GENOCIDE: LES ARMENIENS D'ISTANBUL DUBITATIFS SUR LA LOI
Par Laure Marchand
Le Figaro
http://www.lefigaro.fr/politique/2012/01/23/01002-20120123ARTFIG00698-genocide-les-armeniens-d-istanbul-dubitatifs-sur-la-loi.php
24 janvier 2012
France
L'adoption par le Parlement francais de la proposition de loi sur
la negation du genocide armenien suscite la colère des Turcs, les
Armeniens du pays prefèrent se taire.
Confrontes a un deferlement negationniste dans les medias depuis que
les deputes francais ont vote en première lecture, le 22 decembre,
la loi sanctionnant la negation des genocides, les 60.000 Armeniens
de Turquie adoptent un profil bas. En un siècle d'hostilite de la
Republique turque a l'egard de leur minorite, ils ont appris a faire
de la discretion une de leur vertu cardinale. "La loi en France a pour
consequence de braquer les projecteurs sur nous, le "bon" Armenien
qui sera contre le texte est recherche, ressent Sibil Cekmen, une
jeune cineaste stambouliote. La communaute prefère ne pas s'exprimer,
rester dans l'ombre en attendant que ca passe."
Seuls les militants armeniens engages dans la reconnaissance du
genocide donnent spontanement leur avis. "Au fond d'eux, les Armeniens
sont heureux de cette loi. Mais ils se taisent, a cause de la peur",
souligne Robert Koptas, le redacteur en chef d'Agos, le journal
fonde par Hrant Dink, journaliste armenien assassine le 19 janvier
2007 a Istanbul. Les rares paroles officielles sont calquees sur le
discours d'Ankara. Comme en temoigne le commentaire precautionneux
d'Aram Atesyan, patriarche par interim: "Nous sommes en faveur de
la resolution de nos problèmes dans notre propre pays. Les tierces
personnes doivent rester en dehors de cette question."
Negationnisme de bonne foi L'impact de l'initiative francaise sur le
negationnisme en Turquie est largement discute. "D'un point de vue
europeen, sa penalisation a un sens car elle est liee a la notion de
democratie, pense Etyen Mahcupyan, intellectuel armenien. Mais si les
gens ignorent l'Histoire, la punition est absurde. Elle n'a de sens que
si le negationnisme est commis en connaissance de cause." Les ecoliers
turcs apprennent encore dans les manuels d'histoire que ce sont les
Armeniens qui les ont massacres. De bonne foi, une proportion non
negligeable de la population ignore aujourd'hui ce qu'il s'est passe
pendant la Première Guerre mondiale. "Avec cette loi, des citoyens
turcs, mal eduques, pourront etre condamnes en France mais l'Etat turc,
dont l'ideologie est toujours negationniste, ne sera pas touche",
critique Robert Koptas.
La parodie de justice qui a clos, mardi, le procès des meurtriers
presumes de Hrant Dink, qui a paye de sa vie son engagement pour la
verite historique, est revelatrice de la persistance de l'attitude de
l'Etat. Un seul prevenu, sur 18, a ete reconnu complice d'Ogun Samast,
mineur au moment des faits, qui a abattu le journaliste de deux balles
dans la tete et a ete condamne a 23 ans de prison en juillet dernier.
Malgre les responsabilites au sein des services de securite de l'Etat
pointees par les parties civiles, le juge a ecarte l'existence d'un
complot.
Pour les 20.000 manifestants qui ont defile jeudi a Istanbul en
reclamant justice pour Hrant Dink, ce verdict s'inscrit dans le deni
de l'histoire. "La priorite est ce qu'il se passe dans mon pays,
je veux juste pouvoir faire enfin mon deuil, conclut Sibil Cekmen.
J'espère que cette loi, a long terme, exercera tout de meme une
pression en Turquie, sinon, elle ne servira vraiment a rien."
From: Baghdasarian
Par Laure Marchand
Le Figaro
http://www.lefigaro.fr/politique/2012/01/23/01002-20120123ARTFIG00698-genocide-les-armeniens-d-istanbul-dubitatifs-sur-la-loi.php
24 janvier 2012
France
L'adoption par le Parlement francais de la proposition de loi sur
la negation du genocide armenien suscite la colère des Turcs, les
Armeniens du pays prefèrent se taire.
Confrontes a un deferlement negationniste dans les medias depuis que
les deputes francais ont vote en première lecture, le 22 decembre,
la loi sanctionnant la negation des genocides, les 60.000 Armeniens
de Turquie adoptent un profil bas. En un siècle d'hostilite de la
Republique turque a l'egard de leur minorite, ils ont appris a faire
de la discretion une de leur vertu cardinale. "La loi en France a pour
consequence de braquer les projecteurs sur nous, le "bon" Armenien
qui sera contre le texte est recherche, ressent Sibil Cekmen, une
jeune cineaste stambouliote. La communaute prefère ne pas s'exprimer,
rester dans l'ombre en attendant que ca passe."
Seuls les militants armeniens engages dans la reconnaissance du
genocide donnent spontanement leur avis. "Au fond d'eux, les Armeniens
sont heureux de cette loi. Mais ils se taisent, a cause de la peur",
souligne Robert Koptas, le redacteur en chef d'Agos, le journal
fonde par Hrant Dink, journaliste armenien assassine le 19 janvier
2007 a Istanbul. Les rares paroles officielles sont calquees sur le
discours d'Ankara. Comme en temoigne le commentaire precautionneux
d'Aram Atesyan, patriarche par interim: "Nous sommes en faveur de
la resolution de nos problèmes dans notre propre pays. Les tierces
personnes doivent rester en dehors de cette question."
Negationnisme de bonne foi L'impact de l'initiative francaise sur le
negationnisme en Turquie est largement discute. "D'un point de vue
europeen, sa penalisation a un sens car elle est liee a la notion de
democratie, pense Etyen Mahcupyan, intellectuel armenien. Mais si les
gens ignorent l'Histoire, la punition est absurde. Elle n'a de sens que
si le negationnisme est commis en connaissance de cause." Les ecoliers
turcs apprennent encore dans les manuels d'histoire que ce sont les
Armeniens qui les ont massacres. De bonne foi, une proportion non
negligeable de la population ignore aujourd'hui ce qu'il s'est passe
pendant la Première Guerre mondiale. "Avec cette loi, des citoyens
turcs, mal eduques, pourront etre condamnes en France mais l'Etat turc,
dont l'ideologie est toujours negationniste, ne sera pas touche",
critique Robert Koptas.
La parodie de justice qui a clos, mardi, le procès des meurtriers
presumes de Hrant Dink, qui a paye de sa vie son engagement pour la
verite historique, est revelatrice de la persistance de l'attitude de
l'Etat. Un seul prevenu, sur 18, a ete reconnu complice d'Ogun Samast,
mineur au moment des faits, qui a abattu le journaliste de deux balles
dans la tete et a ete condamne a 23 ans de prison en juillet dernier.
Malgre les responsabilites au sein des services de securite de l'Etat
pointees par les parties civiles, le juge a ecarte l'existence d'un
complot.
Pour les 20.000 manifestants qui ont defile jeudi a Istanbul en
reclamant justice pour Hrant Dink, ce verdict s'inscrit dans le deni
de l'histoire. "La priorite est ce qu'il se passe dans mon pays,
je veux juste pouvoir faire enfin mon deuil, conclut Sibil Cekmen.
J'espère que cette loi, a long terme, exercera tout de meme une
pression en Turquie, sinon, elle ne servira vraiment a rien."
From: Baghdasarian