MUSTAFA AKYOL : INSULTE A L'ARMENITE
Jean Eckian
armenews.com
lundi 5 mars 2012
Par Mustafa Akyol, Hurriyet Daily News
Une manifestation bizarre a eu lieu a Istanbul la semaine dernière. Le
thème declare en etait la commemoration du vingtième anniversaire du
Massacre de Khodjalou, l'episode le plus tragique de la guerre entre
l'Azerbaïdjan et l'Armenie de 1988-1994. Quelques 600 civils azeris,
parmi lesquels beaucoup d'enfants et meme des bebes, avaient ete
sauvagement assassines par les forces armeniennes dans le village de
Khodjaly, laissant derrière eux une memoire douloureuse.
En d'autres termes, ce n'etait que justice, pour des milliers de Turcs,
de se reunir sur la place Taksim, le c~\ur d'Istanbul, pour montrer
qu'ils se souvenaient encore des victimes de Khodjalou. Pour eux, il
etait juste egalement d'exprimer leur solidarite avec des centaines
de milliers de refugies des territoires azeris, dont certains ont
ete sous occupation armenienne depuis 1992.
Par contre, il n'est pas juste de transformer la manifestation en
une explosion de haine contre les Armeniens, ce qui a ete le cas.
En fait, le problème ressort meme des pancartes qu'on pouvait voir
partout a Istanbul dans la semaine qui precedait la manifestation. Ces
grands panonceaux invitaient les gens a Taksim non seulement pour se
rappeler des victimes de Khodjalou, mais aussi "dites non au mensonge
armenien". "Et le mensonge armenien" n'etait rien d'autre que la
facon dont les Armeniens definissent la Grande Catastrophe de 1915
: genocide.
Autrement dit, le fait que quelques Armeniens aient massacre des
Azeris en 1992 etait sense impliquer qu'aucun Turc (ou Kurde) n'avait
massacre des Armeniens en 1915. (Qui a dit que les chauvins etaient
raisonnables ? ).
Des termes meme pires etaient employes dans la manifestation. Quelques
uns des manifestants portaient des pancartes sur lesquelles on lisait,
"vous etes tous des Armeniens, vous etes tous des salauds". C'est une
reponse claire aux Turcs anti- fascistes qui defilaient sous le slogan
: " Nous sommes tous des Armeniens ", aux funerailles de Hrant Dink.
Pire encore, un groupe de jeunes de l'extreme droite portant des berets
blancs, donnant implicitement le message, "nous sommes tous des Ogun
Samast" (Samast est l'assassin de Hrant Dink, âge de dix-sept ans, et
le beret blanc qu'il portait pendant le meurtre a acquis par suite une
notoriete au plan national). Quelques uns de ces militants voulaient
se diriger vers les bureaux d'Agos, le journal armenien dont l'editeur
n'etait autre que Hrant Dink, mais ont ete heureusement empeches par
la police.
Bref, le fascisme turc de la pire espèce a recupere la manifestation
de Khodjalou.
Mais il y a encore pire : le ministre de l'interieur du gouvernement
de la majorite AKP, Parti de la Justice et du Developpement, Idris
Naim Sahin, s'etait joint a la manifestation. Il a fait un discours
debile sur le 21ème siècle qui sera peut-etre un "siècle turc", et,
plus gravement, n'a rien dit aux fascistes autour de lui portant des
pancartes insultant tous les Armeniens en les appelant "les salauds".
A son credit, le ministre des affaires etrangères Ahmet Davutoglu a
plus tard critique ces pancartes, les qualifiant, pour le moins, d'
"inacceptables". Mais si Davutoglu represente le côte clair de l'AKP,
Idris Naim Sahin en est le côte sombre, ce qui ressort de ses nombreux
commentaires scandaleux de l'an passe. (Et prendre dans son equipe ce
gentilhomme, qui n'a aucune idee de la democratie et de la liberte,
dans son cabinet, est l'une des plus grandes erreurs du premier
ministre Erdogan).
L'AKP, apparemment, poursuit une politique qui intègre toutes
les opinions, c'est-a-dire qu'il en appelle a tous les electeurs,
l'extreme droite y comprise. On peut comprendre, jusqu'a un certain
point, sauf lorsqu'il s'agit de ce qu' Idris Naim Sahin represente. Un
nationalisme plus civilise et pluraliste turc est possible, et c'est
ce que la Turquie devrait entendre de l'AKP.
Post Scriptum : compliments aux membres du Conseil Constitutionnel
francais qui a repousse l'attaque du President Sarkozy sur la liberte
d'expression. Ils ont prouve que la 'Liberte" n'est pas morte en
France.
Traduction et commentaire de Gilbert Beguian
Sarkozy n'a pas essaye de porter atteinte a la liberte d'expression.
Ce n'est pas la liberte d'expression que le Conseil Constitutionnel
a protege en rejettant la loi de penalisation. La population
d'Azerbaïdjan, ce ne sont pas des "Azeris", ce sont des
Azerbaïdjanais. Et l'evenement le plus tragique de la guerre du
Karabagh, ce n'est pas Khodjalou sur la ligne de front, mais ce
sont les pogroms de Soumgaït a des centaines de kilomètres du champ
de bataille.
Et...Khodjalou n'a pas ete un massacre organise par les Armeniens
contre les Azerbaïdjanais, mais une tragedie dans laquelle le pouvoir
azerbaïdjanais de l'epoque porte une large part de responsabilite,
dont il a ensuite organise la mise en scène pour les besoin de sa
propagande et dont les victimes sont incommensurablement moindre que
le nombre indique.
A propos du beret blanc porte par l'assassin de Hrant Dink, repris par
les fascistes turcs : dans la tradition ottomane, quiconque avait tue
de sa main un infidèle pouvait s'affubler du foulard blanc sur la tete.
GB
La semaine dernière Mustafa Akyol dialoguait sur Al Jazeera avec
Robert Aydabirian (Pt de l'Observatoire armenien) ICI
Jean Eckian
armenews.com
lundi 5 mars 2012
Par Mustafa Akyol, Hurriyet Daily News
Une manifestation bizarre a eu lieu a Istanbul la semaine dernière. Le
thème declare en etait la commemoration du vingtième anniversaire du
Massacre de Khodjalou, l'episode le plus tragique de la guerre entre
l'Azerbaïdjan et l'Armenie de 1988-1994. Quelques 600 civils azeris,
parmi lesquels beaucoup d'enfants et meme des bebes, avaient ete
sauvagement assassines par les forces armeniennes dans le village de
Khodjaly, laissant derrière eux une memoire douloureuse.
En d'autres termes, ce n'etait que justice, pour des milliers de Turcs,
de se reunir sur la place Taksim, le c~\ur d'Istanbul, pour montrer
qu'ils se souvenaient encore des victimes de Khodjalou. Pour eux, il
etait juste egalement d'exprimer leur solidarite avec des centaines
de milliers de refugies des territoires azeris, dont certains ont
ete sous occupation armenienne depuis 1992.
Par contre, il n'est pas juste de transformer la manifestation en
une explosion de haine contre les Armeniens, ce qui a ete le cas.
En fait, le problème ressort meme des pancartes qu'on pouvait voir
partout a Istanbul dans la semaine qui precedait la manifestation. Ces
grands panonceaux invitaient les gens a Taksim non seulement pour se
rappeler des victimes de Khodjalou, mais aussi "dites non au mensonge
armenien". "Et le mensonge armenien" n'etait rien d'autre que la
facon dont les Armeniens definissent la Grande Catastrophe de 1915
: genocide.
Autrement dit, le fait que quelques Armeniens aient massacre des
Azeris en 1992 etait sense impliquer qu'aucun Turc (ou Kurde) n'avait
massacre des Armeniens en 1915. (Qui a dit que les chauvins etaient
raisonnables ? ).
Des termes meme pires etaient employes dans la manifestation. Quelques
uns des manifestants portaient des pancartes sur lesquelles on lisait,
"vous etes tous des Armeniens, vous etes tous des salauds". C'est une
reponse claire aux Turcs anti- fascistes qui defilaient sous le slogan
: " Nous sommes tous des Armeniens ", aux funerailles de Hrant Dink.
Pire encore, un groupe de jeunes de l'extreme droite portant des berets
blancs, donnant implicitement le message, "nous sommes tous des Ogun
Samast" (Samast est l'assassin de Hrant Dink, âge de dix-sept ans, et
le beret blanc qu'il portait pendant le meurtre a acquis par suite une
notoriete au plan national). Quelques uns de ces militants voulaient
se diriger vers les bureaux d'Agos, le journal armenien dont l'editeur
n'etait autre que Hrant Dink, mais ont ete heureusement empeches par
la police.
Bref, le fascisme turc de la pire espèce a recupere la manifestation
de Khodjalou.
Mais il y a encore pire : le ministre de l'interieur du gouvernement
de la majorite AKP, Parti de la Justice et du Developpement, Idris
Naim Sahin, s'etait joint a la manifestation. Il a fait un discours
debile sur le 21ème siècle qui sera peut-etre un "siècle turc", et,
plus gravement, n'a rien dit aux fascistes autour de lui portant des
pancartes insultant tous les Armeniens en les appelant "les salauds".
A son credit, le ministre des affaires etrangères Ahmet Davutoglu a
plus tard critique ces pancartes, les qualifiant, pour le moins, d'
"inacceptables". Mais si Davutoglu represente le côte clair de l'AKP,
Idris Naim Sahin en est le côte sombre, ce qui ressort de ses nombreux
commentaires scandaleux de l'an passe. (Et prendre dans son equipe ce
gentilhomme, qui n'a aucune idee de la democratie et de la liberte,
dans son cabinet, est l'une des plus grandes erreurs du premier
ministre Erdogan).
L'AKP, apparemment, poursuit une politique qui intègre toutes
les opinions, c'est-a-dire qu'il en appelle a tous les electeurs,
l'extreme droite y comprise. On peut comprendre, jusqu'a un certain
point, sauf lorsqu'il s'agit de ce qu' Idris Naim Sahin represente. Un
nationalisme plus civilise et pluraliste turc est possible, et c'est
ce que la Turquie devrait entendre de l'AKP.
Post Scriptum : compliments aux membres du Conseil Constitutionnel
francais qui a repousse l'attaque du President Sarkozy sur la liberte
d'expression. Ils ont prouve que la 'Liberte" n'est pas morte en
France.
Traduction et commentaire de Gilbert Beguian
Sarkozy n'a pas essaye de porter atteinte a la liberte d'expression.
Ce n'est pas la liberte d'expression que le Conseil Constitutionnel
a protege en rejettant la loi de penalisation. La population
d'Azerbaïdjan, ce ne sont pas des "Azeris", ce sont des
Azerbaïdjanais. Et l'evenement le plus tragique de la guerre du
Karabagh, ce n'est pas Khodjalou sur la ligne de front, mais ce
sont les pogroms de Soumgaït a des centaines de kilomètres du champ
de bataille.
Et...Khodjalou n'a pas ete un massacre organise par les Armeniens
contre les Azerbaïdjanais, mais une tragedie dans laquelle le pouvoir
azerbaïdjanais de l'epoque porte une large part de responsabilite,
dont il a ensuite organise la mise en scène pour les besoin de sa
propagande et dont les victimes sont incommensurablement moindre que
le nombre indique.
A propos du beret blanc porte par l'assassin de Hrant Dink, repris par
les fascistes turcs : dans la tradition ottomane, quiconque avait tue
de sa main un infidèle pouvait s'affubler du foulard blanc sur la tete.
GB
La semaine dernière Mustafa Akyol dialoguait sur Al Jazeera avec
Robert Aydabirian (Pt de l'Observatoire armenien) ICI