GENOCIDE ARMENIEN : UN TABOU QUI SE FISSURE
Jean Eckaian
armenews.com
vendredi 3 fevrier 2012
Le portail grince, une bande de corbeaux s'envole dans un croassement
sinistre au-dessus des pins decharnes, deux chiens errants
s'enfuient... Les visiteurs sont rares sur la colline de la Liberte.
Les mausolees de Talaat Pacha et d'Enver, les principaux organisateurs
du genocide armenien qui, pendant la Première Guerre mondiale, fit
plus d'un million de morts, sont eriges dans ce parc coince entre
deux voies rapides. Grignotes par l'urbanisation, ces symboles du
negationnisme de l'Etat turc, a l'oeuvre depuis bientôt un siècle,
n'en sont pas moins toujours plantes au coeur d'Istanbul.
Le vote en France d'un texte penalisant la negation des genocides
d'une peine d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 45.000 euros -
enterine par le Senat le 23 janvier - dresse Ankara vent debout pour
defendre l'ideologie officielle. Pourtant, ces dernières annees,
le tabou entourant le caractère des massacres ordonnes par le parti
Jeunes-Turcs dans un Empire ottoman en pleine deliquescence s'est
largement fissure.
Paradoxe
"La situation est paradoxale, decrypte Cengiz Aktar, universitaire qui
pousse l'Etat a faire face a son passe. D'une part, la loi francaise
suscite un deferlement negationniste, de l'autre, on peut desormais
prononcer le mot 'genocide' dans les medias sans se faire sautera la
gorge." Ni se faire assassiner. Cinq ans ont passe depuis que Hrant
Dink, journaliste d'origine armenienne, a ete abattu a Istanbul par
un jeune ultranationaliste turc. Ce jour funeste a fonctionne comme
un electrochoc dans la societe civile. Depuis ce 19 janvier 2007,
documentaires, livres, etudes universitaires sur 1915 se multiplient.
Fin 2010, une conference sur le genocide a reuni des scientifiques
du monde entier a Diyarbakir, dans l'Est, sans entrave de
l'administration. Les petits-enfants des Armeniennes turquifiees
de force et les "donme", Armeniens qui se sont convertis a l'islam
pour echapper a la mort, sortent prudemment de l'ombre et aident la
Turquie a retrouver la memoire. La "question armenienne" a profite
de la liberalisation du pays, soutenue par le processus d'adhesion
a l'Union europeenne, au cours de la dernière decennie.
Ayse Gunaysu, presidente de l'Association des Droits de l'Homme a
Istanbul et organisatrice d'une commemoration publique du genocide le
24 avril 2011, n'a cure des convulsions nationalistes suscitees par
la loi francaise. Proteger en France les descendants des victimes du
genocide de la "violence absolue" des campagnes "de negationnisme
honteux des activistes turcs" pousse cette militante a approuver
ce texte.
Le "syndrome de Sèvres"
Mais l'impact côte turc de l'initiative francaise suscite de nombreuses
reserves. "Un simple citoyen turc, pas eduque, pourra etre condamne
en France, mais pas l'Etat turc lui-meme qui est negationniste,
explique Robert Koptas, redacteur en chef d'"Agos", hebdomadaire
fonde par Hrant Dink. C'est problematique." Bercee par une rhetorique
anti-armenienne dès l'ecole, une large part de la population ignore
en effet tout de cette page sombre de son histoire.
Lire la suite : voir lien plus bas
Jean Eckaian
armenews.com
vendredi 3 fevrier 2012
Le portail grince, une bande de corbeaux s'envole dans un croassement
sinistre au-dessus des pins decharnes, deux chiens errants
s'enfuient... Les visiteurs sont rares sur la colline de la Liberte.
Les mausolees de Talaat Pacha et d'Enver, les principaux organisateurs
du genocide armenien qui, pendant la Première Guerre mondiale, fit
plus d'un million de morts, sont eriges dans ce parc coince entre
deux voies rapides. Grignotes par l'urbanisation, ces symboles du
negationnisme de l'Etat turc, a l'oeuvre depuis bientôt un siècle,
n'en sont pas moins toujours plantes au coeur d'Istanbul.
Le vote en France d'un texte penalisant la negation des genocides
d'une peine d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 45.000 euros -
enterine par le Senat le 23 janvier - dresse Ankara vent debout pour
defendre l'ideologie officielle. Pourtant, ces dernières annees,
le tabou entourant le caractère des massacres ordonnes par le parti
Jeunes-Turcs dans un Empire ottoman en pleine deliquescence s'est
largement fissure.
Paradoxe
"La situation est paradoxale, decrypte Cengiz Aktar, universitaire qui
pousse l'Etat a faire face a son passe. D'une part, la loi francaise
suscite un deferlement negationniste, de l'autre, on peut desormais
prononcer le mot 'genocide' dans les medias sans se faire sautera la
gorge." Ni se faire assassiner. Cinq ans ont passe depuis que Hrant
Dink, journaliste d'origine armenienne, a ete abattu a Istanbul par
un jeune ultranationaliste turc. Ce jour funeste a fonctionne comme
un electrochoc dans la societe civile. Depuis ce 19 janvier 2007,
documentaires, livres, etudes universitaires sur 1915 se multiplient.
Fin 2010, une conference sur le genocide a reuni des scientifiques
du monde entier a Diyarbakir, dans l'Est, sans entrave de
l'administration. Les petits-enfants des Armeniennes turquifiees
de force et les "donme", Armeniens qui se sont convertis a l'islam
pour echapper a la mort, sortent prudemment de l'ombre et aident la
Turquie a retrouver la memoire. La "question armenienne" a profite
de la liberalisation du pays, soutenue par le processus d'adhesion
a l'Union europeenne, au cours de la dernière decennie.
Ayse Gunaysu, presidente de l'Association des Droits de l'Homme a
Istanbul et organisatrice d'une commemoration publique du genocide le
24 avril 2011, n'a cure des convulsions nationalistes suscitees par
la loi francaise. Proteger en France les descendants des victimes du
genocide de la "violence absolue" des campagnes "de negationnisme
honteux des activistes turcs" pousse cette militante a approuver
ce texte.
Le "syndrome de Sèvres"
Mais l'impact côte turc de l'initiative francaise suscite de nombreuses
reserves. "Un simple citoyen turc, pas eduque, pourra etre condamne
en France, mais pas l'Etat turc lui-meme qui est negationniste,
explique Robert Koptas, redacteur en chef d'"Agos", hebdomadaire
fonde par Hrant Dink. C'est problematique." Bercee par une rhetorique
anti-armenienne dès l'ecole, une large part de la population ignore
en effet tout de cette page sombre de son histoire.
Lire la suite : voir lien plus bas