classiquenews.com
22 janvier 2012
Mikhail Simonyan, violon. Two Souls. Khatchuturian, Barber
LSO. Kristjan Järvi, direction (1 cd Deutsche Grammophon)
Le premier disque de Mikhail Simonyan (né à Novosibirsk en 1985)
creuse le sillon des origines et des sources identitaires, entre
Russie et USA (entre Khatchaturian et Barber ici joué en dialogue
comme les deux facettes d'un miroir personnel). Sa mère est arménienne
et Mikhail Simoyan a étudié jusqu'en 2004, à l'Institut Curtis de
Philadelphie ; le programme de ce premier cd est comme une carte de
présentation, celle d'un violoniste dont la sensibilité et l'éthique
musicale se hisse dans l'art de ses aînés et compatriotes, Maxim
Vengorov et Vadim Repin, filiation prometteuse, originaire de
Novosibirsk. Ce n'est pas tant dans le Concerto de Khatchaturian qui
fut l'ami de son père, que dans celui de Barber où se dévoile toute la
richesse musicienne du jeune violoniste russe.
Mikhail Simoyan, de Novosibirsk
Le Concerto pour violon de Samuel Barber composé en 1940 est l'un des
plus intéressants Concerto du XXè; injustement méconnu comme beaucoup
d'oeuvres modernes dont l'heure viendra inéluctablement surtout si les
interprètes savent le repérer et le défendre avec la sensibilité
requise. Barber l'appelait son concerto da sapone, référence à
l'activité du riche industriel de Philadephie, Samuel Fels, qui avait
fait fortune dans le savon... et en passa commande pour son fils
adoptif, le jeune violoniste russe Iso Briselli (élève au Curtis
Institute)...
C'est l'époque où l'Europe plonge dans l'horreur de la guerre; Barber
en villégiature sur le vieux continent avec son compagnon GianCarlo
Menotti sont surpris par l'invasion de la Pologne quand le compositeur
reçoit la commande du Concerto. La composition est emportée par un
sentiment d'urgence car les conditions pour livrer sa partition ne
sont pas idéales du moins sereines: d'autant que le Philharmonique de
Philadelphie et son chef Eugène Ormandy ont confirmé la création du
Concerto pour violon en janvier 1940... A la livraison, Briselli se
désengagea du projet sous des motifs encore imprécis. Le Concerto fut
néanmoins créé en février 1941 à Philadelphie, avec Albert Spalding,
sous la baguette d'un Ormandy, certainement dépassé par l'intensité
suractive de l'orchestration, en particulier dans le 3è mouvement (il
demanda à Barber de l'alléger).
D'emblée, la tendresse allante du premier mouvement (sol majeur)
portée le tissu très lyrique de l'orchestre inspire au violoniste et
au chef une complicité intérieure d'un allant irrésistible.
La sensibilité de Mikhail Simonyan se dévoile dans l'Andante (mi
majeur) qui joue sur les couleurs mordorés, cuivrés, chaudes et
parfois martiales de l'orchestration (cor, flûte...). L'orchestre
réalise un tapis somptueusement coloré pour le chant du violon d'une
ivresse solaire (rhapsodique) et amère à la fois, tendre et
nostalgique... en cela toujours proche du chant; le violoniste sait
exprimer toute l'humanité d'une section qui touche par sa simplicité,
sa sincérité. La partition n'est jamais absente d'une certaine tension
inquiète, ressentiment nouveau dans l'écriture du Barber trentenaire.
Mais le violoniste sait en sertir avec une intériorité mesurée le
climat de nimbe suspendu, même de rêverie éveillée.
Le dernier mouvement en forme de perpétuel frémissant (d'une
accentuation percussive et nerveuse, même frénétique... en écho aux
événements européens contemporains?) est joué ici avec une retenue et
un tempo moins nettement rapide (comme c'est l'usage) afin de déployer
une coloration américaine explicitement populaire dans le jeu
violonistique, comme le précise Mikhail Simonyan... La tenue d'archet
doit être souple et précise, d'une suractivité quasi martelé,
entêtante, fougueuse (suite de triolets puis retour du violon en
doubles croches presque acides)... le geste de l'orchestre est aussi
délicate que la prestation soliste (traits incisifs et conclusifs des
cuivres entre autres). Le chef sait tendre l'action flamboyante de ce
volet tout en restant soucieux des timbres. C'est l'une des partitions
les plus intenses et protéiformes de Barber, doué d'un talent
admirable des coupes rythmiques à la Prokofiev. Saluons le jeune
violoniste de nous en offrir une version aussi inspirée. Reste à
découvrir le virtuose en concert: un tournée internationale en
Turquie, aux USA mais aussi en Arménie, sa patrie, en Croate et
jusqu'au Danemark en passant par l'Allemagne; hélas pas encore de
dates françaises. On les guette déjà avec impatience.
Two souls. Mikhail Simonyan, violon. Aram Khatchaturian, Samuel
Barber: Concertos pour violon et orchestre. London symphony orchestra.
Kristjan Järvi, direction. 1 cd Deutsche Grammophon ref 00289 477
9827. Enregistré à Londres en juin 2011. Parution: le 23 janvier
2011.
http://www.classiquenews.com/ecouter/lire_article.aspx?article=5340&identifiant12122SUJ Z81L387YNS11RMB5TM3PTT
From: Baghdasarian
22 janvier 2012
Mikhail Simonyan, violon. Two Souls. Khatchuturian, Barber
LSO. Kristjan Järvi, direction (1 cd Deutsche Grammophon)
Le premier disque de Mikhail Simonyan (né à Novosibirsk en 1985)
creuse le sillon des origines et des sources identitaires, entre
Russie et USA (entre Khatchaturian et Barber ici joué en dialogue
comme les deux facettes d'un miroir personnel). Sa mère est arménienne
et Mikhail Simoyan a étudié jusqu'en 2004, à l'Institut Curtis de
Philadelphie ; le programme de ce premier cd est comme une carte de
présentation, celle d'un violoniste dont la sensibilité et l'éthique
musicale se hisse dans l'art de ses aînés et compatriotes, Maxim
Vengorov et Vadim Repin, filiation prometteuse, originaire de
Novosibirsk. Ce n'est pas tant dans le Concerto de Khatchaturian qui
fut l'ami de son père, que dans celui de Barber où se dévoile toute la
richesse musicienne du jeune violoniste russe.
Mikhail Simoyan, de Novosibirsk
Le Concerto pour violon de Samuel Barber composé en 1940 est l'un des
plus intéressants Concerto du XXè; injustement méconnu comme beaucoup
d'oeuvres modernes dont l'heure viendra inéluctablement surtout si les
interprètes savent le repérer et le défendre avec la sensibilité
requise. Barber l'appelait son concerto da sapone, référence à
l'activité du riche industriel de Philadephie, Samuel Fels, qui avait
fait fortune dans le savon... et en passa commande pour son fils
adoptif, le jeune violoniste russe Iso Briselli (élève au Curtis
Institute)...
C'est l'époque où l'Europe plonge dans l'horreur de la guerre; Barber
en villégiature sur le vieux continent avec son compagnon GianCarlo
Menotti sont surpris par l'invasion de la Pologne quand le compositeur
reçoit la commande du Concerto. La composition est emportée par un
sentiment d'urgence car les conditions pour livrer sa partition ne
sont pas idéales du moins sereines: d'autant que le Philharmonique de
Philadelphie et son chef Eugène Ormandy ont confirmé la création du
Concerto pour violon en janvier 1940... A la livraison, Briselli se
désengagea du projet sous des motifs encore imprécis. Le Concerto fut
néanmoins créé en février 1941 à Philadelphie, avec Albert Spalding,
sous la baguette d'un Ormandy, certainement dépassé par l'intensité
suractive de l'orchestration, en particulier dans le 3è mouvement (il
demanda à Barber de l'alléger).
D'emblée, la tendresse allante du premier mouvement (sol majeur)
portée le tissu très lyrique de l'orchestre inspire au violoniste et
au chef une complicité intérieure d'un allant irrésistible.
La sensibilité de Mikhail Simonyan se dévoile dans l'Andante (mi
majeur) qui joue sur les couleurs mordorés, cuivrés, chaudes et
parfois martiales de l'orchestration (cor, flûte...). L'orchestre
réalise un tapis somptueusement coloré pour le chant du violon d'une
ivresse solaire (rhapsodique) et amère à la fois, tendre et
nostalgique... en cela toujours proche du chant; le violoniste sait
exprimer toute l'humanité d'une section qui touche par sa simplicité,
sa sincérité. La partition n'est jamais absente d'une certaine tension
inquiète, ressentiment nouveau dans l'écriture du Barber trentenaire.
Mais le violoniste sait en sertir avec une intériorité mesurée le
climat de nimbe suspendu, même de rêverie éveillée.
Le dernier mouvement en forme de perpétuel frémissant (d'une
accentuation percussive et nerveuse, même frénétique... en écho aux
événements européens contemporains?) est joué ici avec une retenue et
un tempo moins nettement rapide (comme c'est l'usage) afin de déployer
une coloration américaine explicitement populaire dans le jeu
violonistique, comme le précise Mikhail Simonyan... La tenue d'archet
doit être souple et précise, d'une suractivité quasi martelé,
entêtante, fougueuse (suite de triolets puis retour du violon en
doubles croches presque acides)... le geste de l'orchestre est aussi
délicate que la prestation soliste (traits incisifs et conclusifs des
cuivres entre autres). Le chef sait tendre l'action flamboyante de ce
volet tout en restant soucieux des timbres. C'est l'une des partitions
les plus intenses et protéiformes de Barber, doué d'un talent
admirable des coupes rythmiques à la Prokofiev. Saluons le jeune
violoniste de nous en offrir une version aussi inspirée. Reste à
découvrir le virtuose en concert: un tournée internationale en
Turquie, aux USA mais aussi en Arménie, sa patrie, en Croate et
jusqu'au Danemark en passant par l'Allemagne; hélas pas encore de
dates françaises. On les guette déjà avec impatience.
Two souls. Mikhail Simonyan, violon. Aram Khatchaturian, Samuel
Barber: Concertos pour violon et orchestre. London symphony orchestra.
Kristjan Järvi, direction. 1 cd Deutsche Grammophon ref 00289 477
9827. Enregistré à Londres en juin 2011. Parution: le 23 janvier
2011.
http://www.classiquenews.com/ecouter/lire_article.aspx?article=5340&identifiant12122SUJ Z81L387YNS11RMB5TM3PTT
From: Baghdasarian