CE QU'ON NE SAIT PAS DE LA DIASPORA ARMENIENNE
Jean Eckian
armenews.com
lundi 19 mars 2012
Une interessante etude sur les diverses vagues d'emigration des
Armeniens, a differentes epoques.
Si on n'est pas surpris de l'idee que se font les Turcs de la diaspora,
on s'etonne un peu de lire dans la version en ligne d'un journal turc,
que les Armeniens ont ete victimes d'un nettoyage ethnique en 1915,
bien que vivant sur leurs terres ancestrales en "Turquie de l'est". Il
est dommage aussi que l'auteur ne se limite qu'a la perception
que se font les Turcs de la diaspora. Il aurait pu s'essayer a en
decrire le rôle. Enfin, curieusement, notons la mention du conflit
du Karabagh dans la liste des epreuves traversees par les Armeniens
vivant en Turquie.
Il est regrettable que de nos jours en Turquie, ce qu'on appelle la
diaspora armenienne est encore très exposee aux rumeurs, informations
et stereotypes souvent infondes. En Turquie trois groupes distincts
d'Armeniens sont identifies, et cette classification a laquelle
on est arrive est due en particulier a la presse. Ces groupes sont
les Armeniens d'Armenie, les Armeniens de nationalite tuque et la
diaspora. Le dernier cite de ces groupes, la diaspora, est peut-etre le
moins bien connu et, parce qu'on en sait moins sur ce groupe que sur
les deux autres, c'est celui qui est le moins aime. C'est egalement
le groupe qui semble incapable de se defaire de l'image de saboteur
de relations avec la Turquie.
Pour la Turquie, où beaucoup voient encore dans la diaspora comme une
sorte de "monolithe" et comme un "ennemi du dialogue", penser a ce
groupe comme etant les petits-enfants en fait de citoyens ottomans,
a son importance. Ce faisant, les relations entre la Turquie et la
diaspora s'en trouveraient assainies, et en meme temps, la diaspora
pourrait etre mieux comprise.
Comprendre la diaspora armenienne
Aujourd'hui, cependant, la perception generale de la Turquie envers
la diaspora est celle d'une masse de gens qui voient l'Armenie comme
leur patrie, qui ne refusent aucun soutien financier ou spirituel a
l'Armenie, qui contrôle totalement la "politique turque" de l'Armenie,
et très actif pour prendre leur part, comme "ennemis de la Turquie".
Malheureusement, cependant, la diaspora est un phenomène difficile a
analyser. Afin d'avoir la meilleure idee, vraiment, de la diaspora,
la periode où elle a pris forme doit faire l'objet d'une analyse et
d'une interpretation meticuleuses ; il faut faire de meme avec les
relations entre la Turquie, l'Armenie et les pays où ont reside les
membres de la diaspora a ce moment la.
Les Armeniens, soumis au nettoyage ethnique en 1915, et expulses
systematiquement de leur patrie, etaient en fait forces de marcher dans
les deserts de Deir-es-Zor, dans la Syrie du nord-est. Ceux qui ont
survecu se sont efforces d'atteindre des villes telles Alep, Damas,
Beyrouth ou Bagdad. Tandis qu'une partie d'entre eux essayaient de
reconstruire leur vie dans ces villes, d'autres se dirigèrent vers des
lieux plus eloignes tels que l'Egypte, la Grèce, la France, Chypre,
la Roumanie, la Bulgarie, la Serbie et l'Amerique. Aux lendemains de
1915, des communautes armeniennes s'etablirent en des endroits comme
Cuba, l'Argentine, l'Uruguay, le Bresil, l'Australie Addis-Abeba,
le Cap et meme Hong Kong. De nos jours, le terme 'diaspora' est
en general accepte comme s'appliquant aux membres d'une nation ou
d'une croyance qui vivent en dehors de leurs terres ancestrales,
constituant localement une minorite. C'est ainsi que l"'expression
'diaspora armenienne' a ete employee dès le debut des annees 1920.
Lorsqu'on regarde en arrière, cependant, on peut voir en fait que les
Armeniens ont commence a former des communautes dans les autres pays
bien avant 1915, dès la chute du Royaume Armenien des Arsacides.
Depuis le 15ème et 16ème siècles les fondateurs de communautes
armeniennes comme en Roumanie, en Pologne, en Inde, en Italie,
en Allemagne, en Iran et en Amerique etaient generalement des
marchants qui s'etaient etablis dans ces pays pour y faire du
commerce. On estime a 200 000 le nombre d'Armeniens vivant hors de
l'Armenie a cette epoque. Sous les Ottomans, avant 1915, la première
vague d'emigration des Armeniens eut lieu au debut des annees 1870,
atteignant leur niveau le plus eleve en 1895 a 1896 du fait des pertes
en vies humaines et de la peur du regime d'Abdulhamid II. Au cours de
cette periode, l'influence des missionnaires en Anatolie a contribue
a l'emigration d'Armeniens vers l'Amerique.
Après 1915, les Armeniens qui restèrent en Turquie pouvaient se
trouver pour l'essentiel a Istanbul. Après les evenements qui se
deroulèrent en Thrace, quelques Armeniens continuèrent a emigrer en
Europe de l'Est, mais beaucoup se decidèrent a emigrer a Istanbul,
parce que cette ville apparaissait comme plus sûre et fiable,
comparee a d'autres villes. Tandis que peu, parmi les membres des
communautes armeniennes, avaient continue leur vie dans les regions
de l'est de la Turquie, beaucoup cedèrent finalement a la pression
et s'etablirent a Istanbul. La communaute armenienne qui prit forme
a Istanbul dut subir des evenements comme l'impôt sur le fortune,
la campagne publique "les Citoyens Parlent le Turc", les evenements
des 6 et 7 septembre (1955), le coup d'etat militaire de 1980, et
plus recemment, le conflit du Haut-Karabagh [ ?], et ainsi commenca
un mouvement de depart de la Turquie en grand nombre, se joignant
dans en Europe et en Amerique aux diasporas qui s'y trouvaient deja.
1918-1920 : la Première Republique Armenienne et la diaspora
Entre 1916 et 1917, des milliers d'Armeniens vivant dans les regions de
l'est de la Turquie essayèrent de trouver leur route vers l'Armenie,
la Georgie ou la Russie. Et quand la première Republique Armenienne
fut officiellement creee le 28 mai 1918, des mesures furent prises
en direction des Armeniens etablis en dehors du pays a travers le
monde. La naissance d'une Armenie independante après tant d'annees,
fut un grand bonheur parmi les Armeniens du monde entier. En août
1920, le ministère armenien des affaires etrangères decida de creer un
bureau specifique qui serait consacre au Armeniens vivant en dehors de
l'Armenie. La raison fondamentale de cette decision etait de preparer,
avec l'aide des missions diplomatiques de la Republique d'Armenie,
le retour systematique et effectif des Armeniens vivant en dehors de
l'Armenie dans leur patrie. Mais lorsqu'en 1920, l'Armenie tomba aux
mains du pouvoir bolchevique, ce nouveau departement n'avait fonctionne
que pendant trois mois, ainsi disparut toute trace du travail entrepris
dans ce sens sur les relations avec les Armeniens de la diaspora.
La politique de l'Union Sovietique envers la diaspora armenienne
Dès les premiers jours de son apparition, l'Union Sovietique
mit resolument au point un ensemble de decisions relatives a la
diaspora armenienne. L'Armenie etant entree formellement dans l'Union
Sovietique, un "Bureau des Affaires de l'Immigration" fut ouvert en
juillet 1922 a Erevan, et bien que ce bureau n'etait pas vraiment
un ministère, il en avait le statut. Cette meme annee, en decembre,
un groupe de 3 000 Armeniens arrivèrent par bateau a Batoumi, venant
de Mesopotamie, la dernière partie de leur periple vers l'Armenie
devait se faire par la route. Entre 1921 et 1922 ; un total de 9 000
Armeniens de differents pays retournèrent en Armenie, tandis qu'entre
1924 et 1925, 20 000 personnes au total emigrèrent en Armenie, beaucoup
de Turquie et de Grèce. Il n'y a que peu de doutes sur le rôle joue
par le premier consulat armenien en Turquie, installe a Voyvoda
Sokak (maintenant appelee Bankalar Caddesi) a Karakoy, Istanbul -
qui s'employa activement a guider et a assister les Armeniens qui
allèrent en Armenie venant de Turquie au cours de ces annees-la.
Après les migrations de 1925 a 1926, "Hemseri Dernekleri" et "Hemseri
Birlikleri" (associations de compatriotes) furent formees. Plus tard,
a la requete particulière de l'Arabkirliler - les personnes de la ville
d'Arabkir - une communaute des USA, un quartier "Nouveau Arabkir" fut
forme a Erevan, Armenie. Des annees plus tard, de nombreux quartiers
furent crees a Erevan, portant des nom tels "Nouveau Kayseri", "Nouvel
Amasya" et "Nouveau Kharpout". Les gens qui vinrent y vivre dans ces
lieux etaient souvent ceux qui avaient emigre des quartiers homonymes.
Ces quartiers portent toujours ces memes noms. Les vagues d'immigration
se sont succedees jusqu'en 1936 et au total, ce sont 23 000 personnes,
mues par leur nostalgie de la patrie, qui sont retournees des pays
etrangers en Armenie. La "Grande Terreur" mise en place par le regime
stalinien eut des effets en Armenie aussi. Les Armeniens furent juges
et executes par vingtaines pour des crimes tels que la trahison ou
le travail au profit de puissances capitalistes.
Jusqu'a la Seconde Guerre Mondiale, les Soviets ne menèrent aucune
politique vis-a-vis de la diaspora. Après la guerre, la "Politique de
la Diaspora Armenienne" de Staline fut reactivee. En novembre 1945,
l'Union Sovietique inaugura une politique officielle qui visait a une
immigration armenienne vers l'Armenie. A la suite de cette decision,
la Commission Nationale Armenienne de l'Immigration fut mise en place.
Des representants de la commission furent installes dans les ambassades
des pays comportant beaucoup d'Armeniens. Les fonctionnaires nommes
a ces postes commencèrent a creer des listes d'Armeniens qui avaient
decide de retourner en Armenie. Ils commencèrent alors a retourner
en Armenie. Le projet "retour a la nation" des Soviets se deroula de
1946 a 1948. Il existe trois thèses pour expliquer les raisons qui
ont pousse l'Union Sovietique a developper ce projet.
La première thèse a l'appui de cette politique nouvelle de l'Union
Sovietique, c'etait ses relations très degradees entre elle-meme et la
Turquie. L'Union Sovietique cherchait des arguments pour s'approprier
des terres de l'est de la Turquie et les ajouter a son territoire. Sur
ce point, la politique de diaspora a revetu une grande importance,
dans la mesure où ces terres etaient destinees a servir de foyer
pour les Armeniens qui etaient de retour en Armenie venant de pays
etrangers. La seconde thèse est construite sur le fait que le nombre
d'Armeniens sovietiques avait beaucoup diminue après la Seconde Guerre
Mondiale, et que si elle diminuait encore, l'Armenie elle-meme ne
pourrait plus etre classee parmi les republiques. Ils avaient donc
besoin d'une rapide croissance de la population armenienne. Ainsi,
le retour d'Armeniens de la diaspora en Armenie tenait un rôle vital
pour maintenir le statut de republique de l'Armenie. La troisième
thèse etait que l'immigration d'Armeniens vivant dans la diaspora
enverrait un message fort, au lendemain de la guerre, a un monde
polarise selon lequel "des immigrants en Union Sovietique abandonnent
leurs vies capitalistes", un message qui devrait agrandir le prestige
de l'Union Sovietique. Tandis qu'aucune de ces thèses n'est vraiment
suffisante en elle-meme pour expliquer la politique des Soviets envers
la diaspora et l'immigration.
Les diplomates travaillant dans les ambassades sovietiques autour
du monde promettaient aux Armeniens vivant a l'etranger, s'ils
retournaient en Armenie, qu'ils recevraient de l'aide pour trouver
des emplois, des maisons, etc. On disait aux gens que tous leurs
problèmes qu'ils pouvaient avoir seraient pris en charge dès qu'ils
auraient pose un pied sur le sol sovietique.
Entre 1945 et 1948, 90 000 personnes immigrèrent en Armenie.
Malheureusement, ce qui les accueillit dès leur arrivee ne ressemblait
en rien a ce qu'ils avaient pu imaginer. Frappee durement par la
guerre, l'Armenien souffrait de penurie pour tous les besoins
essentiels et les possibilites d'emploi. Les logements etaient
insuffisants. Au lieu d'une maison, on donnait un terrain aux nouveaux
arrivants, et on leur demandait de construire eux-memes leur maison.
En bref, aucune des promesses faites n'etaient en realite tenues. Et
comme si tout cela ne suffisait pas, des milliers d'immigrants - en
compagnie de citoyens de longue date - etaient accuses de comploter
contre le système, et furent forces de se rendre en Siberie-Altaï
en 1949. Ce n'est qu'après la mort de Staline que les exiles purent
retourner en Armenie. Quelques uns des immigrants purent sauver leur
vie en Armenie, bien que pendant des annees et des annees, leur vie
en Armenie ne tint que peu de promesses.
*Alin Ozanian est un analyste independant.
Jean Eckian
armenews.com
lundi 19 mars 2012
Une interessante etude sur les diverses vagues d'emigration des
Armeniens, a differentes epoques.
Si on n'est pas surpris de l'idee que se font les Turcs de la diaspora,
on s'etonne un peu de lire dans la version en ligne d'un journal turc,
que les Armeniens ont ete victimes d'un nettoyage ethnique en 1915,
bien que vivant sur leurs terres ancestrales en "Turquie de l'est". Il
est dommage aussi que l'auteur ne se limite qu'a la perception
que se font les Turcs de la diaspora. Il aurait pu s'essayer a en
decrire le rôle. Enfin, curieusement, notons la mention du conflit
du Karabagh dans la liste des epreuves traversees par les Armeniens
vivant en Turquie.
Il est regrettable que de nos jours en Turquie, ce qu'on appelle la
diaspora armenienne est encore très exposee aux rumeurs, informations
et stereotypes souvent infondes. En Turquie trois groupes distincts
d'Armeniens sont identifies, et cette classification a laquelle
on est arrive est due en particulier a la presse. Ces groupes sont
les Armeniens d'Armenie, les Armeniens de nationalite tuque et la
diaspora. Le dernier cite de ces groupes, la diaspora, est peut-etre le
moins bien connu et, parce qu'on en sait moins sur ce groupe que sur
les deux autres, c'est celui qui est le moins aime. C'est egalement
le groupe qui semble incapable de se defaire de l'image de saboteur
de relations avec la Turquie.
Pour la Turquie, où beaucoup voient encore dans la diaspora comme une
sorte de "monolithe" et comme un "ennemi du dialogue", penser a ce
groupe comme etant les petits-enfants en fait de citoyens ottomans,
a son importance. Ce faisant, les relations entre la Turquie et la
diaspora s'en trouveraient assainies, et en meme temps, la diaspora
pourrait etre mieux comprise.
Comprendre la diaspora armenienne
Aujourd'hui, cependant, la perception generale de la Turquie envers
la diaspora est celle d'une masse de gens qui voient l'Armenie comme
leur patrie, qui ne refusent aucun soutien financier ou spirituel a
l'Armenie, qui contrôle totalement la "politique turque" de l'Armenie,
et très actif pour prendre leur part, comme "ennemis de la Turquie".
Malheureusement, cependant, la diaspora est un phenomène difficile a
analyser. Afin d'avoir la meilleure idee, vraiment, de la diaspora,
la periode où elle a pris forme doit faire l'objet d'une analyse et
d'une interpretation meticuleuses ; il faut faire de meme avec les
relations entre la Turquie, l'Armenie et les pays où ont reside les
membres de la diaspora a ce moment la.
Les Armeniens, soumis au nettoyage ethnique en 1915, et expulses
systematiquement de leur patrie, etaient en fait forces de marcher dans
les deserts de Deir-es-Zor, dans la Syrie du nord-est. Ceux qui ont
survecu se sont efforces d'atteindre des villes telles Alep, Damas,
Beyrouth ou Bagdad. Tandis qu'une partie d'entre eux essayaient de
reconstruire leur vie dans ces villes, d'autres se dirigèrent vers des
lieux plus eloignes tels que l'Egypte, la Grèce, la France, Chypre,
la Roumanie, la Bulgarie, la Serbie et l'Amerique. Aux lendemains de
1915, des communautes armeniennes s'etablirent en des endroits comme
Cuba, l'Argentine, l'Uruguay, le Bresil, l'Australie Addis-Abeba,
le Cap et meme Hong Kong. De nos jours, le terme 'diaspora' est
en general accepte comme s'appliquant aux membres d'une nation ou
d'une croyance qui vivent en dehors de leurs terres ancestrales,
constituant localement une minorite. C'est ainsi que l"'expression
'diaspora armenienne' a ete employee dès le debut des annees 1920.
Lorsqu'on regarde en arrière, cependant, on peut voir en fait que les
Armeniens ont commence a former des communautes dans les autres pays
bien avant 1915, dès la chute du Royaume Armenien des Arsacides.
Depuis le 15ème et 16ème siècles les fondateurs de communautes
armeniennes comme en Roumanie, en Pologne, en Inde, en Italie,
en Allemagne, en Iran et en Amerique etaient generalement des
marchants qui s'etaient etablis dans ces pays pour y faire du
commerce. On estime a 200 000 le nombre d'Armeniens vivant hors de
l'Armenie a cette epoque. Sous les Ottomans, avant 1915, la première
vague d'emigration des Armeniens eut lieu au debut des annees 1870,
atteignant leur niveau le plus eleve en 1895 a 1896 du fait des pertes
en vies humaines et de la peur du regime d'Abdulhamid II. Au cours de
cette periode, l'influence des missionnaires en Anatolie a contribue
a l'emigration d'Armeniens vers l'Amerique.
Après 1915, les Armeniens qui restèrent en Turquie pouvaient se
trouver pour l'essentiel a Istanbul. Après les evenements qui se
deroulèrent en Thrace, quelques Armeniens continuèrent a emigrer en
Europe de l'Est, mais beaucoup se decidèrent a emigrer a Istanbul,
parce que cette ville apparaissait comme plus sûre et fiable,
comparee a d'autres villes. Tandis que peu, parmi les membres des
communautes armeniennes, avaient continue leur vie dans les regions
de l'est de la Turquie, beaucoup cedèrent finalement a la pression
et s'etablirent a Istanbul. La communaute armenienne qui prit forme
a Istanbul dut subir des evenements comme l'impôt sur le fortune,
la campagne publique "les Citoyens Parlent le Turc", les evenements
des 6 et 7 septembre (1955), le coup d'etat militaire de 1980, et
plus recemment, le conflit du Haut-Karabagh [ ?], et ainsi commenca
un mouvement de depart de la Turquie en grand nombre, se joignant
dans en Europe et en Amerique aux diasporas qui s'y trouvaient deja.
1918-1920 : la Première Republique Armenienne et la diaspora
Entre 1916 et 1917, des milliers d'Armeniens vivant dans les regions de
l'est de la Turquie essayèrent de trouver leur route vers l'Armenie,
la Georgie ou la Russie. Et quand la première Republique Armenienne
fut officiellement creee le 28 mai 1918, des mesures furent prises
en direction des Armeniens etablis en dehors du pays a travers le
monde. La naissance d'une Armenie independante après tant d'annees,
fut un grand bonheur parmi les Armeniens du monde entier. En août
1920, le ministère armenien des affaires etrangères decida de creer un
bureau specifique qui serait consacre au Armeniens vivant en dehors de
l'Armenie. La raison fondamentale de cette decision etait de preparer,
avec l'aide des missions diplomatiques de la Republique d'Armenie,
le retour systematique et effectif des Armeniens vivant en dehors de
l'Armenie dans leur patrie. Mais lorsqu'en 1920, l'Armenie tomba aux
mains du pouvoir bolchevique, ce nouveau departement n'avait fonctionne
que pendant trois mois, ainsi disparut toute trace du travail entrepris
dans ce sens sur les relations avec les Armeniens de la diaspora.
La politique de l'Union Sovietique envers la diaspora armenienne
Dès les premiers jours de son apparition, l'Union Sovietique
mit resolument au point un ensemble de decisions relatives a la
diaspora armenienne. L'Armenie etant entree formellement dans l'Union
Sovietique, un "Bureau des Affaires de l'Immigration" fut ouvert en
juillet 1922 a Erevan, et bien que ce bureau n'etait pas vraiment
un ministère, il en avait le statut. Cette meme annee, en decembre,
un groupe de 3 000 Armeniens arrivèrent par bateau a Batoumi, venant
de Mesopotamie, la dernière partie de leur periple vers l'Armenie
devait se faire par la route. Entre 1921 et 1922 ; un total de 9 000
Armeniens de differents pays retournèrent en Armenie, tandis qu'entre
1924 et 1925, 20 000 personnes au total emigrèrent en Armenie, beaucoup
de Turquie et de Grèce. Il n'y a que peu de doutes sur le rôle joue
par le premier consulat armenien en Turquie, installe a Voyvoda
Sokak (maintenant appelee Bankalar Caddesi) a Karakoy, Istanbul -
qui s'employa activement a guider et a assister les Armeniens qui
allèrent en Armenie venant de Turquie au cours de ces annees-la.
Après les migrations de 1925 a 1926, "Hemseri Dernekleri" et "Hemseri
Birlikleri" (associations de compatriotes) furent formees. Plus tard,
a la requete particulière de l'Arabkirliler - les personnes de la ville
d'Arabkir - une communaute des USA, un quartier "Nouveau Arabkir" fut
forme a Erevan, Armenie. Des annees plus tard, de nombreux quartiers
furent crees a Erevan, portant des nom tels "Nouveau Kayseri", "Nouvel
Amasya" et "Nouveau Kharpout". Les gens qui vinrent y vivre dans ces
lieux etaient souvent ceux qui avaient emigre des quartiers homonymes.
Ces quartiers portent toujours ces memes noms. Les vagues d'immigration
se sont succedees jusqu'en 1936 et au total, ce sont 23 000 personnes,
mues par leur nostalgie de la patrie, qui sont retournees des pays
etrangers en Armenie. La "Grande Terreur" mise en place par le regime
stalinien eut des effets en Armenie aussi. Les Armeniens furent juges
et executes par vingtaines pour des crimes tels que la trahison ou
le travail au profit de puissances capitalistes.
Jusqu'a la Seconde Guerre Mondiale, les Soviets ne menèrent aucune
politique vis-a-vis de la diaspora. Après la guerre, la "Politique de
la Diaspora Armenienne" de Staline fut reactivee. En novembre 1945,
l'Union Sovietique inaugura une politique officielle qui visait a une
immigration armenienne vers l'Armenie. A la suite de cette decision,
la Commission Nationale Armenienne de l'Immigration fut mise en place.
Des representants de la commission furent installes dans les ambassades
des pays comportant beaucoup d'Armeniens. Les fonctionnaires nommes
a ces postes commencèrent a creer des listes d'Armeniens qui avaient
decide de retourner en Armenie. Ils commencèrent alors a retourner
en Armenie. Le projet "retour a la nation" des Soviets se deroula de
1946 a 1948. Il existe trois thèses pour expliquer les raisons qui
ont pousse l'Union Sovietique a developper ce projet.
La première thèse a l'appui de cette politique nouvelle de l'Union
Sovietique, c'etait ses relations très degradees entre elle-meme et la
Turquie. L'Union Sovietique cherchait des arguments pour s'approprier
des terres de l'est de la Turquie et les ajouter a son territoire. Sur
ce point, la politique de diaspora a revetu une grande importance,
dans la mesure où ces terres etaient destinees a servir de foyer
pour les Armeniens qui etaient de retour en Armenie venant de pays
etrangers. La seconde thèse est construite sur le fait que le nombre
d'Armeniens sovietiques avait beaucoup diminue après la Seconde Guerre
Mondiale, et que si elle diminuait encore, l'Armenie elle-meme ne
pourrait plus etre classee parmi les republiques. Ils avaient donc
besoin d'une rapide croissance de la population armenienne. Ainsi,
le retour d'Armeniens de la diaspora en Armenie tenait un rôle vital
pour maintenir le statut de republique de l'Armenie. La troisième
thèse etait que l'immigration d'Armeniens vivant dans la diaspora
enverrait un message fort, au lendemain de la guerre, a un monde
polarise selon lequel "des immigrants en Union Sovietique abandonnent
leurs vies capitalistes", un message qui devrait agrandir le prestige
de l'Union Sovietique. Tandis qu'aucune de ces thèses n'est vraiment
suffisante en elle-meme pour expliquer la politique des Soviets envers
la diaspora et l'immigration.
Les diplomates travaillant dans les ambassades sovietiques autour
du monde promettaient aux Armeniens vivant a l'etranger, s'ils
retournaient en Armenie, qu'ils recevraient de l'aide pour trouver
des emplois, des maisons, etc. On disait aux gens que tous leurs
problèmes qu'ils pouvaient avoir seraient pris en charge dès qu'ils
auraient pose un pied sur le sol sovietique.
Entre 1945 et 1948, 90 000 personnes immigrèrent en Armenie.
Malheureusement, ce qui les accueillit dès leur arrivee ne ressemblait
en rien a ce qu'ils avaient pu imaginer. Frappee durement par la
guerre, l'Armenien souffrait de penurie pour tous les besoins
essentiels et les possibilites d'emploi. Les logements etaient
insuffisants. Au lieu d'une maison, on donnait un terrain aux nouveaux
arrivants, et on leur demandait de construire eux-memes leur maison.
En bref, aucune des promesses faites n'etaient en realite tenues. Et
comme si tout cela ne suffisait pas, des milliers d'immigrants - en
compagnie de citoyens de longue date - etaient accuses de comploter
contre le système, et furent forces de se rendre en Siberie-Altaï
en 1949. Ce n'est qu'après la mort de Staline que les exiles purent
retourner en Armenie. Quelques uns des immigrants purent sauver leur
vie en Armenie, bien que pendant des annees et des annees, leur vie
en Armenie ne tint que peu de promesses.
*Alin Ozanian est un analyste independant.