AVEC LES ARMENIENS !
Jean Eckian
armenews.com
vendredi 3 fevrier 2012
Depuis que les députés francais ont adopté le 22 décembre 2011
la proposition de loi visant a pénaliser la négation du génocide
des Arméniens, des intellectuels aussi éminents que Jean Daniel,
Pierre Nora et Robert Badinter ont eu les mots les plus durs pour
condamner cette initiative parlementaire.
Bien qu'ils ne nient pas ce génocide, ils s'obstinent a présenter
cette loi comme l'illustration parfaite de la dérive législative
mémorielle francaise. On comprend mal leur réaction, d'autant
qu'ils ne demandent pas l'abrogation de la loi Gayssot pénalisant
la négation de la Shoah !
Dans Le Monde,Robert Badinter affirme que le génocide des Arméniens
n'a pas été établi et ses auteurs n'ont pas été condamnés
par une juridiction internationale ou nationale dont l'autorité
de la chose jugée s'impose a tous. En écrivant de tels propos,
l'artisan de l'abolition de la peine de mort témoigne de manière
éclatante de sa méconnaissance historique : entre 1919 et 1922,
les tribunaux militaires turcs ont poursuivi quelque 300 dirigeants
Jeunes-Turcs, accusés de participation aux tueries de 1915. Les
principaux architectes du génocide, Enver Pacha, Djemal Pacha,
Talaat Pacha et le docteur Nazim ont été jugés coupables et
condamnés par contumace. Ces procès ont permis d'amasser une
quantité impressionnante de documents sur ce crime et de mettre
a jour l'organisation et la mise en Å"uvre de l'élimination des
Arméniens par ces dirigeants Jeunes-Turcs.
Des historiens israéliens ont heureusement réagi différemment
que ces intellectuels francais. Spécialistes des génocides, ils
parlent en connaissance de cause. Fondateur du Journal pour les
études sur l'Holocausteet le génocide, Yehouda Bauer a déclaré
que la négation du génocide des Arméniens est une négation de
l'histoire. Et IsraÃ"l Charny, fondateur de l'Institut de recherche sur
l'Holocauste et le génocide, a Jérusalem, s'est exprimé sur cette
question devant les membres de la Knesset : Â" Aucun Juif décent,
aucun Israélien décent, ni aucune personne décente ne peut nier
les faits historiques établis du génocide d'un autre peuple. Que
direz-vous et que diriez-vous a quelqu'un qui nierait l'Holocausteâ~@~I
? Y aurait-il certaines conditions dans lesquelles vous "comprendriez",
"admettriez", ou d'une quelconque manière, accepteriez la nécessité
et par la suite la légitimité de leur négation ? Â".
Suggérant naïvement la création d'une commission internationale
d'historiens chargée de déterminer les conditions et l'ampleur du
génocide arménien de 1915, dont la Turquie s'engagerait a suivre les
conclusions, Robert Badinter et Pierre Nora devraient prendre la peine
de s'entretenir avec IsraÃ"l Charny qui s'est livré a cet exercice...
en 1982. Lorsqu'il a organisé cette première conférence
internationale sur l'Holocauste et le génocide réunissant de
nombreux experts internationaux, il a subi d'énormes pressions de
la part de la Turquie qui refusait de voir aborder le génocide des
Arméniens. Outre les menaces de sanctions a l'égard d'IsraÃ"l, on
lui a très cyniquement fait remarquer qu'il risquait de mettre en
danger la communauté juive de Turquie. En dépit de ces menaces et de
ces pressions, la conférence s'est tenue et 300 participants y ont
assisté. Cet épisode a le mérite d'établir que la Turquie n'est
pas prête a accepter les conclusions d'historiens indépendants,
même si elle ne cesse de réclamer depuis des années la création
d'une Â" commission mixte internationale Â" sur cette question.
Au lieu de conforter le nationalisme turc le plus intransigeant, nous
devons soutenir les Arméniens, précisément parce que nous avons
souffert du négationnisme. Mieux que quiconque, les Juifs savent
que ce fléau est une imposture qu'il faut réprimer. Nous avons
accueilli avec soulagement la pénalisation de la négation de la
Shoah en France et en Belgique. Ce qui est valable pour la Shoah doit
l'être pour le génocide des Arméniens. Au nom de la fraternité
des réprouvés, placons-nous du côté des Arméniens pour que Â"
leur Â" génocide ne soit pas celui qu'on aurait le droit d'oublier
et de nier en toute impunité. Cette attitude nous honorerait et ne
remettrait pas en cause les singularités de la Shoah qui en font
son unicité a la fois sur le plan historique et mémoriel.
1er février 2012
Nicolas Zomersztajn - Â" Regards Â"
Revue mensuelle tirée en Belgique a 15 000 exemplaires
Centre Communautaire Laïc Juif asbl
Rue de l'Hôtel des Monnaies 52 a 1060 Bruxelles - Tel : +32 2 543
02 70 - [email protected]
Jean Eckian
armenews.com
vendredi 3 fevrier 2012
Depuis que les députés francais ont adopté le 22 décembre 2011
la proposition de loi visant a pénaliser la négation du génocide
des Arméniens, des intellectuels aussi éminents que Jean Daniel,
Pierre Nora et Robert Badinter ont eu les mots les plus durs pour
condamner cette initiative parlementaire.
Bien qu'ils ne nient pas ce génocide, ils s'obstinent a présenter
cette loi comme l'illustration parfaite de la dérive législative
mémorielle francaise. On comprend mal leur réaction, d'autant
qu'ils ne demandent pas l'abrogation de la loi Gayssot pénalisant
la négation de la Shoah !
Dans Le Monde,Robert Badinter affirme que le génocide des Arméniens
n'a pas été établi et ses auteurs n'ont pas été condamnés
par une juridiction internationale ou nationale dont l'autorité
de la chose jugée s'impose a tous. En écrivant de tels propos,
l'artisan de l'abolition de la peine de mort témoigne de manière
éclatante de sa méconnaissance historique : entre 1919 et 1922,
les tribunaux militaires turcs ont poursuivi quelque 300 dirigeants
Jeunes-Turcs, accusés de participation aux tueries de 1915. Les
principaux architectes du génocide, Enver Pacha, Djemal Pacha,
Talaat Pacha et le docteur Nazim ont été jugés coupables et
condamnés par contumace. Ces procès ont permis d'amasser une
quantité impressionnante de documents sur ce crime et de mettre
a jour l'organisation et la mise en Å"uvre de l'élimination des
Arméniens par ces dirigeants Jeunes-Turcs.
Des historiens israéliens ont heureusement réagi différemment
que ces intellectuels francais. Spécialistes des génocides, ils
parlent en connaissance de cause. Fondateur du Journal pour les
études sur l'Holocausteet le génocide, Yehouda Bauer a déclaré
que la négation du génocide des Arméniens est une négation de
l'histoire. Et IsraÃ"l Charny, fondateur de l'Institut de recherche sur
l'Holocauste et le génocide, a Jérusalem, s'est exprimé sur cette
question devant les membres de la Knesset : Â" Aucun Juif décent,
aucun Israélien décent, ni aucune personne décente ne peut nier
les faits historiques établis du génocide d'un autre peuple. Que
direz-vous et que diriez-vous a quelqu'un qui nierait l'Holocausteâ~@~I
? Y aurait-il certaines conditions dans lesquelles vous "comprendriez",
"admettriez", ou d'une quelconque manière, accepteriez la nécessité
et par la suite la légitimité de leur négation ? Â".
Suggérant naïvement la création d'une commission internationale
d'historiens chargée de déterminer les conditions et l'ampleur du
génocide arménien de 1915, dont la Turquie s'engagerait a suivre les
conclusions, Robert Badinter et Pierre Nora devraient prendre la peine
de s'entretenir avec IsraÃ"l Charny qui s'est livré a cet exercice...
en 1982. Lorsqu'il a organisé cette première conférence
internationale sur l'Holocauste et le génocide réunissant de
nombreux experts internationaux, il a subi d'énormes pressions de
la part de la Turquie qui refusait de voir aborder le génocide des
Arméniens. Outre les menaces de sanctions a l'égard d'IsraÃ"l, on
lui a très cyniquement fait remarquer qu'il risquait de mettre en
danger la communauté juive de Turquie. En dépit de ces menaces et de
ces pressions, la conférence s'est tenue et 300 participants y ont
assisté. Cet épisode a le mérite d'établir que la Turquie n'est
pas prête a accepter les conclusions d'historiens indépendants,
même si elle ne cesse de réclamer depuis des années la création
d'une Â" commission mixte internationale Â" sur cette question.
Au lieu de conforter le nationalisme turc le plus intransigeant, nous
devons soutenir les Arméniens, précisément parce que nous avons
souffert du négationnisme. Mieux que quiconque, les Juifs savent
que ce fléau est une imposture qu'il faut réprimer. Nous avons
accueilli avec soulagement la pénalisation de la négation de la
Shoah en France et en Belgique. Ce qui est valable pour la Shoah doit
l'être pour le génocide des Arméniens. Au nom de la fraternité
des réprouvés, placons-nous du côté des Arméniens pour que Â"
leur Â" génocide ne soit pas celui qu'on aurait le droit d'oublier
et de nier en toute impunité. Cette attitude nous honorerait et ne
remettrait pas en cause les singularités de la Shoah qui en font
son unicité a la fois sur le plan historique et mémoriel.
1er février 2012
Nicolas Zomersztajn - Â" Regards Â"
Revue mensuelle tirée en Belgique a 15 000 exemplaires
Centre Communautaire Laïc Juif asbl
Rue de l'Hôtel des Monnaies 52 a 1060 Bruxelles - Tel : +32 2 543
02 70 - [email protected]