GENOCIDE ARMENIEN : LA LOI VOTEE AU PARLEMENT DEVANT LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL
FRANCE 24
http://www.france24.com/fr/20120201-france-turquie-genocide-armenien-recours-projet-loi-polemique-justice-histoire-diplomatie-assemblee-deputes
1 Fev 2012
Officiellement adopte le 23 janvier, le projet de loi penalisant
la negation des genocides a vu sa progression freinee mardi par le
depôt d'un recours par 137 deputes et senateurs francais. Motif :
un lien trop etroit entre loi et Histoire.
Par Charlotte OBERTI (texte)
Certains parlent d'une "question de conscience". D'autres d'une
"mise en coherence penale". Le fosse s'est officiellement creuse
au Parlement, mardi 31 janvier, lorsque 137 deputes et senateurs,
de tout bord politique, ont saisi le Conseil constitutionnel dans le
but de faire invalider la proposition de loi penalisant la negation
des genocides.
Initie par deux deputes UMP, Jacques Myard et Michel Diefenbacher,
ce recours vise a annuler un projet de loi qu'ils jugent
anticonstitutionnel et qu'ils considèrent comme une atteinte a la
liberte de la recherche et a la liberte d'expression.
Ne pas "sovietiser" l'Histoire
"Nous nous fourvoyons avec ces lois memorielles. Nous ne nions ni la
Shoah ni le genocide armenien, mais nous ne voulons pas sovietiser
l'Histoire," clame Jacques Myard, depute des Yvelines, joint par
FRANCE 24, prônant un libre debat sur la question sans forcement que
la loi definisse une verite officielle.
Le 23 janvier dernier, le Senat a emboîte le pas a l'Assemblee en
adoptant le texte punissant la negation d'un genocide reconnu par la
France, notamment celui des Armeniens par les Turcs en 1915. Très
contrarie, le gouvernement d'Ankara a replique en promettant des
sanctions contre Paris.
Refutant le terme de "genocide", la Turquie reconnaît que quelque 500
000 Armeniens ont peri lors de massacres commis en Anatolie, entre
1915 et 1917, tandis que les Armeniens evoquent 1,5 million de morts.
Un debat houleux
Autre point mis en avant par le depute des Yvelines : le risque
d'engrenage. "Cette polemique est partie du fait armenien. La
consequence regrettable pourrait etre un regain de communautarisme."
Valerie Boyer, la depute des Bouches-du-Rhône a l'origine de cette
proposition de loi, affirme mal comprendre la reaction tardive des
parlementaires, soulevant le fait que le debat a deja eu lieu dans
l'Hemicycle.
"C'etait une grande joie pour tout le monde d'aboutir enfin a quelque
chose, après de nombreuses annees de travail. Je suis choquee que
certaines personnes repondent a des injonctions de l'etranger,"
deplore-t-elle. "La pression exercee par un Etat etranger negationniste
ne doit pas l'emporter sur une cause universelle, sur la defense des
droits de l'Homme et la grandeur de la France." Pression a laquelle
Jacques Myard se dit toutefois etranger.
Le depôt du recours annonce une detente dans les relations entre les
deux pays. Contacte par FRANCE 24, le porte-parole de l'ambassadeur
de Turquie en France, Engin Solakoglu, exprime sa satisfaction, en
estimant que l'opposition des deputes et senateurs francais "permet
de mieux encaisser le choc, pour l'instant."
Le rôle des historiens en question
Alors faut-il associer histoire et loi ? Selon ses detracteurs,
le texte viole l'article 34 de la Constitution qui definit la loi
et delimite son domaine. Mais l'historien Yves Ternon, specialiste
des crimes de genocide au 20e siècle, convaincu de la necessite de
legiferer sur ce sujet, precise que fondamentalement les fonctions
d'historien et d'homme de loi sont distinctes, tout en etant
complementaires.
"Les historiens ont deja fait leur travail [le genocide armenien a
ete reconnu en 2001, NDLR], les legislateurs n'empiètent pas sur leur
territoire, etant donne que les historiens ne peuvent pas legiferer.
Le travail des historiens et des hommes de loi s'effectuent en
partenariat, en quelque sorte."
En reponse a l'argument selon lequel le projet de loi reduirait la
liberte de la recherche, Yves Ternon crie a la malhonnetete. "La loi
ne menace en rien cette liberte. Jamais un historien travaillant sur
un genocide n'a ete inquiete par un procès en France."
Le verdict des Sages du Conseil constitutionnel est attendu dans un
delai d'un mois. Pour l'heure, Nicolas Sarkozy a prevenu, mercredi
1er fevrier, qu'un nouveau texte serait depose si la loi penalisant
la negation du genocide armenien etait censuree. Le debat semble loin
d'etre clos.
FRANCE 24
http://www.france24.com/fr/20120201-france-turquie-genocide-armenien-recours-projet-loi-polemique-justice-histoire-diplomatie-assemblee-deputes
1 Fev 2012
Officiellement adopte le 23 janvier, le projet de loi penalisant
la negation des genocides a vu sa progression freinee mardi par le
depôt d'un recours par 137 deputes et senateurs francais. Motif :
un lien trop etroit entre loi et Histoire.
Par Charlotte OBERTI (texte)
Certains parlent d'une "question de conscience". D'autres d'une
"mise en coherence penale". Le fosse s'est officiellement creuse
au Parlement, mardi 31 janvier, lorsque 137 deputes et senateurs,
de tout bord politique, ont saisi le Conseil constitutionnel dans le
but de faire invalider la proposition de loi penalisant la negation
des genocides.
Initie par deux deputes UMP, Jacques Myard et Michel Diefenbacher,
ce recours vise a annuler un projet de loi qu'ils jugent
anticonstitutionnel et qu'ils considèrent comme une atteinte a la
liberte de la recherche et a la liberte d'expression.
Ne pas "sovietiser" l'Histoire
"Nous nous fourvoyons avec ces lois memorielles. Nous ne nions ni la
Shoah ni le genocide armenien, mais nous ne voulons pas sovietiser
l'Histoire," clame Jacques Myard, depute des Yvelines, joint par
FRANCE 24, prônant un libre debat sur la question sans forcement que
la loi definisse une verite officielle.
Le 23 janvier dernier, le Senat a emboîte le pas a l'Assemblee en
adoptant le texte punissant la negation d'un genocide reconnu par la
France, notamment celui des Armeniens par les Turcs en 1915. Très
contrarie, le gouvernement d'Ankara a replique en promettant des
sanctions contre Paris.
Refutant le terme de "genocide", la Turquie reconnaît que quelque 500
000 Armeniens ont peri lors de massacres commis en Anatolie, entre
1915 et 1917, tandis que les Armeniens evoquent 1,5 million de morts.
Un debat houleux
Autre point mis en avant par le depute des Yvelines : le risque
d'engrenage. "Cette polemique est partie du fait armenien. La
consequence regrettable pourrait etre un regain de communautarisme."
Valerie Boyer, la depute des Bouches-du-Rhône a l'origine de cette
proposition de loi, affirme mal comprendre la reaction tardive des
parlementaires, soulevant le fait que le debat a deja eu lieu dans
l'Hemicycle.
"C'etait une grande joie pour tout le monde d'aboutir enfin a quelque
chose, après de nombreuses annees de travail. Je suis choquee que
certaines personnes repondent a des injonctions de l'etranger,"
deplore-t-elle. "La pression exercee par un Etat etranger negationniste
ne doit pas l'emporter sur une cause universelle, sur la defense des
droits de l'Homme et la grandeur de la France." Pression a laquelle
Jacques Myard se dit toutefois etranger.
Le depôt du recours annonce une detente dans les relations entre les
deux pays. Contacte par FRANCE 24, le porte-parole de l'ambassadeur
de Turquie en France, Engin Solakoglu, exprime sa satisfaction, en
estimant que l'opposition des deputes et senateurs francais "permet
de mieux encaisser le choc, pour l'instant."
Le rôle des historiens en question
Alors faut-il associer histoire et loi ? Selon ses detracteurs,
le texte viole l'article 34 de la Constitution qui definit la loi
et delimite son domaine. Mais l'historien Yves Ternon, specialiste
des crimes de genocide au 20e siècle, convaincu de la necessite de
legiferer sur ce sujet, precise que fondamentalement les fonctions
d'historien et d'homme de loi sont distinctes, tout en etant
complementaires.
"Les historiens ont deja fait leur travail [le genocide armenien a
ete reconnu en 2001, NDLR], les legislateurs n'empiètent pas sur leur
territoire, etant donne que les historiens ne peuvent pas legiferer.
Le travail des historiens et des hommes de loi s'effectuent en
partenariat, en quelque sorte."
En reponse a l'argument selon lequel le projet de loi reduirait la
liberte de la recherche, Yves Ternon crie a la malhonnetete. "La loi
ne menace en rien cette liberte. Jamais un historien travaillant sur
un genocide n'a ete inquiete par un procès en France."
Le verdict des Sages du Conseil constitutionnel est attendu dans un
delai d'un mois. Pour l'heure, Nicolas Sarkozy a prevenu, mercredi
1er fevrier, qu'un nouveau texte serait depose si la loi penalisant
la negation du genocide armenien etait censuree. Le debat semble loin
d'etre clos.