Marianne, France
3 mars 2012
Le boomerang arménien
AUTEUR: Eric Conan
Nicolas Sarkozy et François Hollande ne polémiqueront pas à propos de
la censure par le Conseil constitutionnel de la loi pénalisant toute
discussion sur le génocide des Arméniens, votée le 23 janvier. C'est
un camouflet pour les deux : ils avaient soutenu ce texte, cédant à un
clientélisme communautaire dénoncé dans leurs propres camps. On peut
s'inquiéter de cet aveuglement commun tant l'inconstitutionnalité du
texte était annoncée comme certaine par tous les juristes, dont Robert
Badinter, ancien président du Conseil constitutionnel.
Les juges ont additionné les motifs d'annulation d'un texte violant
grossièrement, selon eux, «le principe d'égalité», «le principe de
séparation des pouvoirs», «la liberté de recherche», «la liberté
d'expression et de communication» ainsi que «la portée normative» de
la loi. Anticonstitutionnelle, cette loi était inutile et dangereuse.
Aujourd'hui, elle dessert la cause qu'elle entendait servir, son
annulation renforçant l'Etat turc, qui l'exploite avec un cynisme
prévisible pour minimiser la tragédie arménienne. Et elle relance la
concurrence des mémoires. Plus question pour ceux qui n'ont pas obtenu
leur texte dédié d'y songer à l'avenir, cette décision mettant un coup
d'arrêt aux législations mémorielles. Pour les textes antérieurs, la
question reste ouverte. La loi Gayssot de 1990 pénalisant la négation
de l'extermination des juifs n'est plus à l'abri d'une censure au nom
de la «liberté d'expression». Coïncidence, le grand rabbin de France,
Gilles Bernheim, publie cette semaine un livre (N'oublions pas de
penser la France, Stock) dans lequel il dit ce qu'il pense de la loi
Gayssot : «Les conséquences de l'intervention du législateur sont plus
préjudiciables qu'utiles.»
3 mars 2012
Le boomerang arménien
AUTEUR: Eric Conan
Nicolas Sarkozy et François Hollande ne polémiqueront pas à propos de
la censure par le Conseil constitutionnel de la loi pénalisant toute
discussion sur le génocide des Arméniens, votée le 23 janvier. C'est
un camouflet pour les deux : ils avaient soutenu ce texte, cédant à un
clientélisme communautaire dénoncé dans leurs propres camps. On peut
s'inquiéter de cet aveuglement commun tant l'inconstitutionnalité du
texte était annoncée comme certaine par tous les juristes, dont Robert
Badinter, ancien président du Conseil constitutionnel.
Les juges ont additionné les motifs d'annulation d'un texte violant
grossièrement, selon eux, «le principe d'égalité», «le principe de
séparation des pouvoirs», «la liberté de recherche», «la liberté
d'expression et de communication» ainsi que «la portée normative» de
la loi. Anticonstitutionnelle, cette loi était inutile et dangereuse.
Aujourd'hui, elle dessert la cause qu'elle entendait servir, son
annulation renforçant l'Etat turc, qui l'exploite avec un cynisme
prévisible pour minimiser la tragédie arménienne. Et elle relance la
concurrence des mémoires. Plus question pour ceux qui n'ont pas obtenu
leur texte dédié d'y songer à l'avenir, cette décision mettant un coup
d'arrêt aux législations mémorielles. Pour les textes antérieurs, la
question reste ouverte. La loi Gayssot de 1990 pénalisant la négation
de l'extermination des juifs n'est plus à l'abri d'une censure au nom
de la «liberté d'expression». Coïncidence, le grand rabbin de France,
Gilles Bernheim, publie cette semaine un livre (N'oublions pas de
penser la France, Stock) dans lequel il dit ce qu'il pense de la loi
Gayssot : «Les conséquences de l'intervention du législateur sont plus
préjudiciables qu'utiles.»