DROITS DE L'HOMME : LES FAUX-SEMBLANTS TURCS
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=65893
Publie le : 25-07-2012
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - "Un nouvel ordre politique
est en train d'emerger au Proche-Orient et la Turquie aspire a en
devenir le leader en se positionnant contre les regimes autoritaires.
Au debut de cette semaine, le Premier ministre turc, Recep Tayyip
Erdogan, est alle jusqu'a denoncer les massacres continus de civils par
le gouvernement syrien comme une "tentative de genocide". La volonte
turque d'apparaître comme le champion des Droits de l'Homme dans la
region constitue une initiative bienvenue mais la condamnation de
la Syrie par M. Erdogan est remarquablement hypocrite. Tant que la
Turquie continuera a nier les crimes commis contres les populations
non-turques au debut du 20ème siècle, dans les dernières annees de
l'Empire ottoman, ses appels en faveur de la liberte, de la justice
et des valeurs humanitaires sonneront faux." Le Collectif VAN vous
propose la traduction de cet article en anglais de l'historien turc
Taner Akcam, proposee par le site Eurotopie de Laurent Leylekian.
Eurotopie
vendredi 20 juillet 2012
L'hypocrisie de la Turquie au sujet des Droits de l'Homme
Cet article a ete publie le 19 juillet 2012 dans le New York Times
par Taner Akcam, professeur d'histoire a l'Universite de Clark
(Massachusetts, USA). Le point de vue presente par ce specialiste de
l'histoire turque contemporaine est rarement entendu dans les grands
medias traditionnels. Il est pourtant très pertinent et meritait a
ce titre une traduction en francais.
Un nouvel ordre politique est en train d'emerger au Proche-Orient et
la Turquie aspire a en devenir le leader en se positionnant contre les
regimes autoritaires. Au debut de cette semaine, le Premier ministre
turc, Recep Tayyip Erdogan, est alle jusqu'a denoncer les massacres
continus de civils par le gouvernement syrien comme une "tentative
de genocide".
La volonte turque d'apparaître comme le champion des Droits de l'Homme
dans la region constitue une initiative bienvenue mais la condamnation
de la Syrie par M. Erdogan est remarquablement hypocrite. Tant que la
Turquie continuera a nier les crimes commis contres les populations
non-turques au debut du 20ème siècle, dans les dernières annees de
l'Empire ottoman, ses appels en faveur de la liberte, de la justice
et des valeurs humanitaires sonneront faux.
Les tentatives effectuees par la Turquie pour cultiver une image de
protecteur global des droits des Musulmans sont compromises par sa
tradition de nettoyage ethnique et de genocide contre les Chretiens et
de terreur contre les Arabes et les Kurdes. La memoire de ces crimes
est très vivante a travers les anciens territoires ottomans. Et
la Turquie ne peut servir de modèle democratique tant qu'elle ne
reconnaîtra pas qu'une politique de violence brutale, de transferts
de population et de genocide a constitue le soubassement de l'Etat
turc moderne.
A partir de documents issus des archives gouvernementales ottomanes
a Istannbul, qui furent naguère classes top secret, j'ai essaye de
lever le voile sur un siècle de deni turc. Ces documents demontrent
clairement que la politique demographique ottomane menee de 1913 a
1918 fut genocidaire. En fait, l'expression "crime contre l'Humanite"
fut etablie et utilisee pour la première fois en tant que denomination
juridique le 24 mai 1915, en reponse contre le genocide des Armeniens
et des autres civils chretiens.
La Grande-Bretagne, La France et la Russie avaient initialement defini
les atrocites ottomanes comme des "crimes contre la Chretiente" mais
il substituèrent ensuite "Humanite" a "Chretiente", après avoir pris
en compte les reactions qu'un tel terme specifique aurait pu susciter
de la part des Musulmans dans leurs colonies.
Aujourd'hui, M. Erdogan s'essaie a devenir le porte-parole inconteste
des valeurs musulmanes. En juin 2011, il a declare devant des
milliers personnes rassemblees pour celebrer la victoire ecrasante
de son parti de la Justice et du Developpement (AKP): "Sarajevo a
gagne aujourd'hui, tout autant qu'Istanbul; Beyrouth autant qu'Izmir;
Damas autant qu'Ankara; Ramallah, Naplouse, Jenine, la bande de Gaza,
Jerusalem et Gaza autant que Diyarbakir".
Parler au nom des Musulmans opprimes lui a gagne une popularite. Mais
si M. Erdogan aspire a defendre la la liberte et la democratie dans la
region, il doit aussi tenir compte des peurs legitimes des Chretiens
du Proche-Orient. Exactement comme les puissances europeennes ont
opte pour l'universalisme en 1915 en denoncant les "crimes contre
l'Humanite", M. Erdogan doit depasser sa vision etroite de "crimes
contre les Musulmans". Tous les peuples opprimes meritent protection.
Ce n'est pas par coïncidence que beaucoup de Chretiens et d'autres
minorites en Syrie soutiennent le parti Baas de Bachar el-Assad. Ils
sont prets a sacrifier la liberte pour la securite. Que la rhetorique
turque appelle la majorite musulmane sunnite a exiger la liberte en
Syrie n'allège pas l'anxiete des Chretiens syriens quant a leur futur.
Au contraire, les Chretiens syriens, en entendant M. Erdogan et sa
rhetorique negationniste, se rappellent de 1915 ce qui les conduit
a percevoir la Turquie surtout une menace quant a leur securite.
La confrontation avec la Passe est etroitement liee a la securite, la
stabilite et la democratie au Proche-Orient. La negation persistante
d'injustices historiques est non seulement un frein a la democratie
mais empeche egalement des relations stables entre les differents
groupes ethniques et religieux.
Cela est particulièrement vrai dans les anciennes possessions
ottomanes, où les peuples se voient les uns les autres a travers
les masques de leurs ancetres. En plus des repercussions du genocide
armenien, la violence contre les Kurdes et les Arabes en Irak et les
tensions entre Chretiens et Musulmans en Syrie et au Liban continuent
a empoisonner la politique contemporaine.
La popularite de l'AKP en Turquie et dans le monde musulman donne a M.
Erdogan l'opportunite d'inaugurer une ère de tolerance. En
reconnaissant le genocide contre les Chretiens et les crimes contre
d'autres groupes, les Turcs peuvent devenir les leaders en matière de
Droits de l'Homme. Mais les efforts de la Turquie pour se depeindre
comme un parangon de liberte et de democratie echoueront tant que la
Turquie refusera d'expier les peches ottomans.
Les puristes moraux et les realistes purs et durs croient a tort que
la poursuite de la justice et des interets nationaux sont mutuellement
exclusifs. Mais reconnaître des torts historiques n'est pas un jeu
a somme nulle.
Au Proche-Orient, le Passe est le Present. Et la Verite et la
reconciliation font partie integrante de l'etablissement d'un nouvel
ordre regional stable fondee sur le respect des Droits de l'Homme et
la dignite. La Turquie devrait montrer l'exemple.
Publie par Laurent Leylekian a l'adresse 17:54
Version originale :
Turkey's Human Rights Hypocrisy
Lire aussi :
http://www.hurriyetdailynews.com/turkish-pm-denounces-attempted-genocide-in-syria-.aspx?pageID=238&nID=25501&NewsCatID=338
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Source/Lien : Eurotopie
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=65893
Publie le : 25-07-2012
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - "Un nouvel ordre politique
est en train d'emerger au Proche-Orient et la Turquie aspire a en
devenir le leader en se positionnant contre les regimes autoritaires.
Au debut de cette semaine, le Premier ministre turc, Recep Tayyip
Erdogan, est alle jusqu'a denoncer les massacres continus de civils par
le gouvernement syrien comme une "tentative de genocide". La volonte
turque d'apparaître comme le champion des Droits de l'Homme dans la
region constitue une initiative bienvenue mais la condamnation de
la Syrie par M. Erdogan est remarquablement hypocrite. Tant que la
Turquie continuera a nier les crimes commis contres les populations
non-turques au debut du 20ème siècle, dans les dernières annees de
l'Empire ottoman, ses appels en faveur de la liberte, de la justice
et des valeurs humanitaires sonneront faux." Le Collectif VAN vous
propose la traduction de cet article en anglais de l'historien turc
Taner Akcam, proposee par le site Eurotopie de Laurent Leylekian.
Eurotopie
vendredi 20 juillet 2012
L'hypocrisie de la Turquie au sujet des Droits de l'Homme
Cet article a ete publie le 19 juillet 2012 dans le New York Times
par Taner Akcam, professeur d'histoire a l'Universite de Clark
(Massachusetts, USA). Le point de vue presente par ce specialiste de
l'histoire turque contemporaine est rarement entendu dans les grands
medias traditionnels. Il est pourtant très pertinent et meritait a
ce titre une traduction en francais.
Un nouvel ordre politique est en train d'emerger au Proche-Orient et
la Turquie aspire a en devenir le leader en se positionnant contre les
regimes autoritaires. Au debut de cette semaine, le Premier ministre
turc, Recep Tayyip Erdogan, est alle jusqu'a denoncer les massacres
continus de civils par le gouvernement syrien comme une "tentative
de genocide".
La volonte turque d'apparaître comme le champion des Droits de l'Homme
dans la region constitue une initiative bienvenue mais la condamnation
de la Syrie par M. Erdogan est remarquablement hypocrite. Tant que la
Turquie continuera a nier les crimes commis contres les populations
non-turques au debut du 20ème siècle, dans les dernières annees de
l'Empire ottoman, ses appels en faveur de la liberte, de la justice
et des valeurs humanitaires sonneront faux.
Les tentatives effectuees par la Turquie pour cultiver une image de
protecteur global des droits des Musulmans sont compromises par sa
tradition de nettoyage ethnique et de genocide contre les Chretiens et
de terreur contre les Arabes et les Kurdes. La memoire de ces crimes
est très vivante a travers les anciens territoires ottomans. Et
la Turquie ne peut servir de modèle democratique tant qu'elle ne
reconnaîtra pas qu'une politique de violence brutale, de transferts
de population et de genocide a constitue le soubassement de l'Etat
turc moderne.
A partir de documents issus des archives gouvernementales ottomanes
a Istannbul, qui furent naguère classes top secret, j'ai essaye de
lever le voile sur un siècle de deni turc. Ces documents demontrent
clairement que la politique demographique ottomane menee de 1913 a
1918 fut genocidaire. En fait, l'expression "crime contre l'Humanite"
fut etablie et utilisee pour la première fois en tant que denomination
juridique le 24 mai 1915, en reponse contre le genocide des Armeniens
et des autres civils chretiens.
La Grande-Bretagne, La France et la Russie avaient initialement defini
les atrocites ottomanes comme des "crimes contre la Chretiente" mais
il substituèrent ensuite "Humanite" a "Chretiente", après avoir pris
en compte les reactions qu'un tel terme specifique aurait pu susciter
de la part des Musulmans dans leurs colonies.
Aujourd'hui, M. Erdogan s'essaie a devenir le porte-parole inconteste
des valeurs musulmanes. En juin 2011, il a declare devant des
milliers personnes rassemblees pour celebrer la victoire ecrasante
de son parti de la Justice et du Developpement (AKP): "Sarajevo a
gagne aujourd'hui, tout autant qu'Istanbul; Beyrouth autant qu'Izmir;
Damas autant qu'Ankara; Ramallah, Naplouse, Jenine, la bande de Gaza,
Jerusalem et Gaza autant que Diyarbakir".
Parler au nom des Musulmans opprimes lui a gagne une popularite. Mais
si M. Erdogan aspire a defendre la la liberte et la democratie dans la
region, il doit aussi tenir compte des peurs legitimes des Chretiens
du Proche-Orient. Exactement comme les puissances europeennes ont
opte pour l'universalisme en 1915 en denoncant les "crimes contre
l'Humanite", M. Erdogan doit depasser sa vision etroite de "crimes
contre les Musulmans". Tous les peuples opprimes meritent protection.
Ce n'est pas par coïncidence que beaucoup de Chretiens et d'autres
minorites en Syrie soutiennent le parti Baas de Bachar el-Assad. Ils
sont prets a sacrifier la liberte pour la securite. Que la rhetorique
turque appelle la majorite musulmane sunnite a exiger la liberte en
Syrie n'allège pas l'anxiete des Chretiens syriens quant a leur futur.
Au contraire, les Chretiens syriens, en entendant M. Erdogan et sa
rhetorique negationniste, se rappellent de 1915 ce qui les conduit
a percevoir la Turquie surtout une menace quant a leur securite.
La confrontation avec la Passe est etroitement liee a la securite, la
stabilite et la democratie au Proche-Orient. La negation persistante
d'injustices historiques est non seulement un frein a la democratie
mais empeche egalement des relations stables entre les differents
groupes ethniques et religieux.
Cela est particulièrement vrai dans les anciennes possessions
ottomanes, où les peuples se voient les uns les autres a travers
les masques de leurs ancetres. En plus des repercussions du genocide
armenien, la violence contre les Kurdes et les Arabes en Irak et les
tensions entre Chretiens et Musulmans en Syrie et au Liban continuent
a empoisonner la politique contemporaine.
La popularite de l'AKP en Turquie et dans le monde musulman donne a M.
Erdogan l'opportunite d'inaugurer une ère de tolerance. En
reconnaissant le genocide contre les Chretiens et les crimes contre
d'autres groupes, les Turcs peuvent devenir les leaders en matière de
Droits de l'Homme. Mais les efforts de la Turquie pour se depeindre
comme un parangon de liberte et de democratie echoueront tant que la
Turquie refusera d'expier les peches ottomans.
Les puristes moraux et les realistes purs et durs croient a tort que
la poursuite de la justice et des interets nationaux sont mutuellement
exclusifs. Mais reconnaître des torts historiques n'est pas un jeu
a somme nulle.
Au Proche-Orient, le Passe est le Present. Et la Verite et la
reconciliation font partie integrante de l'etablissement d'un nouvel
ordre regional stable fondee sur le respect des Droits de l'Homme et
la dignite. La Turquie devrait montrer l'exemple.
Publie par Laurent Leylekian a l'adresse 17:54
Version originale :
Turkey's Human Rights Hypocrisy
Lire aussi :
http://www.hurriyetdailynews.com/turkish-pm-denounces-attempted-genocide-in-syria-.aspx?pageID=238&nID=25501&NewsCatID=338
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