AZERBAIDJAN. " IL N'Y A PAS DE CENSURE OFFICIELLE, MAIS QUICONQUE MENE DE VRAIES ACTIVITES JOURNALISTIQUES EST EN DANGER "
Stephane
armenews.com
lundi 7 mai 2012
Le chemin entre une cellule de prison azerbaïdjanaise et l'Ecole des
etudes orientales et africaines a Londres n'est peut-etre pas le plus
conventionnel qu'un etudiant puisse prendre.
Mais cela signifie que l'interet d'Emin Milli pour la liberte
d'expression et l'utilisation de plateformes numeriques pour s'exprimer
et contourner les restrictions imposees par l'Etat est très personnel.
Ce militant redige actuellement un essai sur les nouveaux medias et
les revolutions arabes.
Mais c'est sa propre campagne, menee en Azerbaïdjan au moyen de
blogs et des reseaux Facebook et Twitter, dans le but de reveler
les exactions du gouvernement et la repression lancee par celui-ci,
qui l'a conduit en prison pour 16 mois en 2009.
Il y a trois ans, Emin Milli, accompagne d'Adnan Hajizade, lui
aussi militant et blogueur, a ete agresse par deux inconnus dans
un restaurant.
Les deux hommes ont signale l'incident a la police mais ils ont
ete arretes pour houliganisme. Cette agression a eu lieu seulement
une semaine après qu'ils ont publie sur YouTube une video satirique
montrant un homme deguise en âne donnant une conference de presse.
Emin Milli aime faire preuve d'humour lorsqu'il critique le
gouvernement, mais les autorites n'ont clairement pas vu la
plaisanterie. Neanmoins, les deux blogueurs n'ont pas ete inculpes a
cause de ce qu'ils avaient ecrit ; au lieu de cela, on les a accuses
d'avoir commis une infraction inventee de toutes pièces.
" Le president azerbaïdjanais essaye de donner du pays une image
tolerable d'un regime autoritaire, explique Emin Milli. Ici, ce ne
sont pas des milliers de gens qui sont massacres dans la rue. Ici,
les attaques visent des personnes representant toutes les classes
sociales et differentes professions. Ils ne mettent pas tous les
blogueurs en prison. Ils en choisissent deux ou trois qui vont trop
loin, d'après eux. "
Le fait que ces evenements se passent dans un Etat membre du Conseil
de l'Europe rend la situation plus grave, pense Emin Milli.
Emin Milli donne l'exemple d'Eynulla Fatullayev, journaliste
emprisonne après avoir exprime son opinion sur le Haut-Karabakh,
qui a fortement deplu au gouvernement. Amnesty International a lance
une campagne mondiale pour la liberation d'Eynulla Fatullayev ; la
Cour europeenne des droits de l'homme a declare que les charges qui
pesaient sur celui-ci bafouaient son droit a la liberte d'expression,
et a demande sa liberation immediate.
Les autorites azerbaïdjanaises ont alors " decouvert " de la drogue sur
cet homme quand il etait en prison et elles l'ont accuse d'infractions
a la legislation sur les stupefiants tout en abandonnant les charges
initiales pour se conformer au verdict de la Cour. Eynulla Fatullayev
est maintenant libre a la suite d'une campagne mondiale pendant
laquelle Twitter et Facebook ont beaucoup servi. Après quatre ans et
demi d'emprisonnement injustifie, il a meme recu une indemnisation
s'elevant a 28 000 euros.
Cependant, Emin Milli pense qu'aucune indemnite ne peut compenser le
temps perdu passe dans une cellule.
" Mon père est decede quand j'etais en prison. Ils m'ont libere le
lendemain de sa mort mais je n'etais pas present a son enterrement.
Rien ne peut me dedommager de ca. C'etait très important pour moi.
C'est ridicule que le Conseil de l'Europe autorise des dictateurs a
rester assis dans leurs datchas en riant de tout cela.
" Il existe beaucoup de journalistes courageux mais le monde ne
les connaît pas. [Les nouveaux medias] sont très importants pour
l'Azerbaïdjan. Je reagis en ecrivant a propos de ces personnes et en
revelant des faits scandaleux a d'autres medias.
" Les blogueurs et les utilisateurs de Twitter atteignent beaucoup plus
de gens que les journalistes traditionnels. Le taux de penetration
d'Internet en Azerbaïdjan est de plus de 50 % et l'utilisation de
Facebook est grandissante. Les gens se tournent vers Internet pour
obtenir la verite. "
Neanmoins, a certains egards, les nouveaux medias ne sont pas
differents des medias traditionnels.
" Cela depend de quel type de journaliste vous etes. C'est dangereux
de reveler des injustices. Si vous ecrivez au sujet de faits reels,
vous serez vise. [En Azerbaïdjan] le gouvernement assure que les
droits des journalistes sont respectes - il n'y a pas de censure
officielle - mais quiconque mène de vraies activites journalistiques
est en danger. Les mots sont dangereux. "
Emin Milli illustre ses propos en soulignant le cas d'Idrak Abbasov,
un des journalistes azerbaïdjanais les plus celèbres. Celui-ci a recu
en mars dernier le prix Index on Censorship a Londres en tant que
journaliste d'investigation. Il se trouve actuellement a l'hôpital
après avoir ete brutalement agresse par des policiers et des employes
de la Compagnie petrolière nationale (SOCAR), alors qu'il essayait
de filmer des demolitions de logements illegales.
Emin Milli retournera dans son pays en septembre pour continuer sa
lutte pour la liberte d'expression.
" Les absurdites de la vie quotidienne en Azerbaïdjan m'ont donne
envie d'ecrire a leur sujet. Les gens qui liront cela a l'avenir n'y
croiront pas. Ils penseront que ce ne sont que des histoires ! "
Fin mai, le concours Eurovision de la chanson se tiendra a Bakou.
Certains militants ont appele a le boycotter ; Emin Milli desapprouve
cette strategie. Il souligne l'ironie de la situation d'un musicien,
Jamal Ali, qui aurait ete torture dans les locaux de la police
il y a deux mois seulement (mars). Cet homme a ete arrete pour "
houliganisme mineur " après avoir insulte la mère defunte du president
azerbaïdjanais.
Emin Milli veut que les personnes qui se rendent a Bakou pour
l'Eurovision " aient l'occasion de voir la realite de l'Azerbaïdjan ".
Stephane
armenews.com
lundi 7 mai 2012
Le chemin entre une cellule de prison azerbaïdjanaise et l'Ecole des
etudes orientales et africaines a Londres n'est peut-etre pas le plus
conventionnel qu'un etudiant puisse prendre.
Mais cela signifie que l'interet d'Emin Milli pour la liberte
d'expression et l'utilisation de plateformes numeriques pour s'exprimer
et contourner les restrictions imposees par l'Etat est très personnel.
Ce militant redige actuellement un essai sur les nouveaux medias et
les revolutions arabes.
Mais c'est sa propre campagne, menee en Azerbaïdjan au moyen de
blogs et des reseaux Facebook et Twitter, dans le but de reveler
les exactions du gouvernement et la repression lancee par celui-ci,
qui l'a conduit en prison pour 16 mois en 2009.
Il y a trois ans, Emin Milli, accompagne d'Adnan Hajizade, lui
aussi militant et blogueur, a ete agresse par deux inconnus dans
un restaurant.
Les deux hommes ont signale l'incident a la police mais ils ont
ete arretes pour houliganisme. Cette agression a eu lieu seulement
une semaine après qu'ils ont publie sur YouTube une video satirique
montrant un homme deguise en âne donnant une conference de presse.
Emin Milli aime faire preuve d'humour lorsqu'il critique le
gouvernement, mais les autorites n'ont clairement pas vu la
plaisanterie. Neanmoins, les deux blogueurs n'ont pas ete inculpes a
cause de ce qu'ils avaient ecrit ; au lieu de cela, on les a accuses
d'avoir commis une infraction inventee de toutes pièces.
" Le president azerbaïdjanais essaye de donner du pays une image
tolerable d'un regime autoritaire, explique Emin Milli. Ici, ce ne
sont pas des milliers de gens qui sont massacres dans la rue. Ici,
les attaques visent des personnes representant toutes les classes
sociales et differentes professions. Ils ne mettent pas tous les
blogueurs en prison. Ils en choisissent deux ou trois qui vont trop
loin, d'après eux. "
Le fait que ces evenements se passent dans un Etat membre du Conseil
de l'Europe rend la situation plus grave, pense Emin Milli.
Emin Milli donne l'exemple d'Eynulla Fatullayev, journaliste
emprisonne après avoir exprime son opinion sur le Haut-Karabakh,
qui a fortement deplu au gouvernement. Amnesty International a lance
une campagne mondiale pour la liberation d'Eynulla Fatullayev ; la
Cour europeenne des droits de l'homme a declare que les charges qui
pesaient sur celui-ci bafouaient son droit a la liberte d'expression,
et a demande sa liberation immediate.
Les autorites azerbaïdjanaises ont alors " decouvert " de la drogue sur
cet homme quand il etait en prison et elles l'ont accuse d'infractions
a la legislation sur les stupefiants tout en abandonnant les charges
initiales pour se conformer au verdict de la Cour. Eynulla Fatullayev
est maintenant libre a la suite d'une campagne mondiale pendant
laquelle Twitter et Facebook ont beaucoup servi. Après quatre ans et
demi d'emprisonnement injustifie, il a meme recu une indemnisation
s'elevant a 28 000 euros.
Cependant, Emin Milli pense qu'aucune indemnite ne peut compenser le
temps perdu passe dans une cellule.
" Mon père est decede quand j'etais en prison. Ils m'ont libere le
lendemain de sa mort mais je n'etais pas present a son enterrement.
Rien ne peut me dedommager de ca. C'etait très important pour moi.
C'est ridicule que le Conseil de l'Europe autorise des dictateurs a
rester assis dans leurs datchas en riant de tout cela.
" Il existe beaucoup de journalistes courageux mais le monde ne
les connaît pas. [Les nouveaux medias] sont très importants pour
l'Azerbaïdjan. Je reagis en ecrivant a propos de ces personnes et en
revelant des faits scandaleux a d'autres medias.
" Les blogueurs et les utilisateurs de Twitter atteignent beaucoup plus
de gens que les journalistes traditionnels. Le taux de penetration
d'Internet en Azerbaïdjan est de plus de 50 % et l'utilisation de
Facebook est grandissante. Les gens se tournent vers Internet pour
obtenir la verite. "
Neanmoins, a certains egards, les nouveaux medias ne sont pas
differents des medias traditionnels.
" Cela depend de quel type de journaliste vous etes. C'est dangereux
de reveler des injustices. Si vous ecrivez au sujet de faits reels,
vous serez vise. [En Azerbaïdjan] le gouvernement assure que les
droits des journalistes sont respectes - il n'y a pas de censure
officielle - mais quiconque mène de vraies activites journalistiques
est en danger. Les mots sont dangereux. "
Emin Milli illustre ses propos en soulignant le cas d'Idrak Abbasov,
un des journalistes azerbaïdjanais les plus celèbres. Celui-ci a recu
en mars dernier le prix Index on Censorship a Londres en tant que
journaliste d'investigation. Il se trouve actuellement a l'hôpital
après avoir ete brutalement agresse par des policiers et des employes
de la Compagnie petrolière nationale (SOCAR), alors qu'il essayait
de filmer des demolitions de logements illegales.
Emin Milli retournera dans son pays en septembre pour continuer sa
lutte pour la liberte d'expression.
" Les absurdites de la vie quotidienne en Azerbaïdjan m'ont donne
envie d'ecrire a leur sujet. Les gens qui liront cela a l'avenir n'y
croiront pas. Ils penseront que ce ne sont que des histoires ! "
Fin mai, le concours Eurovision de la chanson se tiendra a Bakou.
Certains militants ont appele a le boycotter ; Emin Milli desapprouve
cette strategie. Il souligne l'ironie de la situation d'un musicien,
Jamal Ali, qui aurait ete torture dans les locaux de la police
il y a deux mois seulement (mars). Cet homme a ete arrete pour "
houliganisme mineur " après avoir insulte la mère defunte du president
azerbaïdjanais.
Emin Milli veut que les personnes qui se rendent a Bakou pour
l'Eurovision " aient l'occasion de voir la realite de l'Azerbaïdjan ".