REVUE DE PRESSE
Une veillée musicale pour commémorer le génocide arménien
Tandis que la place du Panthéon se remplit progressivement, une
vieille dame se balance au son du oud, un instrument traditionnel. Ce
soir, le vent et la pluie se sont invités à la veillée de
commémorations du génocide arménien, un rendez-vous organisé Ã Paris
depuis 1998 par une dizaine d'associations, en complément des
traditionnelles célébrations du 24 avril. Cette année, le choix du
lieu est chargé de sens : « nous voulons placer cette soirée sous le
signe de la résistance dans un quartier symbolique de luttes » ,
annonce Yériché Gorizian, porte-parole de l'association Nor Seround,
qui anime la conférence inaugurale sur le thème du négationnisme.
Le vent fait trembler la structure métallique du chapiteau, rendant
difficilement audibles les intervenants. La débat s'oriente rapidement
vers la censure par le Conseil constitutionnel de la loi punissant la
négation du génocide arménien. Vincent Nioré s'indigne : l'avocat au
Barreau de Paris déplore que la loi française s'en tienne à une
reconnaissance déclarative du génocide arménien - conformément à la
loi de 2001 -, sans prévoir de sanctions.
Sur les personnalités opposées à la loi proposée par la députée
Valérie Boyer, le commentaire est sévère. « Revenons de l'hypocrisie :
ceux qui ne veulent pas légiférer ont tous des intérêts financiers ou
intellectuels avec la Turquie » , lance-t-il, estimant que « tout ce
qui n'est pas interdit est autorisé » . L'avocat critique une
législation qui fait, selon lui, de deux poids deux mesures : « il ne
faut pas établir de hiérarchisation des génocides. La loi Gayssot
(adoptée en 1990) pénalise la négation de la Shoah, et il n'y a rien
concernant les Arméniens » .
Vilma Kouyoumdjian, journaliste spécialiste de la Turquie basée Ã
Paris, dénonce le « cynisme de l'Etat turc » qui ne reconnaît pas le
génocide de 1915 perpétré contre les Arméniens. « Dans ce pays où on
respire le négationnisme partout, les intellectuels sont assiégés par
l'idéologie kémaliste » , juge la journaliste, qui blâme la relecture
historique qui se fait dans les écoles, où « l'éducation est à la fois
fascisante et islamisante » .
« SOUS LE SIGNE DE L'UNIVERSALITE » Ã la fin de la conférence,
distribution de badges « Je résiste » , que chacun épingle sur son
manteau. Sur scène, un des organisateurs tente d'une voix forte de
réchauffer l'assistance qui ne tardera pas à sortir les parapluies. «
Non, nous n'oublierons rien du préjudice moral, économique et culturel
subi par le peuple arménien ! » Les intervenants se succèdent pour
prendre la parole, notamment un représentant du collectif Urgence
Darfour.
« L'objectif de la veillée, c'est d'informer, ouvrir l'esprit des
citoyens. Ce n'est pas une manifestation communautaire, mais une
soirée placée sous le signe de l'universalité, de la reconnaissance de
tous les génocides » , fait savoir Karine Sarikas, de l'association
DA-Connexion. « Nous voulons faire quelque chose qui dépasse les
commémorations officielles, un rassemblement avec des artistes » .
Parmi eux Vincent Baguian, Ours et Alexis HK. « J'ai des origines
arméniennes. Je suis assez éloigné de la cause arménienne dans mon
quotidien, mais de temps en temps, c'est bien de se manifester, ça me
paraît important. En vieillissant, on a besoin de se rapprocher de ce
qui nous construit » , explique ce dernier, nommé aux dernières
Victoires de la musique.
Pour ces jeunes Français d'origine arménienne, les rassemblements de
ce genre sont l'occasion d'exprimer leur attachement lointain mais
profond à la culture de leurs parents. Karine et Anahid, la vingtaine
tout juste entamée, sont impliquées dans le milieu associatif. Toutes
deux ont participé Ã un voyage humanitaire en Arménie, une expérience
qui les a rapprochées de leurs racines. « En tant que descendants de
rescapés du génocide, notre identité est un peu brisée. Une partie de
notre histoire familiale nous est inaccessible. Je me sens avant tout
Française, mais je n'oublie pas pour autant mon combat » , confie
Karine. « Ce soir, nous voulons éveiller les consciences, informer sur
la réalité du génocide, dénoncer la politique de la Turquie, toujours
plus injuste. La cause arménienne est une cause universelle. »
--------------------------------------------------------------------------------
PAROLES « J'ai découvert un négationnisme institutionnalisé très virulent »
Mathieu Zeitindjioglou, réalisateur du Fils du marchand d'olives ,
sorti en salles le 11 avril.
« Je suis né Ã Versailles, j'ai hérité d'un nom arménien turquifié par
mon père, et on m'a toujours pris pour un Turc. J'ai passé mon temps Ã
justifier mon identité, Ã dire que j'avais des origines arméniennes,
mais c'était très abstrait. Quand Anna, mon épouse, a voulu m'emmener
à la découverte de mes origines, j'ai compris ce qu'être Arménien
signifiait. En France, je n'avais jamais douté de l'existence du
génocide puisqu'il est constitutif de mon identité. Mais en arrivant
en Turquie, j'ai découvert un négationnisme institutionnalisé très
virulent. En faisant le film, j'ai voulu apporter un autre point de
vue sur l'Histoire, parler de l'actualité du génocide, du
négationnisme qui n'est pas évoqué dans les documentaires classiques.
En Turquie, on sent un malaise quand?le sujet est abordé. Parmi les
personnes que nous avons interrogées, certaines ne voulaient pas
parler, les autres exposaient les thèses officielles écrites dans les
livres d'Histoire et apprises en classe. En général, les Turcs parlent
du « problème arménien », mais ne connaissent pas le mot génocide. »
ETIENNE BOUCHE
LA CROIX
dimanche 13 mai 2012,
Stéphane ©armenews.com
Une veillée musicale pour commémorer le génocide arménien
Tandis que la place du Panthéon se remplit progressivement, une
vieille dame se balance au son du oud, un instrument traditionnel. Ce
soir, le vent et la pluie se sont invités à la veillée de
commémorations du génocide arménien, un rendez-vous organisé Ã Paris
depuis 1998 par une dizaine d'associations, en complément des
traditionnelles célébrations du 24 avril. Cette année, le choix du
lieu est chargé de sens : « nous voulons placer cette soirée sous le
signe de la résistance dans un quartier symbolique de luttes » ,
annonce Yériché Gorizian, porte-parole de l'association Nor Seround,
qui anime la conférence inaugurale sur le thème du négationnisme.
Le vent fait trembler la structure métallique du chapiteau, rendant
difficilement audibles les intervenants. La débat s'oriente rapidement
vers la censure par le Conseil constitutionnel de la loi punissant la
négation du génocide arménien. Vincent Nioré s'indigne : l'avocat au
Barreau de Paris déplore que la loi française s'en tienne à une
reconnaissance déclarative du génocide arménien - conformément à la
loi de 2001 -, sans prévoir de sanctions.
Sur les personnalités opposées à la loi proposée par la députée
Valérie Boyer, le commentaire est sévère. « Revenons de l'hypocrisie :
ceux qui ne veulent pas légiférer ont tous des intérêts financiers ou
intellectuels avec la Turquie » , lance-t-il, estimant que « tout ce
qui n'est pas interdit est autorisé » . L'avocat critique une
législation qui fait, selon lui, de deux poids deux mesures : « il ne
faut pas établir de hiérarchisation des génocides. La loi Gayssot
(adoptée en 1990) pénalise la négation de la Shoah, et il n'y a rien
concernant les Arméniens » .
Vilma Kouyoumdjian, journaliste spécialiste de la Turquie basée Ã
Paris, dénonce le « cynisme de l'Etat turc » qui ne reconnaît pas le
génocide de 1915 perpétré contre les Arméniens. « Dans ce pays où on
respire le négationnisme partout, les intellectuels sont assiégés par
l'idéologie kémaliste » , juge la journaliste, qui blâme la relecture
historique qui se fait dans les écoles, où « l'éducation est à la fois
fascisante et islamisante » .
« SOUS LE SIGNE DE L'UNIVERSALITE » Ã la fin de la conférence,
distribution de badges « Je résiste » , que chacun épingle sur son
manteau. Sur scène, un des organisateurs tente d'une voix forte de
réchauffer l'assistance qui ne tardera pas à sortir les parapluies. «
Non, nous n'oublierons rien du préjudice moral, économique et culturel
subi par le peuple arménien ! » Les intervenants se succèdent pour
prendre la parole, notamment un représentant du collectif Urgence
Darfour.
« L'objectif de la veillée, c'est d'informer, ouvrir l'esprit des
citoyens. Ce n'est pas une manifestation communautaire, mais une
soirée placée sous le signe de l'universalité, de la reconnaissance de
tous les génocides » , fait savoir Karine Sarikas, de l'association
DA-Connexion. « Nous voulons faire quelque chose qui dépasse les
commémorations officielles, un rassemblement avec des artistes » .
Parmi eux Vincent Baguian, Ours et Alexis HK. « J'ai des origines
arméniennes. Je suis assez éloigné de la cause arménienne dans mon
quotidien, mais de temps en temps, c'est bien de se manifester, ça me
paraît important. En vieillissant, on a besoin de se rapprocher de ce
qui nous construit » , explique ce dernier, nommé aux dernières
Victoires de la musique.
Pour ces jeunes Français d'origine arménienne, les rassemblements de
ce genre sont l'occasion d'exprimer leur attachement lointain mais
profond à la culture de leurs parents. Karine et Anahid, la vingtaine
tout juste entamée, sont impliquées dans le milieu associatif. Toutes
deux ont participé Ã un voyage humanitaire en Arménie, une expérience
qui les a rapprochées de leurs racines. « En tant que descendants de
rescapés du génocide, notre identité est un peu brisée. Une partie de
notre histoire familiale nous est inaccessible. Je me sens avant tout
Française, mais je n'oublie pas pour autant mon combat » , confie
Karine. « Ce soir, nous voulons éveiller les consciences, informer sur
la réalité du génocide, dénoncer la politique de la Turquie, toujours
plus injuste. La cause arménienne est une cause universelle. »
--------------------------------------------------------------------------------
PAROLES « J'ai découvert un négationnisme institutionnalisé très virulent »
Mathieu Zeitindjioglou, réalisateur du Fils du marchand d'olives ,
sorti en salles le 11 avril.
« Je suis né Ã Versailles, j'ai hérité d'un nom arménien turquifié par
mon père, et on m'a toujours pris pour un Turc. J'ai passé mon temps Ã
justifier mon identité, Ã dire que j'avais des origines arméniennes,
mais c'était très abstrait. Quand Anna, mon épouse, a voulu m'emmener
à la découverte de mes origines, j'ai compris ce qu'être Arménien
signifiait. En France, je n'avais jamais douté de l'existence du
génocide puisqu'il est constitutif de mon identité. Mais en arrivant
en Turquie, j'ai découvert un négationnisme institutionnalisé très
virulent. En faisant le film, j'ai voulu apporter un autre point de
vue sur l'Histoire, parler de l'actualité du génocide, du
négationnisme qui n'est pas évoqué dans les documentaires classiques.
En Turquie, on sent un malaise quand?le sujet est abordé. Parmi les
personnes que nous avons interrogées, certaines ne voulaient pas
parler, les autres exposaient les thèses officielles écrites dans les
livres d'Histoire et apprises en classe. En général, les Turcs parlent
du « problème arménien », mais ne connaissent pas le mot génocide. »
ETIENNE BOUCHE
LA CROIX
dimanche 13 mai 2012,
Stéphane ©armenews.com