OUGHTASAR : LES PETROGLYPHES D'ARMENIE
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=68971
Publie le : 16-11-2012
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
presente un article traduit le 6 novembre 2012 par Georges Festa
pour le site "Armenian Trends - Mes Armenies", d'après un article en
anglais publie sur le site Haytoug.
© Raffi Kojian, 2006 / www.armeniapedia.org
lundi 12 novembre 2012
Oughtasar : les petroglyphes d'Armenie
par Maro Siranosian
Haytoug, 06.12.2011
Les petroglyphes, ou gravures rupestres, d'Oughtasar se retrouvent
partout a Erevan ; ciseles sur des bijoux en argent, peints sur
des tasses de cafe, reproduits dans la poterie artisanale et
ornant les murs des cafes. Atteindre les veritables petroglyphes
d'Oughtasar (" ought " signifiant chameau et " sar " montagne,
du fait de la ressemblance de ses cimes aux bosses d'un chameau)
relève quelque peu de la gageure, ce qui, a l'instar de la plupart
des sites remarquables en Armenie, compose pour moitie l'interet et
la curiosite de l'excursion.
Situe sur la chaîne montagneuse du Siounik, a une trentaine de
kilomètres de Sissian, au sud de l'Armenie, les petroglyphes ne sont
accessibles que par une côte escarpee a bord d'un UAZ de l'epoque
sovietique. UAZ signifiant Ulyanovsky Avtomobilny Zavod, l'Usine
d'Automobiles d'Ulyanovsk, où ce robuste vehicule tout-terrain est
fabrique. Ce trekking a travers la montagne, c'est comme faire 200
fois le circuit d'Indiana Jones a Disneyland, sans s'arreter. Votre
chauffeur armenien, a la fois menu et modeste, se transformera en un
pilote d'exception tenant la barre, man~\uvrant avec aisance parmi les
fosses et sur de larges pierres, tandis que vous sursautez a l'arrière
de l'UAZ, en essayant desesperement de capter un peu de ce paysage
virginal sans trop vous heurter la tete contre la vitre. Arrive un
moment où, passee la première heure a bord, vous n'avez d'autre choix
que de sortir du vehicule et poursuivre a pied, la route devenant trop
abrupte, fût-ce pour un UAZ semblable a un tank, pour l'escalader
avec autant de passagers. C'est la partie du voyage où des membres
de votre groupe, peut-etre votre père ou votre mère, commenceront
a maudire le moment où ils ont accepte de vous accompagner ici aux
premières loges ; ce qui, après tout, etait cense etre des vacances.
Après avoir passe le pire et avoir pu remonter a bord du vehicule, ce
n'est plus qu'un court trajet en direction du lac et des petroglyphes
au sommet de la montagne. Au premier abord, ce petit lac glacial et
cristallin vaut le detour, quand bien meme vous n'avez cesse de prendre
des coups : semblable a du verre, refletant a la perfection le ciel
et les sommets environnants, et comptant plus de deux mille fragments
de roches decorees qui s'etendent jusqu'au pied de la montagne. Si
le soleil brille, les roches miroitent avec un chatoiement vert. Les
petroglyphes, que certains font remonter a l'ère paleolithique (12
000 ans avant notre ère), sont sculptes dans des pierres volcaniques
brun sombre ou noir, vestiges d'un volcan eteint.
Bien que le site ait ete decouvert au debut du 20ème siècle, il ne
fut veritablement etudie que durant les annees 1920 et, a nouveau,
a la fin des annees 1960 ; tout n'est pas encore totalement explique
a l'heure actuelle.
Les sculptures sur ces fragments de roches depeignent des scènes de
chasse, une grande variete d'animaux, de spirales, de cercles et de
formes geometriques, et meme de signes du zodiaque. Les recherches
laissent entendre que la region fit office d'habitation temporaire pour
des tribus nomades, d'eleveurs de troupeaux, tandis que les travaux
menes sur les gravures rupestres indiquent qu'ils furent en usage
durant des siècles, les populations des epoques ulterieures ajoutant
leurs propres gravures sur les pierres. D'après les recherches de
Hamlet Martirossian, les pictogrammes d'Oughtasar representent un
système d'ecriture appele " ecriture caprine ".
De nombreux scientifiques estiment que cela est dû au grand nombre
de caprides dessines sur les pierres, mais selon Martirossian, c'est
parce qu'en armenien ancien, les mots " chèvre " et " ecriture " sont
homonymes. Les populations utilisaient ces homonymes pour exprimer
des concepts, via des images. Le concept abstrait d' " ecriture "
(qui peut etre exprime, en armenien ancien, a l'aide de mots tels que
" shar " - arranger, " sarel " - compiler, " tsir " - une ligne)
se reflète dans la representation d'un caprin (" tzar "), car les
mots renvoyant a " ecriture " et " chèvre " ont le meme son. En tant
qu'anglophones, imaginons que nous representions le pronom " you
" avec l'image d'une brebis (" ewe "). Les caprins constituent un
thème recurrent sur les pierres, peut-etre parce que le mot " dig "
en armenien ancien signifie chèvre et est assez proche de " diq ",
l'ancien mot designant des dieux. En combinant des signes abstraits
avec les images d'animaux et de personnages en files horizontales
ou verticales, les graveurs de l'ère prehistorique parvenaient a
transmettre des messages precis.
La veritable beaute d'Oughtasar reside dans sa nature apparemment
intacte. Vous ne trouverez ni vestiges de barbecues (khorovats) près
du lac, ni ordures jonchant les roches ; pas de centre touristique
vendant chopes et cartes postales ; pas de guides vous traquant pour
vous faire ecouter l'histoire des petroglyphes. Vous etes libre de
vous balader dans la montagne et de prendre place parmi ces expressions
graphiques de la Prehistoire, en vous demandant ce qui a bien pu amener
ces anciens Armeniens a escalader des cimes peu hospitalières et y
apposer leur marque. A quelque 3200 mètres au-dessus du niveau de la
mer, l'air est l'un des plus purs que vous respirerez en Armenie, mis
a part l'ascension du Mont Aragats, point culminant de l'Armenie. Du
fait de son elevation, le climat est toujours rude et des parcelles
de neige parsèment la montagne toute l'annee.
Aujourd'hui, ce flanc de montagne accueille chaque annee des
rassemblements et des retraites spirituelles. Entoures des marques de
peuples disparus, les visiteurs modernes prennent part a cette meme
beaute naturelle, cette serenite et ce mystère que le lac a communique,
durant des millenaires.
Lorsque vous atteignez a nouveau Sissian, après avoir litteralement
degringole de la montagne, vous avez l'impression d'etre revenu
d'un voyage dans la lune ou de quelque lieu tout aussi perdu et
hors d'atteinte. L'impression de vous eveiller d'un reve, un reve
dont le paysage sans cesse cahotant vous fera tomber du lit, vous
heurtant parfois le front en route. Vous laissant avec quelques belles
contusions, qui vous aideront a vous en rappeler a l'avenir.
_____________
Source :
http://www.haytoug.org/3275/ughtasar-the-petroglyphs-of-armenia
Traduction : © Georges Festa - 11.2012.
NdT : Signalons l'important ouvrage, recemment paru, de Luc
Hermann, Les Petroglyphes de l'Oughtasar et de Voskehat en Armenie
(Norderstedt, Allemagne : BOD / Books On Demand, 2011, 108 p.),
comptant de nombreuses photos et explications sur la datation et la
signification des petroglyphes (ISBN-13: 978-2810611973).
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Source/Lien : Armenian Trends - Mes Armenies
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=68971
Publie le : 16-11-2012
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
presente un article traduit le 6 novembre 2012 par Georges Festa
pour le site "Armenian Trends - Mes Armenies", d'après un article en
anglais publie sur le site Haytoug.
© Raffi Kojian, 2006 / www.armeniapedia.org
lundi 12 novembre 2012
Oughtasar : les petroglyphes d'Armenie
par Maro Siranosian
Haytoug, 06.12.2011
Les petroglyphes, ou gravures rupestres, d'Oughtasar se retrouvent
partout a Erevan ; ciseles sur des bijoux en argent, peints sur
des tasses de cafe, reproduits dans la poterie artisanale et
ornant les murs des cafes. Atteindre les veritables petroglyphes
d'Oughtasar (" ought " signifiant chameau et " sar " montagne,
du fait de la ressemblance de ses cimes aux bosses d'un chameau)
relève quelque peu de la gageure, ce qui, a l'instar de la plupart
des sites remarquables en Armenie, compose pour moitie l'interet et
la curiosite de l'excursion.
Situe sur la chaîne montagneuse du Siounik, a une trentaine de
kilomètres de Sissian, au sud de l'Armenie, les petroglyphes ne sont
accessibles que par une côte escarpee a bord d'un UAZ de l'epoque
sovietique. UAZ signifiant Ulyanovsky Avtomobilny Zavod, l'Usine
d'Automobiles d'Ulyanovsk, où ce robuste vehicule tout-terrain est
fabrique. Ce trekking a travers la montagne, c'est comme faire 200
fois le circuit d'Indiana Jones a Disneyland, sans s'arreter. Votre
chauffeur armenien, a la fois menu et modeste, se transformera en un
pilote d'exception tenant la barre, man~\uvrant avec aisance parmi les
fosses et sur de larges pierres, tandis que vous sursautez a l'arrière
de l'UAZ, en essayant desesperement de capter un peu de ce paysage
virginal sans trop vous heurter la tete contre la vitre. Arrive un
moment où, passee la première heure a bord, vous n'avez d'autre choix
que de sortir du vehicule et poursuivre a pied, la route devenant trop
abrupte, fût-ce pour un UAZ semblable a un tank, pour l'escalader
avec autant de passagers. C'est la partie du voyage où des membres
de votre groupe, peut-etre votre père ou votre mère, commenceront
a maudire le moment où ils ont accepte de vous accompagner ici aux
premières loges ; ce qui, après tout, etait cense etre des vacances.
Après avoir passe le pire et avoir pu remonter a bord du vehicule, ce
n'est plus qu'un court trajet en direction du lac et des petroglyphes
au sommet de la montagne. Au premier abord, ce petit lac glacial et
cristallin vaut le detour, quand bien meme vous n'avez cesse de prendre
des coups : semblable a du verre, refletant a la perfection le ciel
et les sommets environnants, et comptant plus de deux mille fragments
de roches decorees qui s'etendent jusqu'au pied de la montagne. Si
le soleil brille, les roches miroitent avec un chatoiement vert. Les
petroglyphes, que certains font remonter a l'ère paleolithique (12
000 ans avant notre ère), sont sculptes dans des pierres volcaniques
brun sombre ou noir, vestiges d'un volcan eteint.
Bien que le site ait ete decouvert au debut du 20ème siècle, il ne
fut veritablement etudie que durant les annees 1920 et, a nouveau,
a la fin des annees 1960 ; tout n'est pas encore totalement explique
a l'heure actuelle.
Les sculptures sur ces fragments de roches depeignent des scènes de
chasse, une grande variete d'animaux, de spirales, de cercles et de
formes geometriques, et meme de signes du zodiaque. Les recherches
laissent entendre que la region fit office d'habitation temporaire pour
des tribus nomades, d'eleveurs de troupeaux, tandis que les travaux
menes sur les gravures rupestres indiquent qu'ils furent en usage
durant des siècles, les populations des epoques ulterieures ajoutant
leurs propres gravures sur les pierres. D'après les recherches de
Hamlet Martirossian, les pictogrammes d'Oughtasar representent un
système d'ecriture appele " ecriture caprine ".
De nombreux scientifiques estiment que cela est dû au grand nombre
de caprides dessines sur les pierres, mais selon Martirossian, c'est
parce qu'en armenien ancien, les mots " chèvre " et " ecriture " sont
homonymes. Les populations utilisaient ces homonymes pour exprimer
des concepts, via des images. Le concept abstrait d' " ecriture "
(qui peut etre exprime, en armenien ancien, a l'aide de mots tels que
" shar " - arranger, " sarel " - compiler, " tsir " - une ligne)
se reflète dans la representation d'un caprin (" tzar "), car les
mots renvoyant a " ecriture " et " chèvre " ont le meme son. En tant
qu'anglophones, imaginons que nous representions le pronom " you
" avec l'image d'une brebis (" ewe "). Les caprins constituent un
thème recurrent sur les pierres, peut-etre parce que le mot " dig "
en armenien ancien signifie chèvre et est assez proche de " diq ",
l'ancien mot designant des dieux. En combinant des signes abstraits
avec les images d'animaux et de personnages en files horizontales
ou verticales, les graveurs de l'ère prehistorique parvenaient a
transmettre des messages precis.
La veritable beaute d'Oughtasar reside dans sa nature apparemment
intacte. Vous ne trouverez ni vestiges de barbecues (khorovats) près
du lac, ni ordures jonchant les roches ; pas de centre touristique
vendant chopes et cartes postales ; pas de guides vous traquant pour
vous faire ecouter l'histoire des petroglyphes. Vous etes libre de
vous balader dans la montagne et de prendre place parmi ces expressions
graphiques de la Prehistoire, en vous demandant ce qui a bien pu amener
ces anciens Armeniens a escalader des cimes peu hospitalières et y
apposer leur marque. A quelque 3200 mètres au-dessus du niveau de la
mer, l'air est l'un des plus purs que vous respirerez en Armenie, mis
a part l'ascension du Mont Aragats, point culminant de l'Armenie. Du
fait de son elevation, le climat est toujours rude et des parcelles
de neige parsèment la montagne toute l'annee.
Aujourd'hui, ce flanc de montagne accueille chaque annee des
rassemblements et des retraites spirituelles. Entoures des marques de
peuples disparus, les visiteurs modernes prennent part a cette meme
beaute naturelle, cette serenite et ce mystère que le lac a communique,
durant des millenaires.
Lorsque vous atteignez a nouveau Sissian, après avoir litteralement
degringole de la montagne, vous avez l'impression d'etre revenu
d'un voyage dans la lune ou de quelque lieu tout aussi perdu et
hors d'atteinte. L'impression de vous eveiller d'un reve, un reve
dont le paysage sans cesse cahotant vous fera tomber du lit, vous
heurtant parfois le front en route. Vous laissant avec quelques belles
contusions, qui vous aideront a vous en rappeler a l'avenir.
_____________
Source :
http://www.haytoug.org/3275/ughtasar-the-petroglyphs-of-armenia
Traduction : © Georges Festa - 11.2012.
NdT : Signalons l'important ouvrage, recemment paru, de Luc
Hermann, Les Petroglyphes de l'Oughtasar et de Voskehat en Armenie
(Norderstedt, Allemagne : BOD / Books On Demand, 2011, 108 p.),
comptant de nombreuses photos et explications sur la datation et la
signification des petroglyphes (ISBN-13: 978-2810611973).
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