ARCHAG ET ANAHID : CULTIVER LA LITTERATURE ARMENIENNE EN FRANCE
www.collectifvan.org
Publie le : 15-05-2012
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
invite a lire cette information traduite par Georges Festa et publiee
sur le site Armenian Trends - Mes Armenies le 8 mai 2012.
Armenian Trends - Mes Armenies
mardi 8 mai 2012
Paris, Librairie Orientale Samuelian, fev. 2012 © Mario Scolas -
http://natureculture.org
Archag et Anahid : cultiver la litterature armenienne en France
par Jennifer Manoukian
Ianyan Mag, 07.02.2012
Tandis que la communaute franco-armenienne retient tous les regards
ces temps-ci, saisissons cette belle opportunite pour rappeler le
rôle que la France joua, par le passe, en tant que pôle de l'activite
litteraire et culturelle de la diaspora armenienne.
Dans les annees 1920 et 1930, la capitale de la vie intellectuelle
armeno-occidentale passa de Constantinople a Paris. Durant la periode
ottomane de reformes sociales, au milieu du 19ème siècle, il etait de
coutume au sein des riches familles armeniennes d'envoyer leurs fils -
et, exceptionnellement, leurs filles - a Paris pour y achever leurs
etudes. Ces jeunes Armeniens rentraient en general dans l'empire
ottoman, une fois diplômes, dans l'espoir d'employer leur savoir et
leurs competences, afin d'aider a ameliorer la situation sociale
et politique de leur communaute. Quoi qu'il en soit, au tournant
du siècle dernier, un groupe reduit, mais influent, d'environ 3 000
Armeniens s'etait etabli a Paris. Ces Armeniens etaient souvent des
ecrivains et des militants qui, menaces par le regime de plus en plus
autoritaire du sultan Abd ul-Hamid II, choisirent de chercher refuge
a l'etranger, où ils pouvaient s'exprimer plus librement, sans crainte
d'etre emprisonnes ou de faire l'objet d'une surveillance agressive.
Parmi la petite communaute d'Armeniens du Paris fin de siècle, un de
ses membres les plus remarquables et respectes fut Archag Tchobanian.
Ne a Constantinople en 1872, Tchobanian fut elève au Lycee Guetronagan
- repute pour avoir produit certains des esprits litteraires armeniens
les plus accomplis - et se mit a ecrire et traduire de l'armenien vers
le francais a un âge precoce. A 23 ans, il fonde la revue litteraire
Dzaguig (Fleur, en armenien) et, peu après, quitte Constantinople
pour Paris, où il devint un personnage cle dans la vie intellectuelle
franco-armenienne durant plus d'un quart de siècle.
Celèbre comme ambassadeur des lettres armeniennes en France, ce poète,
ecrivain, traducteur et editeur s'acquit le respect non seulement
de ses compatriotes armeniens, mais aussi de maints ecrivains et
hommes politiques francais, des plus eminents de son epoque. Grâce
a ses contacts avec des personnalites telles qu'Anatole France et
Georges Clemenceau, Tchobanian fit prendre conscience des souffrances
du peuple armenien dans l'empire ottoman et s'attira le soutien de
l'opinion francaise a sa cause.
Tchobanian s'inquietait toutefois du danger lie au fait de presenter
les Armeniens simplement comme un peuple victimise et remit en
cause cette image en promouvant des exemples de leur patrimoine
litteraire et culturel auprès d'une opinion francaise des plus
neophyte en la matière ; il publia regulièrement des traductions de
contes populaires armeniens dans des revues litteraires francaises,
organisa des manifestations culturelles - invitant notamment le père
Komitas a se produire a Paris en 1906 - et accueillant colloques et
conferences sur l'histoire et la litterature armenienne.
La communaute franco-armenienne d'alors fut aussi grandement
redevable aux efforts de Tchobanian pour resister a l'acculturation,
en encourageant une production litteraire armenienne dans la diaspora.
Son apport le plus durable, a cet egard, fut la creation de la revue
litteraire, artistique et scientifique Anahid, en 1898.
A l'aide de cette revue, Tchobanian souhaitait susciter une admiration
chez les Armeniens envers leurs propres realisations culturelles et
maintenir l'heritage litteraire et intellectuelle des generations
anterieures parmi la diaspora. Il voyait dans Anahid un moyen de
preserver, perpetuer et rebâtir une identite armenienne en exil,
grâce en particulier au developpement de la communaute durant les
annees 1920.
Chaque numero de la revue se composait de poesie, de prose, de
traductions, de critiques litteraires et d'un ensemble eclectique
d'articles sur des thèmes allant de l'architecture a la musique. Meme
si des poèmes dus a des figures aussi respectees que Siamanto ou
Daniel Varoujan paraissaient dans Anahid, Tchobanian se preoccupait
aussi de promouvoir et publier de jeunes ecrivains en herbe, Zabel
Essayan et Zareh Vorpouni entre autres, qui deviendront ensuite des
figures de proue de la litterature armenienne.
En depit d'une interruption de dix-huit annees, de 1911 a 1929, et
d'un bref hiatus lors de l'occupation nazie de Paris dans les annees
1940, Anahid fut le vecteur artistique d'un peuple diaspore durant
trente-trois ans, sans etre egalee par aucune autre publication.
L'ultime numero d'Anahid fut publie en 1949 et fut bientôt suivi par
la mort de son devoue editeur en 1954.
[Diplômee d'etudes orientales et francaises de l'Universite Rutgers
(New Jersey), Jennifer Manoukian s'interesse a la litterature
armeno-occidentale et aux questions d'identite et de production
culturelle dans la diaspora armenienne. Elle est aussi traductrice ;
ses traductions de Zabel Essayan ont paru dans la revue Ararat.
Contact : [email protected].]
www.collectifvan.org
Publie le : 15-05-2012
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invite a lire cette information traduite par Georges Festa et publiee
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Armenian Trends - Mes Armenies
mardi 8 mai 2012
Paris, Librairie Orientale Samuelian, fev. 2012 © Mario Scolas -
http://natureculture.org
Archag et Anahid : cultiver la litterature armenienne en France
par Jennifer Manoukian
Ianyan Mag, 07.02.2012
Tandis que la communaute franco-armenienne retient tous les regards
ces temps-ci, saisissons cette belle opportunite pour rappeler le
rôle que la France joua, par le passe, en tant que pôle de l'activite
litteraire et culturelle de la diaspora armenienne.
Dans les annees 1920 et 1930, la capitale de la vie intellectuelle
armeno-occidentale passa de Constantinople a Paris. Durant la periode
ottomane de reformes sociales, au milieu du 19ème siècle, il etait de
coutume au sein des riches familles armeniennes d'envoyer leurs fils -
et, exceptionnellement, leurs filles - a Paris pour y achever leurs
etudes. Ces jeunes Armeniens rentraient en general dans l'empire
ottoman, une fois diplômes, dans l'espoir d'employer leur savoir et
leurs competences, afin d'aider a ameliorer la situation sociale
et politique de leur communaute. Quoi qu'il en soit, au tournant
du siècle dernier, un groupe reduit, mais influent, d'environ 3 000
Armeniens s'etait etabli a Paris. Ces Armeniens etaient souvent des
ecrivains et des militants qui, menaces par le regime de plus en plus
autoritaire du sultan Abd ul-Hamid II, choisirent de chercher refuge
a l'etranger, où ils pouvaient s'exprimer plus librement, sans crainte
d'etre emprisonnes ou de faire l'objet d'une surveillance agressive.
Parmi la petite communaute d'Armeniens du Paris fin de siècle, un de
ses membres les plus remarquables et respectes fut Archag Tchobanian.
Ne a Constantinople en 1872, Tchobanian fut elève au Lycee Guetronagan
- repute pour avoir produit certains des esprits litteraires armeniens
les plus accomplis - et se mit a ecrire et traduire de l'armenien vers
le francais a un âge precoce. A 23 ans, il fonde la revue litteraire
Dzaguig (Fleur, en armenien) et, peu après, quitte Constantinople
pour Paris, où il devint un personnage cle dans la vie intellectuelle
franco-armenienne durant plus d'un quart de siècle.
Celèbre comme ambassadeur des lettres armeniennes en France, ce poète,
ecrivain, traducteur et editeur s'acquit le respect non seulement
de ses compatriotes armeniens, mais aussi de maints ecrivains et
hommes politiques francais, des plus eminents de son epoque. Grâce
a ses contacts avec des personnalites telles qu'Anatole France et
Georges Clemenceau, Tchobanian fit prendre conscience des souffrances
du peuple armenien dans l'empire ottoman et s'attira le soutien de
l'opinion francaise a sa cause.
Tchobanian s'inquietait toutefois du danger lie au fait de presenter
les Armeniens simplement comme un peuple victimise et remit en
cause cette image en promouvant des exemples de leur patrimoine
litteraire et culturel auprès d'une opinion francaise des plus
neophyte en la matière ; il publia regulièrement des traductions de
contes populaires armeniens dans des revues litteraires francaises,
organisa des manifestations culturelles - invitant notamment le père
Komitas a se produire a Paris en 1906 - et accueillant colloques et
conferences sur l'histoire et la litterature armenienne.
La communaute franco-armenienne d'alors fut aussi grandement
redevable aux efforts de Tchobanian pour resister a l'acculturation,
en encourageant une production litteraire armenienne dans la diaspora.
Son apport le plus durable, a cet egard, fut la creation de la revue
litteraire, artistique et scientifique Anahid, en 1898.
A l'aide de cette revue, Tchobanian souhaitait susciter une admiration
chez les Armeniens envers leurs propres realisations culturelles et
maintenir l'heritage litteraire et intellectuelle des generations
anterieures parmi la diaspora. Il voyait dans Anahid un moyen de
preserver, perpetuer et rebâtir une identite armenienne en exil,
grâce en particulier au developpement de la communaute durant les
annees 1920.
Chaque numero de la revue se composait de poesie, de prose, de
traductions, de critiques litteraires et d'un ensemble eclectique
d'articles sur des thèmes allant de l'architecture a la musique. Meme
si des poèmes dus a des figures aussi respectees que Siamanto ou
Daniel Varoujan paraissaient dans Anahid, Tchobanian se preoccupait
aussi de promouvoir et publier de jeunes ecrivains en herbe, Zabel
Essayan et Zareh Vorpouni entre autres, qui deviendront ensuite des
figures de proue de la litterature armenienne.
En depit d'une interruption de dix-huit annees, de 1911 a 1929, et
d'un bref hiatus lors de l'occupation nazie de Paris dans les annees
1940, Anahid fut le vecteur artistique d'un peuple diaspore durant
trente-trois ans, sans etre egalee par aucune autre publication.
L'ultime numero d'Anahid fut publie en 1949 et fut bientôt suivi par
la mort de son devoue editeur en 1954.
[Diplômee d'etudes orientales et francaises de l'Universite Rutgers
(New Jersey), Jennifer Manoukian s'interesse a la litterature
armeno-occidentale et aux questions d'identite et de production
culturelle dans la diaspora armenienne. Elle est aussi traductrice ;
ses traductions de Zabel Essayan ont paru dans la revue Ararat.
Contact : [email protected].]