Le Figaro , France
15 janvier 2012
Mort de Rosy Varte, la célèbre Maguy
Rosy Varte, comédienne devenue célèbre grce au feuilleton télévisé
Maguy dans les années 1980, est décédée, dimanche à Neuilly-sur-Seine,
à l'ge de 84 ans.
Elle se nommait Nevarte Manouélian. Elle était née le 22 novembre 1927
à Istanbul, en Turquie. Son nom le dit: elle était d'origine
arménienne. Elle s'est éteinte dimanche, à Neuilly.
Une grande dame, simple, fine et populaire, qui était devenue célèbre
grce à la télévision et à ce feuilleton Maguy dont elle a tourné pas
moins de 333 épisodes entre 1984 et 1992, assez étonnée de voir la
notoriété fondre sur elle à près de soixante ans... Tous les dimanches
soir, sur Antenne 2, vingt-cinq minutes durant, le public suivait ses
aventures. À ses côtés, bonhomme et délicieux, Jean-Marc Thibault. En
1987, c'est Alice Sapritch, comme elle d'origine arménienne et passée
par la Turquie, qui lui remit un sept d'or pour ce rôle qui la
consacra vedette populaire.
Cette femme fine, rousse flamboyante, était d'une jeunesse
éblouissante ; son visage architecturé fermement lui apportait une
autorité certaine. Elle donnait le sentiment, jusqu'à la fin de sa
vie, d'avoir vingt ans de moins que son ge réel... La télévision lui a
offert de très grands rôles en dehors de la populaire Maguy. Elle aura
été une figure lumineuse du «Thétre pour la jeunesse», de Clau - de
Santelli, et de l'émission qui, après avoir été tant méprisée par les
intellectuels, est devenue culte pour tout le monde: «Au Thétre ce
soir».
Une époustouflante mère Ubu
Elle tourna également énormément pour d'autres séries dans le cadre de
ce Petit thétre d'Antenne 2 auquel appartenait Maguy. Elle était
d'une époque de dramatiqueset l'on ne peut l'oublier dansMadame
Filoumé, le film de Jeannette Hubert. Elle était l'épouse de Pierre
Badel, et sa muse: elle l'inspirait et, ensemble, ils ont fait
beaucoup pour une télévision de grande qualité:Le Tribunal de
l'impossiblenotamment ou encore Histoires étranges. Plus tard, elle
travailla avec Jean-Dominique de La Rochefoucauld, Luc Béraud dans des
productions de haute qualité, toujours à la télévision.
Rosy Varte avait fait ses classes, comme tous les grands de sa
génération, entre le cabaret et le Thétre national populaire de Jean
Vilar.La Rose rouge avec Yves Robert la conduit naturellement à la
compagnie Grenier-Hussenot, la grande troupe de l'époque et la
pépinière de tous les grands des années 1950. Elle joue notamment dans
Liliom, de Ferenc Molnar, et dans une adaptation mémorable des Trois
Mousquetaires. Ensuite, en toute logique, elle intègre la compagnie
Jacques Fabbri. Vilar l'a repérée et elle sera l'époustouflante mère
Ubu dans Ubu roi au côté de Georges Wilson. Son «emploi» comme on dit
à l'époque est très large. Elle est ravissante, vive, et elle est
capable de jouer les femmes du peuple comme les aristocrates.
Dès ses débuts, elle tourne également pour le cinéma avec
Henri-Georges Clouzot dans Manon, en 1948. Elle apparaît dans French
Cancan de Jean Renoir. Puis travaille sous la direction d'Yves Robert,
Robert Hossein, Pierre Kast, Alex Joffé, Philippe de Broca, mais
aussi, bien sûr, avec Édouard Molinaro, Jacques Deray, Franju, Jean
Delannoy, Claude Sautet, Georges Lautner, Henri Verneuil et tant
d'autres. François Truffaut l'aimait beaucoup et elle est la mère de
Colette dans tout le cycle Antoine Doinel.
Des registres très différents
Mais c'est le thétre qui était son univers et l'on n'a pas oublié,
parmi les dernières grandes dates de son parcours, la recréation deLa
Mamma d'André Roussin, en 1997, dans une mise en scène de Stéphane
Hillel. Elle succédait à Popesco avec flamme. Elle fut aussi la
créatrice de Raymond Queneau (Loin de Rueil), René de Obaldia (Les
Bons Bourgeois, Et à la fin était le bang) et fut également
pensionnaire à la Comédie-Française.
La force de Rosy Varte? Elle n'appartient à aucun clan et son talent
est très large et moiré. Elle était époustouflante dans le comique
mais était capable de jouer dans des registres très différents, plus
graves, voire tragiques. Elle a créé au Français Amorphe d'Ottenburg,
de Jean-Claude Grumberg, et a aussi été une sublime Jocaste dans ?dipe
roi de Sophocle.
Elle était une femme d'une intelligence rayonnante. Jamais fatiguée,
toujours souriante, ne faisant jamais peser sur l'autre ses soucis.
Une femme généreuse, drôle et très pudique. Rosy Varte. Elle avait un
nom léger, un nom d'opérette. Quand on pense à elle, on pense à des
chansons belles et mélancoliques. Elle, elle n'avait jamais oublié la
petite Arménienne prise dans les orages du destin, de la grande
Histoire. Elle disait qu'elle avait de la chance et prenait chaque
jour comme un cadeau du ciel. Adieu jolie Rosy.
http://www.lefigaro.fr/theatre/2012/01/15/03003-20120115ARTFIG00141-mort-de-rosy-varte-la-celebre-maguy.php
15 janvier 2012
Mort de Rosy Varte, la célèbre Maguy
Rosy Varte, comédienne devenue célèbre grce au feuilleton télévisé
Maguy dans les années 1980, est décédée, dimanche à Neuilly-sur-Seine,
à l'ge de 84 ans.
Elle se nommait Nevarte Manouélian. Elle était née le 22 novembre 1927
à Istanbul, en Turquie. Son nom le dit: elle était d'origine
arménienne. Elle s'est éteinte dimanche, à Neuilly.
Une grande dame, simple, fine et populaire, qui était devenue célèbre
grce à la télévision et à ce feuilleton Maguy dont elle a tourné pas
moins de 333 épisodes entre 1984 et 1992, assez étonnée de voir la
notoriété fondre sur elle à près de soixante ans... Tous les dimanches
soir, sur Antenne 2, vingt-cinq minutes durant, le public suivait ses
aventures. À ses côtés, bonhomme et délicieux, Jean-Marc Thibault. En
1987, c'est Alice Sapritch, comme elle d'origine arménienne et passée
par la Turquie, qui lui remit un sept d'or pour ce rôle qui la
consacra vedette populaire.
Cette femme fine, rousse flamboyante, était d'une jeunesse
éblouissante ; son visage architecturé fermement lui apportait une
autorité certaine. Elle donnait le sentiment, jusqu'à la fin de sa
vie, d'avoir vingt ans de moins que son ge réel... La télévision lui a
offert de très grands rôles en dehors de la populaire Maguy. Elle aura
été une figure lumineuse du «Thétre pour la jeunesse», de Clau - de
Santelli, et de l'émission qui, après avoir été tant méprisée par les
intellectuels, est devenue culte pour tout le monde: «Au Thétre ce
soir».
Une époustouflante mère Ubu
Elle tourna également énormément pour d'autres séries dans le cadre de
ce Petit thétre d'Antenne 2 auquel appartenait Maguy. Elle était
d'une époque de dramatiqueset l'on ne peut l'oublier dansMadame
Filoumé, le film de Jeannette Hubert. Elle était l'épouse de Pierre
Badel, et sa muse: elle l'inspirait et, ensemble, ils ont fait
beaucoup pour une télévision de grande qualité:Le Tribunal de
l'impossiblenotamment ou encore Histoires étranges. Plus tard, elle
travailla avec Jean-Dominique de La Rochefoucauld, Luc Béraud dans des
productions de haute qualité, toujours à la télévision.
Rosy Varte avait fait ses classes, comme tous les grands de sa
génération, entre le cabaret et le Thétre national populaire de Jean
Vilar.La Rose rouge avec Yves Robert la conduit naturellement à la
compagnie Grenier-Hussenot, la grande troupe de l'époque et la
pépinière de tous les grands des années 1950. Elle joue notamment dans
Liliom, de Ferenc Molnar, et dans une adaptation mémorable des Trois
Mousquetaires. Ensuite, en toute logique, elle intègre la compagnie
Jacques Fabbri. Vilar l'a repérée et elle sera l'époustouflante mère
Ubu dans Ubu roi au côté de Georges Wilson. Son «emploi» comme on dit
à l'époque est très large. Elle est ravissante, vive, et elle est
capable de jouer les femmes du peuple comme les aristocrates.
Dès ses débuts, elle tourne également pour le cinéma avec
Henri-Georges Clouzot dans Manon, en 1948. Elle apparaît dans French
Cancan de Jean Renoir. Puis travaille sous la direction d'Yves Robert,
Robert Hossein, Pierre Kast, Alex Joffé, Philippe de Broca, mais
aussi, bien sûr, avec Édouard Molinaro, Jacques Deray, Franju, Jean
Delannoy, Claude Sautet, Georges Lautner, Henri Verneuil et tant
d'autres. François Truffaut l'aimait beaucoup et elle est la mère de
Colette dans tout le cycle Antoine Doinel.
Des registres très différents
Mais c'est le thétre qui était son univers et l'on n'a pas oublié,
parmi les dernières grandes dates de son parcours, la recréation deLa
Mamma d'André Roussin, en 1997, dans une mise en scène de Stéphane
Hillel. Elle succédait à Popesco avec flamme. Elle fut aussi la
créatrice de Raymond Queneau (Loin de Rueil), René de Obaldia (Les
Bons Bourgeois, Et à la fin était le bang) et fut également
pensionnaire à la Comédie-Française.
La force de Rosy Varte? Elle n'appartient à aucun clan et son talent
est très large et moiré. Elle était époustouflante dans le comique
mais était capable de jouer dans des registres très différents, plus
graves, voire tragiques. Elle a créé au Français Amorphe d'Ottenburg,
de Jean-Claude Grumberg, et a aussi été une sublime Jocaste dans ?dipe
roi de Sophocle.
Elle était une femme d'une intelligence rayonnante. Jamais fatiguée,
toujours souriante, ne faisant jamais peser sur l'autre ses soucis.
Une femme généreuse, drôle et très pudique. Rosy Varte. Elle avait un
nom léger, un nom d'opérette. Quand on pense à elle, on pense à des
chansons belles et mélancoliques. Elle, elle n'avait jamais oublié la
petite Arménienne prise dans les orages du destin, de la grande
Histoire. Elle disait qu'elle avait de la chance et prenait chaque
jour comme un cadeau du ciel. Adieu jolie Rosy.
http://www.lefigaro.fr/theatre/2012/01/15/03003-20120115ARTFIG00141-mort-de-rosy-varte-la-celebre-maguy.php