REVUE DE PRESSE
Galentz ou les tourbillons de la vie
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=84518
La rétrospective des `uvres de Haroutiun Galentz, tirées du musée qui
lui est dédié en Arménie, s'installe dans les Souks de Beyrouth pour
présenter l'artiste à travers sa production, féconde, diversifiée,
magnifique.
L'exposition laisse penser, de prime abord, qu'il s'agit de plusieurs
artistes. Trois, peut-être quatre, un naïf, un caricaturiste, un
fauviste, le dernier se taillant la part du lion. Mais impossible, si
l'on ne le sait pas, de penser qu'un seul peintre peut avoir une
production aussi variée.
Des portraits freudiens (à la manière de Lucian Freud), touchés de
vert, faits à l'huile, aux paysages fauves de l'Arménie, Haroutiun
prouve sa sensibilité artistique en montrant sa perméabilité aux
tendances. Une polyvalence qui le rend singulier, de l'impressionnisme
du Bain des cochons au cubisme d'un de ses autoportraits. Et la
matière importe peu, l'artiste produit des paysages orientaux en
aquarelles aussi parfaits que des ponts imaginaires, au crayon ou au
fusain.
L'exposition retrace cette carrière étonnante qu'il eut des années
1930 à 1960, dans l'ordre chronologique et qui passe par tous les
états. Le cadre intelligent de la galerie Venue des Souks de Beyrouth,
aux contours sobres, crus et nus, met la pleine lumière sur les
`uvres. L'agencement même est impeccable, à l'image de l'autoportrait
à la pipe, dont l'esquisse au crayon se double, dans la perspective de
la salle, par la peinture finale, mettant en exergue le travail et la
construction de l'`uvre dans tout son dynamisme.
Chaque espace, timidement séparé d'un petit pan de mur, présente les
`uvres de Galentz par petits bouts de vie, chacun rythmé par un style,
une fantaisie, reflet d'une époque, d'un lieu, constitutif de cet
artiste tant influencé par son environnement.
Ainsi les années filent le long des murs, suivant les tourmentes de la
vie bousculée de Galentz. Né Haroutiun Harmadayan, orphelin exilé par
le génocide arménien à Alep, il apprend la peinture de son seul
maître, Onnig Avedissian, alors qu'il travaille dans un atelier de
calligraphie. Plus tard, installé à Tripoli, il retrouve ses frères
(si bien représentés sur une toile du même nom) et rencontre Claude
Michelet, un artiste français disparu en 1942, mettant tristement
terme à une forte relation d'amitié entre deux artistes qui
s'inspirèrent et apprirent l'un de l'autre.
Rebondissant, le jeune Galentz s'enrichit de ses voyages, s'installe à
Beyrouth, se nourrit de l'émulation de la ville et change ses
inspirations. Il dessine alors pour le journal En route de la
résistance française. Il excelle à nouveau, cette fois en tant que
caricaturiste, alliant cynisme et poésie. En 1939, Galentz est
l'auteur d'un bas-relief grandiose (exposé au fond de la galerie) pour
l'Exposition mondiale. Il voit alors la reconnaissance publique de son
talent. Il est aimé et actif. Au Liban, il cofonde les Amis des arts,
convaincu des bienfaits d'une solidarités entre les artistes : c'est
la leçon de ses amitiés qu'il veut propager. Il est alors devenu
maître, à l'image de ceux qu'il a adulés et fréquentés.
Son plus grand tournant intervient alors lorsqu'il décide de revenir
dans son Arménie natale, en 1946, malgré sa notoriété au Liban. Il
tombe alors dans l'ombre de l'Union soviétique, repoussé par l'art
soviétique qu'il refuse lui aussi. Étranger accepté au Liban, il
devient étranger dans son propre pays, rejeté par ceux qui n'ont pas
fui. Appauvri, presque indésirable, esseulé, il construit sa maison et
sa vie avec sa femme Amine et son fils Armen. Contre toute attente,
c'est à cette période qu'il peint si gaiement des personnages
pacifiés, pleins de couleurs, avec la sérénité d'un père de famille
accompli. Il se reconnecte dans la fin des années 1950 avec la
vitalité culturelle de son pays par l'intermédiaire de son nouvel ami
et bienfaiteur Artem Alikhanian. L'admiration et la réussite
reviennent. De sa persévérance, il reçoit la popularité qu'il a
toujours désirée dans son pays natal. Après avoir été reconnu dans son
pays d'accueil, il réussit dans son pays d'origine qu'il a toujours
aimé, sans jamais renier sa jeunesse libanaise.
C'est cette double réussite qui fait dire qu'il eut deux vies, deux
visages, deux arts. Mais autant dire qu'il fut simplement complet :
chaque turbulence a fait son art, chaque mouvement a fait son
personnage, chaque toile fait de cette exposition une réussite,
rétrospective fantastique des `uvres de ce peintre talentueux, éteint
d'une crise cardiaque en 1967.
« C'est un génie ! » confie volontiers un compatriote. L'Arménie offre
ici un de ses trésors, partagé volontiers à Beyrouth qui l'a tant
inspiré et où il a vécu les plus belles années de sa vie.
L'exposition itinérante commence ici son voyage et reste ouverte au
public jusqu'au 25 novembre. Le voyage de Galentz n'est donc pas
encore fini, il est appelé à connaître le succès dans bien d'autres
pays.
http://www.lorientlejour.com/category/Culture/article/787986/Galentz_ou_les_tourbillons_de_la_vie.html
dimanche 18 novembre 2012,
Stéphane ©armenews.com
Galentz ou les tourbillons de la vie
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=84518
La rétrospective des `uvres de Haroutiun Galentz, tirées du musée qui
lui est dédié en Arménie, s'installe dans les Souks de Beyrouth pour
présenter l'artiste à travers sa production, féconde, diversifiée,
magnifique.
L'exposition laisse penser, de prime abord, qu'il s'agit de plusieurs
artistes. Trois, peut-être quatre, un naïf, un caricaturiste, un
fauviste, le dernier se taillant la part du lion. Mais impossible, si
l'on ne le sait pas, de penser qu'un seul peintre peut avoir une
production aussi variée.
Des portraits freudiens (à la manière de Lucian Freud), touchés de
vert, faits à l'huile, aux paysages fauves de l'Arménie, Haroutiun
prouve sa sensibilité artistique en montrant sa perméabilité aux
tendances. Une polyvalence qui le rend singulier, de l'impressionnisme
du Bain des cochons au cubisme d'un de ses autoportraits. Et la
matière importe peu, l'artiste produit des paysages orientaux en
aquarelles aussi parfaits que des ponts imaginaires, au crayon ou au
fusain.
L'exposition retrace cette carrière étonnante qu'il eut des années
1930 à 1960, dans l'ordre chronologique et qui passe par tous les
états. Le cadre intelligent de la galerie Venue des Souks de Beyrouth,
aux contours sobres, crus et nus, met la pleine lumière sur les
`uvres. L'agencement même est impeccable, à l'image de l'autoportrait
à la pipe, dont l'esquisse au crayon se double, dans la perspective de
la salle, par la peinture finale, mettant en exergue le travail et la
construction de l'`uvre dans tout son dynamisme.
Chaque espace, timidement séparé d'un petit pan de mur, présente les
`uvres de Galentz par petits bouts de vie, chacun rythmé par un style,
une fantaisie, reflet d'une époque, d'un lieu, constitutif de cet
artiste tant influencé par son environnement.
Ainsi les années filent le long des murs, suivant les tourmentes de la
vie bousculée de Galentz. Né Haroutiun Harmadayan, orphelin exilé par
le génocide arménien à Alep, il apprend la peinture de son seul
maître, Onnig Avedissian, alors qu'il travaille dans un atelier de
calligraphie. Plus tard, installé à Tripoli, il retrouve ses frères
(si bien représentés sur une toile du même nom) et rencontre Claude
Michelet, un artiste français disparu en 1942, mettant tristement
terme à une forte relation d'amitié entre deux artistes qui
s'inspirèrent et apprirent l'un de l'autre.
Rebondissant, le jeune Galentz s'enrichit de ses voyages, s'installe à
Beyrouth, se nourrit de l'émulation de la ville et change ses
inspirations. Il dessine alors pour le journal En route de la
résistance française. Il excelle à nouveau, cette fois en tant que
caricaturiste, alliant cynisme et poésie. En 1939, Galentz est
l'auteur d'un bas-relief grandiose (exposé au fond de la galerie) pour
l'Exposition mondiale. Il voit alors la reconnaissance publique de son
talent. Il est aimé et actif. Au Liban, il cofonde les Amis des arts,
convaincu des bienfaits d'une solidarités entre les artistes : c'est
la leçon de ses amitiés qu'il veut propager. Il est alors devenu
maître, à l'image de ceux qu'il a adulés et fréquentés.
Son plus grand tournant intervient alors lorsqu'il décide de revenir
dans son Arménie natale, en 1946, malgré sa notoriété au Liban. Il
tombe alors dans l'ombre de l'Union soviétique, repoussé par l'art
soviétique qu'il refuse lui aussi. Étranger accepté au Liban, il
devient étranger dans son propre pays, rejeté par ceux qui n'ont pas
fui. Appauvri, presque indésirable, esseulé, il construit sa maison et
sa vie avec sa femme Amine et son fils Armen. Contre toute attente,
c'est à cette période qu'il peint si gaiement des personnages
pacifiés, pleins de couleurs, avec la sérénité d'un père de famille
accompli. Il se reconnecte dans la fin des années 1950 avec la
vitalité culturelle de son pays par l'intermédiaire de son nouvel ami
et bienfaiteur Artem Alikhanian. L'admiration et la réussite
reviennent. De sa persévérance, il reçoit la popularité qu'il a
toujours désirée dans son pays natal. Après avoir été reconnu dans son
pays d'accueil, il réussit dans son pays d'origine qu'il a toujours
aimé, sans jamais renier sa jeunesse libanaise.
C'est cette double réussite qui fait dire qu'il eut deux vies, deux
visages, deux arts. Mais autant dire qu'il fut simplement complet :
chaque turbulence a fait son art, chaque mouvement a fait son
personnage, chaque toile fait de cette exposition une réussite,
rétrospective fantastique des `uvres de ce peintre talentueux, éteint
d'une crise cardiaque en 1967.
« C'est un génie ! » confie volontiers un compatriote. L'Arménie offre
ici un de ses trésors, partagé volontiers à Beyrouth qui l'a tant
inspiré et où il a vécu les plus belles années de sa vie.
L'exposition itinérante commence ici son voyage et reste ouverte au
public jusqu'au 25 novembre. Le voyage de Galentz n'est donc pas
encore fini, il est appelé à connaître le succès dans bien d'autres
pays.
http://www.lorientlejour.com/category/Culture/article/787986/Galentz_ou_les_tourbillons_de_la_vie.html
dimanche 18 novembre 2012,
Stéphane ©armenews.com