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Un Paradoxe D'une Portee Limitee : Le Conseil Constitutionnel Et Le

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    UN PARADOXE D'UNE PORTEE LIMITEE : LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET LE NEGATIONNISME PAR THOMAS HOCHMANN
    Stephane

    armenews.com
    mercredi 21 mars 2012

    Un paradoxe d'une portee limitee : le Conseil constitutionnel et
    le negationnisme

    Le Monde.fr | 20.03.2012 a 08h58

    Par Thomas Hochmann, docteur en droit

    Après que le pays ait vivement debattu de la constitutionnalite de la
    loi visant a creer un article 24 ter pour reprimer la contestation
    de l'existence des genocides reconnus par la loi, le Conseil
    constitutionnel a rendu son verdict. La loi n'est pas conforme a
    la Constitution.

    Cette decision n'est motivee, selon l'habitude du Conseil, que
    de manière très vague et laconique. Or, nombre de commentateurs,
    qu'ils l'applaudissent ou la fustigent, semblent vouloir lire dans
    la decision bien plus qu'elle ne contient. La justification de la
    censure tient tout entière dans son sixième paragraphe, compose
    de trois phrases separees par des points-virgules : "Considerant
    qu'une disposition legislative ayant pour objet de "reconnaître"
    un crime de genocide ne saurait, en elle-meme, etre revetue de la
    portee normative qui s'attache a la loi ; que, toutefois, l'article
    1er de la loi deferee reprime la contestation ou la minimisation
    de l'existence d'un ou plusieurs crimes de genocide "reconnus comme
    tels par la loi francaise" ; qu'en reprimant ainsi la contestation
    de l'existence et de la qualification juridique de crimes qu'il
    aurait lui-meme reconnus et qualifies comme tels, le legislateur a
    porte une atteinte inconstitutionnelle a l'exercice de la liberte
    d'expression et de communication ; que, dès lors, et sans qu'il soit
    besoin d'examiner les autres griefs, l'article 1er de la loi deferee
    doit etre declare contraire a la Constitution".

    S'il est difficile d'identifier avec precision le raisonnement
    du Conseil, une interpretation de sa prose peut etre proposee,
    sans ignorer que le flou du langage employe permettra toujours de
    contester sa justesse. Plus haut dans sa decision, le Conseil avait
    rappele qu'une loi devait toujours revetir une portee normative,
    c'est-a-dire qu'elle devait interdire, ordonner ou permettre quelque
    chose. La première phrase indique donc qu'une loi qui se contenterait
    de reconnaître un genocide serait contraire a la Constitution.

    Tel n'etait nullement le cas de l'article 24 ter, qui penalisait
    la contestation de l'existence d'un genocide. Le lecteur pense au
    premier abord que le "toutefois" qui ouvre la deuxième phrase opère ce
    constat. Mais c'est en realite autre chose que veut dire le Conseil
    : alors qu'une loi ne peut, sous peine d'inconstitutionnalite, se
    contenter de reconnaître un crime, la loi deferee reprime la negation
    de genocides reconnus par la loi. En d'autres termes, l'article 24
    ter, dès lors qu'il fait reference a la reconnaissance de genocides
    par la loi, se fonde sur la realisation par le legislateur d'un acte
    qui lui est interdit. Cette loi limite donc la liberte d'expression
    d'une manière inconstitutionnelle.

    Cette argumentation peut surprendre, car le grief
    d'inconstitutionnalite tenant a l'absence de normativite d'une
    loi qui se contente de reconnaître un genocide etait resorbe par
    la loi deferee. L'article 24 ter mettait fin a la possibilite
    meme d'une disposition non normative a l'egard d'un genocide :
    toute reconnaissance d'un genocide, combinee avec l'article 24 ter,
    mettait en place une restriction de la liberte d'expression, et donc
    l'interdiction d'un certain comportement. En fondant sur l'absence
    de normativite le constat d'une violation de la liberte d'expression,
    le Conseil a rendu une decision paradoxale.

    Surtout, il a evite de se prononcer sur la question essentielle qui
    avait agite le paysage mediatique francais : l'incrimination de la
    negation du genocide armenien est-elle permise par la Constitution ?

    Le Conseil s'est concentre sur l'article 24 ter, et a refuse d'examiner
    la norme qui resultait de l'adoption de ce texte combine a la loi de
    reconnaissance du genocide armenien. Dès lors, l'affirmation, plus haut
    dans la decision, selon laquelle une limite de la liberte d'expression
    doit etre "necessaire, adaptee et proportionnee a l'objectif poursuivi"
    ne joue aucun rôle. Lorsque la Cour constitutionnelle allemande, qui
    a vraisemblablement inspire le Conseil sur ce point, enonce la meme
    exigence, elle poursuit par un examen detaille de chacune de ces trois
    conditions. Dans la decision du Conseil, cette annonce tient plus du
    slogan que d'une methode de contrôle du respect de la Constitution.

    Une double lecon peut donc etre tiree de cette decision. D'une part,
    elle ne permet nullement de prejuger de la constitutionnalite d'une
    penalisation de la negation du genocide armenien ou de tout autre
    genocide. Le Conseil n'indique nullement si une telle limite serait ou
    non "necessaire, adaptee et proportionnee" a son objectif. D'autre
    part, tant que les membres du Conseil ne motiveront pas leurs
    decisions, ils ne seront pas en mesure de jouer le rôle social
    que tiennent nombre de leurs confrères etrangers. Un public qui se
    passionne pour une question liee a une limitation des droits merite
    mieux qu'une reponse qui reussit l'exploit d'etre a la fois brève,
    floue et alambiquee.

    Thomas Hochmann, docteur en droit

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/03/20/un-paradoxe-d-une-portee-limitee-le-conseil-constitutionnel-et-le-negationnisme_1671017_3232.html

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