PROCES SEVIMLI : APPEL DU GIT FRANCE POUR LES ETUDIANTS EMPRISONNES EN TURQUIE
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=68676
Publié le : 07-11-2012
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
présente cet appel du GIT France (Groupe de travail international)
pour les étudiants emprisonnés en Turquie publié le 2 novembre 2012.
DHA photo
GIT France
Vendredi 2 novembre 2012
Appel pour les étudiants emprisonnés en Turquie
1er novembre 2012
Sevil Sevimli en instance de jugement en Turquie pour Â" collusion
avec une organisation terroriste Â"
Le GIT France est pleinement mobilisé sur le cas emblématique de
Sevil Sevimli, innocente du crime qu'on lui impute. L'issue de son
procès, le 19 novembre a Bursa, sera un test pour la démocratie en
Turquie et la situation de la liberté de recherche et d'enseignement
dans ce pays.
Le sort de l'étudiante de l'Université Lyon II Sevil Sevimli,
actuellement inculpée de Â" collusion avec une organisation terroriste
Â" (sic), libérée conditionnellement après trois mois de détention
particulièrement éprouvante pour une jeune fille de santé fragile,
interdite de quitter la Turquie, soumise aux délais démesurés des
procès politiques turcs, est emblématique de la situation tragique de
la liberté de recherche et d'enseignement en Turquie. Â" Plus de 600
étudiants et un millier de lycéens ont été arrêtés ces derniers
mois pour leur proximité avec les milieux de gauche. Des centaines
d'autres ont fait l'objet d'enquêtes ou d'exclusions, de tracasseries
administratives pour leurs idées politiques supposées Â", souligne
le correspond du Monde, Guillaume Perrier (avec Richard Schittly a
Lyon, Â" Le désarroi de la famille de Sevil, étudiante lyonnaise
détenue pour terrorisme en Turquie Â", Le Monde, 27 juin 2012).
Innocente des charges criminelles qui lui sont imputées, Sevil
Sevimli symbolise le destin de ces jeunes de Turquie arrêtés pour
Â" terrorisme Â", emprisonnés dans l'attente de jugements sans cesse
repoussés, chassés de leur lycée ou de leur université, isolés de
leur famille et de leurs amis, soumis aux conditions carcérales les
plus dures, et dont le seul crime est d'avoir réclamé de meilleures
conditions d'enseignement, la gratuité des études, la fin de la
censure sur les contenus d'enseignement et les sujets de la recherche,
ou bien d'avoir assisté a des concerts, apposés des affiches pour
des réunions publiques, ... bref d'être des étudiants comme les
autres, de vivre leur jeunesse, d'agir pour un monde meilleur.
Le gouvernement et l'Etat ont décidé d'en faire au contraire les
otages d'une politique répressive des libertés publiques, civiles
et intellectuelles, les exemples d'une entreprise délibérée de
terreur exercée sur les esprits libres et les détenteurs du savoir
indépendant en Turquie. On ne peut exclure non plus que le pouvoir
islamo-conservateur ait décidé, avec Sevil Sevimli, de faire pression
sur le nouveau président élu en France après l'épisode du vote
de la loi pénalisant le négationnisme. Voire de s'attaquer a une
citoyenne turque autant que francaise et européenne et originaire
de surcroît de la minorité alévie, autant de critères suspects
voire condamnables pour l'idéologie islamo-nationaliste.
Le Groupe international de travail GIT Â" Liberté de recherche et
d'enseignement en Turquie Â" et son antenne en France lancent un
appel en faveur d'une nouvelle mobilisation pour Sevil Sevimli, les
étudiants turcs emprisonnés et leurs enseignants persécutés. Cette
initiative exprime les principes et les intentions du GIT dans sa
déclaration inaugurale du 21 novembre 2011.
Â" Ce groupe international de travail réalisera une veille
documentaire sur tous les faits relatifs a la situation des
chercheurs, universitaires, étudiants, éditeurs, traducteurs
persécutés. Il travaillera a la connaissance de l'exercice de
la liberté d'expression, de la libre circulation des informations
critiques ou non conventionnelles, et de la liberté d'engagement et
d'association en Turquie, exercice qui conditionne l'existence de ces
libertés plus spécifiques mais néanmoins essentielles de recherche
et d'enseignement. Il examinera les processus de construction de la
démocratie et les blocages auxquels se heurte la démocratisation en
Turquie, historiquement et dans un contexte international renouvelé
avec les révolutions du Â" printemps arabe Â". Il se propose aussi de
constituer une plate-forme d'information, exposant notamment l'ampleur
de l'actuelle répression intellectuelle en Turquie, ou bien le sort
personnel des collègues menacés ou emprisonnés, ou encore les
questions juridiques, politiques, économiques, sociales relatives
au processus de démocratisation. Les faits concernant le monde de
la recherche et de l'enseignement en Turquie seront confrontés a la
situation générale des libertés intellectuelles et publiques dans
ce pays mais aussi a des cas similaires ayant affecté ou affectant
d'autres pays et, in fine, aux enjeux scientifiques et universitaires
dans le monde. Â"
Avec l'affaire Sevil Sevimli, le GIT constate l'intensification des
menaces exercées contre la liberté de recherche et d'enseignement
en Turquie, l'instrumentalisation de la justice a des fins de terreur
politique et de répression sociale, la répression des droits civiques
et des principes démocratiques. Le GIT s'emploie a documenter cette
réalité, a en révéler la gravité et a mobiliser les chercheurs
du monde entier en faveur des universitaires, étudiants, éditeurs,
traducteurs persécutés en Turquie. Il constate combien le cas de
l'étudiante franco-turque mobilise les communautés scientifiques
et académiques, a commencer par celle de son Université de Lyon
II représentée par le président Jean-Luc Mayaud dont l'action est
a saluer.
***********
Ã~Bgée de 19 ans, en séjour Erasmus a l'université Anadolu
d'Eskisehir, Sevil Sevimli a été arrêtée dans cette ville le
10 mai 2012 a l'aube, au cours d'une rafle visant l'organisation de
gauche radicale DHKP-C.
Sous le coup d'une accusation de Â" collusion avec une organisation
terroriste Â", elle a été aussitôt incarcérée a l'issue de sa
garde a vue. Comme l'a montré l'historien Etienne Copeaux sur son
site Susam Sokak, les premières dépêches d'agence ont relayé la
position officielle des autorités faisant état de Â" soupcons de
liens avec un mouvement clandestin d'extrême-gauche qui figure sur
la liste des organisations terroristes de l'Union européenne [...] a
l'origine de nombreux attentats contre l'Etat turc qui ont fait des
dizaines de morts depuis 1976 Â" (cf. lefigaro.fr et leprogres.fr,
8 juin 2012).
Cette présentation d'une étudiante complice d'organisation terrorise
a néanmoins été rapidement infirmée dans la presse francaise
et internationale.
Un élément décisif a été la rapide mise au point du président
de l'Université de Lyon II, l'historien Jean-Luc Mayaud. Le 14 juin,
il recevait la famille de Sevil Sevimli et des représentants de
son comité de soutien, et il s'exprima publiquement au sujet de
l'étudiante de son université : Â" Sevil Sevimli, étudiante en
troisième année de licence information - communication, admise a
bénéficier d'une mobilité dans le cadre du dispositif européen
Erasmus avec l'Université partenaire Anadolu a Eskisehir (Turquie),
est incarcérée depuis le 10 mai 2012 en ce pays, sous un chef
d'inculpation gravissime (il est question de "terrorisme") que rien,
absolument rien, ne vient étayer. Jusqu'a preuve du contraire, une
participation a un concert public et autorisé, le rassemblement de
coupures de journaux et la possession d'ouvrages (en lien avec sa
formation universitaire) ne peuvent justifier d'une incarcération.
Nous apportons un soutien sans réserve a la famille et aux proches
de Sevil, étudiante exemplaire, que notre Université s'honore de
former[...]. Â"
Sevil Sevimli, ses défenseurs et l'opinion publique demeuraient dans
l'ignorance des faits ayant motivé cette arrestation dans un cadre
antiterroriste. La loi anti-terreur interdit en effet la divulgation
des charges des inculpés et permet la poursuite de tous ceux -
y compris avocats - qui enfreindraient cette censure. L'avocat de
Sevil Sevimli, Engin Gökoglun déclara cependant a leur sujet : Â"
Les faits qui lui sont reprochés ne tombent pas sous le coup de la
loi. [...] D'après les critères de la Cour européenne des droits
de l'Homme, le maintien du secret sur ce dossier durant l'enquête,
ainsi que la manière dont on a procédé aux interrogatoires en
cours de détention sont contraires aux droits de l'Homme. Nous avons
examiné toutes les charges alléguées et il est clair que l'ensemble
des faits concernés sont du ressort d'activités entièrement légales
et démocratiques Â", insista le défenseur.
On apprit alors que les faits reprochés a Sevil Sevimli relevaient
des occupations habituelles d'une étudiante franco-turque découvrant
le pays de ses parents et vivant l'existence de toute étudiante de sa
génération, de par le monde, intéressée par les affaires publiques
et la vie culturelle. Son avocat insista sur la vacuité des charges
l'accablant de Â" terrorisme Â" : Â" 1. "Assister a la projection du
documentaire Damında Sahan Guler Zere" : le ministre des affaires
étrangères Ahmet Davutoglu avait déclaré a l'époque : "Guler Zere
est notre fille". Elle a été atteinte du cancer alors qu'elle était
en prison, où elle n'a pas pu être soignée. Alors qu'elle était
mourante, le président de la république l'a amnistiée. Elle est
décédée en liberté. Le documentaire ne comporte absolument rien
qui soit condamnable au regard de la loi. 2. "Placarder une affiche
réclamant la gratuité de l'enseignement". Si cet acte peut être
blâmable, il n'est pas en soi délictueux. Tant que l'affiche en
question ne contient rien de répréhensible, on ne peut admettre que
cet acte le soit. 3. "Assister a un concert du groupe Yorum" a Istanbul
: le 15 avril 2012, ce concert s'est produit devant un public estimé
a 350 000 personnes. Ces gens venaient de toutes les catégories de la
population, pour répondre a "un appel pour la Turquie indépendante".
On ne peut comprendre que la participation a un événement artistique
soit érigée en un fait délictueux et condamnable. 4. "Participer a
la fête officielle du Premier-Mai" : Ce jour du Premier-Mai, dans la
plupart des pays du monde, est la Fête du travail et des travailleurs.
Désormais [en Turquie], ce jour est devenu également une fête
officielle et chacun peut y participer librement. 5. "Participer a
un pique-nique précédant la fête du Premier-Mai" : il n'y a pas de
preuve que des délits aient été commis au cours de ce pique-nique
organisé par les étudiants.
Une forte mobilisation s'en est suivie en France, au sein des
universités lyonnaises particulièrement, et au niveau national
tant sur des sites spécialisés (Turquie européenne, Susam Sokak)
que par Le Monde qui a consacré sa une et son éditorial a cette
affaire (Â" Quel crime a commis Sevil Sevimli, M. Erdogan ? Â")
ainsi que plusieurs reportages de son correspondant en Turquie. Un
comité de soutien a été créé (Â" Libérez Sevil Sevimli ! Â",
et une pétition efficacement relayée par Turquie européenne a
réuni près de 135 000 signataires (fin octobre 2012). Les autorités
francaises ont été interpellées.
Cette mobilisation a contribué a briser l'isolement autour
de Sevil Sevimli et a placer les autorités turques sous une
forte pression. Le 7 aoÃ"t 2012, l'étudiante a été libérée
conditionnellement et soumise a un strict contrôle judiciaire avec
interdiction de quitter la ville d'Eskisehir. Trois jours plus tard
s'ouvrait devant la 6e Cour pénale de Bursa la première audience
de son procès. Les juges adoptèrent l'acte d'accusation préparé
par le procureur a l'encontre de Sevil Sevimli et ses co-accusées,
requérant contre elle et eux 32 ans et demi d'emprisonnement pour Â"
participation a la direction d'un mouvement [illégal] Â". Le tribunal
de Bursa valida l'acte des accusations dressé contre l'étudiante
(participation a une cérémonie commémorative sur la sépulture
d'Ali Yıldız au cimetière de Gazi ; diffusion de la revue Yuruyus
; vente de billets pour le concert du Groupe Yorum ; rencontre avec
des dirigeants du syndicat Egitim-Sen d'Eskisehir pour organiser la
projection du documentaire Damında Sahan Guler Zere ; apposition
d'affiches revendiquant la gratuité de l'enseignement ; apposition
d'une affiche appelant au rassemblement sur la place de Taksim le
1er mai, dans l'enceinte du restaurant universitaire d'Eskisehir).
Une nouvelle audience de son procès s'est tenue le 26 septembre.
L'avant-veille, le président de Lyon II a diffusé un nouveau
communiqué en défense de l'étudiante (voir plus bas). A l'issue
de l'audience, le contrôle judiciaire a été assoupli, mais Sevil
Sevimli, qui a interdiction de revenir en France, reste toujours
passible de 32 ans d'emprisonnement. Le jugement définitif doit
être rendu le 19 novembre prochain, a moins d'un nouvel ajournement
de son procès.
Annexe. Soutien a Sevil Sevimli - Communiqué de presse de la
Présidence de l'Université de Lyon II, le 24 septembre 2012
Retour a la rubrique
Source/Lien : GIT France
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Publié le : 07-11-2012
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présente cet appel du GIT France (Groupe de travail international)
pour les étudiants emprisonnés en Turquie publié le 2 novembre 2012.
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GIT France
Vendredi 2 novembre 2012
Appel pour les étudiants emprisonnés en Turquie
1er novembre 2012
Sevil Sevimli en instance de jugement en Turquie pour Â" collusion
avec une organisation terroriste Â"
Le GIT France est pleinement mobilisé sur le cas emblématique de
Sevil Sevimli, innocente du crime qu'on lui impute. L'issue de son
procès, le 19 novembre a Bursa, sera un test pour la démocratie en
Turquie et la situation de la liberté de recherche et d'enseignement
dans ce pays.
Le sort de l'étudiante de l'Université Lyon II Sevil Sevimli,
actuellement inculpée de Â" collusion avec une organisation terroriste
Â" (sic), libérée conditionnellement après trois mois de détention
particulièrement éprouvante pour une jeune fille de santé fragile,
interdite de quitter la Turquie, soumise aux délais démesurés des
procès politiques turcs, est emblématique de la situation tragique de
la liberté de recherche et d'enseignement en Turquie. Â" Plus de 600
étudiants et un millier de lycéens ont été arrêtés ces derniers
mois pour leur proximité avec les milieux de gauche. Des centaines
d'autres ont fait l'objet d'enquêtes ou d'exclusions, de tracasseries
administratives pour leurs idées politiques supposées Â", souligne
le correspond du Monde, Guillaume Perrier (avec Richard Schittly a
Lyon, Â" Le désarroi de la famille de Sevil, étudiante lyonnaise
détenue pour terrorisme en Turquie Â", Le Monde, 27 juin 2012).
Innocente des charges criminelles qui lui sont imputées, Sevil
Sevimli symbolise le destin de ces jeunes de Turquie arrêtés pour
Â" terrorisme Â", emprisonnés dans l'attente de jugements sans cesse
repoussés, chassés de leur lycée ou de leur université, isolés de
leur famille et de leurs amis, soumis aux conditions carcérales les
plus dures, et dont le seul crime est d'avoir réclamé de meilleures
conditions d'enseignement, la gratuité des études, la fin de la
censure sur les contenus d'enseignement et les sujets de la recherche,
ou bien d'avoir assisté a des concerts, apposés des affiches pour
des réunions publiques, ... bref d'être des étudiants comme les
autres, de vivre leur jeunesse, d'agir pour un monde meilleur.
Le gouvernement et l'Etat ont décidé d'en faire au contraire les
otages d'une politique répressive des libertés publiques, civiles
et intellectuelles, les exemples d'une entreprise délibérée de
terreur exercée sur les esprits libres et les détenteurs du savoir
indépendant en Turquie. On ne peut exclure non plus que le pouvoir
islamo-conservateur ait décidé, avec Sevil Sevimli, de faire pression
sur le nouveau président élu en France après l'épisode du vote
de la loi pénalisant le négationnisme. Voire de s'attaquer a une
citoyenne turque autant que francaise et européenne et originaire
de surcroît de la minorité alévie, autant de critères suspects
voire condamnables pour l'idéologie islamo-nationaliste.
Le Groupe international de travail GIT Â" Liberté de recherche et
d'enseignement en Turquie Â" et son antenne en France lancent un
appel en faveur d'une nouvelle mobilisation pour Sevil Sevimli, les
étudiants turcs emprisonnés et leurs enseignants persécutés. Cette
initiative exprime les principes et les intentions du GIT dans sa
déclaration inaugurale du 21 novembre 2011.
Â" Ce groupe international de travail réalisera une veille
documentaire sur tous les faits relatifs a la situation des
chercheurs, universitaires, étudiants, éditeurs, traducteurs
persécutés. Il travaillera a la connaissance de l'exercice de
la liberté d'expression, de la libre circulation des informations
critiques ou non conventionnelles, et de la liberté d'engagement et
d'association en Turquie, exercice qui conditionne l'existence de ces
libertés plus spécifiques mais néanmoins essentielles de recherche
et d'enseignement. Il examinera les processus de construction de la
démocratie et les blocages auxquels se heurte la démocratisation en
Turquie, historiquement et dans un contexte international renouvelé
avec les révolutions du Â" printemps arabe Â". Il se propose aussi de
constituer une plate-forme d'information, exposant notamment l'ampleur
de l'actuelle répression intellectuelle en Turquie, ou bien le sort
personnel des collègues menacés ou emprisonnés, ou encore les
questions juridiques, politiques, économiques, sociales relatives
au processus de démocratisation. Les faits concernant le monde de
la recherche et de l'enseignement en Turquie seront confrontés a la
situation générale des libertés intellectuelles et publiques dans
ce pays mais aussi a des cas similaires ayant affecté ou affectant
d'autres pays et, in fine, aux enjeux scientifiques et universitaires
dans le monde. Â"
Avec l'affaire Sevil Sevimli, le GIT constate l'intensification des
menaces exercées contre la liberté de recherche et d'enseignement
en Turquie, l'instrumentalisation de la justice a des fins de terreur
politique et de répression sociale, la répression des droits civiques
et des principes démocratiques. Le GIT s'emploie a documenter cette
réalité, a en révéler la gravité et a mobiliser les chercheurs
du monde entier en faveur des universitaires, étudiants, éditeurs,
traducteurs persécutés en Turquie. Il constate combien le cas de
l'étudiante franco-turque mobilise les communautés scientifiques
et académiques, a commencer par celle de son Université de Lyon
II représentée par le président Jean-Luc Mayaud dont l'action est
a saluer.
***********
Ã~Bgée de 19 ans, en séjour Erasmus a l'université Anadolu
d'Eskisehir, Sevil Sevimli a été arrêtée dans cette ville le
10 mai 2012 a l'aube, au cours d'une rafle visant l'organisation de
gauche radicale DHKP-C.
Sous le coup d'une accusation de Â" collusion avec une organisation
terroriste Â", elle a été aussitôt incarcérée a l'issue de sa
garde a vue. Comme l'a montré l'historien Etienne Copeaux sur son
site Susam Sokak, les premières dépêches d'agence ont relayé la
position officielle des autorités faisant état de Â" soupcons de
liens avec un mouvement clandestin d'extrême-gauche qui figure sur
la liste des organisations terroristes de l'Union européenne [...] a
l'origine de nombreux attentats contre l'Etat turc qui ont fait des
dizaines de morts depuis 1976 Â" (cf. lefigaro.fr et leprogres.fr,
8 juin 2012).
Cette présentation d'une étudiante complice d'organisation terrorise
a néanmoins été rapidement infirmée dans la presse francaise
et internationale.
Un élément décisif a été la rapide mise au point du président
de l'Université de Lyon II, l'historien Jean-Luc Mayaud. Le 14 juin,
il recevait la famille de Sevil Sevimli et des représentants de
son comité de soutien, et il s'exprima publiquement au sujet de
l'étudiante de son université : Â" Sevil Sevimli, étudiante en
troisième année de licence information - communication, admise a
bénéficier d'une mobilité dans le cadre du dispositif européen
Erasmus avec l'Université partenaire Anadolu a Eskisehir (Turquie),
est incarcérée depuis le 10 mai 2012 en ce pays, sous un chef
d'inculpation gravissime (il est question de "terrorisme") que rien,
absolument rien, ne vient étayer. Jusqu'a preuve du contraire, une
participation a un concert public et autorisé, le rassemblement de
coupures de journaux et la possession d'ouvrages (en lien avec sa
formation universitaire) ne peuvent justifier d'une incarcération.
Nous apportons un soutien sans réserve a la famille et aux proches
de Sevil, étudiante exemplaire, que notre Université s'honore de
former[...]. Â"
Sevil Sevimli, ses défenseurs et l'opinion publique demeuraient dans
l'ignorance des faits ayant motivé cette arrestation dans un cadre
antiterroriste. La loi anti-terreur interdit en effet la divulgation
des charges des inculpés et permet la poursuite de tous ceux -
y compris avocats - qui enfreindraient cette censure. L'avocat de
Sevil Sevimli, Engin Gökoglun déclara cependant a leur sujet : Â"
Les faits qui lui sont reprochés ne tombent pas sous le coup de la
loi. [...] D'après les critères de la Cour européenne des droits
de l'Homme, le maintien du secret sur ce dossier durant l'enquête,
ainsi que la manière dont on a procédé aux interrogatoires en
cours de détention sont contraires aux droits de l'Homme. Nous avons
examiné toutes les charges alléguées et il est clair que l'ensemble
des faits concernés sont du ressort d'activités entièrement légales
et démocratiques Â", insista le défenseur.
On apprit alors que les faits reprochés a Sevil Sevimli relevaient
des occupations habituelles d'une étudiante franco-turque découvrant
le pays de ses parents et vivant l'existence de toute étudiante de sa
génération, de par le monde, intéressée par les affaires publiques
et la vie culturelle. Son avocat insista sur la vacuité des charges
l'accablant de Â" terrorisme Â" : Â" 1. "Assister a la projection du
documentaire Damında Sahan Guler Zere" : le ministre des affaires
étrangères Ahmet Davutoglu avait déclaré a l'époque : "Guler Zere
est notre fille". Elle a été atteinte du cancer alors qu'elle était
en prison, où elle n'a pas pu être soignée. Alors qu'elle était
mourante, le président de la république l'a amnistiée. Elle est
décédée en liberté. Le documentaire ne comporte absolument rien
qui soit condamnable au regard de la loi. 2. "Placarder une affiche
réclamant la gratuité de l'enseignement". Si cet acte peut être
blâmable, il n'est pas en soi délictueux. Tant que l'affiche en
question ne contient rien de répréhensible, on ne peut admettre que
cet acte le soit. 3. "Assister a un concert du groupe Yorum" a Istanbul
: le 15 avril 2012, ce concert s'est produit devant un public estimé
a 350 000 personnes. Ces gens venaient de toutes les catégories de la
population, pour répondre a "un appel pour la Turquie indépendante".
On ne peut comprendre que la participation a un événement artistique
soit érigée en un fait délictueux et condamnable. 4. "Participer a
la fête officielle du Premier-Mai" : Ce jour du Premier-Mai, dans la
plupart des pays du monde, est la Fête du travail et des travailleurs.
Désormais [en Turquie], ce jour est devenu également une fête
officielle et chacun peut y participer librement. 5. "Participer a
un pique-nique précédant la fête du Premier-Mai" : il n'y a pas de
preuve que des délits aient été commis au cours de ce pique-nique
organisé par les étudiants.
Une forte mobilisation s'en est suivie en France, au sein des
universités lyonnaises particulièrement, et au niveau national
tant sur des sites spécialisés (Turquie européenne, Susam Sokak)
que par Le Monde qui a consacré sa une et son éditorial a cette
affaire (Â" Quel crime a commis Sevil Sevimli, M. Erdogan ? Â")
ainsi que plusieurs reportages de son correspondant en Turquie. Un
comité de soutien a été créé (Â" Libérez Sevil Sevimli ! Â",
et une pétition efficacement relayée par Turquie européenne a
réuni près de 135 000 signataires (fin octobre 2012). Les autorités
francaises ont été interpellées.
Cette mobilisation a contribué a briser l'isolement autour
de Sevil Sevimli et a placer les autorités turques sous une
forte pression. Le 7 aoÃ"t 2012, l'étudiante a été libérée
conditionnellement et soumise a un strict contrôle judiciaire avec
interdiction de quitter la ville d'Eskisehir. Trois jours plus tard
s'ouvrait devant la 6e Cour pénale de Bursa la première audience
de son procès. Les juges adoptèrent l'acte d'accusation préparé
par le procureur a l'encontre de Sevil Sevimli et ses co-accusées,
requérant contre elle et eux 32 ans et demi d'emprisonnement pour Â"
participation a la direction d'un mouvement [illégal] Â". Le tribunal
de Bursa valida l'acte des accusations dressé contre l'étudiante
(participation a une cérémonie commémorative sur la sépulture
d'Ali Yıldız au cimetière de Gazi ; diffusion de la revue Yuruyus
; vente de billets pour le concert du Groupe Yorum ; rencontre avec
des dirigeants du syndicat Egitim-Sen d'Eskisehir pour organiser la
projection du documentaire Damında Sahan Guler Zere ; apposition
d'affiches revendiquant la gratuité de l'enseignement ; apposition
d'une affiche appelant au rassemblement sur la place de Taksim le
1er mai, dans l'enceinte du restaurant universitaire d'Eskisehir).
Une nouvelle audience de son procès s'est tenue le 26 septembre.
L'avant-veille, le président de Lyon II a diffusé un nouveau
communiqué en défense de l'étudiante (voir plus bas). A l'issue
de l'audience, le contrôle judiciaire a été assoupli, mais Sevil
Sevimli, qui a interdiction de revenir en France, reste toujours
passible de 32 ans d'emprisonnement. Le jugement définitif doit
être rendu le 19 novembre prochain, a moins d'un nouvel ajournement
de son procès.
Annexe. Soutien a Sevil Sevimli - Communiqué de presse de la
Présidence de l'Université de Lyon II, le 24 septembre 2012
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