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Ce Qui Se Passe En Turquie Nous Regarde

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    CE QUI SE PASSE EN TURQUIE NOUS REGARDE

    http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=65489
    Publié le : 11-07-2012

    Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
    propose cette information publiée sur le site susam-sokak.fr,
    le blog d'Etienne Copeaux, le 10 juillet 2012. Ã~Itienne Copeaux
    est un historien spécialiste du monde turc. Chercheur au Groupe de
    recherches et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient a
    Lyon, il s'intéresse particulièrement au nationalisme en Turquie.

    susam-sokak.fr

    Mardi 10 juillet 2012

    Le quotidien turc Taraf m'a demandé pourquoi j'avais signé le texte
    de soutien aux accusés du procès géant de Silivri, paru dans Le
    Monde du 4 juillet, où sont jugés Busra Ersanlı, Ragıp Zarakolu,
    Ayse Berktay et 202 autres personnes, et ce que je pensais de ces
    déclarations de Mr Ahmet Davutoglu, ministre des affaires étrangères
    : Â" Je ne crois pas que Mme Ersanlı soit terroriste. Mais le fait que
    je n'accepte pas cette situation en tant que ministre, ne me donne pas
    le droit d'intervenir sur la justice. Ceux qui nous critiquent disent
    soit 'Pourquoi intervenez-vous ?', soit 'Pourquoi n'intervenez-vous
    pas ?'.

    Certains croient que ces vagues d'arrestations ont lieu suite a une
    décision gouvernementale, que le pouvoir [a décidé] d'arrêter
    ces personnes. Mais la justice est indépendante. Â"

    Voici ma réponse, publiée dans Taraf ce 10 juillet :

    J'ai signé cet appel en tant que chercheur, spécialiste de la
    Turquie contemporaine. Voici plus de vingt ans, j'avais commencé mes
    recherches en étudiant le discours des manuels scolaires d'histoire,
    la Â" fabrication Â" de l'histoire a l'époque d'Ataturk - sur les
    pas de Busra Ersanlı - et l'imprégnation des manuels scolaires
    par l'idéologie nationaliste. J'ai fait cela scientifiquement, sans
    m'impliquer personnellement, mais il est évident que je n'aurais pas
    pu le faire sans dénoncer le nationalisme, sans chercher a donner
    des outils a ceux et celles qui veulent débusquer l'idéologie dans
    un discours historique. Le nationalisme est porteur de malheur et
    de guerre - voir la Yougoslavie - et je sais parfaitement combien
    ce mot milliyetcilika une valeur positive en Turquie. Je veux dire
    par la que même en faisant une thèse scientifique, j'étais en un
    certain sens engagé, et conscient de l'être. Sinon j'aurais fait
    une thèse sur l'harmonie vocalique ou la cuisine turque au XVIIIe
    siècle, que sais-je !

    En ce moment je fais une recherche sur les années 1990 et quand
    j'ai revu l'affaire du marché égyptien (juillet 1998) j'ai été
    scandalisé d'apprendre que Pınar Selek était toujours dans de
    graves ennuis, malgré trois acquittements.

    J'ai senti alors que, en conscience, il ne m'était plus possible
    de continuer mes recherches comme si de rien n'était, comme si
    j'observais des insectes.

    Mais pourquoi prendre parti sur des questions turques ?

    Ces Â" questions turques Â" ne concernent pas seulement la Turquie. La
    Turquie pourrait devenir pays européen et donc cela me regarde. Cela
    me regarde aussi en tant qu'être humain, ami et proche de certaines
    personnes poursuivies (Busra). Cela me regarde parce que la Turquie
    représente un Â" modèle Â" de pays capitaliste et libéral, avec
    une extrême-droite puissante et que ce modèle pourrait être copié
    (Hongrie). Des éléments de la culture politique qui prévalent en
    Turquie ont fait beaucoup de progrès en France même. Je ne veux pas
    de ce Â" modèle Â" ultra-libéral et répressif ; j'estime que la
    où il existe, il faut l'analyser, le faire connaître et le dénoncer.

    Enfin cela me regarde parce que j'aime la Turquie et j'aime les Turcs
    ; la Turquie fait partie de moi-même ; j'y ai vécu, j'en ai connu
    chaque recoin, c'est en quelque sorte mon deuxième memleket. Cela me
    regarde parce que je souhaite a mes amis turcs le bonheur de pouvoir
    vivre en démocratie, dégagé d'une guerre qui dure depuis bientôt
    trente ans - nous savons ce que c'est, nous qui avons connu cela avec
    l'Algérie. Et croyez que je suis tout aussi exigeant vis-a-vis de
    mon pays, la France ; comme j'ai été, en exercant mon métier de
    professeur d'histoire, aussi exigeant avec le discours des manuels
    d'histoire francais que celui des manuels turcs.

    C'est un engagement politique, si vous voulez, mais je m'engage en
    tant que chercheur, c'est-a-dire en tant que personne qui connaît la
    question, l'enracinement historique des problèmes, qui a accès a
    la langue. Les recherches que je fais sont susceptibles d'éclairer
    le présent, car le Â" présent Â" remonte au moins a 1923, si ce
    n'est 1915.

    J'ai ressenti la nécessité de l'engagement a partir de l'affaire
    Pınar Selek mais je ressentais déja un malaise, depuis longtemps,
    en considérant les cas d'Ismail Besikci, ou de Yasar Kemal. Puis,
    l'arrestation de Busra m'a mis en rage. C'est comme si nous étions
    sur un champ de bataille, avec le tir qui se rapproche et se précise,
    et je crains pour d'autres personnes.

    Enfin mon engagement n'est pas dÃ" au fait que des universitaires
    et autres intellectuels sont emprisonnés. Bien sÃ"r, c'est mon
    milieu ; mais je suis tout aussi scandalisé - sinon plus - par les
    autres centaines ou milliers de prisonniers d'opinion en Turquie,
    les exécutions extra-judiciaires et les départs forcés en exil
    pour fuir la répression.

    Quant a l'avis émis par Monsieur Davutoglu, je le respecte mais
    malheureusement je m'attends toujours a ce genre de réponse de la
    part d'un homme politique. C'est la manière classique des politiques
    de se défausser que d'affirmer Â" Mais mon cher Monsieur, nous
    sommes dans un Etat démocratique, un Etat de droit, les pouvoirs
    sont séparés et un membre du gouvernement ne peut pas intervenir
    dans le cours de la justice Â". C'est un avis tellement usé !!! On
    sait très bien comment, dans tous les pays y compris la France,
    l'Etat peut manipuler la justice.

    D'ailleurs Monsieur Davutoglu se trompe sur un point : si effectivement
    la justice est - en théorie - indépendante, la police, dans tous
    les pays, dépend des gouvernants ; les arrestations, les maintiens en
    détention, les conditions de détention, l'usage de la torture ou de
    la violence, les conditions d'interrogatoires, tout cela dépend soit
    de la hiérarchie policière et donc du ministère de l'intérieur,
    soit de l'administration pénitentiaire (et non des juges) ; tout cela
    est donc susceptible - dans un Etat de droit - d'être contrôlé par
    la population. Si ce n'était pas le cas, ce serait vraiment grave
    pour la Turquie et les Turcs.

    Voila donc pourquoi j'ai signé l'appel publié dans le journal Le
    Monde la semaine dernière.

    Par Etienne Copeaux

    Lire aussi:

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    Turquie : ouverture du procès du KCK

    Turquie : Premier jour du procès du KCK

    Turquie : Deuxième audience du procès du KCK

    Turquie : le théâtre judiciaire de Silivri fait salle comble (1)

    Le procès du KCK fait dérailler la machine judiciaire turque (2)

    Procès du KCK: la liberté de recherche menacée (3)

    Le grand enfermement des libertés en Turquie

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    Source/Lien : susam-sokak.fr




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