TUNISIE : LES LYCEENS ETUDIERONT LE TURC, MAIS PAS LE BERBERE
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=65709
Publie le : 18-07-2012
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - En juin 2012, la presse
tunisienne s'est fait l'echo de deux informations interessantes :
d'une part, le gouvernement turc a accorde a la Tunisie un credit
de 500 millions de dollars, dont 100 millions de dollars sous forme
de don; d'autre part - selon Abdellatif Abid, ministre tunisien de
l'Education - la langue turque sera enseignee a partir de l'annee
scolaire 2012/2013, dans tous les lycees secondaires de Tunisie.
Devant le tolle general declenche par cette seconde annonce renvoyant
a l'epoque de la colonisation ottomane (de 1574 a 1881), le ministre
tunisien de l'education du gouvernement Ennahdha a explique que
l'introduction du turc dans les manuels scolaires a partir de la
prochaine annee scolaire etait " une orientation strategique du
gouvernement en matière d'education ", qu'elle sera mise en place avec
le recours a des educateurs turcs (payes par les 100 M$ offerts par
Ankara?) et que l'enseignement de la langue turque restera facultatif.
Faisant suite aux printemps arabes, l'arrivee au pouvoir de partis
islamistes (Ennahdha en Tunisie, le Parti de la justice et du
developpement au Maroc, les Frères Musulmans en Egypte) semble en
tous cas etre un signe encourageant pour le gouvernement islamiste
AKP de Turquie, bien decide a pousser ses pions en Afrique du Nord
et au Moyen-Orient : le neo-ottomanisme reussira-t-il la où a echoue
l'Empire ottoman ?
Le Collectif VAN diffuse ici la chronique de la Tuniso-Egyptienne
de Suisse, Ines Fezzani : cette dernière fait remarquer a juste
titre qu"'Introduire plus de langues etrangères a l'ecole n'est
pas une mauvaise chose en soi ; ce qui est dommageable, ce sont les
motivations ideologiques claires derrière ce choix. Peut-etre que
nos dirigeants [tunisiens] pensent ainsi devenir Erdogan a la place
d'Erdogan. Mais qu'ils ne s'y trompent pas, il n'existe qu'un seul
point commun entre l'AKP et notre troïka : tout comme cette dernière
cherche a chasser l'identite amazighe [Nota CVAN : berbère] du sol
tunisien, cette première [l'AKP] fait de meme avec l'identite kurde
et armenienne du sol turc."
Le Collectif VAN a prepare dans sa rubrique Actions Collectif VAN un
dossier recapitulant les informations parues dans la presse tunisienne
a ce sujet et plus generalement les articles traitant de la presence
economique et politique de la Turquie au Maghreb, en Afrique, et
au-dela. Les articles sont egalement accessibles ci-dessous a la fin
de l'article d'Ines Fezzani.
Mardi 05 Juin 2012
Nawaat
5 juin 2012
Ines Fezzani
La Tunisie, une future " petite Turquie " ?
Selon l'agence de presse TAP, le Ministre de l'Ensignement Abdellatif
Abid a annonce ce dimanche que les lyceens tunisiens pourront
beneficier dès la rentree prochaine de cours de langue turque. Il
souligne " l'importance d'encourager l'apprentissage des langues
etrangères et de garantir l'ouverture du système educatif sur son
environnement ". Les commentaires iront certainement principalement
a la pertinence de ce choix en termes de debouches professionnels ou
d'infrastructure, mais ne perdons pas de vue l'implication morale de
cette decision.
Il convient d'abord de noter que si la motivation de l'apprentissage
du turc etait uniquement strategique pour l'emploi, le choix se
serait porte sur des langues commerciales dont l'impact est largement
superieur au turc : le chinois, l'espagnol, l'allemand, le russe.
Considerant la perspective purement professionnelle, on aurait meme
pu penser a consolider l'apprentissage de l'anglais, dont le niveau
est si deplorable dans notre pays. Bien que la Turquie soit un pays
a croissance positive dans un monde en recession, le turc n'est pas
a proprement parler une " langue de business " puisque les Turcs
eux-memes font du business principalement en anglais et en allemand.
La taille du marche supplementaire qui s'ouvre avec la langue turque
est ridiculement petite, la langue n'etant parle qu'en Turquie, alors
que par exemple l'espagnol ouvre un marche enorme puisqu'il est parle
dans toute l'Amerique latine, idem pour le russe qui couvre toute la
riche region petrolière caucasienne.
La reelle motivation est donc ailleurs : exalter l' " ottomanie "
de la Tunisie. On apprend le turc plutôt qu'autre chose parce que ca
nous " ressemble " plus, ca resserre le lien avec le passe ottoman de
notre pays. Et vouloir revenir " aux sources " de la Tunisie ottomane,
c'est vouloir faire, au present, de notre pays une " petite Turquie
". La question devient alors : est-ce que la Tunisie a envie de
devenir une " petite Turquie " ?
Car loin des fantasmes vehicules par Al-Jazeera sur une republique
triomphante portee au sommet par des islamistes, la première des
realites de la Turquie est qu'il s'agit d'une dictature militaire
encadree par une constitution laïque totalitaire. La Turquie detient
dans ses prisons plus de 10'000 prisonniers politiques (dont beaucoup
de journalistes), soit a lui seul plus que tous les prisonniers
politiques de tous les pays africains mis ensemble. Les droits des
femmes y sont encore en retard. Les Armeniens et les Kurdes sont
traites en sous-hommes, dans un pays où l'on va meme jusqu'a bombarder
des villages (le dernier bombardement en date fut celui d'Uludere de
decembre 2011). Loin de la recuperation mediatique des evenements
de la flotille pour Gaza, il n'en reste pas moins que depuis 1996
la Turquie et Israël ont des accords de cooperation militaire et
d'echange de haute technologie militaire ; le pays a toujours ete
une base arrière pour les operations americaines dans la region. En
clair, alors que la Tunisie s'apprete a inscrire dans sa constitution
son attachement de la cause palestinienne, elle cherche se rapprocher
strategiquement et economiquement de la Turquie, le pays de la region
qui coopère avec Israël, ce qui nous mènerait inevitablement a former
un lobby d'interets triangulaire.
Paroxysme de la schizophrenie.
Cette " petite Turquie " tunisienne que veut promouvoir le
gouvernement vise a changer egalement la perception qu'ont les
Tunisiens d'eux-memes, en leur donnant l'impression d'etre des
Orientaux plutôt que des Maghrebins. Car apprendre une langue, c'est
aussi instiller un message identitaire. La reciproque directe, c'est
que refuser l'accès a une langue, c'est vouloir annihiler tout lien
identitaire avec la civilisation qui dont emane cettelangue. Et vu que
l'education nationale refuse toujours d'introduire la langue amazighe
dans les ecoles, les institutions sont donc en train de demontrer par
les faits qu'une de leurs preoccupations est de detruire a tout prix
la culture amazighe tunisienne. Car en effet, meme dans les regions
berberophones de notre pays, le tamazight n'est pas enseigne dans les
ecoles et ce malgre les demandes repetees des populations ellesmemes.
Nous pouvons rappeler que notre pays a ete interpelle par le Comite
pour l'elimination des discriminations raciales des Nations Unies
pour son refus de permettre aux berberophones d'introduire leur langue
dans le cursus scolaire.
Notre priorite ne devrait-elle pas aller a garantir l'enseignement de
notre propre langue indigène, celle que nous avons creee nous-memes et
que nos ancetres (ainsi que beaucoup de nos contemporains) parlaient,
utilisee dans tout le Maghreb, ou alors a celle d'une langue etrangère,
qui fait certes parti de notre passe, mais non pas de notre fait,
du fait d'un episode colonial que nous avons subi ? En sommes-nous
en Tunisie a porter chèrement dans notre coeur tout ce qui nous vient
de la domination de nos ancetres et a rejeter tout ce que nos propres
pères ont invente, tout ce qui nous est specifique ?
" Nous sommes tous un peu Turcs ", va-t-on nous dire. Si nous sommes
tous un peu turques, alors nous sommes tous beaucoup amazighs. La
majorite des Tunisiens sont d'origine amazighe, c'est un fait
avere genetiquement, anthropologiquement et sociologiquement. Et
si seulement 2% des Tunisiens parlent encore la langue amazighe
comme langue maternelle (et ce a cause des ravages de la politique
d'exclusion linguistique), il n'existe aucune communaute tunisienne
turcophone. Il n'existe aucun village en Tunisie où les enfants
naissent en entendant leur mère leur parler turc. Il existe des
association culturelles representant les Amazigh tunisiens (que les
autorites choisissent de ne pas ecouter et meme de ne pas rencontrer)
mais il n'existe aucune association culturelle de Turcs tunisiens.
Pour donner des cours de turc en Tunisie, il va falloir aller recruter
en Turquie, alors que les Imazighen sont ici, ils sont nes ici, n'ont
aucune autre patrie et ne demandent que le droit de beneficier des
infrastructures scolaires pour donner des cours. En bref, nous avons
la chance d'avoir notre propre culture, notre propre civilisation,
mais nos decideurs font tout pour la reduire a neant.
Introduire plus de langues etrangères a l'ecole n'est pas une
mauvaise chose en soi ; ce qui est dommageable c'est les motivations
ideologiques claires derrière ce choix. Peut etre que nos dirigeants
pensent ainsi devenir Erdogan a la place d'Erdogan. Mais qu'ils ne
s'y trompent pas, il n'existe qu'un seul point commun entre l'AKP et
notre troïka : tout comme cette dernière cherche a chasser l'identite
amazighe du sol tunisien, cette première fait de meme avec l'identite
kurde et armenienne du sol turc.
Biographie : Ines Fezzani est une Tuniso-Egyptienne nee en Suisse,
où elle a effectue des etudes de physique. Aujourd'hui, elle est
presidente de l'ONG (site nastag.org) qu'elle a co-fondee, ~\uvrant
pour la promotion de la recherche scientifique et technologique en
Afrique du Nord par et pour les Nord Africains.
Lire aussi:
Dossier : Le neo-ottomanisme en marche
Tunisie: Enseignement de la langue turque dans les lycees a partir
de l'annee scolaire 2012-2013
Tunisie: Tu parleras turc mon fils!
Le turc, le chinois ou l'hindou ? L'education, une ligne rouge
Tunisie : Le Turc, de Tourbet El Bey aux lycees
Abdellatif Abid nie l'intention de remettre sur pied l'empire ottoman
en Tunisie
Tunisie : La langue turque enseignee dans les lycees
Y a-t-il des sponsors pour rehabiliter la langue berbère en Tunisie?
http://www.tunisie-news.com/chroniques/dossier_577_modele+turc+chere+ennahdha+est+virus+m ortel+pour+tunisie.html
http://www.memoireonline.com/02/07/373/m_relations-turco-tunisiennes-1956-200122.html
Christian Windler " Diplomatie et interculturalite : les consuls
francais a Tunis, 1700-1840 ", Revue d'histoire moderne et
contemporaine 4/2003 (no50-4), p. 63-91.
http://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2003-4-page-63.htm
http://www.webdo.tn/2012/06/07/pourquoi-autant-de-generosite-turque/
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Source/Lien : Nawaat
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=65709
Publie le : 18-07-2012
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - En juin 2012, la presse
tunisienne s'est fait l'echo de deux informations interessantes :
d'une part, le gouvernement turc a accorde a la Tunisie un credit
de 500 millions de dollars, dont 100 millions de dollars sous forme
de don; d'autre part - selon Abdellatif Abid, ministre tunisien de
l'Education - la langue turque sera enseignee a partir de l'annee
scolaire 2012/2013, dans tous les lycees secondaires de Tunisie.
Devant le tolle general declenche par cette seconde annonce renvoyant
a l'epoque de la colonisation ottomane (de 1574 a 1881), le ministre
tunisien de l'education du gouvernement Ennahdha a explique que
l'introduction du turc dans les manuels scolaires a partir de la
prochaine annee scolaire etait " une orientation strategique du
gouvernement en matière d'education ", qu'elle sera mise en place avec
le recours a des educateurs turcs (payes par les 100 M$ offerts par
Ankara?) et que l'enseignement de la langue turque restera facultatif.
Faisant suite aux printemps arabes, l'arrivee au pouvoir de partis
islamistes (Ennahdha en Tunisie, le Parti de la justice et du
developpement au Maroc, les Frères Musulmans en Egypte) semble en
tous cas etre un signe encourageant pour le gouvernement islamiste
AKP de Turquie, bien decide a pousser ses pions en Afrique du Nord
et au Moyen-Orient : le neo-ottomanisme reussira-t-il la où a echoue
l'Empire ottoman ?
Le Collectif VAN diffuse ici la chronique de la Tuniso-Egyptienne
de Suisse, Ines Fezzani : cette dernière fait remarquer a juste
titre qu"'Introduire plus de langues etrangères a l'ecole n'est
pas une mauvaise chose en soi ; ce qui est dommageable, ce sont les
motivations ideologiques claires derrière ce choix. Peut-etre que
nos dirigeants [tunisiens] pensent ainsi devenir Erdogan a la place
d'Erdogan. Mais qu'ils ne s'y trompent pas, il n'existe qu'un seul
point commun entre l'AKP et notre troïka : tout comme cette dernière
cherche a chasser l'identite amazighe [Nota CVAN : berbère] du sol
tunisien, cette première [l'AKP] fait de meme avec l'identite kurde
et armenienne du sol turc."
Le Collectif VAN a prepare dans sa rubrique Actions Collectif VAN un
dossier recapitulant les informations parues dans la presse tunisienne
a ce sujet et plus generalement les articles traitant de la presence
economique et politique de la Turquie au Maghreb, en Afrique, et
au-dela. Les articles sont egalement accessibles ci-dessous a la fin
de l'article d'Ines Fezzani.
Mardi 05 Juin 2012
Nawaat
5 juin 2012
Ines Fezzani
La Tunisie, une future " petite Turquie " ?
Selon l'agence de presse TAP, le Ministre de l'Ensignement Abdellatif
Abid a annonce ce dimanche que les lyceens tunisiens pourront
beneficier dès la rentree prochaine de cours de langue turque. Il
souligne " l'importance d'encourager l'apprentissage des langues
etrangères et de garantir l'ouverture du système educatif sur son
environnement ". Les commentaires iront certainement principalement
a la pertinence de ce choix en termes de debouches professionnels ou
d'infrastructure, mais ne perdons pas de vue l'implication morale de
cette decision.
Il convient d'abord de noter que si la motivation de l'apprentissage
du turc etait uniquement strategique pour l'emploi, le choix se
serait porte sur des langues commerciales dont l'impact est largement
superieur au turc : le chinois, l'espagnol, l'allemand, le russe.
Considerant la perspective purement professionnelle, on aurait meme
pu penser a consolider l'apprentissage de l'anglais, dont le niveau
est si deplorable dans notre pays. Bien que la Turquie soit un pays
a croissance positive dans un monde en recession, le turc n'est pas
a proprement parler une " langue de business " puisque les Turcs
eux-memes font du business principalement en anglais et en allemand.
La taille du marche supplementaire qui s'ouvre avec la langue turque
est ridiculement petite, la langue n'etant parle qu'en Turquie, alors
que par exemple l'espagnol ouvre un marche enorme puisqu'il est parle
dans toute l'Amerique latine, idem pour le russe qui couvre toute la
riche region petrolière caucasienne.
La reelle motivation est donc ailleurs : exalter l' " ottomanie "
de la Tunisie. On apprend le turc plutôt qu'autre chose parce que ca
nous " ressemble " plus, ca resserre le lien avec le passe ottoman de
notre pays. Et vouloir revenir " aux sources " de la Tunisie ottomane,
c'est vouloir faire, au present, de notre pays une " petite Turquie
". La question devient alors : est-ce que la Tunisie a envie de
devenir une " petite Turquie " ?
Car loin des fantasmes vehicules par Al-Jazeera sur une republique
triomphante portee au sommet par des islamistes, la première des
realites de la Turquie est qu'il s'agit d'une dictature militaire
encadree par une constitution laïque totalitaire. La Turquie detient
dans ses prisons plus de 10'000 prisonniers politiques (dont beaucoup
de journalistes), soit a lui seul plus que tous les prisonniers
politiques de tous les pays africains mis ensemble. Les droits des
femmes y sont encore en retard. Les Armeniens et les Kurdes sont
traites en sous-hommes, dans un pays où l'on va meme jusqu'a bombarder
des villages (le dernier bombardement en date fut celui d'Uludere de
decembre 2011). Loin de la recuperation mediatique des evenements
de la flotille pour Gaza, il n'en reste pas moins que depuis 1996
la Turquie et Israël ont des accords de cooperation militaire et
d'echange de haute technologie militaire ; le pays a toujours ete
une base arrière pour les operations americaines dans la region. En
clair, alors que la Tunisie s'apprete a inscrire dans sa constitution
son attachement de la cause palestinienne, elle cherche se rapprocher
strategiquement et economiquement de la Turquie, le pays de la region
qui coopère avec Israël, ce qui nous mènerait inevitablement a former
un lobby d'interets triangulaire.
Paroxysme de la schizophrenie.
Cette " petite Turquie " tunisienne que veut promouvoir le
gouvernement vise a changer egalement la perception qu'ont les
Tunisiens d'eux-memes, en leur donnant l'impression d'etre des
Orientaux plutôt que des Maghrebins. Car apprendre une langue, c'est
aussi instiller un message identitaire. La reciproque directe, c'est
que refuser l'accès a une langue, c'est vouloir annihiler tout lien
identitaire avec la civilisation qui dont emane cettelangue. Et vu que
l'education nationale refuse toujours d'introduire la langue amazighe
dans les ecoles, les institutions sont donc en train de demontrer par
les faits qu'une de leurs preoccupations est de detruire a tout prix
la culture amazighe tunisienne. Car en effet, meme dans les regions
berberophones de notre pays, le tamazight n'est pas enseigne dans les
ecoles et ce malgre les demandes repetees des populations ellesmemes.
Nous pouvons rappeler que notre pays a ete interpelle par le Comite
pour l'elimination des discriminations raciales des Nations Unies
pour son refus de permettre aux berberophones d'introduire leur langue
dans le cursus scolaire.
Notre priorite ne devrait-elle pas aller a garantir l'enseignement de
notre propre langue indigène, celle que nous avons creee nous-memes et
que nos ancetres (ainsi que beaucoup de nos contemporains) parlaient,
utilisee dans tout le Maghreb, ou alors a celle d'une langue etrangère,
qui fait certes parti de notre passe, mais non pas de notre fait,
du fait d'un episode colonial que nous avons subi ? En sommes-nous
en Tunisie a porter chèrement dans notre coeur tout ce qui nous vient
de la domination de nos ancetres et a rejeter tout ce que nos propres
pères ont invente, tout ce qui nous est specifique ?
" Nous sommes tous un peu Turcs ", va-t-on nous dire. Si nous sommes
tous un peu turques, alors nous sommes tous beaucoup amazighs. La
majorite des Tunisiens sont d'origine amazighe, c'est un fait
avere genetiquement, anthropologiquement et sociologiquement. Et
si seulement 2% des Tunisiens parlent encore la langue amazighe
comme langue maternelle (et ce a cause des ravages de la politique
d'exclusion linguistique), il n'existe aucune communaute tunisienne
turcophone. Il n'existe aucun village en Tunisie où les enfants
naissent en entendant leur mère leur parler turc. Il existe des
association culturelles representant les Amazigh tunisiens (que les
autorites choisissent de ne pas ecouter et meme de ne pas rencontrer)
mais il n'existe aucune association culturelle de Turcs tunisiens.
Pour donner des cours de turc en Tunisie, il va falloir aller recruter
en Turquie, alors que les Imazighen sont ici, ils sont nes ici, n'ont
aucune autre patrie et ne demandent que le droit de beneficier des
infrastructures scolaires pour donner des cours. En bref, nous avons
la chance d'avoir notre propre culture, notre propre civilisation,
mais nos decideurs font tout pour la reduire a neant.
Introduire plus de langues etrangères a l'ecole n'est pas une
mauvaise chose en soi ; ce qui est dommageable c'est les motivations
ideologiques claires derrière ce choix. Peut etre que nos dirigeants
pensent ainsi devenir Erdogan a la place d'Erdogan. Mais qu'ils ne
s'y trompent pas, il n'existe qu'un seul point commun entre l'AKP et
notre troïka : tout comme cette dernière cherche a chasser l'identite
amazighe du sol tunisien, cette première fait de meme avec l'identite
kurde et armenienne du sol turc.
Biographie : Ines Fezzani est une Tuniso-Egyptienne nee en Suisse,
où elle a effectue des etudes de physique. Aujourd'hui, elle est
presidente de l'ONG (site nastag.org) qu'elle a co-fondee, ~\uvrant
pour la promotion de la recherche scientifique et technologique en
Afrique du Nord par et pour les Nord Africains.
Lire aussi:
Dossier : Le neo-ottomanisme en marche
Tunisie: Enseignement de la langue turque dans les lycees a partir
de l'annee scolaire 2012-2013
Tunisie: Tu parleras turc mon fils!
Le turc, le chinois ou l'hindou ? L'education, une ligne rouge
Tunisie : Le Turc, de Tourbet El Bey aux lycees
Abdellatif Abid nie l'intention de remettre sur pied l'empire ottoman
en Tunisie
Tunisie : La langue turque enseignee dans les lycees
Y a-t-il des sponsors pour rehabiliter la langue berbère en Tunisie?
http://www.tunisie-news.com/chroniques/dossier_577_modele+turc+chere+ennahdha+est+virus+m ortel+pour+tunisie.html
http://www.memoireonline.com/02/07/373/m_relations-turco-tunisiennes-1956-200122.html
Christian Windler " Diplomatie et interculturalite : les consuls
francais a Tunis, 1700-1840 ", Revue d'histoire moderne et
contemporaine 4/2003 (no50-4), p. 63-91.
http://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2003-4-page-63.htm
http://www.webdo.tn/2012/06/07/pourquoi-autant-de-generosite-turque/
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