Marianne2.fr , France
14 janvier 2012
Génocide arménien: pourquoi Juppé a-t-il «fermé sa gueule» ?
Régis Soubrouillard - Marianne | Samedi 14 Janvier 2012 à 05:01 |
Auditionné par la commission des affaires étrangères de l'assemblée
nationale, le Ministre des affaires étrangères n'a pas pu échapper à
une question sur le vote -en urgence électorale- de la loi sur la
pénalisation du génocide arménien. Farouchement opposé à ce texte,
Juppé a dit en privé à ses conseillers et au président tout le mal
qu'il pensait de cette démarche, se montrant beaucoup plus dicret lors
de ses prises de paroles publiques. Jurisprudence Chevènement oblige.
Un ministre ça ferme sa gueule ou ça s'en va ». La formule de
Chevènement, au moment de la parenthèse mitterando-libérale de 1983,
est restée un must, une référence en matière de savoir-vivre
politique.
Juppé l'a longuement médité ces derniers temps si l'on en croît ses
propos devant la commision des affaires étrangères de l'assemblée
nationale .
Auditionné par la dite commission le mardi 10 janvier, le Ministre des
affaires étrangères n'a pas échappé à la question fche : le dossier
turc.
Ancien Ministre des affaires étrangères lui-même, c'est Hervé de
Charrette (voir la vidéo) qui a mis les pieds dans le plat avec un art
de la diplomatie consommé « dans cette période où il y a la
confrontation avec l'Iran et les difficultés que nous connaissons en
Syrie, vous aviez cherché à faire en sorte que nos relations avec la
Turquie connaissent un développement qui paraissait prometteur et une
affaire dont j'ai du mal à percevoir l'urgence, la pénalisation du
génocide est arrivé comme un cheveu sur la soupe, ce qui a prondément
perturbé notre politique étrangère dans la région. Je voudrais savoir
ce que vous en pensez et où en est-on ? ».
Brouahaha et rires contenus dans salle. Un ange passe avant qu'Alain
Juppé ne prenne la parole : « Je me réfère beaucoup à Jean-Pierre
Chevènement par les temps qui courent. Il a dit un jour: un Ministre
ça ferme sa gueule où ça s'en va, je vous laisse le soin d'interpréter
les conditions d'application de cette maxime au cas particulier. Je ne
vais pas biaiser avec tout ça, tout le monde connaît mon point de vue
sur le sujet. J'étais dans mon rôle en signalant les inconvénients, le
mot est faible, qu'une telle initiative pouvait avoir dans la région.
Je ne reviens pas là dessus. Il faut maintenant gérer la situation
dans la région. Et ça n'est pas fini. Il y aura une deuxième vague au
Sénat. Nos amis turcs ont réagi comme il fallait s'y attendre. Je leur
avais demandé de ne pas sur réagir, ils ont sur réagi. Je le dis en
toute sérénité. Le rôle des diplomates c'est de recoller les morceaux
quand il y a de la vaisselle cassée. C'est ce que j'essaye de faire ».
Le responsable du quai d'Orsay multiplie alors les exemples d'échanges
économiques ou universitaires franco-turcs : « On va essayer de faire
en sorte que nos relations avec la Turquie s'apaisent » lche-t-il, un
peu dépité, en conclusion, de son propos.
Un concours de génocides pour récupérer les voix des arméniens
Si Alain Juppé se réfère à Jean-Pierre Chevènement, il n'en tire pas
les mêmes conclusions. En 1983, alors Ministre de la Recherche,
Chevènement avait quitté ses fonctions. Juppé fermera sa gueule
préférant avaler la couleuvre des lois mémorielles et louvoyer lors de
ses prises de paroles publiques.
Selon Le Canard Enchainé du 21 décembre 2011, en conseil des
ministres, Juppé avait pourtant prévenu Sarkozy des dégts
diplomatiques et économiques que causerait le vote d'un tel texte.
« Je me dois de dire que si ce texte devait passer, ce ne serait pas
sans conséquences économiques et diplomatiques avec les Turcs. Il ne
faut pas oublier que les Turcs viennent de commander 100 Airbus ,
qu'il y a 1000 entreprises françaises en Turquie dont Axa. J'aurai
prévenu tout le monde sur les graves conséquences que cela peut avoir.
Personne ne pourra dire qu'il n'avait pas été informé ».
Juppé abandonnera tout langage diplomatique face à ses collaborateurs
: « Cette proposition de loi est intellectuellement, économiquement et
diplomatiquement une connerie sans nom. On n'a pas à se lancer dans un
concours des génocides. Tout ça pour tenter de récupérer les voix des
Français d'origine arménienne. C'est ridicule ! ».
Tout à ses préoccupations électoralistes, Sarkozy n'en tiendra aucun compte.
A peine rentré à Paris la semaine dernière, l'ambassadeur de Turquie
devra affronter le vote du Sénat qui devrait examiner le texte avant
la fin du mois de janvier. Outre des constitutionnalistes, seront
entendus des responsables d'organisations arméniennes et turques en
France ainsi que les ambassadeurs des deux pays à Paris.
http://www.marianne2.fr/Genocide-armenien-pourquoi-Juppe-a-t-il-ferme-sa-gueule_a214395.html?com
From: A. Papazian
14 janvier 2012
Génocide arménien: pourquoi Juppé a-t-il «fermé sa gueule» ?
Régis Soubrouillard - Marianne | Samedi 14 Janvier 2012 à 05:01 |
Auditionné par la commission des affaires étrangères de l'assemblée
nationale, le Ministre des affaires étrangères n'a pas pu échapper à
une question sur le vote -en urgence électorale- de la loi sur la
pénalisation du génocide arménien. Farouchement opposé à ce texte,
Juppé a dit en privé à ses conseillers et au président tout le mal
qu'il pensait de cette démarche, se montrant beaucoup plus dicret lors
de ses prises de paroles publiques. Jurisprudence Chevènement oblige.
Un ministre ça ferme sa gueule ou ça s'en va ». La formule de
Chevènement, au moment de la parenthèse mitterando-libérale de 1983,
est restée un must, une référence en matière de savoir-vivre
politique.
Juppé l'a longuement médité ces derniers temps si l'on en croît ses
propos devant la commision des affaires étrangères de l'assemblée
nationale .
Auditionné par la dite commission le mardi 10 janvier, le Ministre des
affaires étrangères n'a pas échappé à la question fche : le dossier
turc.
Ancien Ministre des affaires étrangères lui-même, c'est Hervé de
Charrette (voir la vidéo) qui a mis les pieds dans le plat avec un art
de la diplomatie consommé « dans cette période où il y a la
confrontation avec l'Iran et les difficultés que nous connaissons en
Syrie, vous aviez cherché à faire en sorte que nos relations avec la
Turquie connaissent un développement qui paraissait prometteur et une
affaire dont j'ai du mal à percevoir l'urgence, la pénalisation du
génocide est arrivé comme un cheveu sur la soupe, ce qui a prondément
perturbé notre politique étrangère dans la région. Je voudrais savoir
ce que vous en pensez et où en est-on ? ».
Brouahaha et rires contenus dans salle. Un ange passe avant qu'Alain
Juppé ne prenne la parole : « Je me réfère beaucoup à Jean-Pierre
Chevènement par les temps qui courent. Il a dit un jour: un Ministre
ça ferme sa gueule où ça s'en va, je vous laisse le soin d'interpréter
les conditions d'application de cette maxime au cas particulier. Je ne
vais pas biaiser avec tout ça, tout le monde connaît mon point de vue
sur le sujet. J'étais dans mon rôle en signalant les inconvénients, le
mot est faible, qu'une telle initiative pouvait avoir dans la région.
Je ne reviens pas là dessus. Il faut maintenant gérer la situation
dans la région. Et ça n'est pas fini. Il y aura une deuxième vague au
Sénat. Nos amis turcs ont réagi comme il fallait s'y attendre. Je leur
avais demandé de ne pas sur réagir, ils ont sur réagi. Je le dis en
toute sérénité. Le rôle des diplomates c'est de recoller les morceaux
quand il y a de la vaisselle cassée. C'est ce que j'essaye de faire ».
Le responsable du quai d'Orsay multiplie alors les exemples d'échanges
économiques ou universitaires franco-turcs : « On va essayer de faire
en sorte que nos relations avec la Turquie s'apaisent » lche-t-il, un
peu dépité, en conclusion, de son propos.
Un concours de génocides pour récupérer les voix des arméniens
Si Alain Juppé se réfère à Jean-Pierre Chevènement, il n'en tire pas
les mêmes conclusions. En 1983, alors Ministre de la Recherche,
Chevènement avait quitté ses fonctions. Juppé fermera sa gueule
préférant avaler la couleuvre des lois mémorielles et louvoyer lors de
ses prises de paroles publiques.
Selon Le Canard Enchainé du 21 décembre 2011, en conseil des
ministres, Juppé avait pourtant prévenu Sarkozy des dégts
diplomatiques et économiques que causerait le vote d'un tel texte.
« Je me dois de dire que si ce texte devait passer, ce ne serait pas
sans conséquences économiques et diplomatiques avec les Turcs. Il ne
faut pas oublier que les Turcs viennent de commander 100 Airbus ,
qu'il y a 1000 entreprises françaises en Turquie dont Axa. J'aurai
prévenu tout le monde sur les graves conséquences que cela peut avoir.
Personne ne pourra dire qu'il n'avait pas été informé ».
Juppé abandonnera tout langage diplomatique face à ses collaborateurs
: « Cette proposition de loi est intellectuellement, économiquement et
diplomatiquement une connerie sans nom. On n'a pas à se lancer dans un
concours des génocides. Tout ça pour tenter de récupérer les voix des
Français d'origine arménienne. C'est ridicule ! ».
Tout à ses préoccupations électoralistes, Sarkozy n'en tiendra aucun compte.
A peine rentré à Paris la semaine dernière, l'ambassadeur de Turquie
devra affronter le vote du Sénat qui devrait examiner le texte avant
la fin du mois de janvier. Outre des constitutionnalistes, seront
entendus des responsables d'organisations arméniennes et turques en
France ainsi que les ambassadeurs des deux pays à Paris.
http://www.marianne2.fr/Genocide-armenien-pourquoi-Juppe-a-t-il-ferme-sa-gueule_a214395.html?com
From: A. Papazian