TURQUIE : ARRESTATION DE SEVIL SEVIMLI, éTUDIANTE FRANCAISE
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Publié le : 18-06-2012
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
propose cette information publiée sur le site susam-sokak.fr, le blog
d'Etienne Copeaux, le 9 juin 2012. Ã~Itienne Copeaux est un historien
spécialiste du monde turc. Chercheur au Groupe de recherches et
d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Oriea Lyon, il s'intéresse
particulièrement au nationalisme en Turquie.
susam-sokak.fr, le blog d'Etienne Copeaux
Samedi 9 juin 2012
Sevil Sevimli, étudiante francaise arrêtée en Turquie
Faut-il déconseiller aux étudiants étrangers de partir étudier
en Turquie ?
Malgré ce qui suit, je réponds "non".
Sevil Sevimli, étudiante Erasmus originaire de Belleville-sur-Saône,
a été arrêtée avec cinq autres jeunes gens, et accusée
d' Â" appartenance a un mouvement terroriste armé, le DHKP-C
Â". L'opération policière a eu lieu le 10 mai a Eskisehir. On n'en
n'a rien su jusqu'a présent en raison de la loi anti-terrorisme
qui permet le secret. Pour l'heure, le consulat de France n'a pas pu
entrer en contact, au bout d'un mois!
Sevil Sevimli est en effet frano-turque, et pour les autorités de
la-bas, elle est turque et seulement turque.
Ces jeunes gens sont Â" coupables Â" d'avoir assisté a un concert du
Grup Yorum, et d'avoir procédé a la vente de billets pour ce concert
; d'avoir assisté a la projection de Damında Sahan, un film sur
Guler Zere (opposante de gauche décédée d'un cancer non soigné
en prison), projection organisée par l'Association des juristes
contemporains (Cagdas Hukukcular Dernegi) ; enfin d'avoir participé
a un pique-nique collectif lors de la manifestation du 1er mai.
Sevil Sevimli, 19 ans, née en France, était venue a Eskisehir dans
le cadre du programme Erasmus. A l'audition de l'acte d'accusation,
elle a été très étonnée, ignorant que les faits évoqués soient
considérés comme criminels...
Selon le site Cumhuriyet daté du 1er juin, Sevil Sevimli aurait
déclaré : Â" J'ai grandi en France et j'ai toujours été de gauche
; j'ai cherché a lire des ouvrages d'auteurs étrangers, mais il
est difficile en France de trouver des livres d'auteurs turcs. En
arrivant en Turquie, j'ai voulu me procurer des livres d'écrivains
turcs de gauche, en rapport avec mes centres d'intérêt. Je me suis
fournie tout a fait librement dans les librairies, les magasins, les
bibliothèques publiques. Au cours de la fouille qu'ils ont fait chez
moi [les policiers] ont confisqué un exemplaire du Manifeste du Parti
Communiste et l'Alphabet socialiste [de Leo Huberman], et deux revues.
J'ignorais que ces livres et revues avaient été retirés de la vente.
Bon, il y a une censure, maintenant je le sais !"
Les parents de Sevil travaillent en France, et n'avaient pas les
moyens d'envoyer leur fille en Turquie. Â" Je savais qu'ils avaient
très envie que je connaisse la Turquie, c'est pourquoi j'ai fait
une demande de programme Erasmus. J'ai pensé que je pourrais mener
en Turquie la même vie qu'en France. Et je suis partie. Je ne
pensais pas qu'il pouvait exister la-bas une telle censure, qu'on
pouvait interdire des livres. Je suis profondément de gauche, j'ai
grandi dans cet esprit, et en France je pouvais lire tout ce que je
voulais. En Turquie, je me suis bien sÃ"r intéressée a la campagne
des étudiants qui militent pour un enseignement gratuit, car j'ai
connu moi-même des difficultés économiques. Un jour, a l'école,
j'ai confectionné moi-même une affiche revendiquant la gratuité de
enseignement. Ce n'était pas interdit ! Je suis une simple étudiante,
je n'appartiens a aucune organisation. Â"
Son avocat, Engin Gökoglu, a déclaré : Â" Les faits qui lui sont
reprochés ne tombent pas sous le coup de la loi. D'ailleurs Guler
Zere, avant d'être terrassée par le cancer, avait été amnistiée
par le président de la république lui-même. Si ces faits sont
criminels, moi aussi, j'ai participé a de telles actions quand
j'étais étudiant.
D'après les critères de la Cour européenne des droits de l'Homme,
le maintien du secret sur ce dossier durant l'enquête, ainsi que la
manière dont on a procédé aux interrogatoires en cours de détention
sont contraires aux droits de l'Homme. Â"
L'avocat Gökoglu a commenté ainsi les faits au nom desquels sa
cliente est inculpée:
" - "Assister a la projection du documentaire Damında Sahan Guler
Zere: le ministre des affaires étrangères Ahmet Davutoglu avait
déclaré a l'époque: "Guler Zere est notre fille". Elle a été
atteinte du cancer alors qu'elle était en prison, où elle n'a pas
pu être soignée. Alors qu'elle était mourante, le président de
la république l'a amnistiée. Elle est décédée en liberté. Le
documentaire ne comporte absolument rien qui soit condamnable au
regard de la loi."
" - "Placarder une affiche réclamant la gratuité de l'enseignement".
Si cet acte peut être blâmable, il n'est pas en soi délictueux. Tant
que l'affiche en question ne contient rien de répréhensible, on ne
peut admettre que cet acte le soit."
" - "Assister a un concert du groupe Yorum" a Istanbul: le 15
avril 2012, ce concert s'est produit devant un public estimé a 350
000 personnes. Ces gens venaient de toutes les catégories de la
population, pour répondre a un appel "pour la Turquie indépendante".
On ne peut comprendre que la participation a un événement artistique
soit érigé en un fait délictueux et condamnable."
" - "Participer a la fête officielle du Premier-Mai": Ce jour du
Premier-Mai, dans la plupart des pays du monde, est la Fête du travail
et des travailleurs. Désormais [en Turquie], ce jour est devenu
également une fête officielle et chacun peut y participer librement."
" - "Participer a un pique-nique précédant la fête du Premier-Mai"
: il n'y a pas de preuve que des délits aient été commis au cours
de ce pique-nique organisé par les étudiants."
"Nous avons examiné toutes les charges alléguées et il est clair
que l'ensemble des faits concernés sont du ressort d'activités
entièrement légales et démocratiques."
***
Pour ma part, de 2003 a 2007, j'ai enseigné quelques semaines par
an l'histoire du nationalisme turc a l'université de Galatasaray
(Istanbul). J'avais un groupe d'une trentaine d'étudiants d'origines
diverses, surtout turcs, et toujours cinq ou six francais, venus eux
aussi dans le cadre du programme Erasmus. C'était une joie pour moi
d'enseigner a ces jeunes. Les Francais me disaient souvent comme ils
étaient heureux d'avoir choisi la Turquie comme lieu d'études,
tellement plus intéressant que Londres ou d'autres capitales
européennes demandées par la majorité des boursiers!
Devons-nous maintenant déconseiller aux étudiants de se rendre
en Turquie? Je ne crois pas! Une Turquie sans étrangers, c'est
sÃ"rement ce que souhaitent les nationalistes turcs prêts a nous
dire: "Vous voulez des données sur la Turquie? Rentrez donc chez
vous, nous vous enverrons de la documentation!". Il faut y aller,
être discret, observer, rendre compte, écrire sans complaisance,
par amitié pour les Turcs victimes de la répression.
Mais aussi, avant de partir, savoir dans quoi on va mettre les
pieds... Enseignants des universités, briefez vos étudiants!
Lire également: "Présumés coupables", rapport de la Ligue
internationale des droits de l'Homme sur les violations en Turquie
Lire également les articles sur les autres cas de répression:
l'affaire concernant la sociologue Pınar Selek,
l'historienne Busra Ersanlı,
l'éditeur Ragıp Zarakolu,
la traductrice Ayse Berktay,
l'anthropologue Muge Tuzcuoglu,
les vagues d'emprisonnements de journalistes,
le mouvement des étudiants,
le mouvement de défense du droit a l'avortement,
et toutes les atteintes aux droits de l'homme:
Cliquez sur : "Le Modèle turc" dans la barre des menus au-dessus de
l'article le plus récent, ou dans la colonne de droite.
Pour mesurer l'ampleur de la menace, lire les déclarations
ahurissantes du ministre de l'Intérieur
Lire aussi :
Liberté pour Ragip Zarakolu : Dossier complet
Turquie : quel modèle pour le monde arabe ?
Retour a la rubrique
Source/Lien : susam-sokak.fr
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
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d'Etienne Copeaux, le 9 juin 2012. Ã~Itienne Copeaux est un historien
spécialiste du monde turc. Chercheur au Groupe de recherches et
d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Oriea Lyon, il s'intéresse
particulièrement au nationalisme en Turquie.
susam-sokak.fr, le blog d'Etienne Copeaux
Samedi 9 juin 2012
Sevil Sevimli, étudiante francaise arrêtée en Turquie
Faut-il déconseiller aux étudiants étrangers de partir étudier
en Turquie ?
Malgré ce qui suit, je réponds "non".
Sevil Sevimli, étudiante Erasmus originaire de Belleville-sur-Saône,
a été arrêtée avec cinq autres jeunes gens, et accusée
d' Â" appartenance a un mouvement terroriste armé, le DHKP-C
Â". L'opération policière a eu lieu le 10 mai a Eskisehir. On n'en
n'a rien su jusqu'a présent en raison de la loi anti-terrorisme
qui permet le secret. Pour l'heure, le consulat de France n'a pas pu
entrer en contact, au bout d'un mois!
Sevil Sevimli est en effet frano-turque, et pour les autorités de
la-bas, elle est turque et seulement turque.
Ces jeunes gens sont Â" coupables Â" d'avoir assisté a un concert du
Grup Yorum, et d'avoir procédé a la vente de billets pour ce concert
; d'avoir assisté a la projection de Damında Sahan, un film sur
Guler Zere (opposante de gauche décédée d'un cancer non soigné
en prison), projection organisée par l'Association des juristes
contemporains (Cagdas Hukukcular Dernegi) ; enfin d'avoir participé
a un pique-nique collectif lors de la manifestation du 1er mai.
Sevil Sevimli, 19 ans, née en France, était venue a Eskisehir dans
le cadre du programme Erasmus. A l'audition de l'acte d'accusation,
elle a été très étonnée, ignorant que les faits évoqués soient
considérés comme criminels...
Selon le site Cumhuriyet daté du 1er juin, Sevil Sevimli aurait
déclaré : Â" J'ai grandi en France et j'ai toujours été de gauche
; j'ai cherché a lire des ouvrages d'auteurs étrangers, mais il
est difficile en France de trouver des livres d'auteurs turcs. En
arrivant en Turquie, j'ai voulu me procurer des livres d'écrivains
turcs de gauche, en rapport avec mes centres d'intérêt. Je me suis
fournie tout a fait librement dans les librairies, les magasins, les
bibliothèques publiques. Au cours de la fouille qu'ils ont fait chez
moi [les policiers] ont confisqué un exemplaire du Manifeste du Parti
Communiste et l'Alphabet socialiste [de Leo Huberman], et deux revues.
J'ignorais que ces livres et revues avaient été retirés de la vente.
Bon, il y a une censure, maintenant je le sais !"
Les parents de Sevil travaillent en France, et n'avaient pas les
moyens d'envoyer leur fille en Turquie. Â" Je savais qu'ils avaient
très envie que je connaisse la Turquie, c'est pourquoi j'ai fait
une demande de programme Erasmus. J'ai pensé que je pourrais mener
en Turquie la même vie qu'en France. Et je suis partie. Je ne
pensais pas qu'il pouvait exister la-bas une telle censure, qu'on
pouvait interdire des livres. Je suis profondément de gauche, j'ai
grandi dans cet esprit, et en France je pouvais lire tout ce que je
voulais. En Turquie, je me suis bien sÃ"r intéressée a la campagne
des étudiants qui militent pour un enseignement gratuit, car j'ai
connu moi-même des difficultés économiques. Un jour, a l'école,
j'ai confectionné moi-même une affiche revendiquant la gratuité de
enseignement. Ce n'était pas interdit ! Je suis une simple étudiante,
je n'appartiens a aucune organisation. Â"
Son avocat, Engin Gökoglu, a déclaré : Â" Les faits qui lui sont
reprochés ne tombent pas sous le coup de la loi. D'ailleurs Guler
Zere, avant d'être terrassée par le cancer, avait été amnistiée
par le président de la république lui-même. Si ces faits sont
criminels, moi aussi, j'ai participé a de telles actions quand
j'étais étudiant.
D'après les critères de la Cour européenne des droits de l'Homme,
le maintien du secret sur ce dossier durant l'enquête, ainsi que la
manière dont on a procédé aux interrogatoires en cours de détention
sont contraires aux droits de l'Homme. Â"
L'avocat Gökoglu a commenté ainsi les faits au nom desquels sa
cliente est inculpée:
" - "Assister a la projection du documentaire Damında Sahan Guler
Zere: le ministre des affaires étrangères Ahmet Davutoglu avait
déclaré a l'époque: "Guler Zere est notre fille". Elle a été
atteinte du cancer alors qu'elle était en prison, où elle n'a pas
pu être soignée. Alors qu'elle était mourante, le président de
la république l'a amnistiée. Elle est décédée en liberté. Le
documentaire ne comporte absolument rien qui soit condamnable au
regard de la loi."
" - "Placarder une affiche réclamant la gratuité de l'enseignement".
Si cet acte peut être blâmable, il n'est pas en soi délictueux. Tant
que l'affiche en question ne contient rien de répréhensible, on ne
peut admettre que cet acte le soit."
" - "Assister a un concert du groupe Yorum" a Istanbul: le 15
avril 2012, ce concert s'est produit devant un public estimé a 350
000 personnes. Ces gens venaient de toutes les catégories de la
population, pour répondre a un appel "pour la Turquie indépendante".
On ne peut comprendre que la participation a un événement artistique
soit érigé en un fait délictueux et condamnable."
" - "Participer a la fête officielle du Premier-Mai": Ce jour du
Premier-Mai, dans la plupart des pays du monde, est la Fête du travail
et des travailleurs. Désormais [en Turquie], ce jour est devenu
également une fête officielle et chacun peut y participer librement."
" - "Participer a un pique-nique précédant la fête du Premier-Mai"
: il n'y a pas de preuve que des délits aient été commis au cours
de ce pique-nique organisé par les étudiants."
"Nous avons examiné toutes les charges alléguées et il est clair
que l'ensemble des faits concernés sont du ressort d'activités
entièrement légales et démocratiques."
***
Pour ma part, de 2003 a 2007, j'ai enseigné quelques semaines par
an l'histoire du nationalisme turc a l'université de Galatasaray
(Istanbul). J'avais un groupe d'une trentaine d'étudiants d'origines
diverses, surtout turcs, et toujours cinq ou six francais, venus eux
aussi dans le cadre du programme Erasmus. C'était une joie pour moi
d'enseigner a ces jeunes. Les Francais me disaient souvent comme ils
étaient heureux d'avoir choisi la Turquie comme lieu d'études,
tellement plus intéressant que Londres ou d'autres capitales
européennes demandées par la majorité des boursiers!
Devons-nous maintenant déconseiller aux étudiants de se rendre
en Turquie? Je ne crois pas! Une Turquie sans étrangers, c'est
sÃ"rement ce que souhaitent les nationalistes turcs prêts a nous
dire: "Vous voulez des données sur la Turquie? Rentrez donc chez
vous, nous vous enverrons de la documentation!". Il faut y aller,
être discret, observer, rendre compte, écrire sans complaisance,
par amitié pour les Turcs victimes de la répression.
Mais aussi, avant de partir, savoir dans quoi on va mettre les
pieds... Enseignants des universités, briefez vos étudiants!
Lire également: "Présumés coupables", rapport de la Ligue
internationale des droits de l'Homme sur les violations en Turquie
Lire également les articles sur les autres cas de répression:
l'affaire concernant la sociologue Pınar Selek,
l'historienne Busra Ersanlı,
l'éditeur Ragıp Zarakolu,
la traductrice Ayse Berktay,
l'anthropologue Muge Tuzcuoglu,
les vagues d'emprisonnements de journalistes,
le mouvement des étudiants,
le mouvement de défense du droit a l'avortement,
et toutes les atteintes aux droits de l'homme:
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l'article le plus récent, ou dans la colonne de droite.
Pour mesurer l'ampleur de la menace, lire les déclarations
ahurissantes du ministre de l'Intérieur
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Turquie : quel modèle pour le monde arabe ?
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