REVUE DE PRESSE
Le thétre dans le collimateur du premier ministre turc
L'arbitraire d'Erdogan trouble les défenseurs de la laïcité et fait
craindre une « guerre des cultures ».
À Istanbul
C'est le « fait du sultan », la version turque du « fait du prince ».
Le premier ministre Recep Tayyip Erdogan a placé les thétres publics
sur le billot en menaçant de leur couper les subventions. La polémique
a démarré avec La Secrète obscénité de tous les jours, jouée au
Thétre de la ville d'Istanbul. Avec un humour féroce, la pièce du
Chilien Marco Antonio de la Parra met en scène la difficulté de vivre
dans un pays qui a subi la dictature de Pinochet. Mais des journaux se
sont dits outrés de son caractère immoral. Dans la foulée, le maire
d'Istanbul, un proche de M. Erdogan, a fait passer le choix du
répertoire des thétres de la métropole sous la tutelle de son
administration. Les acteurs sont aussitôt descendus dans la rue pour
dénoncer la volonté des musulmans modérés au pouvoir de soumettre
l'art à des critères moraux.
Ce bras de fer entre la communauté du spectacle, qui revendique une
liberté d'expression sans condition, et le gouvernement
islamo-conservateur conforte tous ceux qui sont persuadés qu'une «
guerre de la culture » se déroule en Turquie. L'arbitraire de Recep
Tayyip Erdogan a troublé. En cas de besoin de financement, « nous
pouvons aider les pièces que nous voulons », a-t-il décrété, avant de
se lancer dans une tirade contre « la caste » des comédiens. « Un
verre de whisky à la main », ils « regardent de haut le peuple, ils ne
font rien d'autre si ce n'est insulter le peuple sans rien produire ».
Le complexe des nouvelles élites pieuses vis-à-vis de la création
artistique est patent.
Le premier ministre ne s'est, il est vrai, jamais distingué comme un
amoureux des arts. L'an dernier, il avait ainsi qualifié de «
monstruosité » une statue dédiée à la réconciliation entre la Turquie
et l'Arménie. L'`uvre était d'autant plus inacceptable, selon lui,
qu'elle se trouvait à proximité du tombeau d'un saint musulman, et il
avait exigé sa démolition. L'ordre fut exécuté. Il n'est pas le seul à
avoir semé le doute sur les intentions du Parti de la justice et du
développement (AKP). Le secrétaire général de la présidence de la
République a déclaré qu'il fallait « promouvoir un art conservateur et
des normes esthétiques ».
Réforme de l'éducation Pour le peintre Bedri Baykam, à la tête de
l'Association des artistes plasticiens de Turquie, « le gouvernement
islamiste ne tolère aucune opposition. Il cible désormais la culture
et veut imposer sa vision sur le monde artistique. Nous qui faisons un
art politique ou érotique le gênons. » Sans voir, comme les plus
fervents défenseurs de la stricte laïcité défendue par les héritiers
de Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur de la République, un agenda
islamique caché derrière les décisions controversées du gouvernement,
des intellectuels musulmans critiquent également des manières
intolérantes. Mustafa Akyol estime ainsi que les nouvelles classes
dominantes, conservatrices, ont les mêmes « mauvaises habitudes », que
les anciennes, kémalistes. En matière de gouvernance, elles imposent
juste des « valeurs nationales, définies par le passé ottoman » et non
plus « républicaines ».
La querelle des thétres succède ainsi à une réforme de l'éducation,
introduite ce printemps, qui a été fortement critiquée pour son
orientation religieuse. L'ge d'accès aux imam hatips, écoles où
l'enseignement de l'islam occupe une part importante du programme, a
été abaissé de 15 à 11 ans. Dans le cursus classique, des cours
optionnels sur la vie du Prophète et sur le Coran ont été introduits.
À tous ses détracteurs, le premier ministre a répondu qu'il souhaitait
former « une jeunesse religieuse » et non pas « une génération
d'athées ».
Des instances publiques veillent au grain. Le Conseil supérieur de
l'audiovisuel (RTÜK) s'est assuré que le candidat turc à l'Eurovision
2012, dont la finale a lieu samedi en Azerbaïdjan, ne reproduirait pas
les déhanchés très explicites de la chanteuse Hadise lors de l'édition
2009. Et les amendes contre les chaînes pour promotion du tabac et de
l'alcool dans les séries télévisées se multiplient. Le feuilleton
Behzat C est actuellement dans son collimateur. Le personnage
principal, un détective privé, a le malheur d'être, à la fois un
buveur invétéré et un coureur de jupons. Pour le vice-premier
ministre, c'est un « exemple » qui peut nuire « au développement moral
» de la jeunesse turque.
Par Laure Marchand
http://www.lefigaro.fr/international/2012/05/25/01003-20120525ARTFIG00374-le-theatre-dans-le-collimateur-du-premier-ministre-turc.php
dimanche 27 mai 2012,
Stéphane ©armenews.com
From: Baghdasarian
Le thétre dans le collimateur du premier ministre turc
L'arbitraire d'Erdogan trouble les défenseurs de la laïcité et fait
craindre une « guerre des cultures ».
À Istanbul
C'est le « fait du sultan », la version turque du « fait du prince ».
Le premier ministre Recep Tayyip Erdogan a placé les thétres publics
sur le billot en menaçant de leur couper les subventions. La polémique
a démarré avec La Secrète obscénité de tous les jours, jouée au
Thétre de la ville d'Istanbul. Avec un humour féroce, la pièce du
Chilien Marco Antonio de la Parra met en scène la difficulté de vivre
dans un pays qui a subi la dictature de Pinochet. Mais des journaux se
sont dits outrés de son caractère immoral. Dans la foulée, le maire
d'Istanbul, un proche de M. Erdogan, a fait passer le choix du
répertoire des thétres de la métropole sous la tutelle de son
administration. Les acteurs sont aussitôt descendus dans la rue pour
dénoncer la volonté des musulmans modérés au pouvoir de soumettre
l'art à des critères moraux.
Ce bras de fer entre la communauté du spectacle, qui revendique une
liberté d'expression sans condition, et le gouvernement
islamo-conservateur conforte tous ceux qui sont persuadés qu'une «
guerre de la culture » se déroule en Turquie. L'arbitraire de Recep
Tayyip Erdogan a troublé. En cas de besoin de financement, « nous
pouvons aider les pièces que nous voulons », a-t-il décrété, avant de
se lancer dans une tirade contre « la caste » des comédiens. « Un
verre de whisky à la main », ils « regardent de haut le peuple, ils ne
font rien d'autre si ce n'est insulter le peuple sans rien produire ».
Le complexe des nouvelles élites pieuses vis-à-vis de la création
artistique est patent.
Le premier ministre ne s'est, il est vrai, jamais distingué comme un
amoureux des arts. L'an dernier, il avait ainsi qualifié de «
monstruosité » une statue dédiée à la réconciliation entre la Turquie
et l'Arménie. L'`uvre était d'autant plus inacceptable, selon lui,
qu'elle se trouvait à proximité du tombeau d'un saint musulman, et il
avait exigé sa démolition. L'ordre fut exécuté. Il n'est pas le seul à
avoir semé le doute sur les intentions du Parti de la justice et du
développement (AKP). Le secrétaire général de la présidence de la
République a déclaré qu'il fallait « promouvoir un art conservateur et
des normes esthétiques ».
Réforme de l'éducation Pour le peintre Bedri Baykam, à la tête de
l'Association des artistes plasticiens de Turquie, « le gouvernement
islamiste ne tolère aucune opposition. Il cible désormais la culture
et veut imposer sa vision sur le monde artistique. Nous qui faisons un
art politique ou érotique le gênons. » Sans voir, comme les plus
fervents défenseurs de la stricte laïcité défendue par les héritiers
de Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur de la République, un agenda
islamique caché derrière les décisions controversées du gouvernement,
des intellectuels musulmans critiquent également des manières
intolérantes. Mustafa Akyol estime ainsi que les nouvelles classes
dominantes, conservatrices, ont les mêmes « mauvaises habitudes », que
les anciennes, kémalistes. En matière de gouvernance, elles imposent
juste des « valeurs nationales, définies par le passé ottoman » et non
plus « républicaines ».
La querelle des thétres succède ainsi à une réforme de l'éducation,
introduite ce printemps, qui a été fortement critiquée pour son
orientation religieuse. L'ge d'accès aux imam hatips, écoles où
l'enseignement de l'islam occupe une part importante du programme, a
été abaissé de 15 à 11 ans. Dans le cursus classique, des cours
optionnels sur la vie du Prophète et sur le Coran ont été introduits.
À tous ses détracteurs, le premier ministre a répondu qu'il souhaitait
former « une jeunesse religieuse » et non pas « une génération
d'athées ».
Des instances publiques veillent au grain. Le Conseil supérieur de
l'audiovisuel (RTÜK) s'est assuré que le candidat turc à l'Eurovision
2012, dont la finale a lieu samedi en Azerbaïdjan, ne reproduirait pas
les déhanchés très explicites de la chanteuse Hadise lors de l'édition
2009. Et les amendes contre les chaînes pour promotion du tabac et de
l'alcool dans les séries télévisées se multiplient. Le feuilleton
Behzat C est actuellement dans son collimateur. Le personnage
principal, un détective privé, a le malheur d'être, à la fois un
buveur invétéré et un coureur de jupons. Pour le vice-premier
ministre, c'est un « exemple » qui peut nuire « au développement moral
» de la jeunesse turque.
Par Laure Marchand
http://www.lefigaro.fr/international/2012/05/25/01003-20120525ARTFIG00374-le-theatre-dans-le-collimateur-du-premier-ministre-turc.php
dimanche 27 mai 2012,
Stéphane ©armenews.com
From: Baghdasarian