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La Turquie Se Regarde Dans Le Miroir Ottoman

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    LA TURQUIE SE REGARDE DANS LE MIROIR OTTOMAN

    http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=68627
    Publie le : 06-11-2012

    Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le New York Times
    consacre un article au film turc La Conquete, 1453 qui a amplifie
    le triomphalisme culturel en Turquie. Films, series-teles, musees,
    feuilletons, la mode est, en Turquie, a la glorification de l'Empire
    ottoman : " La rehabilitation de l'empire a inspire des sentiments
    mitiges parmi les critiques culturels. Le renouveau ottoman est bon
    pour l'ego national et il a capture le psychisme du pays au moment
    où la Turquie veut etre une grande puissance ", a declare Melis
    Behlil, une professeure en cinema de l'Universite Kadir. Mais, elle
    a prevenu : " Cela me terrifie, parce que trop d'ego national n'est
    pas une bonne chose. Les films comme La Conquete, 1453 s'engagent
    dans le revisionnisme culturel et glorifient le passe sans regarder
    l'histoire sous un angle critique. " " D'autres mettent en garde
    contre un chauvinisme culturel dangereux a l'~\uvre. Burak Bekdil,
    un chroniqueur pour le Hurriyet Daily News, reflechissait dans un
    article recent au fait que le temps etait venu de faire un film
    appele La Conquete 1974, celebrant l'invasion turque de Chypre, ou
    L'Extinction 1915, commemorant le genocide de 1,5 million d'Armeniens
    pendant la Première Guerre mondiale. Des menaces de mort ont suivi. "
    Le Collectif VAN vous propose la traduction d'un article en anglais
    de Dan Bilefsky, paru sur le site du New York Times le 29 octobre 2012.

    Legende : L'affiche d'un eventuel film "L'Extinction 1915", commemorant
    le genocide de 1,5 million d'Armeniens pendant la Première Guerre
    mondiale, pourrait s'inspirer des Unes des nombreux journaux francais
    et internationaux qui illustraient, au debut du XXe siècle, les
    massacres des Armeniens. Ici, les massacres d'Adana en 1909...

    The New York Times

    Comme si la periode ottomane n'avait jamais pris fin

    De DAN BILEFSKY

    Publie le 29 octobre 2012

    ISTANBUL - Depuis que s'est tenue cette annee la première du film La
    Conquete, 1453, somptueuse epopee turque pleine de bons sentiments,
    le recit de la prise de Constantinople par le jeune sultan de 21ans,
    Mehmet II, est devenu le film ayant realise le plus gros chiffre
    d'affaires dans l'histoire de la Turquie; il a ete distribue dans 12
    pays du Moyen-Orient, ainsi qu'en Allemagne et aux Etats-Unis. Mais
    son impact le plus grand est sans doute le triomphalisme culturel
    qu'il a amplifie en Turquie.

    La Conquete, 1453 (connu sous le nom de Fetih 1453 en turc) a engendre
    une emission de television portant le meme titre et a encourage les
    clubs de fiers Turcs a rejouer les batailles des jours de gloire
    de l'empire, vetus comme les sultans et la noblesse ottomane. Les
    producteurs de Il etait une fois les Ottomans " Le Soulèvement
    ", une serie televisee relatant l'insurrection contre le Sultan
    Ahmet Khan III au 18ème siècle, ont declare qu'ils avaient prevu de
    construire un parc a thème où les visiteurs pourront se promener
    dans une reproduction d'Istanbul a l'epoque ottomane et regarder
    des combats a l'epee realises par des cascadeurs. Au moins quatre
    nouveaux films depeignent la bataille de Gallipoli, la confrontation
    sanglante pendant la Première Guerre mondiale entre les Ottomans et
    les forces Alliees sur le detroit des Dardanelles et l'une des plus
    grandes victoires de la Turquie moderne. Le prochain In Gallipoli
    inclut meme Mel Gibson, qui jouera le rôle d'un commandant britannique.

    La periode ottomane - en particulier au cours des 16ème et 17ème
    siècles - pendant laquelle les sultans ont revendique le leadership
    spirituel du monde musulman, a ete marquee par la domination
    geopolitique et la prouesse culturelle, avant que le lent declin de
    l'empire ne culmine au moment de la Première Guerre mondiale. Des
    annees durant, la periode a ete minimisee dans l'histoire enseignee
    aux ecoliers, alors que la nouvelle Republique turque creee par Mustafa
    Kemal Ataturk en 1923 cherchait a rompre avec un passe decadent.

    Aujourd'hui, alors que la Turquie apparaît comme un leader au
    Moyen-Orient, soutenue par une croissance economique forte, une
    nouvelle fascination pour l'histoire se reflète dans tous les
    domaines, de la politique etrangère au poil du visage. Dans les
    arts, des exemples encadres de papiers marbres de l'epoque ottomane,
    connu sous le nom de l'art de l'Ebru, associes aux motifs islamiques
    geometriques ornant les mosquees, ont gagne en popularite parmi la
    bourgeoisie islamique croissante du pays, ornant les murs des maisons
    et des bureaux, les bijoux et meme les cartes de visite.

    Le Musee Panorama ouvert il y a trois ans, qui presente un tableau
    imposant d'un peu plus de 13 mètres de haut, a 360 degres, du siège
    de Constantinople, avec des explosions de canon assourdissantes et
    des agents de securite du musee vetus comme des janissaires, attire
    des foules enormes.

    Et au cours de ces dernières annees, il y a eu une proliferation de
    feuilletons melo-ottomans, aucun n'ayant ete plus populaire que Le
    siècle magnifique, une sorte de Sex in the City, dont l'histoire se
    deroule pendant le règne de 46 ans du sultan Soliman le Magnifique. Le
    spectacle turc fait la chronique des intrigues du foyer imperial et du
    harem, y compris l'ascension de l'esclave de Soliman devenue reine,
    Hurrem. L'annee dernière, la serie a ete diffusee dans 32 pays,
    y compris au Maroc et au Kosovo. (NdT. en France aussi)

    La rehabilitation de l'empire a inspire des sentiments mitiges
    parmi les critiques culturels. " Le renouveau ottoman est bon pour
    l'ego national et il a capture le psychisme du pays au moment où la
    Turquie veut etre une grande puissance ", a declare Melis Behlil, une
    professeure en cinema de l'Universite Kadir. Mais, elle a prevenu :
    " Cela me terrifie, parce que trop d'ego national n'est pas une
    bonne chose. Les films comme La Conquete, 1453 s'engagent dans le
    revisionnisme culturel et glorifient le passe sans regarder l'histoire
    sous un angle critique. "

    Faruk Aksoy, âge de 48 ans, realisateur de La Conquete 1453, a dit que,
    depuis qu'il etait arrive a l'âge de 10 ans en provenance d'Urfa, dans
    le sud-est accidente de la Turquie, et qu'il avait ete hypnotise par
    la splendeur imperiale d'Istanbul, il revait de faire un film sur le
    conquerant d'Istanbul (NdT. de Constantinople). Mais il a dû attendre
    10 ans pour realiser un film a gros budget, car le financement et la
    technologie n'etaient pas disponibles.

    Le budget du film de 18,2 millions de dollars a ete un record en
    Turquie, mais il l'a largement amorti, en realisant un chiffre
    d'affaires brut de 40 millions de dollars en Turquie et en Europe,
    a declare M. Aksoy. La foule etait tellement excitee lors d'une
    recente diffusion, qu'elle a hurle " Dieu est grand " alors que les
    Ottomans maniant l'epee escaladaient les murs interdits d'Istanbul
    (Ndt de Constantinople). M. Aksoy a raconte qu'un directeur de cinema
    se demandait s'il devait appeler la police, craignant un combat reel.

    " Nous les Turcs, nous sommes un peuple au sang chaud ", a-t-il dit. "
    Les Turcs sont fiers de la conquete, car elle a non seulement change
    notre histoire, mais elle a aussi change le monde. "

    Mais d'autres mettent en garde contre un chauvinisme culturel dangereux
    a l'~\uvre. Burak Bekdil, un chroniqueur pour le Hurriyet Daily News,
    reflechissait dans un article recent au fait que le temps etait venu de
    faire un film appele La Conquete 1974, celebrant l'invasion turque de
    Chypre, ou L'Extinction 1915, commemorant le genocide de 1,5 million
    d'Armeniens pendant la Première Guerre mondiale. Des menaces de mort
    ont suivi.

    Les critiques ont aussi trouve des defauts au film en raison des
    inexactitudes et des hyperboles, bien que M. Aksoy ait souligne qu'il
    avait employe des specialistes ottomans. Les membres de la Cour du
    dernier empereur Byzantin, Constantin XI, sont depeints comme des
    soûlards hedonistes entoures de danseuses nubiles - parlant le turc
    plutôt que le grec ou le latin. Meme Mehmet II, le Sultan conquerant
    celèbre pour son nez prodigieux, a ete relooke en beau garcon heroïque.

    Alper Turgut, un important critique de film, a deplore cet univers
    unidimensionnel, meme s'il il a loue les ambitions epiques du film. "
    S'ils avaient exagere juste un peu plus, ce serait une comedie absurde
    ", a-t-il dit dans un entretien.

    M. Aksoy s'est declare irrite qu'un film cense distraire soit
    politise. " Demanderiez-vous a Ridley Scott s'il a ete politiquement
    influence ? ", a-t-il demande.

    Les critiques culturels ont note que le soutien religieux du film
    - il y a meme une brève apparition du prophète Mohammed predisant
    que Constantinople serait conquis par les croyants - l'avait rendu
    populaire auprès de la bourgeoisie islamique croissante dans un pays
    qui tourne de plus en plus le dos a l'Europe en crise et regarde
    de plus en plus vers l'est. (Le film a aussi ete loue par quelques
    membres du parti islamique au pouvoir comme une alternative a "
    la mentalite de croises " d'Hollywood.)

    Les conservateurs religieux avaient ete marginalises pendant la
    revolution culturelle laïque entreprise par Ataturk. " Pour la
    première fois, nous voyons cette nouvelle bourgeoisie islamique, ses
    goût et ses m~\urs, se refleter sur les petits et les grands ecrans
    ", a dit M. Turgut.

    Mme Behlil a note que l'apparition d'emissions de television a gros
    budgets et de films depeignant l'ère ottomane doit quelque chose a
    la popularite du pays dans le monde arabe*, introduisant ainsi de
    nouveaux revenus pour les societes de production. L'an dernier, la
    Turquie a ete le plus grand exportateur de feuilletons melo en Europe,
    empochant 70 millions de dollars de revenus.

    Mais c'est dans le pays meme que les series et les films ont un impact
    profond, instruisant une nouvelle generation de Turcs.

    Burak Temir, 24 ans, un acteur germano-turc qui a joue le rôle d'un
    prince dans Il etait une fois les Ottomans " Le Soulèvement ", a
    dit qu'il avait ete intimide au debut par ce rôle, car il ne savait
    pratiquement rien sur cette epoque.

    Afin de le preparer a son rôle, la production lui a fait suivre
    un crash-course sur les manières ottomanes, y compris apprendre a
    monter a cheval, se battre a l'epee, utiliser un arc et des flèches
    et gonfler sa poitrine. Meme lorsqu'il ne tourne pas, il porte la
    barbe comme le sultan et des pantalons serres de style ottoman. "
    Cela me rend fier d'etre turc ", a-t-il dit.

    ©Traduction de l'anglais C.Gardon pour le Collectif VAN - 5 novembre
    2012 - 06:30 - www.collectifvan.org

    *Nota CVAN : le monde arabe a beaucoup souffert du joug turc-ottoman
    et n'est pas aussi enthousiaste que le laisse entendre l'article.

    L'OrientLeJour nous apprend que le film Fetih 1453 a provoque au
    Liban la colère de jeunes Chretiens orthodoxes qui ont lance une
    violente campagne contre le film sous pretexte qu'il " inciterait aux
    dissensions sectaires et diffuserait un climat general favorable a la
    discorde confessionnelle ", attisant ainsi le conflit islamo-chretien.

    De fait, pour ne pas alimenter la polemique dans un pays deja trouble,
    le distributeur a renonce a diffuser le film.

    Lire aussi:

    Un film turc bloque par la censure

    "La conquete, 1453", galvanise les Turcs... pas les historiens

    Les Turcs debarquent en Egypte

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    Source/Lien : The New York Times

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