REVUE DE PRESSE
Vent de folie sous le « Zinzalakht » de Issam Mahfouz
La pièce « al-Zinzalakht » (Le margousier) de Issam Mahfouz refait
surface, en version arménienne, au thétre Der Melkonian à Bourj
Hammoud grce à la vigoureuse mise en scène d'Hagop Der Ghougassian et
une brochette d'excellents acteurs.
Un verbe acide et tonitruant pour une société malade de conformisme et
de soumission. Une assemblée de fous, entre délire verbal et
imagination débridée, tient un procès interminable avant l'heure du
dîner.
Une scène presque nue, si ce n'est une porte qu'on frappe en vain et
quelques accessoires dérisoires pour un tribunal d'infortune. Dans le
box des accusés, en tablier d'ouvrier bleu marine foncé, Saadoun
(personnage fantoche de l'auteur de Carte Blanche qui a fait aussi
récemment le valet et souffre-douleur d'un dictateur) en prise avec un
général, des témoins et un greffier, tous en sous-vêtements blancs de
grand-père. C'est-à-dire flanelles à col bateau et culottes longues
sur chaussettes en laine. Sur leur tête, des cornets de journaux, des
bérets, des mouchoirs, des bonnets à cordelettes. Une tapée de
personnages ventrus, bedonnants ou squelettiques, ébouriffés,
extravagants, caricaturaux, échappés à Asfourieh ou Charenton.
Pour cette `uvre prémonitoire, virulente et toujours d'une abrasive
actualité, sur les violences sociales et l'abrutissement de masse,
commence, dans un étouffant huis clos, la ronde des mots. Entre
fiction et réalité, entre amertume et poésie noire, entre égarement et
illusoire lucidité, entre démence et fausse sagesse, la société est
fustigée dans son injustice, ses dérives et sa cruauté. Une société
fragmentée, belliqueuse, toujours en dissension, où la paix du c`ur,
de l'esprit et du corps demeure une quête agitée et épuisante.
Parodie grinçante, carnavalesque et gesticulante, cette `uvre
dramaturgique, dure, sombre et oppressante, entre thétre panique,
cérémonial ironique et thétre de l'absurde, jette ses filets
tentaculaires et distordus dans le dédale des phrases qui déroutent,
perdent et assassinent.
Un crime a été commis. L'interrogatoire, vaseux et fumiste, se répand
en historiettes et sornettes. Entre-temps, en attendant le verdict du
général, le principal accusé entend des voix et a des visions.
Notamment celles d'un ange, de sa mère, d'un mendiant, d'un parrain
qui est en fait son avocat. Et surtout d'un homme-arbre (excellent
moment thétral d'un vieil acteur transformé en tronc blanc au langage
éolien, parnassien), ce célèbre « Zanzalakht », ce lilas des Indes,
amer, solitaire et ombrageux, qui donne d'ailleurs son nom à la pièce.
Invitation au rêve ou au cauchemar, à la révolte ou à l'apaisement, à
la confusion ou à la clarté que ces rencontres d'un esprit et d'un
être en prise avec son passé, ses proches, son imaginaire, ses démons
et ses anges ?
Pour conclure, devant cette cocasse et pitoyable assemblée de fous où
réalité et fiction se rejoignent, où vérité et contre-vérité se
confondent, où noir et blanc fusionnent, où bien et mal sont le revers
d'une même médaille, la société et ses travers, de structure, de
rapport humain, de magistrature, est subtilement, en un ton fulminant,
irrévérencieux et surréaliste, mise en boîte, dénudée, clouée, pointée
de l'index.
Arrive le médecin en chef pour l'inspection du soir et tous les
malades sont invités à passer à table... Têtes basses, pantoufles aux
pieds, robes de chambre à gros carreaux fermés sur des ventres
ballonnés ou plats, l'air piteux, la démarche lourde, comme de vrais
personnages « kafkaïens », ils quittent la scène.
La représentation est bien finie. Des rideaux blancs en salle même
sont bruyamment tirés, jusqu'autour des murs des spectateurs assis. Du
coup, ces derniers, simples témoins ou complices, sont impliqués dans
cette farce qu'ils applaudissent.
Le texte arménien de la traduction est signé Hrag Demirdjian et
projeté dans sa version arabe sur les deux côtés des murs de la scène.
http://www.lorientlejour.com/category/Culture/article/760920/Vent_de_folie_sous__le_%3C%3C+Zinzalakht+%3E%3E__d e_Issam_Mahfouz.html
dimanche 3 juin 2012,
Stéphane ©armenews.com
From: Baghdasarian
Vent de folie sous le « Zinzalakht » de Issam Mahfouz
La pièce « al-Zinzalakht » (Le margousier) de Issam Mahfouz refait
surface, en version arménienne, au thétre Der Melkonian à Bourj
Hammoud grce à la vigoureuse mise en scène d'Hagop Der Ghougassian et
une brochette d'excellents acteurs.
Un verbe acide et tonitruant pour une société malade de conformisme et
de soumission. Une assemblée de fous, entre délire verbal et
imagination débridée, tient un procès interminable avant l'heure du
dîner.
Une scène presque nue, si ce n'est une porte qu'on frappe en vain et
quelques accessoires dérisoires pour un tribunal d'infortune. Dans le
box des accusés, en tablier d'ouvrier bleu marine foncé, Saadoun
(personnage fantoche de l'auteur de Carte Blanche qui a fait aussi
récemment le valet et souffre-douleur d'un dictateur) en prise avec un
général, des témoins et un greffier, tous en sous-vêtements blancs de
grand-père. C'est-à-dire flanelles à col bateau et culottes longues
sur chaussettes en laine. Sur leur tête, des cornets de journaux, des
bérets, des mouchoirs, des bonnets à cordelettes. Une tapée de
personnages ventrus, bedonnants ou squelettiques, ébouriffés,
extravagants, caricaturaux, échappés à Asfourieh ou Charenton.
Pour cette `uvre prémonitoire, virulente et toujours d'une abrasive
actualité, sur les violences sociales et l'abrutissement de masse,
commence, dans un étouffant huis clos, la ronde des mots. Entre
fiction et réalité, entre amertume et poésie noire, entre égarement et
illusoire lucidité, entre démence et fausse sagesse, la société est
fustigée dans son injustice, ses dérives et sa cruauté. Une société
fragmentée, belliqueuse, toujours en dissension, où la paix du c`ur,
de l'esprit et du corps demeure une quête agitée et épuisante.
Parodie grinçante, carnavalesque et gesticulante, cette `uvre
dramaturgique, dure, sombre et oppressante, entre thétre panique,
cérémonial ironique et thétre de l'absurde, jette ses filets
tentaculaires et distordus dans le dédale des phrases qui déroutent,
perdent et assassinent.
Un crime a été commis. L'interrogatoire, vaseux et fumiste, se répand
en historiettes et sornettes. Entre-temps, en attendant le verdict du
général, le principal accusé entend des voix et a des visions.
Notamment celles d'un ange, de sa mère, d'un mendiant, d'un parrain
qui est en fait son avocat. Et surtout d'un homme-arbre (excellent
moment thétral d'un vieil acteur transformé en tronc blanc au langage
éolien, parnassien), ce célèbre « Zanzalakht », ce lilas des Indes,
amer, solitaire et ombrageux, qui donne d'ailleurs son nom à la pièce.
Invitation au rêve ou au cauchemar, à la révolte ou à l'apaisement, à
la confusion ou à la clarté que ces rencontres d'un esprit et d'un
être en prise avec son passé, ses proches, son imaginaire, ses démons
et ses anges ?
Pour conclure, devant cette cocasse et pitoyable assemblée de fous où
réalité et fiction se rejoignent, où vérité et contre-vérité se
confondent, où noir et blanc fusionnent, où bien et mal sont le revers
d'une même médaille, la société et ses travers, de structure, de
rapport humain, de magistrature, est subtilement, en un ton fulminant,
irrévérencieux et surréaliste, mise en boîte, dénudée, clouée, pointée
de l'index.
Arrive le médecin en chef pour l'inspection du soir et tous les
malades sont invités à passer à table... Têtes basses, pantoufles aux
pieds, robes de chambre à gros carreaux fermés sur des ventres
ballonnés ou plats, l'air piteux, la démarche lourde, comme de vrais
personnages « kafkaïens », ils quittent la scène.
La représentation est bien finie. Des rideaux blancs en salle même
sont bruyamment tirés, jusqu'autour des murs des spectateurs assis. Du
coup, ces derniers, simples témoins ou complices, sont impliqués dans
cette farce qu'ils applaudissent.
Le texte arménien de la traduction est signé Hrag Demirdjian et
projeté dans sa version arabe sur les deux côtés des murs de la scène.
http://www.lorientlejour.com/category/Culture/article/760920/Vent_de_folie_sous__le_%3C%3C+Zinzalakht+%3E%3E__d e_Issam_Mahfouz.html
dimanche 3 juin 2012,
Stéphane ©armenews.com
From: Baghdasarian