pas d'oublier et de sacrifier
la reconnaissance du genocide armenien au nom d'une realpolitik. Il
s'agit de mettre en place en Turquie les conditions pour cette
reconnaissance. L'Europe est pour nous la meilleure arme contre le
nationalisme turc, afin que la societe civile s'approprie enfin ce
debat fondamental. Debat qu'empeche le nationalisme negationniste de
l'Etat turc.
Nous comprenons l'importance aiguë de cette question pour les
descendants d'un peuple massacre. Nous comprenons egalement
l'incomprehension de ces memes descendants, quand ils doivent encore
lutter contre un negationnisme, près d'un siècle après le genocide.
Mais l'adhesion de la Turquie a l'Union europeenne est pour nous
porteuse d'espoir. Un raidissement et un repli sur elle-meme de la
Turquie serait la pire des choses. Le chemin pour la reconnaissance,
prealable a une veritable reconciliation sera encore long. Les Verts
francais, attaches a une Europe de paix, consciente de son Histoire,
seront toujours a vos côtes.
Cecile Duflot
Accord avec le CCAF (Conseil de coordination des organisations
armeniennes de France) conclu le 30 septembre 2008 : Les Verts et le
Conseil de coordination des Organisations armeniennes de France se
sont rencontres a Paris le mardi 30 septembre.
Cette rencontre a ete l'occasion pour le CCAF de constater le profond
attachement des Verts a la reconnaissance du genocide armenien.
Initiateurs de la loi du 29 janvier 2001 reconnaissant le genocide
armenien, les Verts ont reaffirme leur souhait de voir la proposition
de loi condamnant le negationnisme du genocide enfin votee au Senat.
Cette proposition de loi, votee le 12 octobre 2006 a l'Assemblee
nationale, n'a toujours pas ete etudiee par la haute assemblee.
Les Verts et leurs militants ont toujours ete très clairs dans leur
condamnation sans faille du genocide perpetre par l'Etat turc, qui
a fait plus d'un million deux cent mille morts. Quatre-vingt-dix ans
après les faits, ce genocide doit enfin etre reconnu par l'Etat turc.
Ce processus de reconnaissance et de reconciliation sera douloureux.
Il est pourtant indispensable. La realite du genocide, admise par
l'ensemble des historiens reconnus, fait malheureusement encore debat
en Turquie. La mobilisation de la societe civile turque sera ici
fondamentale. Pour les Verts, il est donc important que ce processus
ne soit pas parasite et instrumentalise par des extremistes pour des
raisons parfaitement etrangères a la reconnaissance du genocide. Les
deux organisations ont reaffirme leur refus de toute guerre des
memoires et tout affrontement intercommunautaire.