" LE DENTISTE ORIENTAL ", LA PREMIèREOEUVRE ARMéNIENNE DANS UN THéâTRE TURC
Par Anne Andlauer
RFi
http://www.rfi.fr/europe/20120125-le-dentiste-oriental-premiere-oeuvre-armenienne-theatre-turc-Istanbul-Hagop-Baronian-genocide-1915-Engin-Alkan
25 jan 2012
France
A l'heure où la question du génocide mine a la fois les relations
entre l'Arménie et la Turquie, et entre la Turquie et la France,
des artistes turcs aident a briser les tabous de l'Histoire. Le
Théâtre municipal d'Istanbul présente cette saison et entre le 25
et 29 janvier Le dentiste oriental, pièce musicale de l'écrivain
arménien ottoman Hagop Baronian. Ã~Icrite en 1869, c'est la première
pièce arménienne a l'affiche d'un théâtre turc.
Istanbul, la ville où Hagop Baronian arrive plein d'espoirs a 20 ans,
en 1863, et où il meurt sans argent ni reconnaissance a 48 ans, lui
rend un hommage posthume de la plus simple facon qui soit : en portant
l'une de ses pièces sur les planches d'un théâtre public. Simple
et pourtant, cela n'était jamais arrivé, ni a Istanbul, ni ailleurs
en Turquie.
De son vivant, le satiriste arménien subit la censure du pouvoir,
de plus en plus oppressante a partir de 1880. Il meurt en 1891, avant
les premiers massacres d'Arméniens dans l'Empire ottoman et avant le
génocide de 1915. Ces épisodes sanglants sur une terre que Turcs
et Arméniens avaient partagée pendant des siècles légueront aux
oubliettes les Å"uvres de Baronian et celles de beaucoup d'autres.
Â" Il y a encore quelques années, cela aurait fait scandale Â"
Il a fallu que le hasard s'en mêle pour que Engin Alkan, metteur en
scène au théâtre municipal d'Istanbul, découvre dans une revue
l'existence de la pièce Le dentiste oriental. Il a surtout fallu que
les tabous commencent a se fissurer en Turquie, que des artistes et
des intellectuels commencent a remettre en cause l'Histoire officielle,
qui n'a jamais reconnu le génocide de 1915.
Jouer la pièce d'un Arménien, qui plus est sur une scène publique
? Â" Même si nous l'avions voulu, nous n'aurions pas pu le faire il y
a encore quelques années... Cela aurait certainement fait scandale Â",
reconnaît Engin Alkan dans une interview au quotidien turc Hurriyet
Daily News. Mais les temps changent, malgré ce que laisse paraître la
colère du gouvernement turc après le vote au Parlement francais cette
semaine d'une loi pénalisant la négation du génocide arménien.
Succès de la saison au théâtre municipal d'Istanbul
Le colloque sur les Arméniens a l'Université Bilgi d'Istanbul
en 2005, la pétition demandant Â" pardon Â" aux Arméniens de
Turquie en 2008, qui a recu près de 31 000 signatures, la première
commémoration du 24 avril 1915 (date admise de début du génocide)
a Istanbul en 2010 et d'innombrables articles de journaux, livres et
débats télévisés prouvent que la société civile turque s'empare
peu a peu du sujet. La présence du Dentiste oriental a l'affiche
d'un théâtre stambouliote cette saison n'est que le dernier exemple.
L'Å"uvre elle-même porte sur des sujets autrement moins dramatiques.
Hagop Baronian brosse de savoureux portraits de la communauté
arménienne d'Istanbul dans la deuxième moitié du 19e
siècle. Pendant trois heures, il n'est question que d'histoires
d'amour et de tromperies, ponctuées de références aux débats
politiques de l'époque.
Un orchestre survolté, des danses, des dialogues hilarants, des
costumes et des maquillages grotesques... Le dentiste oriental est
l'un des grands succès de cette saison au théâtre municipal
d'Istanbul. Â" Les Arméniens sont aux fondements du théâtre
turc... Nous devons revendiquer notre passé si nous voulons avancer
Â", justifie la directrice artistique du théâtre, AyÅ~_enil
Å~^amlıoglu. Un bel hommage, décidément, a l'Å"uvre de Hagop
Baronian.
__________________________________ Le dentiste oriental (1869),
de Hagop Baronian.
Prochaines représentations sur la scène H. Muhsin Ertugrul du
Théâtre municipal d'Istanbul du 25 au 29 janvier, puis du 29 février
au 4 mars 2012.
Par Anne Andlauer
RFi
http://www.rfi.fr/europe/20120125-le-dentiste-oriental-premiere-oeuvre-armenienne-theatre-turc-Istanbul-Hagop-Baronian-genocide-1915-Engin-Alkan
25 jan 2012
France
A l'heure où la question du génocide mine a la fois les relations
entre l'Arménie et la Turquie, et entre la Turquie et la France,
des artistes turcs aident a briser les tabous de l'Histoire. Le
Théâtre municipal d'Istanbul présente cette saison et entre le 25
et 29 janvier Le dentiste oriental, pièce musicale de l'écrivain
arménien ottoman Hagop Baronian. Ã~Icrite en 1869, c'est la première
pièce arménienne a l'affiche d'un théâtre turc.
Istanbul, la ville où Hagop Baronian arrive plein d'espoirs a 20 ans,
en 1863, et où il meurt sans argent ni reconnaissance a 48 ans, lui
rend un hommage posthume de la plus simple facon qui soit : en portant
l'une de ses pièces sur les planches d'un théâtre public. Simple
et pourtant, cela n'était jamais arrivé, ni a Istanbul, ni ailleurs
en Turquie.
De son vivant, le satiriste arménien subit la censure du pouvoir,
de plus en plus oppressante a partir de 1880. Il meurt en 1891, avant
les premiers massacres d'Arméniens dans l'Empire ottoman et avant le
génocide de 1915. Ces épisodes sanglants sur une terre que Turcs
et Arméniens avaient partagée pendant des siècles légueront aux
oubliettes les Å"uvres de Baronian et celles de beaucoup d'autres.
Â" Il y a encore quelques années, cela aurait fait scandale Â"
Il a fallu que le hasard s'en mêle pour que Engin Alkan, metteur en
scène au théâtre municipal d'Istanbul, découvre dans une revue
l'existence de la pièce Le dentiste oriental. Il a surtout fallu que
les tabous commencent a se fissurer en Turquie, que des artistes et
des intellectuels commencent a remettre en cause l'Histoire officielle,
qui n'a jamais reconnu le génocide de 1915.
Jouer la pièce d'un Arménien, qui plus est sur une scène publique
? Â" Même si nous l'avions voulu, nous n'aurions pas pu le faire il y
a encore quelques années... Cela aurait certainement fait scandale Â",
reconnaît Engin Alkan dans une interview au quotidien turc Hurriyet
Daily News. Mais les temps changent, malgré ce que laisse paraître la
colère du gouvernement turc après le vote au Parlement francais cette
semaine d'une loi pénalisant la négation du génocide arménien.
Succès de la saison au théâtre municipal d'Istanbul
Le colloque sur les Arméniens a l'Université Bilgi d'Istanbul
en 2005, la pétition demandant Â" pardon Â" aux Arméniens de
Turquie en 2008, qui a recu près de 31 000 signatures, la première
commémoration du 24 avril 1915 (date admise de début du génocide)
a Istanbul en 2010 et d'innombrables articles de journaux, livres et
débats télévisés prouvent que la société civile turque s'empare
peu a peu du sujet. La présence du Dentiste oriental a l'affiche
d'un théâtre stambouliote cette saison n'est que le dernier exemple.
L'Å"uvre elle-même porte sur des sujets autrement moins dramatiques.
Hagop Baronian brosse de savoureux portraits de la communauté
arménienne d'Istanbul dans la deuxième moitié du 19e
siècle. Pendant trois heures, il n'est question que d'histoires
d'amour et de tromperies, ponctuées de références aux débats
politiques de l'époque.
Un orchestre survolté, des danses, des dialogues hilarants, des
costumes et des maquillages grotesques... Le dentiste oriental est
l'un des grands succès de cette saison au théâtre municipal
d'Istanbul. Â" Les Arméniens sont aux fondements du théâtre
turc... Nous devons revendiquer notre passé si nous voulons avancer
Â", justifie la directrice artistique du théâtre, AyÅ~_enil
Å~^amlıoglu. Un bel hommage, décidément, a l'Å"uvre de Hagop
Baronian.
__________________________________ Le dentiste oriental (1869),
de Hagop Baronian.
Prochaines représentations sur la scène H. Muhsin Ertugrul du
Théâtre municipal d'Istanbul du 25 au 29 janvier, puis du 29 février
au 4 mars 2012.