Canal Académie
22 janvier 2012
François Terré, de l'Académie des sciences morales et politiques : la
question du génocide
Le juriste s'interroge sur la résurgence du délit d'opinion...
L'émission « Point de vue » permet à un académicien de donner son
analyse personnelle sur un fait d'actualité. Le juriste François
Terré, de l'Académie des Sciences morales et politiques, réagit à la
proposition de loi votée le 22 décembre 2011 interdisant toute
négation publique d'un génocide, dont celui des Arméniens en 1915. Il
rappelle la définition d'un génocide, s'inquiète des lois dites
mémorielles et s'interroge sur les liens entre le Droit et l'Histoire.
François Terré, juriste, professeur émérite de l'université de droit
Paris II Panthéon-Assas, préside l'Association française de
philosophie du droit depuis 1983 et dirige les Archives de philosophie
du droit depuis cette même année.
« Tout d'abord, précise François Terré, le terme « génocide » est
souvent employé à tort et à travers. On l'utilise d'ailleurs seulement
depuis les années 30. Or, selon le dictionnaire de l'Académie
française, qui précise que le mot vient de "genos" (la naissance, la
race) et de "caedere" (tuer), le mot « génocide » signifie la
destruction d'une population pour des raisons tenant à la race. Ce fut
le cas pour les Juifs et les Tziganes à l'époque nazie.
Les lois mémorielles entendent réécrire l'Histoire en en donnant une
ré-interprétation alors que cela relève de la compétence des
historiens.
S'agissant du passé, est-il opportun que le législateur vienne donner
son avis et le sanctionner pénalement ?
Cette proposition de loi votée le 22 décembre 2011 ne tend pas
simplement à combattre le négationnisme de certains génocides, mais
elle va au-delà et prévoit des sanctions pénales (un an de prison et
45.000 euros d'amende possibles) contre ceux qui auront pu minimiser
-et non pas seulement nier- le « génocide arménien ».
Toutes ces persécutions -génocides ou massacres- commises dans le
passé sont horribles, c'est évident. Comprenons-nous bien, ces tueries
sont odieuses.
Mais de là à demander au Droit et à l'Histoire de venir appuyer des
dispositions consistant à sanctionner pénalement la liberté d'opinion,
de pensée, d'expression, c'est insupportable !
C'est la négation de la Révolution de 1789 qui avait justement
combattu la censure et proclamé la liberté d'opinion et même celle de
la presse.
C'est, aussi, la négation de la liberté de la recherche historique.
Qu'on laisse tranquilles les historiens ! Je crois que, tous bords
politiques confondus, les historiens et les juristes sont totalement
en accord avec ce que je dis en tant que juriste en difficulté »
Le Sénat français réexaminera cette proposition de loi le 23 janvier 2012.
http://www.canalacademie.com/ida8338-Francois-Terre-de-l-Academie-des-sciences-morales-et-politiques-la-question-du-genocide.html
22 janvier 2012
François Terré, de l'Académie des sciences morales et politiques : la
question du génocide
Le juriste s'interroge sur la résurgence du délit d'opinion...
L'émission « Point de vue » permet à un académicien de donner son
analyse personnelle sur un fait d'actualité. Le juriste François
Terré, de l'Académie des Sciences morales et politiques, réagit à la
proposition de loi votée le 22 décembre 2011 interdisant toute
négation publique d'un génocide, dont celui des Arméniens en 1915. Il
rappelle la définition d'un génocide, s'inquiète des lois dites
mémorielles et s'interroge sur les liens entre le Droit et l'Histoire.
François Terré, juriste, professeur émérite de l'université de droit
Paris II Panthéon-Assas, préside l'Association française de
philosophie du droit depuis 1983 et dirige les Archives de philosophie
du droit depuis cette même année.
« Tout d'abord, précise François Terré, le terme « génocide » est
souvent employé à tort et à travers. On l'utilise d'ailleurs seulement
depuis les années 30. Or, selon le dictionnaire de l'Académie
française, qui précise que le mot vient de "genos" (la naissance, la
race) et de "caedere" (tuer), le mot « génocide » signifie la
destruction d'une population pour des raisons tenant à la race. Ce fut
le cas pour les Juifs et les Tziganes à l'époque nazie.
Les lois mémorielles entendent réécrire l'Histoire en en donnant une
ré-interprétation alors que cela relève de la compétence des
historiens.
S'agissant du passé, est-il opportun que le législateur vienne donner
son avis et le sanctionner pénalement ?
Cette proposition de loi votée le 22 décembre 2011 ne tend pas
simplement à combattre le négationnisme de certains génocides, mais
elle va au-delà et prévoit des sanctions pénales (un an de prison et
45.000 euros d'amende possibles) contre ceux qui auront pu minimiser
-et non pas seulement nier- le « génocide arménien ».
Toutes ces persécutions -génocides ou massacres- commises dans le
passé sont horribles, c'est évident. Comprenons-nous bien, ces tueries
sont odieuses.
Mais de là à demander au Droit et à l'Histoire de venir appuyer des
dispositions consistant à sanctionner pénalement la liberté d'opinion,
de pensée, d'expression, c'est insupportable !
C'est la négation de la Révolution de 1789 qui avait justement
combattu la censure et proclamé la liberté d'opinion et même celle de
la presse.
C'est, aussi, la négation de la liberté de la recherche historique.
Qu'on laisse tranquilles les historiens ! Je crois que, tous bords
politiques confondus, les historiens et les juristes sont totalement
en accord avec ce que je dis en tant que juriste en difficulté »
Le Sénat français réexaminera cette proposition de loi le 23 janvier 2012.
http://www.canalacademie.com/ida8338-Francois-Terre-de-l-Academie-des-sciences-morales-et-politiques-la-question-du-genocide.html