APPEL
On ne badine pas avec l'armée
Comme l'Arménie appartient à une civilisation de l'écriture, que sa
capitale a été désignée pour 2012 par L'UNESCO capitale mondiale du
livre, elle a choisi cette année pour étaler au grand jour sa bêtise
et porter sur la place publique ses vieux démons, à savoir sa haine de
la culture vivante, de la culture de contestation, et de tous ceux qui
remettent en cause les valeurs irrespirables de la grande patrie, à
commencer par ses écrivains.
Après avoir augmenté le prix du livre, voilà qu'àprésent ce
gouvernement s'en prend à la littérature. La police vient de convoquer
dans ses bureaux le jeune Hovhannès Ishkhanian, auteur d'un recueil de
nouvelles intitulé « Jour de démobilisation ». Il ne s'agit pas ici de
juger de la qualité d'une `uvre mais du fait qu'un écrivain doive
rendre des comptes sur ce qu'il écrit à des services qui sont les
gardiens d'une culture dogmatique. L'Arménie serait-elle revenue au
temps où sévissait la police politique et où l'on expédiait à la mort
ou en Sibérie les esprits libres, trop libres ?
Le moins que l'on puisse dire, les nouvelles en question
participeraient d'un climat de désespérance générale par les questions
qu'elles posent et particulièrement sur l'ambiance délétère qui règne
au sein de l'armée. « Je me suis réveillé, écrit-il, et j'ai vu que je
pleurais. Mais pourquoi tu pleures, me suis-je dit à moi-même ? Je
pleure parce que j'accomplis mon service... » Voilà le genre de phrase
qui vous casse le moral alors que l'armée arménienne doit montrer les
dents face à un ennemi qui traque vos moindres faiblesses. De fait,
Hovhannès Ishkhanian n'aura fait que restituer d'une manière
romanesque son expérience militaire. Que demander de plus à un
écrivain sinon de témoigner des pathologies de son peuple et de ses
institutions ? Non pas pour démolir systématiquement ces institutions
mais pour montrer qu'elles peuvent occasionner des souffrances
inutiles. Et Dieu sait combien les soldats arméniens y sont souvent
l'objet de chantage, de manipulations, de punitions inutiles : Il
écrit : « l'armée, où l'on peut te punir d'avoir enfreint aux règles,
mais aussi te punir même de les avoir respectés ». Ainsi, conscients
de servir leur patrie, les jeunes recrues se trouvent parfois plongées
dans un système qui n'a de compte à rendre à personne sous prétexte
que le pays est en danger et que l'obéissance doit être totale. Il est
vrai que le peuple arménien a tendance à oublier qu'il est en guerre
et que la vigilance est de rigueur contre ceux qui visent à casser le
moral des troupes. Mais dès lors qu'on permet à des écrivains
d'exister et qu'on exalte le livre, on doit s'attendre à des conflits
culturels entre l'esprit de liberté qui anime la création artistique
et l'obéissance aux règles de la guerre.
Ainsi donc, faute de loi sur la censure, la police s'est adressée au
ministère de la culture pour en trouver une visant à condamner
l'auteur. Et quelle loi plus appropriée que celle portant sur la
pornographie.
Il faut défendre l'écrivain Ishkhanian !
Lire la suite sur Écrittératures ICI
dimanche 25 mars 2012,
Jean Eckian ©armenews.com
On ne badine pas avec l'armée
Comme l'Arménie appartient à une civilisation de l'écriture, que sa
capitale a été désignée pour 2012 par L'UNESCO capitale mondiale du
livre, elle a choisi cette année pour étaler au grand jour sa bêtise
et porter sur la place publique ses vieux démons, à savoir sa haine de
la culture vivante, de la culture de contestation, et de tous ceux qui
remettent en cause les valeurs irrespirables de la grande patrie, à
commencer par ses écrivains.
Après avoir augmenté le prix du livre, voilà qu'àprésent ce
gouvernement s'en prend à la littérature. La police vient de convoquer
dans ses bureaux le jeune Hovhannès Ishkhanian, auteur d'un recueil de
nouvelles intitulé « Jour de démobilisation ». Il ne s'agit pas ici de
juger de la qualité d'une `uvre mais du fait qu'un écrivain doive
rendre des comptes sur ce qu'il écrit à des services qui sont les
gardiens d'une culture dogmatique. L'Arménie serait-elle revenue au
temps où sévissait la police politique et où l'on expédiait à la mort
ou en Sibérie les esprits libres, trop libres ?
Le moins que l'on puisse dire, les nouvelles en question
participeraient d'un climat de désespérance générale par les questions
qu'elles posent et particulièrement sur l'ambiance délétère qui règne
au sein de l'armée. « Je me suis réveillé, écrit-il, et j'ai vu que je
pleurais. Mais pourquoi tu pleures, me suis-je dit à moi-même ? Je
pleure parce que j'accomplis mon service... » Voilà le genre de phrase
qui vous casse le moral alors que l'armée arménienne doit montrer les
dents face à un ennemi qui traque vos moindres faiblesses. De fait,
Hovhannès Ishkhanian n'aura fait que restituer d'une manière
romanesque son expérience militaire. Que demander de plus à un
écrivain sinon de témoigner des pathologies de son peuple et de ses
institutions ? Non pas pour démolir systématiquement ces institutions
mais pour montrer qu'elles peuvent occasionner des souffrances
inutiles. Et Dieu sait combien les soldats arméniens y sont souvent
l'objet de chantage, de manipulations, de punitions inutiles : Il
écrit : « l'armée, où l'on peut te punir d'avoir enfreint aux règles,
mais aussi te punir même de les avoir respectés ». Ainsi, conscients
de servir leur patrie, les jeunes recrues se trouvent parfois plongées
dans un système qui n'a de compte à rendre à personne sous prétexte
que le pays est en danger et que l'obéissance doit être totale. Il est
vrai que le peuple arménien a tendance à oublier qu'il est en guerre
et que la vigilance est de rigueur contre ceux qui visent à casser le
moral des troupes. Mais dès lors qu'on permet à des écrivains
d'exister et qu'on exalte le livre, on doit s'attendre à des conflits
culturels entre l'esprit de liberté qui anime la création artistique
et l'obéissance aux règles de la guerre.
Ainsi donc, faute de loi sur la censure, la police s'est adressée au
ministère de la culture pour en trouver une visant à condamner
l'auteur. Et quelle loi plus appropriée que celle portant sur la
pornographie.
Il faut défendre l'écrivain Ishkhanian !
Lire la suite sur Écrittératures ICI
dimanche 25 mars 2012,
Jean Eckian ©armenews.com