LOI SUR LE GENOCIDE ARMENIEN : " ERDOGAN ATTEND LE TROISIEME TOUR DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL "
Stephane
armenews.com
jeudi 26 janvier 2012
InterviewPour Ahmet Insel, professeur a l'universite stambouliote
de Galatasaray, la Turquie espère encore que les Sages ne valideront
pas le texte vote par le Parlement.
Recueilli par Quentin Girard
Ce mardi matin, le Premier ministre Erdogan a juge la loi francaise
sur le genocide armenien " raciste " et " discriminatoire "...
Pour le moment, le Premier ministre a adopte une position moderee
par rapport a ce qui etait attendu. Il juge que cette loi etait
anticonstitutionnelle en France selon l'avis de plusieurs deputes et
senateurs. Il a dit : " Notre patience continue, le processus n'est
pas termine et il faut attendre. " Pour Erdogan, la saisie du Conseil
constitutionnel, evoque par le depute UMP Jacques Myard, est devenu
reellement l'equivalent d'un troisième tour.
Espère-t-il encore dans le jeu du lobbying ?
Exactement. C'est l'apparition du Conseil constitutionnel comme
perspective qui fait que je ne pense pas que la Turquie executera
ses menaces a court terme.
La presse turque semble elle etre vent debout contre la loi
francaise...
Comme après le vote de l'Assemblee nationale. Ni plus ni moins,
c'est exactement le meme niveau de reactions.
Dirigeons-nous vers une grave crise diplomatique, si le Conseil
constitutionnel n'est pas saisi ou s'il valide la loi ?
La, il y aura des menaces mise en ~\vres de manière substantielle.
Erdogan peut difficilement revenir en arrière par rapport a tous
ses engagements. On a un peu du mal a imaginer ce que cela sera mais
cela peut etre par exemple d'ecarter les entreprises francaises des
marches publics. C'est le plus facile a faire.
Au-dela, il est très difficile de faire un boycott officiel car il y
a tout de meme les règles de l'Organisation mondiale du commerce. Les
relations bilaterales entre la France et la Turquie sont en grande
partie des relations multilaterales, donc les remettre en cause n'est
pas très facile.
En creux de cette loi, y-a-t-il des tensions autour de l'adhesion a
l'Union europeenne ?
Il y a de cela. La question s'est exacerbee autour de la personne de
Nicolas Sarkozy qui s'etait deja prononce contre l'adhesion a l'UE.
Pour la Turquie et Erdogan, le fait que Nicolas Sarkozy soit
directement le maître d'oeuvre de cette loi irrite. Les Turcs voient
des incoherences majeures dans le processus mis en place car ils ont
du mal a comprendre les arcanes, les negociations, les procedures de
l'Assemblee et du Senat et ils jugent que la loi vient d'un forcing
du gouvernement.
Sarkozy est donc vu comme l'instigateur qui agit seul contre l'avis
d'une part significative de l'opinion publique, des juristes, des
historiens et y compris de certains politiques.
La Turquie critique la France, mais elle aussi possède des lois qui
encadrent la parole historique...
Tout a fait, c'est la où on peut mettre en cause la position de
ceux qui manifestent contre la loi en France et qui disent qu'ils
font ca pour defendre la liberte d'expression. J'ai envie de dire :
" D'accord, très bien, mais defendons avant la liberte d'expression
en Turquie qui est bien plus menacee ici qu'en France. "
De votre côte, vous vous etes prononce contre cette loi...
Cette loi est une mauvaise idee pour des questions de principe. Je
suis pour la liberte de l'histoire, je suis oppose a ces lois où le
parlement se substitue aux historiens. La France a deja suffisamment
de lois pour reprimer le racisme et les discours haineux.
En 2008, vous aviez publie une lettre demandant pardon aux Armeniens,
et vous aviez ete beaucoup critique...
La question du genocide armenien touche aux racines de la constitution
de l'Etat turc et relève toutes les questions autour de notre
identite. Nous aurions pu resoudre ce problème dans les annees 20
voire 60 mais 100 ans après, c'est très loin d'etre le cas.
Deuxièmement l'Etat organise la negation de manière systematique
parce que la aussi cela touche directement aux fondements de sa
constitution en 1915. Il y a eu trop de mensonges, trop de silence,
et tous les pays europeens en sont responsables car ils auraient pu
aussi mettre ca sur le tapis il y a bien longtemps. Les reproches
actuelles de la France donnent l'impression aux Turcs qu'il y a une
volonte malveillante de raviver les douleurs refoulees du passe.
http://www.liberation.fr/monde/01012385518-erdogan-attend-le-troisieme-tour-du-conseil-constitutionnel
Stephane
armenews.com
jeudi 26 janvier 2012
InterviewPour Ahmet Insel, professeur a l'universite stambouliote
de Galatasaray, la Turquie espère encore que les Sages ne valideront
pas le texte vote par le Parlement.
Recueilli par Quentin Girard
Ce mardi matin, le Premier ministre Erdogan a juge la loi francaise
sur le genocide armenien " raciste " et " discriminatoire "...
Pour le moment, le Premier ministre a adopte une position moderee
par rapport a ce qui etait attendu. Il juge que cette loi etait
anticonstitutionnelle en France selon l'avis de plusieurs deputes et
senateurs. Il a dit : " Notre patience continue, le processus n'est
pas termine et il faut attendre. " Pour Erdogan, la saisie du Conseil
constitutionnel, evoque par le depute UMP Jacques Myard, est devenu
reellement l'equivalent d'un troisième tour.
Espère-t-il encore dans le jeu du lobbying ?
Exactement. C'est l'apparition du Conseil constitutionnel comme
perspective qui fait que je ne pense pas que la Turquie executera
ses menaces a court terme.
La presse turque semble elle etre vent debout contre la loi
francaise...
Comme après le vote de l'Assemblee nationale. Ni plus ni moins,
c'est exactement le meme niveau de reactions.
Dirigeons-nous vers une grave crise diplomatique, si le Conseil
constitutionnel n'est pas saisi ou s'il valide la loi ?
La, il y aura des menaces mise en ~\vres de manière substantielle.
Erdogan peut difficilement revenir en arrière par rapport a tous
ses engagements. On a un peu du mal a imaginer ce que cela sera mais
cela peut etre par exemple d'ecarter les entreprises francaises des
marches publics. C'est le plus facile a faire.
Au-dela, il est très difficile de faire un boycott officiel car il y
a tout de meme les règles de l'Organisation mondiale du commerce. Les
relations bilaterales entre la France et la Turquie sont en grande
partie des relations multilaterales, donc les remettre en cause n'est
pas très facile.
En creux de cette loi, y-a-t-il des tensions autour de l'adhesion a
l'Union europeenne ?
Il y a de cela. La question s'est exacerbee autour de la personne de
Nicolas Sarkozy qui s'etait deja prononce contre l'adhesion a l'UE.
Pour la Turquie et Erdogan, le fait que Nicolas Sarkozy soit
directement le maître d'oeuvre de cette loi irrite. Les Turcs voient
des incoherences majeures dans le processus mis en place car ils ont
du mal a comprendre les arcanes, les negociations, les procedures de
l'Assemblee et du Senat et ils jugent que la loi vient d'un forcing
du gouvernement.
Sarkozy est donc vu comme l'instigateur qui agit seul contre l'avis
d'une part significative de l'opinion publique, des juristes, des
historiens et y compris de certains politiques.
La Turquie critique la France, mais elle aussi possède des lois qui
encadrent la parole historique...
Tout a fait, c'est la où on peut mettre en cause la position de
ceux qui manifestent contre la loi en France et qui disent qu'ils
font ca pour defendre la liberte d'expression. J'ai envie de dire :
" D'accord, très bien, mais defendons avant la liberte d'expression
en Turquie qui est bien plus menacee ici qu'en France. "
De votre côte, vous vous etes prononce contre cette loi...
Cette loi est une mauvaise idee pour des questions de principe. Je
suis pour la liberte de l'histoire, je suis oppose a ces lois où le
parlement se substitue aux historiens. La France a deja suffisamment
de lois pour reprimer le racisme et les discours haineux.
En 2008, vous aviez publie une lettre demandant pardon aux Armeniens,
et vous aviez ete beaucoup critique...
La question du genocide armenien touche aux racines de la constitution
de l'Etat turc et relève toutes les questions autour de notre
identite. Nous aurions pu resoudre ce problème dans les annees 20
voire 60 mais 100 ans après, c'est très loin d'etre le cas.
Deuxièmement l'Etat organise la negation de manière systematique
parce que la aussi cela touche directement aux fondements de sa
constitution en 1915. Il y a eu trop de mensonges, trop de silence,
et tous les pays europeens en sont responsables car ils auraient pu
aussi mettre ca sur le tapis il y a bien longtemps. Les reproches
actuelles de la France donnent l'impression aux Turcs qu'il y a une
volonte malveillante de raviver les douleurs refoulees du passe.
http://www.liberation.fr/monde/01012385518-erdogan-attend-le-troisieme-tour-du-conseil-constitutionnel