LA PROPAGANDE NEGATIONNISTE AUTORISEE ? PAR PATRICK DEVEDJIAN
Ara
armenews.com
mercredi 29 fevrier 2012
Naturellement les decisions du Conseil Constitutionnel meritent le
respect comme emanant du gardien de nos libertes fondamentales.
Il n'empeche que le commentaire critique est permis, c'est meme un
element fondamental de la liberte d'expression justement rappelee
dans la decision qui a ete rendue aujourd'hui et qui est juridiquement
surprenante pour rester sur le seul terrain du droit.
La decision est en effet le fruit d'un raisonnement alambique et
fragile reposant sur trois considerants.
Par le premier considerant, sans la citer, le Conseil Constitutionnel
vise la loi de 2001 reconnaissant le genocide armenien pour affirmer,
sans autre argument, que la loi doit " enoncer des règles " et etre
" revetue d'une portee normative ".
Si le Conseil entend supprimer des milliers de lois en vigueur toutes
les dispositions qui ne contiennent pas l'enonce de règles, il faut
lui souhaiter bonne chance et bon courage car la tâche est immense.
Ensuite, pour exercer une telle censure sur le legislateur au nom de la
Declaration de 1789, qui est elle-meme d'une grande portee generale,
il faut le justifier par une motivation serieuse et argumentee et non
se contenter d'un raccourci elliptique comme si la conclusion allait
de soi.
Le deuxième considerant est l'affirmation que la liberte d'expression
ne peut etre limitee que par l'atteinte a l'ordre public et aux
droits des tiers, et de la manière la plus encadree possible. Cela
n'est pas contestable.
Le troisième considerant affirme que la reconnaissance d'un genocide
est depourvu de " portee normative " et induit que ce n'est donc pas
une loi. Dans ce cas, la toute nouvelle loi que le Parlement vient
de voter, faisant du 11 novembre la journee commemorative des morts
de toutes les guerres, est-elle bien constitutionnelle : où est la
norme ? où est la règle ?
Ce considerant, aussi peu argumente que le premier, erige le Conseil
constitutionnel en troisième Chambre : en ne motivant pas explicitement
ses decisions, il s'arroge de fait un pouvoir legislatif.
Ainsi le Conseil Constitutionnel ecrit : " en reprimant la contestation
de l'existence et de la qualification juridique de crimes qu'il aurait
lui-meme reconnus et qualifies comme tels... ", le legislateur a
porte atteinte a la liberte d'expression.
Le Conseil Constitutionnel denie donc au Parlement francais le droit
de qualifier les crimes de 1915.
Il ne le dit pas expressement mais veut ainsi affirmer que c'est
du seul ressort de l'ordre judiciaire, au nom d'une separation des
pouvoirs qui n'existe pas plus sous la Vème Republique qu'elle n'a
existe sous les Republiques precedentes.
Par cette decision, le Conseil Constitutionnel fait du negationnisme
une opinion comme une autre.
La propagande negationniste diffusee par un gouvernement etranger sur
le sol francais et visant expressement une partie de ses citoyens
sur le fondement de leur origine, est donc desormais autorisee par
le Conseil Constitutionnel.
Ara
armenews.com
mercredi 29 fevrier 2012
Naturellement les decisions du Conseil Constitutionnel meritent le
respect comme emanant du gardien de nos libertes fondamentales.
Il n'empeche que le commentaire critique est permis, c'est meme un
element fondamental de la liberte d'expression justement rappelee
dans la decision qui a ete rendue aujourd'hui et qui est juridiquement
surprenante pour rester sur le seul terrain du droit.
La decision est en effet le fruit d'un raisonnement alambique et
fragile reposant sur trois considerants.
Par le premier considerant, sans la citer, le Conseil Constitutionnel
vise la loi de 2001 reconnaissant le genocide armenien pour affirmer,
sans autre argument, que la loi doit " enoncer des règles " et etre
" revetue d'une portee normative ".
Si le Conseil entend supprimer des milliers de lois en vigueur toutes
les dispositions qui ne contiennent pas l'enonce de règles, il faut
lui souhaiter bonne chance et bon courage car la tâche est immense.
Ensuite, pour exercer une telle censure sur le legislateur au nom de la
Declaration de 1789, qui est elle-meme d'une grande portee generale,
il faut le justifier par une motivation serieuse et argumentee et non
se contenter d'un raccourci elliptique comme si la conclusion allait
de soi.
Le deuxième considerant est l'affirmation que la liberte d'expression
ne peut etre limitee que par l'atteinte a l'ordre public et aux
droits des tiers, et de la manière la plus encadree possible. Cela
n'est pas contestable.
Le troisième considerant affirme que la reconnaissance d'un genocide
est depourvu de " portee normative " et induit que ce n'est donc pas
une loi. Dans ce cas, la toute nouvelle loi que le Parlement vient
de voter, faisant du 11 novembre la journee commemorative des morts
de toutes les guerres, est-elle bien constitutionnelle : où est la
norme ? où est la règle ?
Ce considerant, aussi peu argumente que le premier, erige le Conseil
constitutionnel en troisième Chambre : en ne motivant pas explicitement
ses decisions, il s'arroge de fait un pouvoir legislatif.
Ainsi le Conseil Constitutionnel ecrit : " en reprimant la contestation
de l'existence et de la qualification juridique de crimes qu'il aurait
lui-meme reconnus et qualifies comme tels... ", le legislateur a
porte atteinte a la liberte d'expression.
Le Conseil Constitutionnel denie donc au Parlement francais le droit
de qualifier les crimes de 1915.
Il ne le dit pas expressement mais veut ainsi affirmer que c'est
du seul ressort de l'ordre judiciaire, au nom d'une separation des
pouvoirs qui n'existe pas plus sous la Vème Republique qu'elle n'a
existe sous les Republiques precedentes.
Par cette decision, le Conseil Constitutionnel fait du negationnisme
une opinion comme une autre.
La propagande negationniste diffusee par un gouvernement etranger sur
le sol francais et visant expressement une partie de ses citoyens
sur le fondement de leur origine, est donc desormais autorisee par
le Conseil Constitutionnel.