Génocide des Arméniens
Les Tendances Modernes de la Politique Turque
Le Turcologue Ruben Melkonyan nous propose dans Noravank.am une
analyse très éclairante sur le comportement récent de la Turquie. Il
règle définitivement le cas d'Egemon Bagis qui prend ses désirs pour
des réalités : pas plus qu'ont été innocentés les détenus de Malte
libérés dans de piteux compromis de la diplomatie britannique, il ne
convaincra les instances européennes que la Turquie actuelle a raison
de nier et qu'elle est un candidat présentable à l'UE. Melkonyan
évalue sans ingénuité ni complaisance la portée des messages des
démocrates turcs et les relativisant. Cela n'enlève rien à l'effort
considérable d'Ayse Gunaysu et de beaucoup d'autres pour tirer leur
pays vers la lumière. Mais il y a encore beaucoup de travail devant
nous. Les nouveaux `Jeunes Turcs` d'Amérique vont rechercher du
soutien non seulement en Asie Centrale mais jusqu'en Chine. Rien que
ça ! Il faut croire que la diplomatie turque dont on se rebat les
oreilles ne se contente plus de subtilités aux arômes de rose.
GB
La Question du Génocide des Arméniens et les Tendances Modernes de la
Politique Turque
par Ruben Melkonyan
Comme on le sait, la lutte contre la reconnaissance internationale du
Génocide des Arméniens tient une place importante dans l'agenda
politique de la Turquie. A l'approche de 2015, la Turquie emploie ses
anciennes méthodes et en ajoute d'autres à sa politique étrangère et
intérieure.
En particulier, des ressources financières énormes sont engagées dans
la publication et la distribution de documents non scientifiques niant
le Génocide des Arméniens. La `pensée universitaire` turque s'emploie
à mettre en circulation d'`irréfutables` nouveaux faits. Il a été
déclaré récemment que de nouvelles informations sérieuses concernant
les procès de Malte avaient été découverts. Selon certains documents
anglais et américains, les dirigeants turcs emprisonnés à Malte pour
avoir eu une responsabilité dans le Génocide ont été libérés, `aucune
preuve contre eux n'ayant été trouvée`. Le fait que les chercheurs
turcs présentent cette `découverte` aux autorités turques comme un
argument sérieux est attesté par la déclaration à Malte du ministre
Egemen Bagis, négociateur pour l'adhésion de la Turquie à l'UE : `au
procès de Malte, la Turquie a été déclarée non-coupable relativement
aux événements de 1915. Le tribunal a acquitté les dirigeants ottomans
qui avaient été arrêtés dans le cadre des événements qui ont eu lieu
en 1915. La décision a été prise par le juge britannique`. Il est
également affirmé que la Turquie emploierait cette `sérieuse
découverte` au niveau international comme un argument prouvant `qu'il
n'y a eu aucun Génocide des Arméniens`.
Nous devons rappeler que beaucoup de dirigeants ottomans qui avaient
préparé, commis et s'étaient rendus complices avaient été arrêtés à la
fin de la Première Guerre Mondiale et qu'une partie d'entre eux avait
été placés à Malte. Plus tard, à la suite de la montée du mouvement
kémaliste, la situation avait changé et les criminels turcs détenus à
Malte étaient devenus l'objet d'un marchandage politique entre les
autorités de l'Empire Britannique et kémaliste ; en particulier,
l'échange de captifs britanniques et turcs était envisagé. Beaucoup de
ces criminels, à leur retour en Turquie, ont pris des postes de
premier plan et sont devenus ministres, membres du parlement,
gouverneurs, etc. De nombreux faits démontrent qu'ils n'ont pas été
relchés non sur des considérations du droit, mais pour des raisons
politiques ; le style caractéristique et la forme de pensée de la
diplomatie britannique ressort de la déclaration de ce diplomate de
haut-rang britannique, parlant des Turcs relchés : `Moins nous
parlerons de ces personnes, mieux cela vaudra, mais j'ai fait de mon
mieux pour tirer au clair ce point plutôt délicat : les raisons pour
lesquelles les exilés de Malte ont été libérés. Je pense que tout le
monde aurait procédé de la même façon. Les membres du Parlement
pensait qu'un seul captif britannique vaut autant qu'une cargaison de
prisonniers turcs. C'est cela, la raison de cet échange`.
Les instituts d'analyse sont eux aussi activement impliqués dans la
lutte contre la reconnaissance internationale du Génocide des
Arméniens, et leur activité et leurs analyses sont en phase,
naturellement, avec la politique d'état. C'est le cas par exemple du
directeur du Centre d'Etudes Stratégiques Eurasiennes, Khatam
Jabbarli, qui exprime sa préoccupation, la question du Génocide des
Arméniens étant de plus en plus évoquée dans la presse turque, des
journalistes turcs défendant le point de vue arménien et demandant que
la Turquie demande pardon. Un exemple récent est celui de
l'éditorialiste du quotidien `Radikal` Orhan Cengiz. La conclusion
pessimiste de Jabbarli pour la Turquie est que `le fait que de tels
points de vues soient exprimés dans la presse turque devrait être
considéré comme un succès sérieux de la propagande arménienne'. Dans
le contexte de la préparation de 2015, la Turquie considère que son
ennemie numéro un est la Diaspora arménienne, et dans ce combat,
l'Azerbaïdjan est concerné également. Tous deux essaient de se
regrouper pour le combat contre la reconnaissance internationale du
Génocide des Arméniens et contre la diaspora arménienne - le groupe de
pression turc-azerbaïdjanais est particulièrement actif en Europe et
aux USA. Il y a par exemple aux Etats-Unis une organisation qui porte
le nom évocateur de `Jeunes Turcs` qui organise des manifestations
`contre les mensonges arméniens`, `en mémoire des dirigeants turcs
tués par l'ASALA`, `les événements de Khodjalou`. Les `Jeunes Turcs`
se déclarent soutenus non seulement par les Azerbaïdjanais vivant aux
Etats-Unis mais aussi par des Ouzbeks, des Turkmènes, des Ouïghours et
des représentants d'autres peuples turcophones [.. !].
En même temps, la Turquie use de méthodes secrètes. Il y a plusieurs
années, le ministre des affaires étrangères Davutoglu avait chargé les
diplomates turcs de trouver des segments de la communauté arménienne
qui seraient prêtes au `dialogue` et travailler activement avec eux.
Il faut noter que dans le combat contre la reconnaissance
internationale du Génocide des Arméniens, tous les partis influents
turcs sont impliqués, quelle que soit leur orientation politique. Bien
sûr, la part essentielle du négationnisme est prise par le parti au
pouvoir, le Parti Justice et Développement, mais les partis
d'opposition que sont le Parti Républicain du Peuple et le parti du
Mouvement National s'efforcent de rester dans la course. C'est ainsi
qu'il a été décidé à la dernière session plénière du Parti Républicain
du Peuple, sous la présidence de son dirigeant Kemal Kilicdaroglu, de
charger l'ex diplomate et membre du parlement Sukru Elekdag - l'un des
falsificateurs bien connus - d'un rapport sur les `prétentions
arméniennes` et de faire des propositions sur la façon de s'y opposer.
Le parti a fait une déclaration officielle dans laquelle il va engager
une action à grande échelle contre la reconnaissance du Génocide des
Arméniens. Le président du parti Mouvement National Devlet Bahceli, au
cours de son récent discours en France a critiqué la célèbre décision
du Sénat et menacé la diaspora arménienne. En même temps, il a appelé
les Turcs à lutter ensemble `contre les prétentions arméniennes`.
Mais en même temps, les autorités turques essaient de concilier leur
attitude nationaliste avec des avancées démocratiques et des
déclarations, que l'on doit regarder purement et simplement comme du
mime. Des fonctionnaires de haut rang s'efforcent d'avancer des thèses
réductrices comme `douleur commune` ou `pertes mutuelles`. C'est ainsi
que lors d'une récente visite à un salon du livre, le premier ministre
Erdogan a acheté le livre `Arméniens et Turcs : Douleur Commune` du
journaliste turc Taha Akyol, démontrant ainsi son intérêt pour la
question. Mais le fait le plus marquent est la participation du
président du parlement turc, Cemil Cicek, à une conférence sur `Les
premiers pas vers un partage des peines et la guérison des blessures`
organisée l'autre jour par le parti Social Démocrate turc. Qui plus
est, au cours de son intervention, Cicek a déclaré : ` Après la
Première Guerre Mondiale a eu lieu un exil, et les Arméniens avec qui
nous étions habitués à vivre côte à côte à travers les ges ont été
forcés de quitter leur patrie. Nos douleurs sont communes il nous faut
accepter cela avant tout`. En fait, à l'approche du 24 avril, `Cemil
301` [Cicek était ministre de la justice en 2007 et défendait la
nouvelle version de l'article 301 en discussion NdT] s'essaie au port
du masque de dirigeant européen tolérant.
Notons que pour la plupart, les mouvements non gouvernementaux sont
contrôlés par l'état, mais qu'il en existe de sincères. Parmi eux,
Human Right Initiative et `Dites non au Racisme et au Nationalisme`,
qui ont organisé des manifestations à la mémoire des victimes du
Génocide des Arméniens de 1924 méritent qu'on les mentionne. Au cours
de la manifestation organisée place Taksim à Istanbul, on s'est
souvenu du soldat d'ascendance arménienne Sevak Balici, tué le 24
avril l'an passé, comme une victime du nationalisme. Les organisateurs
ont envoyé deux lettres présentant leur sentiment et leurs égards au
Catholicos de Tous les Arméniens et au Catholicos de Cilicie. Le choix
du lieu de ces organisations des droits de l'homme pour honorer les
victimes n'est pas neutre. Le Musée de l'?uvre du Monde Islamique Turc
était en 1915 une prison pour les exilés arméniens. Une particularité
importante de ces événements est que contrairement par exemple au
texte de la pétition `Nous Demandons Pardon aux Arméniens`, le terme
Génocide des Arméniens a été ici employé.
Il faut dire également que le nombre de personnes de la société turque
qui pensent qu'il vaudrait mieux reconnaître le Génocide des
Arméniens, demander pardon et ainsi libérer le pays pris lui-même en
otage est en augmentation. Et notons que ces personnes pensent d'abord
aux intérêts de la Turquie avant ceux d'une position pro-arménienne.
En même temps, le nombre de Turcs et de Kurdes qui sont prêts à
regarder leur histoire en face est trop faible en Turquie. Pour les
organisateurs de l'initiative `Dites Non au Racisme et au
Nationalisme`, il est impossible de changer l'opinion publique en
Turquie avec les seules forces des organisations de gauche.
Pour résumer, s'il est vrai que la politique de négation de la Turquie
rencontre des difficultés, les méthodes plus insidieuses qu'elle
adopte, faisant appel à d'autres forces, créent de nouveaux obstacles
sur la voie de la reconnaissance internationale de la vérité
historique, pour l'Arménie et les Arméniens.
dimanche 20 mai 2012,
Jean Eckian ©armenews.com
From: Baghdasarian
Les Tendances Modernes de la Politique Turque
Le Turcologue Ruben Melkonyan nous propose dans Noravank.am une
analyse très éclairante sur le comportement récent de la Turquie. Il
règle définitivement le cas d'Egemon Bagis qui prend ses désirs pour
des réalités : pas plus qu'ont été innocentés les détenus de Malte
libérés dans de piteux compromis de la diplomatie britannique, il ne
convaincra les instances européennes que la Turquie actuelle a raison
de nier et qu'elle est un candidat présentable à l'UE. Melkonyan
évalue sans ingénuité ni complaisance la portée des messages des
démocrates turcs et les relativisant. Cela n'enlève rien à l'effort
considérable d'Ayse Gunaysu et de beaucoup d'autres pour tirer leur
pays vers la lumière. Mais il y a encore beaucoup de travail devant
nous. Les nouveaux `Jeunes Turcs` d'Amérique vont rechercher du
soutien non seulement en Asie Centrale mais jusqu'en Chine. Rien que
ça ! Il faut croire que la diplomatie turque dont on se rebat les
oreilles ne se contente plus de subtilités aux arômes de rose.
GB
La Question du Génocide des Arméniens et les Tendances Modernes de la
Politique Turque
par Ruben Melkonyan
Comme on le sait, la lutte contre la reconnaissance internationale du
Génocide des Arméniens tient une place importante dans l'agenda
politique de la Turquie. A l'approche de 2015, la Turquie emploie ses
anciennes méthodes et en ajoute d'autres à sa politique étrangère et
intérieure.
En particulier, des ressources financières énormes sont engagées dans
la publication et la distribution de documents non scientifiques niant
le Génocide des Arméniens. La `pensée universitaire` turque s'emploie
à mettre en circulation d'`irréfutables` nouveaux faits. Il a été
déclaré récemment que de nouvelles informations sérieuses concernant
les procès de Malte avaient été découverts. Selon certains documents
anglais et américains, les dirigeants turcs emprisonnés à Malte pour
avoir eu une responsabilité dans le Génocide ont été libérés, `aucune
preuve contre eux n'ayant été trouvée`. Le fait que les chercheurs
turcs présentent cette `découverte` aux autorités turques comme un
argument sérieux est attesté par la déclaration à Malte du ministre
Egemen Bagis, négociateur pour l'adhésion de la Turquie à l'UE : `au
procès de Malte, la Turquie a été déclarée non-coupable relativement
aux événements de 1915. Le tribunal a acquitté les dirigeants ottomans
qui avaient été arrêtés dans le cadre des événements qui ont eu lieu
en 1915. La décision a été prise par le juge britannique`. Il est
également affirmé que la Turquie emploierait cette `sérieuse
découverte` au niveau international comme un argument prouvant `qu'il
n'y a eu aucun Génocide des Arméniens`.
Nous devons rappeler que beaucoup de dirigeants ottomans qui avaient
préparé, commis et s'étaient rendus complices avaient été arrêtés à la
fin de la Première Guerre Mondiale et qu'une partie d'entre eux avait
été placés à Malte. Plus tard, à la suite de la montée du mouvement
kémaliste, la situation avait changé et les criminels turcs détenus à
Malte étaient devenus l'objet d'un marchandage politique entre les
autorités de l'Empire Britannique et kémaliste ; en particulier,
l'échange de captifs britanniques et turcs était envisagé. Beaucoup de
ces criminels, à leur retour en Turquie, ont pris des postes de
premier plan et sont devenus ministres, membres du parlement,
gouverneurs, etc. De nombreux faits démontrent qu'ils n'ont pas été
relchés non sur des considérations du droit, mais pour des raisons
politiques ; le style caractéristique et la forme de pensée de la
diplomatie britannique ressort de la déclaration de ce diplomate de
haut-rang britannique, parlant des Turcs relchés : `Moins nous
parlerons de ces personnes, mieux cela vaudra, mais j'ai fait de mon
mieux pour tirer au clair ce point plutôt délicat : les raisons pour
lesquelles les exilés de Malte ont été libérés. Je pense que tout le
monde aurait procédé de la même façon. Les membres du Parlement
pensait qu'un seul captif britannique vaut autant qu'une cargaison de
prisonniers turcs. C'est cela, la raison de cet échange`.
Les instituts d'analyse sont eux aussi activement impliqués dans la
lutte contre la reconnaissance internationale du Génocide des
Arméniens, et leur activité et leurs analyses sont en phase,
naturellement, avec la politique d'état. C'est le cas par exemple du
directeur du Centre d'Etudes Stratégiques Eurasiennes, Khatam
Jabbarli, qui exprime sa préoccupation, la question du Génocide des
Arméniens étant de plus en plus évoquée dans la presse turque, des
journalistes turcs défendant le point de vue arménien et demandant que
la Turquie demande pardon. Un exemple récent est celui de
l'éditorialiste du quotidien `Radikal` Orhan Cengiz. La conclusion
pessimiste de Jabbarli pour la Turquie est que `le fait que de tels
points de vues soient exprimés dans la presse turque devrait être
considéré comme un succès sérieux de la propagande arménienne'. Dans
le contexte de la préparation de 2015, la Turquie considère que son
ennemie numéro un est la Diaspora arménienne, et dans ce combat,
l'Azerbaïdjan est concerné également. Tous deux essaient de se
regrouper pour le combat contre la reconnaissance internationale du
Génocide des Arméniens et contre la diaspora arménienne - le groupe de
pression turc-azerbaïdjanais est particulièrement actif en Europe et
aux USA. Il y a par exemple aux Etats-Unis une organisation qui porte
le nom évocateur de `Jeunes Turcs` qui organise des manifestations
`contre les mensonges arméniens`, `en mémoire des dirigeants turcs
tués par l'ASALA`, `les événements de Khodjalou`. Les `Jeunes Turcs`
se déclarent soutenus non seulement par les Azerbaïdjanais vivant aux
Etats-Unis mais aussi par des Ouzbeks, des Turkmènes, des Ouïghours et
des représentants d'autres peuples turcophones [.. !].
En même temps, la Turquie use de méthodes secrètes. Il y a plusieurs
années, le ministre des affaires étrangères Davutoglu avait chargé les
diplomates turcs de trouver des segments de la communauté arménienne
qui seraient prêtes au `dialogue` et travailler activement avec eux.
Il faut noter que dans le combat contre la reconnaissance
internationale du Génocide des Arméniens, tous les partis influents
turcs sont impliqués, quelle que soit leur orientation politique. Bien
sûr, la part essentielle du négationnisme est prise par le parti au
pouvoir, le Parti Justice et Développement, mais les partis
d'opposition que sont le Parti Républicain du Peuple et le parti du
Mouvement National s'efforcent de rester dans la course. C'est ainsi
qu'il a été décidé à la dernière session plénière du Parti Républicain
du Peuple, sous la présidence de son dirigeant Kemal Kilicdaroglu, de
charger l'ex diplomate et membre du parlement Sukru Elekdag - l'un des
falsificateurs bien connus - d'un rapport sur les `prétentions
arméniennes` et de faire des propositions sur la façon de s'y opposer.
Le parti a fait une déclaration officielle dans laquelle il va engager
une action à grande échelle contre la reconnaissance du Génocide des
Arméniens. Le président du parti Mouvement National Devlet Bahceli, au
cours de son récent discours en France a critiqué la célèbre décision
du Sénat et menacé la diaspora arménienne. En même temps, il a appelé
les Turcs à lutter ensemble `contre les prétentions arméniennes`.
Mais en même temps, les autorités turques essaient de concilier leur
attitude nationaliste avec des avancées démocratiques et des
déclarations, que l'on doit regarder purement et simplement comme du
mime. Des fonctionnaires de haut rang s'efforcent d'avancer des thèses
réductrices comme `douleur commune` ou `pertes mutuelles`. C'est ainsi
que lors d'une récente visite à un salon du livre, le premier ministre
Erdogan a acheté le livre `Arméniens et Turcs : Douleur Commune` du
journaliste turc Taha Akyol, démontrant ainsi son intérêt pour la
question. Mais le fait le plus marquent est la participation du
président du parlement turc, Cemil Cicek, à une conférence sur `Les
premiers pas vers un partage des peines et la guérison des blessures`
organisée l'autre jour par le parti Social Démocrate turc. Qui plus
est, au cours de son intervention, Cicek a déclaré : ` Après la
Première Guerre Mondiale a eu lieu un exil, et les Arméniens avec qui
nous étions habitués à vivre côte à côte à travers les ges ont été
forcés de quitter leur patrie. Nos douleurs sont communes il nous faut
accepter cela avant tout`. En fait, à l'approche du 24 avril, `Cemil
301` [Cicek était ministre de la justice en 2007 et défendait la
nouvelle version de l'article 301 en discussion NdT] s'essaie au port
du masque de dirigeant européen tolérant.
Notons que pour la plupart, les mouvements non gouvernementaux sont
contrôlés par l'état, mais qu'il en existe de sincères. Parmi eux,
Human Right Initiative et `Dites non au Racisme et au Nationalisme`,
qui ont organisé des manifestations à la mémoire des victimes du
Génocide des Arméniens de 1924 méritent qu'on les mentionne. Au cours
de la manifestation organisée place Taksim à Istanbul, on s'est
souvenu du soldat d'ascendance arménienne Sevak Balici, tué le 24
avril l'an passé, comme une victime du nationalisme. Les organisateurs
ont envoyé deux lettres présentant leur sentiment et leurs égards au
Catholicos de Tous les Arméniens et au Catholicos de Cilicie. Le choix
du lieu de ces organisations des droits de l'homme pour honorer les
victimes n'est pas neutre. Le Musée de l'?uvre du Monde Islamique Turc
était en 1915 une prison pour les exilés arméniens. Une particularité
importante de ces événements est que contrairement par exemple au
texte de la pétition `Nous Demandons Pardon aux Arméniens`, le terme
Génocide des Arméniens a été ici employé.
Il faut dire également que le nombre de personnes de la société turque
qui pensent qu'il vaudrait mieux reconnaître le Génocide des
Arméniens, demander pardon et ainsi libérer le pays pris lui-même en
otage est en augmentation. Et notons que ces personnes pensent d'abord
aux intérêts de la Turquie avant ceux d'une position pro-arménienne.
En même temps, le nombre de Turcs et de Kurdes qui sont prêts à
regarder leur histoire en face est trop faible en Turquie. Pour les
organisateurs de l'initiative `Dites Non au Racisme et au
Nationalisme`, il est impossible de changer l'opinion publique en
Turquie avec les seules forces des organisations de gauche.
Pour résumer, s'il est vrai que la politique de négation de la Turquie
rencontre des difficultés, les méthodes plus insidieuses qu'elle
adopte, faisant appel à d'autres forces, créent de nouveaux obstacles
sur la voie de la reconnaissance internationale de la vérité
historique, pour l'Arménie et les Arméniens.
dimanche 20 mai 2012,
Jean Eckian ©armenews.com
From: Baghdasarian