Ouest-France
mardi 24 avril 2012
chantepie Edition
Le « traître » qui dénonce le génocide arménien
par Burçin GERCEK
Istanbul.De notre correspondante
À partir d'avril 1915, l'armée turque et ses milices vont tuer plus
d'un million d'Arméniens considérés comme des ennemis de l'intérieur.
Le nom d'Hasan Cemal lui rappelle sans cesse qu'il est le petit-fils
de Cemal Pacha, membre du triumvirat qui dirigeait l'Empire ottoman au
moment du génocide. «J'ai appris à distinguer mon grand-père et
l'Histoire», raconte cet homme élégant, humble et calme.
Célèbre journaliste du quotidienMilliyet, Hasan Cemal, 68 ans, est
connu comme «le petit-fils de Cemal Pacha, qui s'est agenouillé devant
le mémorial du génocide à Erevan, en Arménie». Depuis ce geste
symbolique, en 2008, il enchaîne les conférences dans le monde et
déclare partager la douleur des Arméniens.
Cette prise de conscience ne s'est pas faite en un jour. Ses premiers
articles, au début des années 1980, reprennent la position officielle
turque : « pas de génocide, mais des massacres mutuels ». Il
découvrira ensuite, avec les livres de l'historien turc Taner Akçam,
que la réalité est différente.
Jugé pour insulte à la nation
Sa rencontre avec Hrant Dink, journaliste arménien de Turquie, sera
décisive. «J'ai commencé à ne plus regarder l'histoire avec les yeux
de l'État, mais à essayer de savoir ce qui s'est passé», raconte-t-il.
En 2005, lorsque l'organisation de la première conférence sur le
génocide arménien en Turquie se heurte aux menaces du gouvernement,
Cemal prend position contre l'interdiction. Une partie de la presse le
qualifie de «traître». Jugé pour insulte à la nation, il doit se
promener avec des gardes de corps, à cause des menaces des groupes
nationalistes.
Le meurtre de Hrant Dink, en 2007, achève de tout bouleverser. «La
mort de Hrant m'a changé profondément. C'est comme si toutes les
pierres retrouvaient leur place. J'ai vu tous les autres assassins de
notre histoire», explique-t-il. Dès lors, il n'hésitera plus à
employer le terme de génocide, dont l'usage est toujours problématique
en Turquie. L'année suivante, il se rend au mémorial du génocide. En
2009, il est un des premiers à signer la campagne de demande de pardon
des Arméniens, lancée par des intellectuels turcs.
Aurait-il la volonté de « réparer le mal » fait par le grand-père ?
«Je n'ai pas agi à cause de mon histoire familiale, affirme-t-il.Il
s'agit de la responsabilité intellectuelle et la volonté de mener une
lutte politique. L'histoire ne concerne pas uniquement le passé en
Turquie. Elle est à l'origine de tous nos problèmes d'aujourd'hui.»
mardi 24 avril 2012
chantepie Edition
Le « traître » qui dénonce le génocide arménien
par Burçin GERCEK
Istanbul.De notre correspondante
À partir d'avril 1915, l'armée turque et ses milices vont tuer plus
d'un million d'Arméniens considérés comme des ennemis de l'intérieur.
Le nom d'Hasan Cemal lui rappelle sans cesse qu'il est le petit-fils
de Cemal Pacha, membre du triumvirat qui dirigeait l'Empire ottoman au
moment du génocide. «J'ai appris à distinguer mon grand-père et
l'Histoire», raconte cet homme élégant, humble et calme.
Célèbre journaliste du quotidienMilliyet, Hasan Cemal, 68 ans, est
connu comme «le petit-fils de Cemal Pacha, qui s'est agenouillé devant
le mémorial du génocide à Erevan, en Arménie». Depuis ce geste
symbolique, en 2008, il enchaîne les conférences dans le monde et
déclare partager la douleur des Arméniens.
Cette prise de conscience ne s'est pas faite en un jour. Ses premiers
articles, au début des années 1980, reprennent la position officielle
turque : « pas de génocide, mais des massacres mutuels ». Il
découvrira ensuite, avec les livres de l'historien turc Taner Akçam,
que la réalité est différente.
Jugé pour insulte à la nation
Sa rencontre avec Hrant Dink, journaliste arménien de Turquie, sera
décisive. «J'ai commencé à ne plus regarder l'histoire avec les yeux
de l'État, mais à essayer de savoir ce qui s'est passé», raconte-t-il.
En 2005, lorsque l'organisation de la première conférence sur le
génocide arménien en Turquie se heurte aux menaces du gouvernement,
Cemal prend position contre l'interdiction. Une partie de la presse le
qualifie de «traître». Jugé pour insulte à la nation, il doit se
promener avec des gardes de corps, à cause des menaces des groupes
nationalistes.
Le meurtre de Hrant Dink, en 2007, achève de tout bouleverser. «La
mort de Hrant m'a changé profondément. C'est comme si toutes les
pierres retrouvaient leur place. J'ai vu tous les autres assassins de
notre histoire», explique-t-il. Dès lors, il n'hésitera plus à
employer le terme de génocide, dont l'usage est toujours problématique
en Turquie. L'année suivante, il se rend au mémorial du génocide. En
2009, il est un des premiers à signer la campagne de demande de pardon
des Arméniens, lancée par des intellectuels turcs.
Aurait-il la volonté de « réparer le mal » fait par le grand-père ?
«Je n'ai pas agi à cause de mon histoire familiale, affirme-t-il.Il
s'agit de la responsabilité intellectuelle et la volonté de mener une
lutte politique. L'histoire ne concerne pas uniquement le passé en
Turquie. Elle est à l'origine de tous nos problèmes d'aujourd'hui.»