POUR UNE NOUVELLE APPROCHE, CENTREE SUR LE DEDOMMAGEMENT
Jean Eckian
armenews.com
mercredi 29 fevrier 2012
Un seminaire sur le genocide armenien ayant pour thème " De la
reconnaissance a l'indemnisation " s'est tenu hier et se poursuit
aujourd'hui au siège du catholicossat armenien, en presence de
juristes internationaux.
Le seminaire sur le genocide armenien qu'organise le catholicossat
armenien de Cilicie amorce une problematique nouvelle, celle de
l'indemnisation, qui vient appuyer l'appel assidu a la reconnaissance
internationale des massacres de 1915-1916. À l'occasion de
l'inauguration du seminaire hier (" De la reconnaissance a la
reparation "), le catholicossat a explicite dans un communique les
enjeux qu'il est determine a soulever. " Le dedommagement materiel,
humain et moral, qui revient de droit au peuple armenien, depuis 1915,
constitue l'objet premier du seminaire ", souligne le communique,
mettant l'accent sur " les biens sacres des milliers d'eglises et
monastères de Cilicie et de l'Ouest de l'Armenie (l'actuel Sud-Est de
la Turquie), pilles par l'Empire ottoman, et que l'Etat turc refuse
de rendre jusqu'a ce jour ".
Aram 1er : " Un cri de conscience "...
Dans son allocution, le catholicos Mgr Aram 1er a situe la tenue
du colloque par rapport a une sensibilite accrue, sur la scène
internationale, a l'egard du genocide, " qui a depasse les seules
limites des relations turco-armeniennes pour devenir partie integrante
de l'agenda mondial ". Cette transformation rejaillit notamment au
niveau de la decision recente de la Chambre des representants des
Etats-Unis qui somme la Turquie de remettre aux ayants droit les lieux
de culte confisques, ainsi que les biens de l'Eglise derobes. Le
catholicossat est actuellement determine a mettre cette demande a
execution, puisque " les droits de l'homme ne sont pas optionnels,
mais intrinsèques au message evangelique ". Et le seminaire est a la
fois un moyen de reflechir aux voies juridiques permettant cela et "
un cri de conscience que nous adressons au monde entier ". Mgr Aram
1er a rappele les normes internationales qui sacralisent les droits de
l'homme (notamment la Charte universelle des droits de l'homme), avant
de s'attarder sur la Convention pour la prevention et la repression
du crime de genocide (l'une des premières conventions onusiennes
relatives au droit humanitaire, adoptees en 1948). " L'effet retroactif
de la Convention sur le genocide est une affaire critique qui sera
certainement traitee lors du colloque ", a releve Mgr Aram 1er. Et
de conclure : " La reconnaissance formelle du genocide armenien est
une condition sine qua non pour toute tentative ou procedure visant
a retablir la justice. "
" Le deni ", substitut a la non-reconnaissance turque
Cette question de reconnaissance vient donc se greffer inevitablement
sur la reparation. Mais la logique du seminaire semble tendre vers
un certain affranchissement de cette reconnaissance, comme condition
de l'indemnisation. C'est d'ailleurs ce point qui a particulièrement
ete valorise par Joe Verhoeven, juge ad hoc a la Cour internationale
de justice (CIJ). " Le point de vue du catholicossat est correct,
puisqu'il articule son approche sur les deux aspects de la
reconnaissance et de l'indemnisation ", affirme-t-il de prime abord.
Estimant que " le genocide est indiscutablement le resultat d'une
politique decidee par l'Empire ottoman ", M. Verhoeven rappelle
qu'il s'agit d'une " histoire tragique, dont la diffusion auprès de
l'opinion publique aurait dû se faire plus efficacement ". Il precise
neanmoins que " le genocide n'est pas, a l'instar de la paternite,
un problème juridique où la reconnaissance importe ". " C'est un fait
que personne ne refute desormais ", martèle-t-il. Dans ce cadre, il
interprète l'aversion de la Turquie a reconnaître le genocide comme
" un refus d'assumer sa responsabilite, car elle est dans le deni
meme du fait ". L'enjeu devient ainsi celui de " punir les autorites
turques pour avoir menti ". Professeur de droit international public a
Paris II-Assas, il amoindrit la portee " du debat public qui entoure
actuellement la loi penalisant la negation du genocide armenien,
votee par le Senat. Ce n'est pas la l'appui central d'une eventuelle
revelation de la verite sur le genocide armenien ". L'enjeu n'est donc
plus celui de l'existence du genocide, mais du " respect a rendre
a la dignite de tout un peuple, dont l'identite meme a ete lapidee
". Et face a cela, " la Turquie n'est plus en position de nier ce
qu'elle devrait accepter ", conclut-il.
De la qualification de genocide
En outre, l'approche du juge Fausto Pocar, ancien president du Tribunal
penal international pour l'ex-Yougoslavie, apporte elle aussi une
innovation juridique relative au genocide. Rappelant que celui-ci se
definit comme " l'extermination intentionnelle d'un groupe ", M.
Pocar a insiste sur " l'intention " pour cerner la realite d'un
genocide. Si les cas de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda auront clarifie
les actes propres a definir un genocide, celui du peuple armenien et
l'atermoiement au niveau de sa reconnaissance pavent la voie a une
nouvelle approche, reiteree hier par M. Pocar : " L'intention peut
etre inferee par des actes qui ne sont pas proprement caracteristiques
du genocide. " Cette intention peut donc se degager, au-dela des
massacres et des deportations, d'un contexte trahissant une volonte
d'extermination d'un groupe.
Les sessions de reflexion et de debat qui animeront le siège du
catholicossat armenien de Cilicie a Antelias, aujourd'hui et demain,
en presence de juristes et d'experts du genocide armenien, promettent
ainsi de consacrer une nouvelle strategie legale, qui complète les
lacunes de la reconnaissance par l'indemnisation concrète d'un peuple
perseverant.
From: Baghdasarian
Jean Eckian
armenews.com
mercredi 29 fevrier 2012
Un seminaire sur le genocide armenien ayant pour thème " De la
reconnaissance a l'indemnisation " s'est tenu hier et se poursuit
aujourd'hui au siège du catholicossat armenien, en presence de
juristes internationaux.
Le seminaire sur le genocide armenien qu'organise le catholicossat
armenien de Cilicie amorce une problematique nouvelle, celle de
l'indemnisation, qui vient appuyer l'appel assidu a la reconnaissance
internationale des massacres de 1915-1916. À l'occasion de
l'inauguration du seminaire hier (" De la reconnaissance a la
reparation "), le catholicossat a explicite dans un communique les
enjeux qu'il est determine a soulever. " Le dedommagement materiel,
humain et moral, qui revient de droit au peuple armenien, depuis 1915,
constitue l'objet premier du seminaire ", souligne le communique,
mettant l'accent sur " les biens sacres des milliers d'eglises et
monastères de Cilicie et de l'Ouest de l'Armenie (l'actuel Sud-Est de
la Turquie), pilles par l'Empire ottoman, et que l'Etat turc refuse
de rendre jusqu'a ce jour ".
Aram 1er : " Un cri de conscience "...
Dans son allocution, le catholicos Mgr Aram 1er a situe la tenue
du colloque par rapport a une sensibilite accrue, sur la scène
internationale, a l'egard du genocide, " qui a depasse les seules
limites des relations turco-armeniennes pour devenir partie integrante
de l'agenda mondial ". Cette transformation rejaillit notamment au
niveau de la decision recente de la Chambre des representants des
Etats-Unis qui somme la Turquie de remettre aux ayants droit les lieux
de culte confisques, ainsi que les biens de l'Eglise derobes. Le
catholicossat est actuellement determine a mettre cette demande a
execution, puisque " les droits de l'homme ne sont pas optionnels,
mais intrinsèques au message evangelique ". Et le seminaire est a la
fois un moyen de reflechir aux voies juridiques permettant cela et "
un cri de conscience que nous adressons au monde entier ". Mgr Aram
1er a rappele les normes internationales qui sacralisent les droits de
l'homme (notamment la Charte universelle des droits de l'homme), avant
de s'attarder sur la Convention pour la prevention et la repression
du crime de genocide (l'une des premières conventions onusiennes
relatives au droit humanitaire, adoptees en 1948). " L'effet retroactif
de la Convention sur le genocide est une affaire critique qui sera
certainement traitee lors du colloque ", a releve Mgr Aram 1er. Et
de conclure : " La reconnaissance formelle du genocide armenien est
une condition sine qua non pour toute tentative ou procedure visant
a retablir la justice. "
" Le deni ", substitut a la non-reconnaissance turque
Cette question de reconnaissance vient donc se greffer inevitablement
sur la reparation. Mais la logique du seminaire semble tendre vers
un certain affranchissement de cette reconnaissance, comme condition
de l'indemnisation. C'est d'ailleurs ce point qui a particulièrement
ete valorise par Joe Verhoeven, juge ad hoc a la Cour internationale
de justice (CIJ). " Le point de vue du catholicossat est correct,
puisqu'il articule son approche sur les deux aspects de la
reconnaissance et de l'indemnisation ", affirme-t-il de prime abord.
Estimant que " le genocide est indiscutablement le resultat d'une
politique decidee par l'Empire ottoman ", M. Verhoeven rappelle
qu'il s'agit d'une " histoire tragique, dont la diffusion auprès de
l'opinion publique aurait dû se faire plus efficacement ". Il precise
neanmoins que " le genocide n'est pas, a l'instar de la paternite,
un problème juridique où la reconnaissance importe ". " C'est un fait
que personne ne refute desormais ", martèle-t-il. Dans ce cadre, il
interprète l'aversion de la Turquie a reconnaître le genocide comme
" un refus d'assumer sa responsabilite, car elle est dans le deni
meme du fait ". L'enjeu devient ainsi celui de " punir les autorites
turques pour avoir menti ". Professeur de droit international public a
Paris II-Assas, il amoindrit la portee " du debat public qui entoure
actuellement la loi penalisant la negation du genocide armenien,
votee par le Senat. Ce n'est pas la l'appui central d'une eventuelle
revelation de la verite sur le genocide armenien ". L'enjeu n'est donc
plus celui de l'existence du genocide, mais du " respect a rendre
a la dignite de tout un peuple, dont l'identite meme a ete lapidee
". Et face a cela, " la Turquie n'est plus en position de nier ce
qu'elle devrait accepter ", conclut-il.
De la qualification de genocide
En outre, l'approche du juge Fausto Pocar, ancien president du Tribunal
penal international pour l'ex-Yougoslavie, apporte elle aussi une
innovation juridique relative au genocide. Rappelant que celui-ci se
definit comme " l'extermination intentionnelle d'un groupe ", M.
Pocar a insiste sur " l'intention " pour cerner la realite d'un
genocide. Si les cas de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda auront clarifie
les actes propres a definir un genocide, celui du peuple armenien et
l'atermoiement au niveau de sa reconnaissance pavent la voie a une
nouvelle approche, reiteree hier par M. Pocar : " L'intention peut
etre inferee par des actes qui ne sont pas proprement caracteristiques
du genocide. " Cette intention peut donc se degager, au-dela des
massacres et des deportations, d'un contexte trahissant une volonte
d'extermination d'un groupe.
Les sessions de reflexion et de debat qui animeront le siège du
catholicossat armenien de Cilicie a Antelias, aujourd'hui et demain,
en presence de juristes et d'experts du genocide armenien, promettent
ainsi de consacrer une nouvelle strategie legale, qui complète les
lacunes de la reconnaissance par l'indemnisation concrète d'un peuple
perseverant.
From: Baghdasarian