HISTOIRE ET COMPETENCE LEGISLATIVE
Le Monde
http://mediateur.blog.lemonde.fr/2012/02/03/histoire-et-competence-legislative/
3 fev 2012
France
Le Conseil constitutionnel va devoir se prononcer, avant la fin
fevrier, sur la constitutionnalite de la loi reprimant la negation des
genocides. Il ne s'agit evidemment pas pour lui de prendre position
sur la question de la reconnaissance ou non du genocide armenien,
mais de se prononcer sur un autre problème d'une grande importance,
a savoir : quelles sont les limites a la competence du legislateur?
En tant que representants du peuple, les elus considèrent volontiers
qu'ils expriment la volonte nationale et que, de ce fait, leur
competence ne saurait etre limitee. Bien sûr ce n'est pas le cas
puisque celle-ci est definie et limitee par la Constitution. Comme
on le sait, la loi n'exprime la volonte generale que dans le respect
de la Constitution (decision du 23 août 1985). Dans cette affaire
concernant la contestation des genocides, le juge constitutionnel
va devoir, une nouvelle fois, preciser sa jurisprudence relative aux
limites du domaine de la loi.
Lors de l'elaboration de la Constitution de 1958, le general de Gaulle
et Michel Debre, ont voulu limiter la competence du legislateur
aux seules questions essentielles enoncees, en particulier, par
l'article 34 de la Constitution. Et l'on peut rappeler que le Conseil
constitutionnel a ete cree precisement pour interdire au Parlement
d'empieter sur le domaine reglementaire relevant de l'executif. Au
debut de la Vème Republique, de Gaulle declarait, en conseil des
ministres, qu'il etait contraire a la Constitution de laisser le
Parlement se meler de ce qui relève du domaine reglementaire. Et il
ajoutait qu'il fallait cesser de faire des lois sur tout et sur rien
(A. Peyrefitte : C'etait de Gaulle , 1, Fayard, 1994, p. 461).
Ainsi le Conseil constitutionnel, dans les annees 1960, n'a pas hesite
a sanctionner le legislateur lorsqu'il empietait sur le domaine
reglementaire. Certes, a partir de 1982, il a assoupli sa position
sur ce point, mais depuis une dizaine d'annees il a de nouveau adopte
une position plus exigeante en sanctionnant les lois " bavardes " et
en estimant que la loi n'avait pas vocation a enoncer des evidences
et qu'elle devait etre suffisamment claire, accessible et intelligible.
Le juge constitutionnel va devoir desormais se prononcer sur le
point de savoir si le legislateur est competent pour statuer sur des
questions qui debordent le cadre de sa competence puisqu'elle relève
de celle des chercheurs, en l'occurrence des historiens. Mais le
meme problème pourrait se poser dans d'autres domaines (non seulement
judiciaire mais aussi scientifique, medical, artistique...).
Robert Badinter a justement souligne, dans Le Monde du 15 janvier,
que le Parlement n'etait pas un tribunal et que la loi votee par
le Parlement etait excessive et inconstitutionnelle. Tout le monde
reconnaît que les lois sont trop nombreuses et souvent inutiles. Le
Conseil constitutionnel a l'occasion de rappeler au Parlement son
obligation de ne legiferer que sur les questions essentielles.
Loïc Philip, Puyricard (Bouches-du-Rhône)
Le Monde
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3 fev 2012
France
Le Conseil constitutionnel va devoir se prononcer, avant la fin
fevrier, sur la constitutionnalite de la loi reprimant la negation des
genocides. Il ne s'agit evidemment pas pour lui de prendre position
sur la question de la reconnaissance ou non du genocide armenien,
mais de se prononcer sur un autre problème d'une grande importance,
a savoir : quelles sont les limites a la competence du legislateur?
En tant que representants du peuple, les elus considèrent volontiers
qu'ils expriment la volonte nationale et que, de ce fait, leur
competence ne saurait etre limitee. Bien sûr ce n'est pas le cas
puisque celle-ci est definie et limitee par la Constitution. Comme
on le sait, la loi n'exprime la volonte generale que dans le respect
de la Constitution (decision du 23 août 1985). Dans cette affaire
concernant la contestation des genocides, le juge constitutionnel
va devoir, une nouvelle fois, preciser sa jurisprudence relative aux
limites du domaine de la loi.
Lors de l'elaboration de la Constitution de 1958, le general de Gaulle
et Michel Debre, ont voulu limiter la competence du legislateur
aux seules questions essentielles enoncees, en particulier, par
l'article 34 de la Constitution. Et l'on peut rappeler que le Conseil
constitutionnel a ete cree precisement pour interdire au Parlement
d'empieter sur le domaine reglementaire relevant de l'executif. Au
debut de la Vème Republique, de Gaulle declarait, en conseil des
ministres, qu'il etait contraire a la Constitution de laisser le
Parlement se meler de ce qui relève du domaine reglementaire. Et il
ajoutait qu'il fallait cesser de faire des lois sur tout et sur rien
(A. Peyrefitte : C'etait de Gaulle , 1, Fayard, 1994, p. 461).
Ainsi le Conseil constitutionnel, dans les annees 1960, n'a pas hesite
a sanctionner le legislateur lorsqu'il empietait sur le domaine
reglementaire. Certes, a partir de 1982, il a assoupli sa position
sur ce point, mais depuis une dizaine d'annees il a de nouveau adopte
une position plus exigeante en sanctionnant les lois " bavardes " et
en estimant que la loi n'avait pas vocation a enoncer des evidences
et qu'elle devait etre suffisamment claire, accessible et intelligible.
Le juge constitutionnel va devoir desormais se prononcer sur le
point de savoir si le legislateur est competent pour statuer sur des
questions qui debordent le cadre de sa competence puisqu'elle relève
de celle des chercheurs, en l'occurrence des historiens. Mais le
meme problème pourrait se poser dans d'autres domaines (non seulement
judiciaire mais aussi scientifique, medical, artistique...).
Robert Badinter a justement souligne, dans Le Monde du 15 janvier,
que le Parlement n'etait pas un tribunal et que la loi votee par
le Parlement etait excessive et inconstitutionnelle. Tout le monde
reconnaît que les lois sont trop nombreuses et souvent inutiles. Le
Conseil constitutionnel a l'occasion de rappeler au Parlement son
obligation de ne legiferer que sur les questions essentielles.
Loïc Philip, Puyricard (Bouches-du-Rhône)