FRANCOIS HOLLANDE ET LA TURQUIE : ENTRE L'AMBIGUITE ET L'INDECISION
PACA Informations Economiques
http://www.pacainfoeco.com/actune/2012/juin_2012/120607.rene_dzagoyan_ambiguite_indecision.php
7 juin 2012
L'analyse de Rene DZAGOYAN
07.06.2012.pacainfoeco.com - Pour la première fois depuis 17 ans,
l'election d'un President de la Republique est accueillie avec
enthousiasme a la fois par la Turquie, fermement opposee a toute loi
sur le negationnisme, et par les organisations armeniennes qui ont tout
aussi fermement participe a sa promotion. Decryptage d'un paradoxe...
Selon une depeche AFP, le soir du 11 mai, le premier ministre turc
Recep Tayyip Erdogan a appele le nouvel elu a la tete de l'Etat
francais, Francois Hollande pour le feliciter de sa victoire,
manifestant simultanement l'espoir que son election ouvrirait " une
nouvelle ère " dans les rapports franco-turcs et que celles-ci seraient
" desormais liberees des questions artificielles les affectant. "
Si la satisfaction de M. Erdogan s'explique plus par le soulagement
que lui procure le depart de Nicolas Sarkozy, irreductible opposant a
son accession a l'Europe, elle ne se comprend pas moins par l'entree
dans le gouvernement de ses plus fermes partisans. En effet, les amis
de la Turquie sont dans la place. A commencer par Pierre Moscovici,
ministre de l'Economie et des Finances, partisan de longue date de
l'integration turque a l'Europe et membre eminent de la Commission
Scientifique de l'Institut du Bosphore, dont l'action de lobbying
contre la loi sur le negationnisme auprès des Parlementaires et du
Conseil Constitutionnel fut determinante.
La position pro-turque du Grand Argentier y est confortee par la
presence a la tete du ministère de l'egalite des territoires et du
logement, Mme Cecile Duflot qui, après avoir signe un protocole
d'accord avec le CCAF jurant urbi et orbi qu'elle soutiendrait
la loi mordicus, a marque son sens de la parole donnee et de la
fidelite a ses principes en poussant le Groupe des Verts a voter
contre la loi au Senat et a signer le recours auprès du Conseil
Constitutionnel. Enfin, comme le site Armenews s'en est fait l'echo,
Mme Taubira, nouvelle Garde des Sceaux, est rien moins que l'ancienne
colistière aux elections europeennes 2004 de M. Demir Onger, president
du Centre Culturel Anatolie, dont l'action negationniste n'est plus
a faire. En un mot, M. Erdogan n'a pas a se plaindre du casting du
nouveau gouvernement Hollande. Il y a ses porte-voix.
Il aurait certes des raisons de se plaindre en considerant la presence
a la tete de ce meme gouvernement de Jean-Marc Ayrault, qui a soutenu
la loi socialiste de 2006 contre le negationnisme, tout comme la loi
Boyer. Ou bien en regrettant la nomination de Laurent Fabius au Quai
d'Orsay, adversaire de longue date aux negociations d'adhesion. Sans
compter bien sûr Francois Hollande lui-meme qui, dès 2004, s'etait
engage a faire voter une loi sur la negation du genocide armenien et
qui a tenu parole en 2006 en appuyant, contre nombre des membres de
son parti, la proposition de projet de loi presentee par le depute des
Bouches-du-Rhône d'alors a l'initiative du CCAF Marseille-Provence,
Christophe Masse. Les Armeniens n'ont pas a se plaindre non plus.
Pourtant, il y a cette lettre de Francois Hollande, date du 2 mai
2012, soit deux jours après le 1er tour des elections, au sus cite
Demir Onger, president du Centre Culturel Anatolie, lettre où le
candidat au 2ème tour salue " les efforts " de son comite " dans
son incessante quete pour la paix qui merite d'etre encouragee. " Vu
que la principale activite du comite de M. Onger consiste a ~\uvrer
pour la negation du genocide armenien et a taire, voire a justifier,
l'emprisonnement de journalistes turcs, et l'assassinat de civils
kurdes, on voit mal en quoi consiste la quete de la paix dont parle M.
Hollande. Mais bon, supposons qu'il s'agisse la d'une clause de style.
En revanche, parlant de la loi sur la negation, le futur president
Hollande declare en le defendant : " Le texte recemment adopte par
le Senat ne parle, en effet, pas d'un genocide en particulier, mais
vise a punir penalement ceux qui auront fait l'apologie, conteste ou
minimise les crimes de genocide... C'est un texte (...) qui ne vise
directement aucun Etat ni aucun peuple...". Un bon texte donc. Or,
le texte-la n'est pas celui qu'il a propose par le Parti Socialiste
qu'il dirigeait, lequel texte parlait explicitement de la negation
du genocide armenien, mais celui, universaliste de son concurrent,
Nicolas Sarkozy, laissant entendre par la meme que le texte propose
par le PS en 2006 par la voix de Christophe Masse etait passe par
perte et profit et que seul devait etre retenu l'approche sarkozyenne.
Le candidat Hollande s'engage a en proposer un autre " respectueuse
de notre Constitution, (...) conforme aux engagements internationaux
de la France et au Traite de l'Union europeenne. "
publicite pacainfoeco
Certes, mais on peut se demander alors pourquoi, en 2006, la loi sur
la negation fut propose par le PS si elle n'etait pas " respectueuse
de notre Constitution ", ni conforme aux engagements et aux traites
internationaux de la France. Il y a un flou qui meriterait d'etre
elucide. De meme pour les negociations d'adhesion : M. Hollande a
maintes fois declare que celle-ci ne se realiserait pas pendant son
quinquennat. Sur ce point, son predecesseur avait une position claire :
la Turquie n'a pas vocation a integrer l'Union europeenne. Point. Si
l'on en croit sa lettre a M. Onger, pour M. Hollande " L'Europe, en
acceptant de negocier l'entree de la Turquie dans l'Union, est fidèle
a son essence. " La formulation, la encore, evite la vraie question,
donc la vraie reponse : la Turquie a-t-elle oui ou non vocation a
integrer un jour l'Union ? Si oui, la France, sous sa presidence,
encouragera-t-elle l'ouverture de nouveaux chapitres et la reprise des
negociations ? Pour les reprendre, considèrera-t-elle necessaire que
soit leve le blocus contre l'Armenie, que soit abandonne son refus
de reconnaître la republique europeenne de Chypre ou de liberer,
au nom des droits de l'Homme et de la liberte d'expression decoulant
de ses engagement europeens, les journalistes et les deputes kurdes
emprisonnes ? La lettre a M. Onger prend bien soin d'evoquer ses
sujets qui, pourtant, sont au c~\ur de l'activite de propagande du
Centre Culturel Anatolie ou du Comite de Coordination des Associations
Franco-Turques que preside M. Onger.
De fait, le caractère bien souvent rhetorique de cette lettre renvoie
a une autre absence, celle qui a traverse tout le debat presidentiel :
la politique etrangère de la France, en particulier celle qui porte
sur l'elargissement de l'Europe et les problèmes du Moyen-Orient.
Bienheureux celui qui sait aujourd'hui quelle est la position du
nouveau president sur l'Iran, la Syrie ou l'hypothetique Palestine,
sans parler de la question du Karabagh, (sachant que la France,
membre du Groupe de Minsk, y a son mot a dire.) Pourtant, au
rebours de son predecesseur, M. Hollande, dit-il, n'empiètera pas
sur les prerogatives du gouvernement et n'interviendra directement
que dans le domaine reserve a sa fonction. Or, au premier rang de sa
fonction, traditionnellement " domaine reserve ", se place la politique
etrangère. Il ne serait donc pas inconvenant de demander en consequence
au president des eclaircissements que n'a pas su ou voulu donner le
candidat. Si, comme le disait Mitterrand, il n'est pas interdit a un
homme politique d'entretenir l'ambiguïte sur ses intentions, il n'est
pas non plus souhaitable d'en cultiver le flou plus que de mesure,
au risque de faire passer l'habilete pour de l'indecision.
On pourrait certes se rassurer en pensant a la constance des positions
de Francois Hollande par le passe, en particulier sur la question
armenienne. Entoure par les Verts, qui se lèchent deja les babines
en pensant rafler, comme en Allemagne ou en Belgique, les votes des
futurs electeurs turcs aux municipales, incites a plus de souplesse par
des proches tels que Moscovici ou Jean-Pierre Jouyet, voire Elisabeth
Guigou ou encore Rocard, grands conseillers de l'Institut du Bosphore,
il n'est pas exclu que le president revise une position prenne sa
propre devise au mot : Le Changement, C'est Maintenant. En tout cas,
lorsque la seule position politique a laquelle on a affaire se situe
entre l'ambiguite et l'indecision, la seule attitude qui s'impose
est moins la confiance aveugle que la vigilance.Rene DZAGOYAN.
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
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7 juin 2012
L'analyse de Rene DZAGOYAN
07.06.2012.pacainfoeco.com - Pour la première fois depuis 17 ans,
l'election d'un President de la Republique est accueillie avec
enthousiasme a la fois par la Turquie, fermement opposee a toute loi
sur le negationnisme, et par les organisations armeniennes qui ont tout
aussi fermement participe a sa promotion. Decryptage d'un paradoxe...
Selon une depeche AFP, le soir du 11 mai, le premier ministre turc
Recep Tayyip Erdogan a appele le nouvel elu a la tete de l'Etat
francais, Francois Hollande pour le feliciter de sa victoire,
manifestant simultanement l'espoir que son election ouvrirait " une
nouvelle ère " dans les rapports franco-turcs et que celles-ci seraient
" desormais liberees des questions artificielles les affectant. "
Si la satisfaction de M. Erdogan s'explique plus par le soulagement
que lui procure le depart de Nicolas Sarkozy, irreductible opposant a
son accession a l'Europe, elle ne se comprend pas moins par l'entree
dans le gouvernement de ses plus fermes partisans. En effet, les amis
de la Turquie sont dans la place. A commencer par Pierre Moscovici,
ministre de l'Economie et des Finances, partisan de longue date de
l'integration turque a l'Europe et membre eminent de la Commission
Scientifique de l'Institut du Bosphore, dont l'action de lobbying
contre la loi sur le negationnisme auprès des Parlementaires et du
Conseil Constitutionnel fut determinante.
La position pro-turque du Grand Argentier y est confortee par la
presence a la tete du ministère de l'egalite des territoires et du
logement, Mme Cecile Duflot qui, après avoir signe un protocole
d'accord avec le CCAF jurant urbi et orbi qu'elle soutiendrait
la loi mordicus, a marque son sens de la parole donnee et de la
fidelite a ses principes en poussant le Groupe des Verts a voter
contre la loi au Senat et a signer le recours auprès du Conseil
Constitutionnel. Enfin, comme le site Armenews s'en est fait l'echo,
Mme Taubira, nouvelle Garde des Sceaux, est rien moins que l'ancienne
colistière aux elections europeennes 2004 de M. Demir Onger, president
du Centre Culturel Anatolie, dont l'action negationniste n'est plus
a faire. En un mot, M. Erdogan n'a pas a se plaindre du casting du
nouveau gouvernement Hollande. Il y a ses porte-voix.
Il aurait certes des raisons de se plaindre en considerant la presence
a la tete de ce meme gouvernement de Jean-Marc Ayrault, qui a soutenu
la loi socialiste de 2006 contre le negationnisme, tout comme la loi
Boyer. Ou bien en regrettant la nomination de Laurent Fabius au Quai
d'Orsay, adversaire de longue date aux negociations d'adhesion. Sans
compter bien sûr Francois Hollande lui-meme qui, dès 2004, s'etait
engage a faire voter une loi sur la negation du genocide armenien et
qui a tenu parole en 2006 en appuyant, contre nombre des membres de
son parti, la proposition de projet de loi presentee par le depute des
Bouches-du-Rhône d'alors a l'initiative du CCAF Marseille-Provence,
Christophe Masse. Les Armeniens n'ont pas a se plaindre non plus.
Pourtant, il y a cette lettre de Francois Hollande, date du 2 mai
2012, soit deux jours après le 1er tour des elections, au sus cite
Demir Onger, president du Centre Culturel Anatolie, lettre où le
candidat au 2ème tour salue " les efforts " de son comite " dans
son incessante quete pour la paix qui merite d'etre encouragee. " Vu
que la principale activite du comite de M. Onger consiste a ~\uvrer
pour la negation du genocide armenien et a taire, voire a justifier,
l'emprisonnement de journalistes turcs, et l'assassinat de civils
kurdes, on voit mal en quoi consiste la quete de la paix dont parle M.
Hollande. Mais bon, supposons qu'il s'agisse la d'une clause de style.
En revanche, parlant de la loi sur la negation, le futur president
Hollande declare en le defendant : " Le texte recemment adopte par
le Senat ne parle, en effet, pas d'un genocide en particulier, mais
vise a punir penalement ceux qui auront fait l'apologie, conteste ou
minimise les crimes de genocide... C'est un texte (...) qui ne vise
directement aucun Etat ni aucun peuple...". Un bon texte donc. Or,
le texte-la n'est pas celui qu'il a propose par le Parti Socialiste
qu'il dirigeait, lequel texte parlait explicitement de la negation
du genocide armenien, mais celui, universaliste de son concurrent,
Nicolas Sarkozy, laissant entendre par la meme que le texte propose
par le PS en 2006 par la voix de Christophe Masse etait passe par
perte et profit et que seul devait etre retenu l'approche sarkozyenne.
Le candidat Hollande s'engage a en proposer un autre " respectueuse
de notre Constitution, (...) conforme aux engagements internationaux
de la France et au Traite de l'Union europeenne. "
publicite pacainfoeco
Certes, mais on peut se demander alors pourquoi, en 2006, la loi sur
la negation fut propose par le PS si elle n'etait pas " respectueuse
de notre Constitution ", ni conforme aux engagements et aux traites
internationaux de la France. Il y a un flou qui meriterait d'etre
elucide. De meme pour les negociations d'adhesion : M. Hollande a
maintes fois declare que celle-ci ne se realiserait pas pendant son
quinquennat. Sur ce point, son predecesseur avait une position claire :
la Turquie n'a pas vocation a integrer l'Union europeenne. Point. Si
l'on en croit sa lettre a M. Onger, pour M. Hollande " L'Europe, en
acceptant de negocier l'entree de la Turquie dans l'Union, est fidèle
a son essence. " La formulation, la encore, evite la vraie question,
donc la vraie reponse : la Turquie a-t-elle oui ou non vocation a
integrer un jour l'Union ? Si oui, la France, sous sa presidence,
encouragera-t-elle l'ouverture de nouveaux chapitres et la reprise des
negociations ? Pour les reprendre, considèrera-t-elle necessaire que
soit leve le blocus contre l'Armenie, que soit abandonne son refus
de reconnaître la republique europeenne de Chypre ou de liberer,
au nom des droits de l'Homme et de la liberte d'expression decoulant
de ses engagement europeens, les journalistes et les deputes kurdes
emprisonnes ? La lettre a M. Onger prend bien soin d'evoquer ses
sujets qui, pourtant, sont au c~\ur de l'activite de propagande du
Centre Culturel Anatolie ou du Comite de Coordination des Associations
Franco-Turques que preside M. Onger.
De fait, le caractère bien souvent rhetorique de cette lettre renvoie
a une autre absence, celle qui a traverse tout le debat presidentiel :
la politique etrangère de la France, en particulier celle qui porte
sur l'elargissement de l'Europe et les problèmes du Moyen-Orient.
Bienheureux celui qui sait aujourd'hui quelle est la position du
nouveau president sur l'Iran, la Syrie ou l'hypothetique Palestine,
sans parler de la question du Karabagh, (sachant que la France,
membre du Groupe de Minsk, y a son mot a dire.) Pourtant, au
rebours de son predecesseur, M. Hollande, dit-il, n'empiètera pas
sur les prerogatives du gouvernement et n'interviendra directement
que dans le domaine reserve a sa fonction. Or, au premier rang de sa
fonction, traditionnellement " domaine reserve ", se place la politique
etrangère. Il ne serait donc pas inconvenant de demander en consequence
au president des eclaircissements que n'a pas su ou voulu donner le
candidat. Si, comme le disait Mitterrand, il n'est pas interdit a un
homme politique d'entretenir l'ambiguïte sur ses intentions, il n'est
pas non plus souhaitable d'en cultiver le flou plus que de mesure,
au risque de faire passer l'habilete pour de l'indecision.
On pourrait certes se rassurer en pensant a la constance des positions
de Francois Hollande par le passe, en particulier sur la question
armenienne. Entoure par les Verts, qui se lèchent deja les babines
en pensant rafler, comme en Allemagne ou en Belgique, les votes des
futurs electeurs turcs aux municipales, incites a plus de souplesse par
des proches tels que Moscovici ou Jean-Pierre Jouyet, voire Elisabeth
Guigou ou encore Rocard, grands conseillers de l'Institut du Bosphore,
il n'est pas exclu que le president revise une position prenne sa
propre devise au mot : Le Changement, C'est Maintenant. En tout cas,
lorsque la seule position politique a laquelle on a affaire se situe
entre l'ambiguite et l'indecision, la seule attitude qui s'impose
est moins la confiance aveugle que la vigilance.Rene DZAGOYAN.
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress